Troubles Spécifiques des Apprentissages

7. Troubles Spécifiques des Apprentissages





L’école n’est pas un jeu, chacun est obligé de jouer, et je n’y connais pas l’équivalent de l’esprit sportif qui préserve la dignité du vaincu.

(François Dubet, Les différences à l’école: entre l’égalité et la performance. Colloque de Cerisy, La différence culturelle, Balland, 2001)


NEUROPSYCHOLOGIE ET TROUBLES SPÉCIFIQUES D’APPRENTISSAGE


Nous avons décrit, tout au long de ce livre, les troubles du développement qui, dans un secteur ou l’autre de la cognition, sont susceptibles de donner lieu à des « dys »-fonctionnements: dysphasies, dyspraxies, dysgnosies, syndrome dys-exécutif.

Mais le terme « troubles spécifiques d’apprentissage » fait aussi référence à la série des « dys – », dont le diagnostic est en lien direct avec les exigences du calendrier scolaire: dyslexie(s), dysorthographie(s), dyscalculie(s).

Dans ces cas, en effet, les symptômes, les signes d’appel qui conduisent à proposer une évaluation, sont des symptômes scolaires.

« Les troubles spécifiques des apprentissages rendent compte d’environ la moitié de l’échec scolaire. […] Bien que reconnus comme un handicap dans le DSM-IV et la CIM-10, ils sont insuffisamment dépistés, mal diagnostiqués et très rarement pris en charge de façon adéquate. »

(Billard C. et Zorman M.: Note sur le dépistage des troubles d’apprentissage, 2000.)



B9782294702693500076/u07-310-9782294702693.jpg is missingOr, la représentation que les enseignants se font des causes de l’échec scolaire est bien différente : « l’origine de la grande difficulté scolaire est attribuée par les deux tiers des enseignants1à l’environnement (…) Une minorité (8% des professeurs des écoles, 11% des professeurs de collège) attribue les difficultés à l’élève en tant qu’individu (…) Dans leur ensemble, les enseignants désignent comme principal facteur d’environnement l’absence d’intérêt des familles. »


En outre, malgré des efforts souvent considérables consentis, sur le terrain, par certains enseignants, le travail en équipe pluridisciplinaire reste très difficile, faute de moyens, et ce, même lorsqu’il est explicitement prévu par les textes. Par exemple, même lorsque l’enfant est reconnu porteur d’un handicap et fait l’objet d’un projet personnalisé de scolarisation, aucun temps n’est prévu pour que l’enseignant puisse participer aux synthèses, réunions et concertations organisées entre le secteur soins et le secteur scolaire ; l’enseignant ne bénéficie généralement non plus d’aucune formation, ni même information en ce qui concerne les répercussions prévisibles ou éventuelles du handicap de l’enfant dans le champ des apprentissages scolaires.

B9782294702693500076/u07-311-9782294702693.jpg is missingAttention ! Les termes en dys- désignent soit une pathologie élective dans un domaine cognitif spécifique (dysphasie, dyspraxie, syndrome dys-exécutif), soit un symptôme (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie) dont les causes peuvent être multiples (psychogènes, pédagogiques et/ou médicales). La confusion qui résulte de cette terminologie est à l’origine de nombreux quiproquos, aussi bien entre professionnels qu’avec les parents ou les enfants eux-mêmes: il vaudrait mieux dire « retard ou difficultés d’accès à la lecture » lorsqu’il ne s’agit pas d’un trouble cognitif spécifique et conserver le terme de dys- lorsqu’un diagnostic neuropsychologique a été établi. Malheureusement, l’usage a maintenant figé ces termes.



Exemple : la fièvre est un symptôme qui peut être rapportée à de nombreuses pathologies ou maladies. L’identification du phénomène pathologique responsable de la fièvre (la grippe, un abcès dentaire ou le paludisme) constitue le diagnostic. On peut avoir deux attitudes différentes : traiter la fièvre pour elle-même, avec pour objectif que le patient ait une température normale ou au moins acceptable du point de vue du confort (traitement dit « symptomatique ») ou bien rechercher la cause de la fièvre (diagnostic) et proposer un traitement adapté au diagnostic (évidemment, le traitement sera très différent selon que l’on traite une grippe, un abcès ou un paludisme).

