14. Troubles de la personnalité
Bien que la personnalité demeure une notion à la fois difficile à définir, à modéliser et à évaluer, des thérapeutiques biologiques et psychologiques ont essayé de modifier les troubles de personnalité. Le travail pionnier de Marsha Linehan dans les années 1990 a montré qu’une TCC pouvait le faire (Linehan, 2000a and Linehan, 2000b). Beck et Freeman (1990) ont proposé un modèle et un manuel thérapeutique des troubles de la personnalité selon le DSM-III puis DSM-IV (1994).
Un des courants dans l’étude de la personnalité est le courant cognitiviste qui, avec Kelly (1955), a depuis longtemps proposé un modèle, celui des constructions personnelles (personal constructs). Selon ce modèle, tout individu est comparable à un savant qui fait des hypothèses sur le monde et cherche à en vérifier l’exactitude. La personnalité est l’ensemble des constructions mentales personnelles que nous établissons pour interpréter le monde. Ces constructions aboutissent à un style cognitif particulier, qui est propre à chacun mais qui peut se regrouper en grands types.
Plus récemment, plusieurs ouvrages, ceux de Beck et Freeman (1990), Young (1990, 2005) et Cottraux and Blackburn, 1998 and Cottraux and Blackburn, 2006, ont proposé un modèle cognitif du fonctionnement mental dans les troubles de personnalité : le modèle des schémas précoces inadaptés. Comme pour la dépression et les troubles anxieux, la base de la personnalité réside dans le traitement de l’information par des schémas. Ceux-ci représentent des prédictions se réalisant par la sélection des aspects de l’environnement qui les satisfont. Finalement, l’histoire d’une vie ou le scénario de vie résulte des schémas précoces et de la réalisation de leurs prophéties. Les scénarios de vie ont été explorés en détail, car leur étude permet une conceptualisation nouvelle du problème de la répétition d’un échec personnel et relationnel qui amène souvent les patients à rechercher une aide psychothérapique (Cottraux, 2001).
De la personnalité normale au trouble de personnalité
La personnalité est l’ensemble des constructions mentales personnelles que nous établissons pour interpréter le monde, disait le psychologue Georges Kelly (1955), précurseur du mouvement cognitif actuel. Les personnalités pathologiques proviendraient de l’inadaptation des constructs, de leur absence ou de leur rigidité (imperméabilité).
Les théories cognitives de la personnalité reposent sur la notion de schéma cognitif (Beck et Freeman, 1990). Les schémas sont des structures cognitives stables, stockées dans la mémoire à long terme, et fonctionnent automatiquement. Acquis au cours d’expériences précoces par interaction entre les structures neuronales et l’expérience, ils peuvent être activés par des émotions qui sont analogues à celles du moment où ils ont été imprimés. Ils peuvent donc être à l’origine de scénarios de vie, du fait de leur action sur les comportements. Les schémas dont le contenu est fait de croyances ou de postulats font partie d’une organisation du traitement de l’information dont ils représentent une des étapes.
Par « croyance » ou système de croyances, on entend non pas une structure mentale hypothétique, mais un ensemble de vues personnelles sur soi, les autres et le monde qui constituent un système d’interprétation, une Weltanschauung ou une philosophie de la vie particulière. Les croyances ou les systèmes de croyances correspondent à l’organisation de plusieurs postulats. On oppose en général les systèmes de croyances rationnels, c’est-à-dire adaptés à la culture personnelle du sujet, aux systèmes de croyances irrationnels qui en dévient notablement. C’est dire que le jugement au sujet de la légitimité des croyances doit être relativiste et se fonder sur une compréhension du milieu socioculturel présent et passé du sujet.
Le terme « postulat » fait référence à la clinique. Le thérapeute, à partir de ce que rapporte le patient, découvre progressivement avec lui un certain nombre de règles implicites qui découlent à la fois de l’organisation et du contenu des schémas. On oppose les postulats inconditionnels qui peuvent être positifs chez les sujets normaux et négatifs chez les patients ayant un trouble de personnalité : par exemple « Je suis incompétent » est un postulat inconditionnel négatif. « Si je parle, on va me juger comme incompétent » est un postulat conditionnel en « Si… alors ». Il va aboutir à des règles de conduite et des stratégies d’adaptation : « Tais-toi, évite de fréquenter des gens trop brillants et de parler en public, etc. » : postulats que l’on retrouve souvent chez les personnalités évitantes.
