Valeur des Tests Cliniques

6. Valeur des Tests Cliniques

J. Rodineau*



L’articulation coxofémorale est une énarthrose très stable comportant un appareil capsulo-ligamentaire résistant et des formations tendinomusculaires puissantes. Elle peut effectuer des mouvements dans tous les plans de l’espace et ceux-ci sont définis par rapport à trois axes : transversal = flexion et extension ; sagittal = abduction et adduction et vertical = rotation externe et rotation interne.

Comme dans toute affection ostéoarticulaire, la clinique demeure prépondérante dans le diagnostic à la condition que l’évaluation comporte les deux éléments suivants [1] :


– l’analyse des symptômes dont se plaint le patient et qui vont suggérer aux cliniciens un certain nombre de diagnostics possibles ;


– la recherche de signes cliniques qui, par leur groupement et leur concordance avec les symptômes, affine la probabilité diagnostique.

Une évaluation clinique précise est particulièrement utile lorsque le praticien soupçonne une atteinte de la hanche et que les clichés de débrouillage sont normaux (encadré 1).


SYMPTOMATOLOGIE DES ATTEINTES DE LA HANCHE


Symptômes généraux

Les symptômes qui doivent attirer l’attention sur l’articulation coxofémorale sont au nombre de 3 [1] : les douleurs, les limitations d’amplitude articulaire et la boiterie.


Douleurs

Dans la majorité des affections de la hanche, les douleurs sont de type mécanique, augmentées par la mise en charge, notamment lors d’activités de la vie quotidienne comme la marche ou l’utilisation des escaliers, le travail ou les sports et sont soulagées par le repos. Une douleur matinale d’une durée d’une demi-heure ou plus, diminuant par la suite pour reprendre en fin de journée, est évocatrice d’une atteinte inflammatoire.



























Douleurs de hanche à radiographie « normale »
Coxarthrose débutante
Ostéonécrose aseptique de la tête fémorale (ONA)
Syndrome douloureux régional complexe (SDRC)
Fractures de fatigue
Tendinopathies et/ou bursites paratrochantériennes
Coxites inflammatoires ou infectieuses latentes
Chondromatose synoviale
Lésions du labrum
Conflit antérieur fémoroacétabulaire (CAFA)
Capsulite rétractile primitive
Tumeurs bénignes ou malignes de petit volume

Cette hypothèse se trouve renforcée lorsque, au cours de l’évolution, la douleur au creux inguinal devient importante même au repos et s’accompagne d’un enraidissement articulaire prolongé, en général au-delà d’une heure. Une douleur aiguë dans la région crurale accompagnée d’un flexum irréductible de la hanche et de la présence de signes généraux (frissons, fièvre) doivent évoquer la possibilité d’une arthrite septique. Une douleur à prédominance nocturne, constante et progressive doit faire entrevoir une pathologie néoplasique, notamment lorsqu’elle s’accompagne d’une atteinte de l’état général.

La localisation des douleurs trouve une explication grâce à deux notions :


– l’origine métamérique de l’articulation : avant tout L3, L4 de façon moindre et L5 exceptionnellement ;


– la situation proximale de l’articulation qui favorise la projection de douleurs issues de l’articulation coxofémorale jusqu’à l’extrémité distale du membre inférieur.

À la racine du membre inférieur où les douleurs peuvent siéger en exclusivité, elles concernent l’aine et/ou la région trochantérienne externe ou postérieure et plus rarement la fesse, près de l’ischion. Les douleurs irradient volontiers vers les faces antérieure ou médiale de la cuisse puis dans le genou qui est parfois le seul site douloureux, et parfois sur le devant de la jambe jusqu’à la face antérieure du cou-de-pied, voire le dessus du pied.

Les conditions d’apparition des douleurs sont variées. La plus significative est incontestablement la douleur pendant la marche. Elle peut parfois entraîner une boiterie ou nécessiter l’utilisation d’une canne du côté opposé. La douleur peut également apparaître après la marche ou lors de gestes et de mouvements qui atteignent ou dépassent les limites normales d’amplitude articulaire.