Il en est de même en ce qui concerne ces troubles « scolaires » que sont dyslexie et dyscalculie : des performances très faibles en ces domaines, eu égard aux exigences scolaires, peuvent ressortir de très nombreuses causes, bien souvent imbriquées, et faire l’objet d’un « traitement » symptomatique. Par exemple, pour la lecture, reprendre l’apprentissage plus longuement, prévoir des entraînements supplémentaires à l’enfant, lui proposer un soutien psychologique, etc.

Lorsque le mécanisme initial ou principal du symptôme peut être rapporté à une pathologie neuro-développementale, alors, ces termes désignent un diagnostic et orientent les choix thérapeutiques (généralement en terme de rééducation et/ou réadaptation). Ainsi, pour reprendre l’exemple de la lecture, en fonction du diagnostic neuropsychologique mis à jour, les « traitements » proposés pourront consister (entre autres et selon les cas), en une rééducation orthoptique, un entraînement de la mémoire de travail auditivo-verbale, un travail de l’attention visuelle ou l’achat d’un scanner-lecteur. Ce qui d’ailleurs n’empêche en rien (au contraire), si cela est justifié, de proposer simultanément une aide psychologique ou un accroissement des entraînements.









B9782294702693500076/f07-01-9782294702693.jpg is missing
Fig. 7-1
– Éléments à prendre en compte lors du bilan d’une dyslexie.


Nous supposerons ici que les causes « évidentes » (troubles sensoriels ou moteurs patents, troubles graves de la relation ou des conduites, perturbations psycho-dynamiques intenses, dysphasie sévère) ont été écartées, ou, tout au moins, qu’elles sont considérées comme ne pouvant pas, à elles seules, rendre compte du tableau clinique observé.

Nous n’avons pas la prétention d’être exhaustifs et nous savons combien ces difficultés, chez l’enfant, sont habituellement multi-factorielles. Cependant, la mise en évidence de dysfonctionnements électifs dans tel ou tel sous-secteur de la cognition peut constituer une aide irremplaçable (et complémentaire des autres approches) pour comprendre les compétences/incompétences d’un enfant donné et lui proposer des aides thérapeutiques véritablement ciblées et adaptées.

Plusieurs batteries de tests (Cheminal, 2002) se proposent de répondre, de façon à la fois rapide, ludique et précise à la question du repérage et du dépistage de ces troubles spécifiques des apprentissages (en particulier la dyslexie) et de leur diagnostic.




– La notion de dépistage vise à la mise en évidence de signes prédictifs de telle ou telle pathologie qui ne s’est pas encore dévoilée: on parle ainsi du dépistage de signes qui, en grande section de maternelle, paraissent annoncer une possible dyslexie. Cette démarche implique que soient repérées puis testées certaines compétences ou performances spécifiques qui apparaissent comme des préalables indispensables liés à tel ou tel apprentissage ; l’examen doit alors être proposé systématiquement au sein d’une population tout-venant afin d’y repérer des enfants susceptibles de développer des troubles. Le projet est essentiellement préventif: mise en place de structures, de rééducations, de pédagogies, d’adaptations, etc., spécifiquement pensées pour éviter un trouble à venir.

Certaines de ces batteries prédictives sont plus orientées vers les fonctions linguistiques (ERTL 4, ERTL 62), d’autres sont plus centrées sur l’apprentissage du langage écrit (batterie Zorman3, Inizan4).







B9782294702693500076/u07-312-9782294702693.jpg is missingLa notion de diagnostic s’applique à la recherche des mécanismes qui produisent un ou des symptômes manifestes: l’enfant est signalé (par ses parents, par l’enseignant, par un psychologue) comme souffrant ou présentant tels ou tels signes (en général un retard d’acquisition) qui inquiètent. L’évaluation a alors comme objectif d’élucider la cause, le mécanisme à l’origine du ou des symptômes, puis de prescrire les thérapeutiques susceptibles de conduire à une amélioration, dans une démarche thérapeutique.