À partir de ces prémisses, des thérapies de type cognitif pour les troubles de la personnalité ont été proposées par Beck et al. (1990), Layden et al. (1993), Young (1990), Young et Lindemann (1992), Young et Klosko (1994), Young et al. (2005), Padesky et Greenberger (1995), et Cottraux and Blackburn, 1998 and Cottraux and Blackburn, 2006. Ces auteurs ont présenté des études détaillées de cas et des manuels thérapeutiques. La recherche est encore à l’état de développement sur cette nouvelle frontière de la psychothérapie cognitivo-comportementale.
La thérapie cognitive des troubles de personnalité se fonde sur la modification des schémas précoces dysfonctionnels de personnalité, qui ont été construits par l’interaction du tempérament biologique et de l’environnement familial et social. Bien souvent, le patient vient consulter pour un syndrome d’axe 1 (dépression, trouble anxieux, etc.) qui exprime l’échec individuel ou une souffrance plus diffuse et manifeste le trouble de personnalité sous-jacent.
Les schémas que l’on retrouve dans tous les troubles de la personnalité sont en général négatifs et ils ne varient pas énormément de trouble en trouble. Ils sont bipolaires et dichotomiques (jugement en noir et blanc, sur soi, les autres et le monde). Mais ce qui définit les différents troubles, ce sont les stratégies cognitives, émotionnelles et comportementales adoptées par le patient pour faire face à son schéma. Ils sont difficiles à modifier à cause de leur globalité, de leur rigidité et de leur renforcement constant dans la vie de tous les jours. Ils représentent en général un système rigide de prédictions sur le monde qui s’autoréalisent : ainsi, l’agressivité du trouble de personnalité paranoïaque se justifiera des rétorsions qu’elle a elle-même provoquées.
Beck et Freeman (1990) définissent les troubles de la personnalité en termes de stratégies interpersonnelles qui sont dysfonctionnelles puisqu’elles créent des problèmes qui font souffrir le patient (par exemple, la personnalité dépendante) et/ou des difficultés dans les relations avec les autres, ou dans la société (par exemple, la personnalité antisociale). Ces stratégies interpersonnelles représentent des comportements surdéveloppés et sous-développés. Par exemple, dans une personnalité narcissique, les valeurs de partage et d’empathie sont sous-développées, tandis que l’égocentrisme, la manipulation et le mépris sont des stratégies comportementales quasi-constantes.
Mise au jour des postulats de base de chaque type de personnalité
Le tableau 14.1 inspiré de Beck et Freeman (1990) et de Cottraux (2001) présente une vue synthétique des différents troubles de personnalité, de leurs postulats et des conséquences comportementales et émotionnelles de ces postulats. Cette grille peut être utilisée comme guide pour l’analyse fonctionnelle des troubles de personnalité.
Personnalité | Croyance centrale | Comportement |
---|---|---|
Personnalités excentriques et bizarres | ||
Paranoïaque | Les autres sont des ennemis potentiels | État de guerre |
Schizoïde | J’ai besoin d’espace, sinon : confusion | Isolement |
Schizotypique | Le monde et les autres sont étranges | Méfiance |
Personnalités dramatiques, émotionnelles et désorganisées | ||
Antisociale | Les autres sont des proies | Attaque |
Histrionique | Je dois impressionner les autres | Dramatisation |
Limite (borderline) | Personne n’est assez fort pour m’aider | Fuite Attaque |
Narcissique | Je suis quelqu’un de spécial | Inflation de soi |
Personnalités anxieuses et peureuses | ||
Évitante | Je peux être « blessé(e) » | Évitement |
Dépendante | Je suis faible et sans protection | Attachement |
Obsessive-compulsive | Je ne dois jamais faire aucune erreur | Perfectionnisme |
Passive-agressive | On pourrait « me marcher dessus » | Résistance |
Les schémas précoces de personnalité
Le sens que Young donne au terme « schéma » est proche de celui auquel se réfère Beck : il s’agit des éléments organisés à partir des expériences et des réactions du passé, qui forment un ensemble de connaissances relativement cohérent et durable, capable de guider les perceptions et les évaluations ultérieures.