Limitations d’amplitude

Elles constituent parfois la symptomatologie la plus contributive, notamment lorsqu’elles sont responsables d’une gêne fonctionnelle dans la vie quotidienne : faire sa toilette intime, enfiler ses chaussettes, lacer ses chaussures, emprunter un escalier. Elles nécessitent une exploration appropriée : l’étude des mobilités passives.


Boiterie

Elle peut constituer une symptomatologie très franche, voire prédominante. Elle doit être évaluée au cours de l’examen clinique avec un soin très particulier et une connaissance approfondie de sa signification pour en déterminer l’origine.


Symptômes propres à certaines affections

Dans les différentes lésions ostéoarticulaires de l’articulation coxofémorale, un certain nombre de facteurs de risque et de symptômes doivent être recherchés.

Dans la coxarthrose, les facteurs de risque ont été bien identifiés et doivent être recherchés à l’interrogatoire car ils justifient parfois un traitement spécifique. Ils sont généraux : vieillissement, surcharge pondérale, prédisposition génétique, activités sportives en fonction du niveau de pratique (tableau 1). Ils sont également mécaniques, extrinsèques ou intrinsèques. Parmi ces facteurs, il faut considérer les traumatismes uniques et violents, les microtraumatismes répétés, l’intensité et le niveau de la pratique sportive mais aussi sa précocité susceptible de provoquer l’apparition d’une dysmorphie.
























Tableau 1 Risque relatif de coxarthrose en fonction du sport et du niveau de pratique
Sports Amateurs Professionnels (haut niveau)
Football 1,3 2,3
Courses de longue distance 1,7 2
Sports de raquette 2,4 3,3
Autres sports de piste et de terrain 2,5 3,7

L’utilité de l’interrogatoire a été démontrée par Altman et al. [2] comme le rappelle l’encadré 2.


La symptomatologie de la coxarthrose a été précisée par de nombreux auteurs :


– pour Pelletier et al. [3], la topographie des douleurs peut être variable. La plus caractéristique est la douleur inguinale avec irradiation crurale antérieure alors que la douleur inguinale avec irradiation à la face latérale de la cuisse ou la douleur trochantérienne avec irradiation à la face latérale de la cuisse sont moins fréquentes. Quant à l’intensité des douleurs, ces auteurs considèrent qu’au début, il s’agit d’une douleur insidieuse qui apparaît après une marche ou un exercice physique « forcé » et ne dure que quelques heures à quelques jours. Par la suite, on note une raideur matinale de courte durée, 10 à 20 minutes, ou après une période d’immobilité. Ces symptômes, douleurs et raideur, apparaissent et se développent graduellement ;


– pour Altman et al. [2], les symptômes le plus souvent retrouvés à l’interro gatoire sont : la localisation des douleurs, les douleurs après une marche pro longée, une atteinte de la fonction du membre inférieur, une raideur matinale durant au plus 60 minutes et un terrain familial.

Dans les lésions du labrum, les douleurs sont typiquement inguinales mais parfois trochantériennes, voire fessières. Une irradiation crurale est possible. La gêne fonctionnelle est très variable, parfois majeure. En fait, ce sont surtout des craquements et des pseudoblocages qui évoquent le diagnostic alors que les blocages vrais sont exceptionnels. Il a été souligné [4] la possibilité de douleurs en position assise contrastant avec une marche quasiment normale.

Dans le conflit fémoro-acétabulaire antérieur, la symptomatologie douloureuse est de même type que dans les lésions du labrum : présence de douleurs inguinales, parfois trochantériennes et même fessières [5]. Ces douleurs sont soit vives, en éclair, soit plus sourdes. Des épisodes de craquements et de pseudoblocages, suivis de douleurs de quelques minutes à quelques heures ainsi qu’une sensation d’appréhension et/ou d’inconfort sont parfois notés. Ces symptômes surviennent au cours de certains mouvements de la hanche, variés mais comportant toujours une composante de flexion plus ou moins marquée ou de déflexion (se relever après une station assise prolongée). Toute cette symptomatologie est à rattacher aux gestes multiples de la hanche et à la position assise dans un fauteuil bas [5].

