8. Une consultation de contraception
D. Hassoun
Que sont ces consultations ?
– Une information la plus complète possible sur les contraceptifs.
– Une écoute attentive à ce que vit la femme au moment précis de sa demande en sachant que cette demande peut être différente quelques semaines ou quelques mois plus tard.
Notre propos n’est pas ici de passer en revue indications et contre-indications médicales des contraceptifs mais de donner quelques éléments qui, au cours de la consultation, peuvent aider les femmes ou le couple à comprendre ce qui leur convient le mieux. Il ne s’agit donc pas toujours de prescrire, mais de conseiller, d’informer et d’écouter afin de faire des propositions qui obtiennent l’accord de la patiente ou du couple, ce qui est déterminant si l’on veut obtenir une bonne observance.
Une consultation de contraception implique pour le médecin un regard très direct sur l’intimité, la sexualité, le désir et la relation avec le partenaire. Le médecin est certes un professionnel qu’on espère compétent, mais il est aussi, en dehors de son cadre professionnel, homme, femme, partenaire amoureux, parent et a des convictions religieuses, politiques, éthiques qu’il ne peut laisser totalement à la porte de son cabinet, rendant bien difficile en ces domaines la « neutralité bienveillante » prônée par nos vieux maîtres de la Faculté de médecine.
La relation entre le médecin et la patiente ou le couple dans ce type de consultation sera particulièrement importante pour l’aide qu’elle pourra apporter afin d’aider à :
– choisir une contraception qui correspond à leur vie ;
– comprendre pourquoi la contraception qu’elles avaient pourtant choisie n’est pas bien supportée ou qu’elle a conduit à un échec ;
– mettre au clair ce qui, au travers de la contraception, peut être dit « en plus ».
Le choix d’une méthode de contraception
« Je viens pour la pilule » disent souvent les femmes en entrant dans notre cabinet. Ainsi, la contraception, c’est la pilule dans la parole des femmes, et cela reflète bien ce que l’enquête de l’Ined (Institut national études démographiques) a montré (figure 8.1).
Figure 8.1 Source : Population et Sociétés, n° 381, juillet-aoüt 2002. Reproduit avec autorisation. |
Quelques données
L’utilisation des contraceptifs dépend de la position dans le cycle de vie. La pilule a augmenté à tous les âges, mais surtout chez les plus jeunes sans ou avec un seul enfant. Elle a ralenti sa progression entre 35-39 ans et progressé entre 40-44 ans, ce qui reflète probablement l’utilisation assez fréquente en France des pilules progestatives. Le stérilet reste la contraception des plus âgées et de celles qui ont déjà au moins un enfant. Son utilisation a reculé entre 25 et 34 ans, ce qui peut s’expliquer selon les auteurs par le retard de l’âge de la première maternité si l’on considère que le stérilet est utilisé comme contraception « d’arrêt », c’est-à-dire quand le nombre final d’enfants a été atteint. Il y a donc une forte prévalence contraceptive en France, puisque moins de 5 % des femmes n’utilisent pas de contraception alors qu’elles sont exposées à une grossesse et ne la souhaitent pas.
Informer sur toutes les méthodes
Il existe un arsenal contraceptif (mais s’agit-il vraiment d’une arme ?) relativement large : contraception hormonale par pilule, et plus récemment patch, anneau vaginal, implant ; contraception par stérilet, diaphragme, spermicides, préservatifs ; contraception traditionnelle par le retrait, l’abstinence périodique ou la méthode Billing (étude de la glaire cervicale) ; contraception définitive par stérilisation féminine ou masculine. Parmi les différents éléments à prendre en compte lors d’une consultation de contraception, informer tant sur les méthodes existantes que sur leurs avantages et leurs inconvénients reste le premier temps.
Certaines méthodes sont ainsi rarement mentionnées par le médecin qui juge a priori qu’elles ne peuvent pas convenir. Ainsi, la stérilisation tant masculine que féminine n’est pas considérée comme une contraception sous prétexte qu’il s’agit d’une méthode irréversible. De plus, jusqu’en 2001, elle se trouvait dans un no man’s land juridique qui n’incitait pas les médecins à la proposer ou à la faire. La loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et la contraception de juillet 2001 l’autorise sous la seule condition d’un délai de réflexion de 4 mois entre la demande et l’acte. De plus, des techniques légères comme ESSURE, sans anesthésie générale et en ambulatoire, allègent considérablement la procédure. La vasectomie a de bonnes chances de rester confidentielle si une information auprès des hommes et des couples ne crée pas une demande.
Évaluer les contre-indications par un entretien clinique approfondi
La prescription des contraceptions médicalisées ne peut se faire sans un entretien clinique approfondi afin d’évaluer les possibilités d’utilisation de ces méthodes en fonction des situations à risque.