Le clinicien retrouve principalement des schémas de dépendance, manque d’individuation, déprivation émotionnelle, abandon, méfiance, impossibilité d’être aimé et incompétence (Young, 1990 ; Young et Klosko, 1994). Ces schémas ont été étudiés sur le plan psychométrique par Schmidt et al. (1995) dans un large échantillon d’étudiants normaux et présentant des troubles de personnalité. L’analyse factorielle a extrait trois grandes dimensions de personnalité : surconnexion (dépendance), déconnexion (abandon et infériorité) et perfectionnisme. Ces trois dimensions étant associées au déficit de l’autocontrôle (figure 14.1).
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Figure 14.1 Étude psychométrique de Schmidt et al. (1995) sur les schémas de personnalité. |
Cette étude utilisait le questionnaire de Young (YSQ-2) dont une version plus ancienne (YSQ-1) a été validée en français (Mihahescu et al., 1997). La version de l’échelle de Young (205 items) a été revalidée (partiellement) en français (figure 14.2). Les regroupements étaient voisins dans les versions anglaises et françaises de l’échelle. L’analyse statistique de la version française de l’échelle montre que les personnes qui ont un trouble de personnalité borderline, caractérisé par la dépression, l’impulsivité et des difficultés relationnelles importantes, ont des scores significativement plus élevés que les sujets contrôles : des étudiants de différentes universités et d’âge varié (Lachenal-Chevallet, 2002).
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Figure 14.2 Questionnaire des schémas de Young (YSQ-2), version française : scores totaux (moyennes). Un score de 500 et plus à l’échelle de Young permet d’identifier 97 % des troubles de personnalité borderline de notre échantillon. (BPD : trouble de personnalité borderline) |
Une version abrégée, ne comportant que 75 items, a été validée dans sa version française : le lecteur la trouvera en annexe avec son mode de dépouillement (Lachenal-Chevallet et al., 2006). Avec des scores globaux supérieurs à 180, 15,59 % des sujets contrôles sont superposables à 94,59 % des sujets borderline. Pour le YSQ-S-2, le seuil à partir duquel le sujet commence à être considéré comme pathologique se situe donc à 181.
Plus récemment, Young (Young et al., 2005) a proposé une échelle plus longue, comportant 18 schémas répartis sur 5 domaines, mais qui n’est pas encore validée : le lecteur trouvera la version française de cette échelle inCottraux et Blackburn (2006). Voici la liste de ces 18 schémas.
Domaine I : séparation et rejet (déconnexion)
Domaine II : manque d’autonomie et performance (sur connexion)
6 Dépendance/incompétence
7 Peur du danger ou de la maladie
8 Fusion/personnalité atrophiée
9 Échec
Domaine III : manque de limites
10 Droits personnels exagérés : « Tout m’est dû » ; grandeur
11 Contrôle de soi/autodiscipline insuffisants
Domaine IV : orientation vers les autres
12 Assujettissement
13 Abnégation
14 Recherche d’approbation et de reconnaissance
Domaine V : sur-vigilance et inhibition
15 Négativité/pessimisme
16 Sur-contrôle émotionnel
17 Idéaux exigeants/critique excessive
18 Punition, le sujet a tendance à se montrer intolérant, très critique et impatient, et à « punir » les autres et lui-même s’ils n’atteignent pas le niveau de perfection qu’il exige
Les processus qui maintiennent les schémas
Pour expliquer le passage de la personnalité normale à la personnalité pathologique, il faut faire appel au concept de processus de maintien des schémas précoces dysfonctionnels.
Maintien des schémas par distorsion de l’information et soumission au schéma
Au niveau cognitif, une distorsion de l’information est effectuée pour maintenir le schéma intact : l’information qui confirme le schéma est retenue ; elle est magnifiée, sur-généralisée et personnalisée. L’information qui va à l’encontre du schéma est modifiée ou rejetée. Lorsque la validité du schéma est mise en doute par le thérapeute, la résistance du patient est donc considérable.
Maintien des schémas par évitement
L’intensité des émotions négatives qui sont associées au déclenchement du schéma précoce a amené le patient à développer des procédés, conscients ou automatiques, pour bloquer toute connaissance du schéma. L’étiquette de « manœuvre » ou de « stratégie » permet au thérapeute de développer des méthodes actives qui aident le patient à mettre en question le schéma qui détermine son comportement.
La manœuvre d’évitement peut être cognitive, affective et/ou comportementale. Cette dernière, qui est plus évidente, peut être mise en question par le thérapeute et modifiée par des tests comportementaux progressifs, comme dans les thérapies comportementales classiques.