En cas de suspicion de lésion du labrum, Nogier et al. [6] ont insisté sur la nécessité de rechercher un traumatisme de la hanche tel qu’un grand écart, une hyperabduction brutale, un coup de pied retenu ; de noter la pratique sportive, notamment les sports avec mouvements de très grande amplitude tels que la danse, les arts martiaux et les sports de combat de pied et de préciser les antécédents : épiphysiolyse, fracture, etc.

Dans l’ostéonécrose primitive de la tête du fémur, les douleurs sont permanentes, diurnes et nocturnes. Une irradiation dans le genou peut être notée.

Dans la maladie de Legg-Perthes-Calvé, maladie de la tête fémorale et du cartilage épiphysaire qui atteint des enfants, surtout des garçons, âgés de 4 à 12 ans, les symptômes débutent par une phase de douleurs insidieuses, localisées à l’aine, au milieu de la cuisse et au genou, liées aux activités physiques et sportives et s’atténuant au repos et l’apparition progressive, à la fatigue, d’une esquive du temps d’appui du pied au sol, évoluant sur un mode progressif et rarement aigu.

Dans la SNV (synovite villonodulaire), maladie proliférante bénigne de la synoviale, affectant des patients de tous âges, tant hommes que femmes, l’installation des douleurs est progressive mais ces dernières peuvent devenir aiguës, voire intolérables [3] alors que dans les synovites infectieuses, le début des douleurs est habituellement brutal et entraîne une attitude de la hanche en flexion – adduction et rotation externe [1].

Dans les tendino-bursopathies des muscles glutéaux qui sont généralement la conséquence d’un surmenage mécanique, d’un dysfonctionnement articulaire lié à un excès ou à une insuffisance d’antéversion fémorale ou d’une pathologie de l’articulation coxofémorale, les douleurs sont avant tout sus-trochantériennes irradiant à la face latérale de la cuisse. Elles sont de type mécanique, aggravées par la marche, la montée et la descente des escaliers, le passage de la position assise à la position debout. Elles peuvent aussi être nocturnes, en relation avec la pression exercée lors du décubitus latéral homologue. La gêne fonctionnelle est modérée dans la majorité des cas.

Au total, les données de l’interrogatoire permettent d’évoquer un certain nombre d’hypothèses, notamment chez l’adulte (tableau 2).






















Tableau 2 Hypothèses diagnostiques en fonction des données de l’interrogatoire
Données de l’interrogatoire Hypothèses initiales
Âge > 60 ans
Douleurs inguinales
± Irradiations dans les adducteurs
Boiterie/limitation d’amplitude et/ou douleurs
Coxarthrose
Formes subaiguës :


Douleurs inguinales, trochantériennes, maximales en position accroupie


± Ressauts, blocages


± Lâchages du membre inférieur

Forme aiguë :


Douleurs inguinales d’apparition brutale


Résolution rapide (qq. minutes)


Risque de récidive/geste banal


+ Sensation de claquement, craquement suivis d’une aggravation des douleurs


+ Boiterie et limitation d’amplitude
Lésions du labrum
Douleurs inguinales, trochantériennes réveillées par les mouvements de grande amplitude et la position assise basse
Craquements et pseudoblocages
Conflit antérieur fémoro-acétabulaire
Élancement profond et douloureux dans la région inguinale
Douleurs permanentes, diurnes et nocturnes
Irradiation possible dans le genou
Ostéonécrose avasculaire (ONA)
Douleurs trochantériennes sup. et post. irradiant/face latérale de la
cuisse ± jambe, augmentées par le relevé d’une position assise
Montée des escaliers
Décubitus latéral
Tendinobursites péritrochantériennes


EXAMEN CLINIQUE LORS DES ATTEINTES DE L’ARTICULATION COXOFÉMORALE


Examen en position debout

C’est le temps initial de tout examen clinique concernant le rachis, le bassin, la hanche et l’ensemble du membre inférieur. Il doit être effectué sur le malade de dos, de profil, en appui bi- et monopodal.