Parmi les batteries à visée diagnostique, citons la BREV5 qui cherche à faire un premier tri entre les éventuels troubles des fonctions verbales et non-verbales. L’EVAC (Épreuve Verbale d’Aptitudes Cognitives) 6, lui, propose un éventail très complet d’épreuves orientées vers le diagnostic neuropsychologique des difficultés du jeune: les résultats permettent non seulement d’obtenir un « profil » des différentes aptitudes de l’enfant, mais encore de le relier à son niveau scolaire (du CE2 à la 3e).



B9782294702693500076/u07-313-9782294702693.jpg is missingExplorer un trouble spécifique des apprentissages, dans la démarche neuropsychologique, imposera (→ Introduction) une démarche en deux étapes:


Nous construirons ainsi une évaluation dont l’objectif sera d’essayer de repérer quels sont les mécanismes dysfonctionnants responsables du trouble d’apprentissage.


ÉVALUATION LORS DE DIFFICULTÉS EN LECTURE


Les difficultés, anomalies, lenteurs ou impossibilités d’accès au langage écrit sont certainement, parmi les troubles spécifiques des apprentissages, les plus connues, les plus étudiées, celles qui ont donné lieu à la littérature la plus abondante mais aussi la plus contradictoire, qu’il s’agisse des causes, descriptions, pronostics ou stratégies thérapeutiques à mettre en œuvre.

D’une façon générale, il existe un consensus pour évoquer une dyslexie si l’enfant présente un décalage de deux années scolaires (ou plus) dans ses apprentissages en lecture/écriture.

Cette « définition » de la dyslexie (après élimination d’une déficience mentale (→ 11), d’un trouble spécifique du langage (dysphasie), d’un TED ou d’une insuffisance d’apprentissage) a l’avantage d’être rapide, facile et finalement assez opérationnelle sur le terrain. Pourtant, elle recèle plusieurs pièges:




– la dyslexie n’est ici considérée qu’en tant que symptôme ; il ne s’agit pas d’un diagnostic, mais de la constatation d’un signe, d’une anomalie. On spécifie simplement l’intensité minimale du symptôme (deux années de décalage par rapport à la norme) sans rien en dire quant à sa genèse, sans rien préciser des mécanismes qui gênent l’enfant (diagnostic) pour atteindre au niveau de lecture habituel à son âge.

Or, si l’on confond la dyslexie-symptôme (l’enfant ne lit pas comme il le devrait à son âge) et la dyslexie-diagnostic (dyslexie phonologique, visuo-attentionnelle, dysphasique), on risque de ne pas entreprendre l’évaluation à visée diagnostique, qui seule permet de préciser les déficits sous-jacents au symptôme (Tableau 7-I) et d’adapter réellement les propositions thérapeutiques.



















Tableau 7-I – Les compétences requises pour accéder à l’identification d’un mot écrit.
Procédure Entrées Tâches Sorties
Assemblage


– Attention visuelle


– Regard et oculo-motricité


Vision : Gnosies des signes conventionnels



– Habiletés métaphonologiques


Segmentation du mot écrit (repérage des di- et trigraphes10): connaissance des règles, (stockées en MLT) et convocation de celles qui sont appropriées en Mémoire de travail


Conversion grapho-phonologique: connaissance des règles stockées en MLT et convocation de celles qui sont appropriées en Mémoire de travail (M de T)


Maintien actif de la suite des segments phonologiques produits (M de T) en vue de leur assemblage


Récupération de la signification du produit issu de l’assemblage (subvocalisation): accès au lexique auditif (MLT, réseaux sémantiques)



– Néant si lecture silencieuse


– Parole si lecture à haute voix (LHV) :

→ programmation phonologique, praxies et motricité bucco-phonatoire.
Adressage


– Attention visuelle


– Regard

→ Organisation linéaire des saccades et calibrage parfait des saccades

→ Stratégie spécifique d’exploration du regard



Récupération de la signification de l’enveloppe orthographique du mot : accès au lexique orthographique (MLT, réseaux sémantiques)