Pour la contraception hormonale, l’attention se portera sur les antécédents de maladies métaboliques et thrombo-emboliques. L’examen clinique retiendra particulièrement le poids et la pression artérielle. En l’absence d’antécédent, un bilan biologique (cholestérol total, triglycéride, glycémie à jeun) est recommandé 3 à 6 mois après le début du contraceptif et, s’il est normal, renouvelé tous les 5 ans. Il n’est pas nécessaire d’en attendre les résultats pour prescrire le contraceptif. L’examen gynécologique peut être reporté à la consultation suivante, en particulier pour les adolescentes, souvent réticentes à ce type d’examen.
« J’ai arrêté la pilule parce que je fume ». Le tabac est souvent une des raisons invoquées pour expliquer un arrêt de la contraception hormonale sans pour autant qu’une autre contraception ait été envisagée. Si, pour certaines femmes, l’arrêt de la contraception du fait du tabac n’est que le prétexte avancé pour masquer d’autres raisons, dans la plupart des cas, il importe surtout de rectifier des idées fausses sur les risques de l’association tabac et pilule. Tabac et pilule estroprogestative sont chacun, séparément et en association, des facteurs de risque cardiovasculaire, mais ce risque est corrélé avec l’âge et ne représente pas une contre-indication selon l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), quelle que soit l’importance de l’exposition au tabac, chez les moins de 35 ans sans antécédent personnel cardiovasculaire. Au-delà de 35 ans, d’autres méthodes sont à envisager et les pilules progestatives restent possibles. La discussion sur le tabagisme et ses risques en général fait partie de la consultation mais doit être clairement dissociée pour les plus jeunes de la prise de pilule.
Quand la pose d’un stérilet a été décidée, il faut éliminer un antécédent de maladie inflammatoire pelvienne (MIP) qui contre-indique cette contraception. Toute suspicion de facteurs de risque infectieux devra être confirmée ou infirmée par un prélèvement vaginal avec recherche en particulier du Chlamydia trachomatis. L’examen gynécologique doit précéder la pose afin de déterminer la taille et la position de l’utérus. Une patiente vivant mal un examen gynécologique n’est peut-être pas une bonne candidate pour le stérilet.
Informer sur les avantages, les inconvénients, les effets secondaires
Si le premier devoir du médecin est d’informer sur les risques des méthodes et de faire les investigations nécessaires devant une symptomatologie évoquant une origine organique avant de conclure à une intolérance, nous insisterons ici plus volontiers sur des effets secondaires, des craintes et des réticences, qui ne relèvent pas de la pathologie, ne sont pas dangereux pour la santé, mais qui peuvent déranger et rendre la méthode inacceptable.
LES RÈGLES : EN AVOIR OU PAS
« Pensez-vous être gênée ou inquiète de ne pas avoir de règles ou des règles bien moins abondantes que celles que vous avez spontanément ? » « Avoir des saignements peu abondants mais imprévisibles, cela vous semble-t-il acceptable ? »
Les méthodes médicales de contraception modifient les règles. Ainsi, la possibilité de règles plus abondantes avec un stérilet au cuivre ou au contraire moindres avec les pilules voire inexistantes avec le stérilet hormonal ou l’implant doit être discutée. Insister sur les avantages et minimiser les inconvénients fait courir un risque d’abandon rapide de la méthode. Si pour certaines femmes, l’absence ou la diminution des règles est un avantage, pour d’autres cette absence est vécue comme un danger pour leur santé. Pour d’autres encore, seule la survenue des règles les rassure sur l’absence de grossesse et l’efficacité de la méthode. Ainsi, l’implant contraceptif que l’on est tenté de prescrire chez ces jeunes filles qui oublient très régulièrement la pilule a peu de chances d’être gardé si on ne prévient pas des possibilités de spotting ou d’aménorrhée.
LES MODIFICATIONS DU CORPS
« Cette pilule va-t-elle me faire grossir ? » Il y a peu de consultations où la question n’est pas posée. La modification du corps (prise de poids, augmentation du volume des seins) est une inquiétude permanente, en particulier pour les plus jeunes, dans une société où les critères de la beauté restent la minceur voire l’androgénie. Expliquer que ces modifications sont liées à une évolution normale entre 17 et 25 ans et non à la prise d’une pilule peu dosée – dont les études ont largement montré le faible impact sur le poids – ne suffit pas toujours à convaincre.
LE CORPS ÉTRANGER
Les femmes se font parfois l’écho de cette méfiance vis-à-vis du stérilet, « corps étranger qui donne des infections » et qui « n’est pas très efficace ». S’il est bon de lever des idées fausses et de le proposer plus souvent qu’il n’était fait à ce jour, il s’agit aussi d’entendre ces femmes qui expriment très clairement l’impossibilité pour elles d’avoir un corps étranger dans l’utérus au risque d’une intolérance ressentie sous forme de douleur ou de règles jugées trop abondantes.
LE GESTE IMPOSSIBLE
L’anneau vaginal, changé qu’une fois par mois, est un concept contraceptif nouveau et intéressant. Pourtant, certaines patientes tentées par cette méthode leur permettant d’éviter les oublis de pilule le refusent car elles ne peuvent envisager lors de la pose et la dépose de l’anneau de faire elle-même ce geste endovaginal.