Au préalable, l’examinateur peut noter la capacité du malade à se lever de son siège sans ou avec l’aide des membres supérieurs. C’est le test de la chaise, non validé en EBM (Evidence-Based Medicine), mais si utile pour dépister les simulateurs. Pendant que le malade enlève ses chaussettes et se déshabille, car il doit être examiné en sous-vêtement ou nu, le clinicien note l’amplitude de la flexion de hanche, les mouvements douloureux ou seulement difficiles à réaliser.

Sur le patient de face : dans un premier temps, on demande au malade de se pencher en avant et en arrière, de s’accroupir et de se redresser. Ces simples gestes permettent d’obtenir une évaluation approximative mais très souvent performante des fonctions de l’articulation coxofémorale.

Pour plus d’informations, il faut observer sur le patient de dos la symétrie ou l’asymétrie des crêtes iliaques et des épines iliaques postéro-inférieures. Le basculement du bassin dans le plan horizontal peut indiquer le raccourcissement d’un membre inférieur.

Sur le patient de profil : il faut rechercher un flexum de hanche et surtout son expression la plus visible : le flexum de genou.


Analyse de la marche

La recherche d’une douleur à la déambulation et surtout d’une boiterie est l’élément fondamental dans l’évocation d’une atteinte de l’articulation coxofémorale ou des structures de voisinage. Une boiterie peut s’observer dans de nombreuses atteintes de la hanche : une coxarthrose, une ostéochondrite disséquante de la tête fémorale… Dans la maladie de Legg-Perthes-Calvé, la boiterie n’apparaît que progressivement, généralement après une phase de début caractérisée par la présence de douleurs s’atténuant au repos. En revanche, dans un conflit antérieur fémoro-acétabulaire, la déambulation est généralement indolore.

La boiterie peut avoir différentes origines dans une atteinte de l’articulation coxofémorale :


– un problème d’amplitude articulaire susceptible d’entraîner un basculement du bassin qui se traduit par une boiterie de Trendelenburg lorsque la hanche portante est en attitude vicieuse d’adduction, ou de Trendelenburg inversé lorsque la hanche portante se place en abduction ;


– un déficit du muscle glutéal moyen responsable d’une inclinaison du tronc vers le côté atteint. À la marche, ce déficit musculaire entraîne une chute de l’hémibassin controlatéral et l’élévation du bassin du côté le plus faible. Le centre de gravité étant en porte-à-faux, le patient lutte contre le basculement du bassin en inclinant le tronc vers le côté paralysé, ce qui a pour effet de limiter la pression sur l’articulation pathologique. Lorsque le déficit moteur est sévère, l’inclinaison du bassin est augmentée de façon considérable et il en résulte une forte accentuation compensatrice de l’inclinaison des épaules. Dans ce cas, la boiterie est réellement marquée, alors qu’elle est plus difficile à repérer dans les déficits modérés. Ce déficit moteur doit être différencié de celui provoqué par une tendino- ou une bursopathie sus-trochantérienne ;


– un déficit du muscle grand glutéal. Le type de boiterie alors généré ne peut être discerné lorsqu’on observe le malade de face mais uniquement de profil ;


– un problème de raccourcissement d’un membre inférieur à la condition qu’il soit supérieur à 2 cm. Un raccourcissement de moindre importance va être compensé par l’obliquité du bassin et ne provoque pas de boiterie à la marche. En revanche, un raccourcissement de plus de 2 cm entraîne un basculement du bassin et du tronc vers le côté le plus court. Le patient doit maintenir le pied en flexion plantaire et ne prendre appui que sur l’avant-pied. Pendant les différentes phases de la marche, le genou et la hanche fléchissent au minimum et si cette façon de marcher ne suffit pas à compenser le raccourcissement, le patient fléchit davantage la hanche et le genou du côté le plus long et incline le tronc vers l’avant lors de l’appui du membre inférieur le plus long. C’est le mouvement de salutation [7] destiné à compenser l’insuffisance d’élan du côté le plus court ;


– une nécessité d’esquive de l’appui douloureux, apparaissant surtout à la marche prolongée, notamment de la montée d’une rue en pente. Elle est liée à la limitation de l’arrière-pas destiné à réduire la douleur provoquée dans cette situation monopodale.

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May 18, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Valeur des Tests Cliniques

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