– Néant si lecture silencieuse


– Parole si lecture à haute voix (LHV) : programmation phonologique, praxies et motricité bucco-phonatoire




– l’enfant ne peut pas être « dyslexique » avant le début du CE2 ! Auparavant, il n’a pas encore les deux ans de retard requis, et pour cause, puisque cela ne fait pas deux ans qu’il est en apprentissage …



Il arrive assez souvent que des parents soient confrontés à ce problème : en fin de CP, un professionnel diagnostique une dyslexie tandis qu’un autre professionnel déclare aux parents qu’on ne peut absolument pas parler de dyslexie : le premier évoque un diagnostic à partir de signes d’examen (absence de conscience phonologique, aucun acquis en lecture en fin de CP, déficit de la mémoire de travail, …) tandis que le second s’offusque que l’on se permette de parler de dyslexie tant que l’enfant n’a pas deux années scolaires de décalage avec ses pairs !

De nombreuses épreuves étalonnées de lecture existent (par exemple, aux ECPA, « l’alouette », « Jeannot et Georges », « LMC-R », etc.) qui peuvent permettre d’objectiver le trouble.

Pour rester pragmatique, nous considérerons:




sur le plan développemental, l’évolution des capacités liées à la lecture chez le jeune enfant ;


sur le plan des processus concernés, nous nous centrerons sur la nécessaire mise en œuvre de deux types de traitements, indépendants mais complémentaires:



– la compréhension, l’accès à la signification de la phrase ou du texte.

En effet, les procédures pour accéder au sens à partir d’une suite de mots (lexique) reliés par des règles (morpho-syntaxe) sont communes à toutes les formes de surface du langage, qu’il s’agisse de langage oral ou de langage écrit. Cependant, les caractéristiques propres à la langue écrite (absence d’intonation, règles spécifiques de notation des référents par l’intermédiaire de marques d’orthographe grammaticale, etc.) impriment à cette activité de compréhension de l’écrit certaines contraintes spécifiques, quelque peu différentes de celles liées à l’oral.

C’est en tenant compte simultanément de ces éléments que sera proposée ici une démarche d’évaluation d’une dyslexie.


ASPECTS DÉVELOPPEMENTAUX



B9782294702693500076/u07-314-9782294702693.jpg is missingHabiletés métaphonologiques (→ 256)


On sait que, dans un premier temps, l’enfant ne perçoit (et ne peut concevoir) que les aspects sémantiques de la langue. Il attribue d’abord du sens aux aspects extra-linguistiques et supra-segmentaux de la langue. Situation, ressenti (sensoriel, émotionnel), mimiques du vis-à-vis, intonations de l’interlocuteur, s’ils sont congruents, lui permettent d’inférer la signification de « ce qui se passe et ce qui se dit ». Peu à peu, au sein même du discours, l’enfant va extraire, repérer et identifier la signification d’unités spécifiquement linguistiques, les mots, puis les phrases. Le mot – voire le syntagme ou l’expression stéréotypée – est alors perçu et compris comme un tout, une unité de sens insécable.

Ce n’est qu’aux alentours de 4 ans et demi que l’enfant montrera une connaissance implicite du fait que les mots sont constitués de séquences sonores: il commence alors à jouer spontanément avec les sons de la langue, produisant allitérations ou rimes, et ce, de façon indépendante de toute référence au sens (« am-stram-gram, pic et pic et colégram », etc.). Cependant, cette connaissance est encore parcellaire, inachevée et surtout non mobilisable intentionnellement.