Maintien des schémas par compensation
Le troisième processus de maintien ou compensation s’apparente au concept de formation réactionnelle dans la psychanalyse. Par exemple, la personne « dépendante » se protégera en faisant montre d’une autonomie exagérée, refusant l’aide ou les conseils d’autrui. La personne qui se sous-estime et dont le schéma est dû a un manque affectif dans l’enfance peut avoir développé un comportement narcissique. Le patient qui se croit incompétent peut développer des traits de perfectionnisme.
Maintien par renforcement
On peu ajouter le maintien des schémas par le fait qu’ils sont constamment renforcés par l’environnement. Ainsi, un schéma de méfiance sera renforcé par un environnement peu fiable, objectivement.
Maintien par modèles
On peut encore ajouter, aux données classiques sur le maintien des schémas, le rôle diffus des modèles issus de l’environnement : modèles réels issus de la famille ou de l’environnement social (la bande de délinquants ou, inversement, de jeunes scouts), mais aussi symboliques issus de la télévision ou des médias en général.
Thérapie cognitive des troubles de la personnalité
Les thérapies cognitives se déroulent sur un an et comportent entre trente et quarante séances d’une heure effectuées par un seul thérapeute. Elles utilisent des techniques cognitives, émotionnelles, comportementales, interpersonnelles et des stratégies de maintien pour modifier les schémas cognitifs précoces perturbés.
Le programme que je vais présenter a été testé par une étude contrôlée qui a montré sa supériorité sur un programme de thérapie de soutien d’inspiration rogerienne, et ce à un suivi de deux ans (Cottraux et al., 2009).
Établir une relation thérapeutique positive et utiliser les fluctuations relationnelles
Changer certains aspects de personnalité est comparable à s’en aller sur une terre étrangère, et abandonner une image familière de soi. La reconnaissance par le thérapeute de la difficulté du changement pour le patient est nécessaire au succès de la thérapie. Tout au long de la thérapie, les fluctuations relationnelles seront utilisées pour mettre à jour les schémas et effectuer des expériences émotionnelles correctrices.
Format des séances
Il est structuré. Le patient et le thérapeute fonctionnent selon une « collaboration empirique », comme deux chercheurs travaillant sur des hypothèses communes ; le thérapeute ne confronte pas brutalement le patient à ce qu’il ne voit pas de son schéma, mais cherche à l’amener à évaluer celui-ci progressivement, pour ensuite le remettre en question. Pour réguler les problèmes relationnels de part et d’autre, on adopte une structure formalisée à la séance qui se déroulera selon les étapes suivantes.
• évaluation des tâches cognitives et des expériences comportementales prévues lors de la dernière séance ;
• agenda de séance : choix d’un thème par le patient ;
• récapitulations fréquentes par le thérapeute ;
• techniques cognitives, émotionnelles, interpersonnelles et comportementales pour modifier les schémas ;
• résumé de séance effectué par le patient ;
• feedback du patient sur ce qui lui a plu et déplu dans les interventions du thérapeute. Élaboration commune des problèmes relationnels ;
• discussion des programmes des tâches cognitives et des expériences comportementales ;
• agenda de la prochaine séance fixé en fonction des résultats de cette séance : thème à aborder en priorité.
Conceptualisation du cas
Une méthode facile à mettre en œuvre consiste à se servir d’un pentagramme qui représente les différents niveaux de cognitions, les émotions et les comportements en fonction des événements et des fluctuations relationnelles. En cas de difficulté dans la thérapie, il faut refaire ce pentagramme. L’exemple de la figure 14.3 a été obtenu au cours d’une superstition et a permis de reconceptualiser un cas difficile.
Technique générale
Résolution de problème
Une des constantes des troubles de personnalité est la difficulté à résoudre les problèmes à tel point qu’on a pu dire qu’il s’agissait de personnes intelligentes mettant en œuvre des solutions stupides, c’est-à-dire totalement inadaptées du fait d’une mauvaise gestion de la réalité et d’une absence de pensée logique ou opérationnelle : la résolution de problèmes concrets sera effectuée en séance et prolongée dans la vie quotidienne. La méthode de résolution de problème est à appliquer face aux décisions que les patients n’arrivent pas à prendre, ce qui les bloque dans une impasse existentielle où ils répètent les mêmes comportements qui les conduisent dans les mêmes impasses : par exemple mariages ou liaisons qui échouent de manière répétée. La résolution de problème en sept points va permettre, sur plusieurs séances, de sortir de cet enlisement. On pourra s’aider de la fiche du tableau 14.2.