Or, dans les langues alphabétiques, ce sont essentiellement les sons de la langue qui sont traduits par des signes graphiques arbitraires, les lettres (ou groupes de lettres). La connaissance claire, consciente et facilement accessible des sons qui composent la langue orale devient alors un élément déterminant de l’accès à l’écrit. C’est sur cette connaissance, dite aussi conscience phonologique (→ 84), que vont pouvoir se déployer les apprentissages liés à l’écrit: segmentation du mot oral en ses diverses composantes sonores (syllabes, éventuellement phonèmes), correspondances entre les sons de la langue et les graphèmes s’y rapportant, reconstruction d’un mot du lexique et de sa signification (accès sémantique) à partir de la suite de sons évoqués par la séquence de graphèmes (lecture par assemblage, étape de la subvocalisation).

Ainsi, les compétences de l’enfant en métaphonologie7, – c’est-à-dire sa capacité croissante, entre 5 et 7-8 ans à manipuler intentionnellement les différents segments sonores des mots –, sont-elles prédictives de ses capacités lexiques ultérieures. De très nombreux travaux, désormais classiques, ont montré, non seulement un lien entre capacités métaphonologiques à 4 ans et acquisition de la lecture en CP puis appartenance à un groupe de bons ou mauvais lecteurs ultérieurement, mais encore l’intérêt à entraîner les enfants (en grande section de maternelle et début de CP) à ces activités métaphonologiques pour faciliter leur entrée dans l’écrit.



Il y a donc influence réciproque, en spirale, avec effet amplificateur mutuel, de l’évolution spontanée et de l’apprentissage volontariste, formalisé et systématisé, tel qu’il peut être conduit dans le cadre scolaire.



N.-B. Ces capacités métaphonologiques (conscience phonologique) ne doivent pas être confondues avec les capacités de discrimination phonologique (→ 84, 87) présentes d’emblée chez le bébé. Ces dernières permettent au nourrisson de distinguer les sons de sa langue ne différant que par un trait phonétique mais supportant des différences de sens (cri/gris, classe/glace, gâteau/cadeau, etc.). Tout trouble de la discrimination phonologique retentit sur les capacités (surtout sur l’exactitude, la finesse) de l’analyse métaphonologique de l’enfant.

Mais, à l’inverse, de nombreux enfants en difficulté pour accéder à la métaphonologie ne présentent aucun déficit de discrimination phonologique.

La plupart des batteries destinées aux enfants de cycle II8 proposent d’évaluer le niveau d’habileté métaphonologique de l’enfant, en fonction de son âge et la classe qu’il fréquente.


On retiendra en particulier quelques étapes clés, de difficulté croissante:




– production et/ ou reconnaissance de rimes. Exemple: « lapin » / « malin » ;


– repérage et/ou production d’un son voyellique ou d’une syllabe en début ou fin de mot. Exemple: /a/ dans « abricot », /ba/ dans « balançoire » ;


– repérage et/ou production d’un son voyellique ou d’une syllabe en milieu de mot. Exemple: /ou/ dans « rouge », /ba/ dans « embarras » ;



– idem, avec phonème en milieu de mot. Exemple: /v/ dans « avancer » ;


Cette dernière étape, qui permettra de reconnaître et d’isoler les phonèmes /k/l/ou/ au sein du vocable « clou » permettra l’encodage phonologique lors des premières productions d’écrits.




À noter : Les méthodes qui segmentent le mot jusqu’au niveau de la syllabe (et non du phonème) sont beaucoup moins exigeantes en mémoire de travail et peuvent donc être utilisées si celle-ci est déficitaire (Garnier-Lasek, 2002).

Ces habiletés sont fondamentales, car elles reflètent le noyau conceptuel de construction des langues écrites alphabétiques et sont corrélées avec les facilités ou difficultés ultérieures de l’enfant à devenir un bon lecteur.

Cependant, elles ne concernent que les mots dits « réguliers », c’est-à-dire qui respectent les règles de correspondance grapho-phonologiques de la langue.

Au contraire, les mots irréguliers doivent être reconnus visuellement: leur décomposition en unités phonologiques n’est pas pertinente (→ 321) pour accéder à leur signification, puisqu’ils ne respectent pas les règles de conversion phonèmes/graphèmes (par exemple: « poêle », « femme », « doigt », etc.).


L’exploration


Les batteries d’exploration des troubles d’accès au langage écrit (L2MA, Odédys, NEEL…) proposent toutes des épreuves de métaphonologie de difficulté croissante, la lecture de mots et non-mots réguliers versus les mots irréguliers, en contrôlant les variables suivantes: longueur, complexité (/glou/ est une syllabe régulière plus complexe que /li/, également régulière) et familiarité (en ce qui concerne les mots signifiants).

Signalons, dans la NEPSY, le sub-test « processus phonologiques » mais surtout l’épreuve de dénomination rapide dont l’échec est étroitement corrélé aux difficultés lexiques et serait même hautement prédictif. Cette dernière épreuve semble refléter la facilité (la rapidité, l’automatisation ?) d’accès phonologique du sujet à son lexique, facilité qui serait liée ( ?) aux capacités de manipuler les sons de la langue (métaphonologie).

Les résultats à ces épreuves doivent être rapprochés de ceux obtenus aux épreuves de discrimination phonologique (→ 87), de répétition de syllabes, mots, non-mots et phrases (→ 246) et de toutes les épreuves de mémoire de travail.


Habiletés visuo-practo-spatiales


Si les habiletés métaphonologiques constituent le socle sur lequel vont se construire les savoirs et les apprentissages liés à l’écrit (→ 314), il n’en demeure pas moins que les informations devront être saisies visuellement (Club d’oculomotricité cognitive, 2002), que lire consiste en l’établissement de correspondances entre des signes écrits qu’il faudra saisir du regard (attention visuo-spatiale, organisation des saccades, calibrage des saccades), reconnaître (identification, invariance → 198200) et des significations qu’il faut construire (M de T, compétences linguistiques) et retrouver en MLT (réseaux sémantiques, → 225).


Or, lire suppose aussi (ou d’abord ?) de nombreuses capacités instrumentales:





B9782294702693500076/u07-317-9782294702693.jpg is missingune organisation des mouvements du regard, en particulier une organisation linéaire, de gauche à droite, des saccades (mouvements oculaires très rapides qui permettent d’orienter les yeux et durant lesquels il n’y pas de vision). Cette organisation saccadique est longue à se mettre en place chez l’enfant normal qui compense d’abord cette insuffisance en suivant du doigt la ligne qu’il ne peut encore suivre avec ses yeux et en faisant avec sa tête les saccades qu’il maîtrise encore mal au niveau oculaire. On considère que cette organisation du regard est fiable et quasi-automatisée aux alentours de la fin du CE1 ou dans le courant du CE2 (période où l’enfant accède à la lecture dite « courante »). Simultanément, l’enfant apprend à gérer des saccades dites « de régression » (de droite à gauche, si une ambiguïté ou une anomalie de sens se révèle au cours de la lecture), ainsi que les grandes saccades de retour à la ligne (de droite à gauche et orientées obliquement vers le bas). Cette longue évolution est, normalement, entièrement sous l’influence de l’apprentissage scolaire de la lecture et de l’entraînement qui lui est lié.

On imagine les difficultés de l’enfant qui ne possède pas, au plan oculomoteur, les habiletés normales (→ 128, 129, 138). Or, ces troubles optomoteurs peuvent facilement passer inaperçus s’ils ne sont pas recherchés systématiquement, en particulier chez les enfants anciens prématurés: seul un bilan orthoptique pratiqué par un professionnel expérimenté en neurologie infantile en permettra le diagnostic, puis la rééducation.




B9782294702693500076/u07-318-9782294702693.jpg is missingLe calibrage des saccades, c’est-à-dire la direction et l’amplitude du saut oculaire entre deux fixations9, détermine la position précise de chaque fixation par rapport aux mots écrits. C’est une habileté fondamentale pour:



Ce calibrage des saccades, lentement appris également à l’école durant le cycle II, est le fruit d’une coordination entre rétine périphérique et rétine centrale (fovéa) et de régulations très complexes entre perceptions et actions au niveau oculomoteur (Berthoz, 2000). Là encore, tout trouble dans ces délicats systèmes de régulation très sophistiqués pourra constituer une gêne invisible, insoupçonnée et pourtant parfois considérable pour l’enfant en début d’apprentissage.




B9782294702693500076/u07-319-9782294702693.jpg is missingEnfin, qu’il s’agisse de l’organisation des saccades ou de leur calibrage, c’est bien aussi de stratégie du regard dont il est question ici, ce qui suppose une bonne efficience des systèmes exécutifs (→ 286, 298).

Car « apprendre à lire, ce n’est pas seulement associer des lettres aux sons ; c’est également organiser la perception de ces lettres dans l’espace, dans le bon ordre, avec l’orientation adéquate (→ 325). Dans le cerveau du jeune lecteur, un dialogue doit s’instaurer entre la voie visuelle ventrale (→ 169) qui reconnaît l’identité des lettres et des mots (→ 198200) et la voie dorsale (→ 168) qui code leur position dans l’espace et programme les mouvements des yeux et de l’attention. Que l’un de ces protagonistes trébuche, et c’est toute la lecture qui chancelle. » (S. Dehaene, Les Neurones de la lecture, Éditions Odile Jacob, 2007).


Au total, ce sont donc les systèmes phonologiques et les systèmes visuels et oculomoteurs qui doivent simultanément évoluer tout au long de cette période (4-5 à 7-8 ans), sous peine de compromettre durablement l’accès au langage écrit.


Évolution des stratégies de lecture


Dans un premier temps, vers 4 ans, la lecture de l’enfant repose sur des stratégies (Frith, 1985) de type « logographiques »: tous les éléments sont pris en compte pour reconnaître la signification, graphisme, couleurs, dessins, etc. Cependant, il n’y a pas de relation clairement démontrée entre ce stade logographique (qui ne traduit peut-être que l’exposition précoce à l’écrit, dans nos cultures) et l’acquisition de la lecture.

Puis l’enfant comprend que ce sont les lettres et seulement les lettres qui doivent être prises en considération. L’enfant applique alors des règles de correspondance simples: on parle alors d’un stade alphabétique.

Enfin, entre 5 et 7 ans, il réalise que l’ordre séquentiel des lettres est important et la reconnaissance des mots est fondée sur un lexique orthographique simple, que l’enfant commence à construire à partir des mots qu’il rencontre fréquemment: on parle alors de stade orthographique.



N.-B. Il est très important de distinguer ce stade orthographique (en lien avec la lecture par adressage → 321 et la constitution d’un lexique orthographique → 228, 318) qui permet de distinguer des mots visuellement proches, tels /adapté/adopté/, du stade logographique, qui lui, ne se fonde que sur des approximations visuelles non exclusivement littérales. D’où des confusions visuelles quelquefois grossières, fondées sur la longueur du mot (/maison/maman/) ou sur la présence d’un signe diacritique, etc.


PROCESSUS EN JEU



Identification des mots


C’est la phase la plus spécifique de l’activité lexique. D’abord visuelle (→ 198200), elle doit ensuite aboutir sur le plan sémantique.

Cette identification des mots écrits suppose (selon le modèle désormais classique de la lecture dite « à deux voies »):




B9782294702693500076/u07-320-9782294702693.jpg is missingl’utilisation de procédures phonologiques (« indirectes » ou d’assemblage), dans lesquelles l’enfant, après avoir segmenté le mot écrit en unités pertinentes, applique à chaque segment les règles de correspondances grapho-phonologiques propres à sa langue, puis « assemble » les segments phoniques ainsi obtenus pour reconstituer, par subvocalisation, un mot de son lexique auditif, mot auquel l’enfant assigne une signification. Tous les non-mots, mots réguliers (→ 314) ou quasi-réguliers peuvent être lus (« déchiffrés ») par cette voie, même si le sujet les rencontre pour la première fois, mais non les mots irréguliers qui ne respectent pas les règles de conversion graphèmes/phonèmes. Par ailleurs, les homophones peuvent, en dehors de tout contexte, être difficiles à différencier ;

May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Troubles Spécifiques des Apprentissages

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access