1. | Définir le problème |
2. | Inventorier toutes les solutions possibles |
3. | Évaluer les solutions : – les avantages et les désavantages – les conséquences à court, moyen et long termes, pour soi, pour les autres – les implications concrètes (argent, temps) – etc. |
4. | Prendre une décision |
5. | Exécution de la décision |
6. | Évaluer les résultats |
7. | Si les résultats obtenus sont insatisfaisants, recommencer le processus à l’étape 1 en redéfinissant et reformulant le problème non résolu |
Modification des communications pathologiques
Les communications agressives, négatives, aversives ou persécutrices avec les autres seront modifiées par le jeu de rôle avec feedback, jeu renversé et modèle comportemental à reproduire, suivis de tâches pratiques à réaliser dans la vie de tous les jours.
Modifications des pensées négatives dépressogènes
Elles seront mises à jour et modifiées par la discussion socratique des pensées automatiques irrationnelles qui sera prolongée par une fiche permettant de les discuter lorsqu’elles apparaissent (voir fiche pensées automatiques négatives p. 216). S’y ajouteront des tâches progressives de plaisir et de maîtrise à effectuer dans la vie quotidienne, qui seront évaluées sur une fiche.
Thérapie cognitive centrée sur les schémas cognitifs précoces
Le thérapeute utilisera des méthodes cognitives, émotionnelles, interpersonnelles et comportementales pour mettre à jour et modifier les schémas. Il maintiendra ses résultats avec des techniques spécifiques pour le suivi.
Méthodes cognitives
Mise au jour des scénarios de vie
L’étude des scénarios de vie est un élément fondamental. Il faut les préciser à travers l’histoire personnelle du patient, les relations avec la famille, les amis, les partenaires sexuels, les collègues, l’éducation et le travail, et éventuellement les mettre en relation avec des événements traumatiques. Le thérapeute cherchera à préciser comment les expériences personnelles du patient ont façonné ses convictions vis-à-vis de lui-même, des autres et de son avenir. Il peut aussi lui demander d’écrire l’histoire de sa vie comme une brève nouvelle ou un scénario de film, en se référant à des films ou des personnages de roman emblématiques de son problème (Cottraux and Blackburn, 1998 and Cottraux and Blackburn, 2006; Cottraux, 2001).
Mise au jour et modification des pensées automatiques
Le thérapeute commencera, dans l’analyse fonctionnelle, par établir les liens entre cognitions, émotions, actions et événements. Le patient sera entraîné à utiliser une émotion négative comme un signal pour prendre conscience des pensées automatiques ou de son comportement dysfonctionnel. Les souvenirs, les images mentales, les jeux de rôle, l’auto-enregistrement des expériences émotionnelles de tous les jours, les rêves ou d’autres situations qui provoquent les émotions pénibles, permettent d’atteindre les schémas inadaptés précoces. On pourra aussi utiliser la fiche donnée en annexe.
Mise au jour et modification des distorsions cognitives
Le thérapeute attirera ensuite l’attention sur les distorsions cognitives, par exemple la sur-généralisation et le fait de penser en « blanc et noir » (ou pensée dichotomique). Il faut identifier les règles personnelles, d’une façon concrète, en les ajustant aux relations avec le thérapeute et avec les autres. Une fois le système de croyance central établi, il faut en chercher le caractère abusif. En général, le patient obéit toujours à un ensemble de règles inflexibles. « Dans une règle apparemment rationnelle et logique, cherchez l’abus » est le meilleur conseil que l’on puisse donner.
Modification des schémas précoces inadaptés
Attitude
Une des façons de ne pas blesser le patient est de comparer l’utilité passée des postulats à leur nuisance actuelle. Le thérapeute doit s’abstenir de tout commentaire sur la véracité des schémas et poser de prudentes questions inductives ou employer un dialogue socratique. Par exemple, les schémas du patient peuvent être : « Je suis mauvais, je suis un incapable, je n’ai aucune valeur » ou « On ne peut pas m’aimer ».
Techniques
Les techniques habituelles de la thérapie cognitive : questionnement, jeu de rôle, discussion des postulats, modification des postulats par résolution de problème, tâches concrètes à réaliser dans la réalité pour modifier les comportements autodéfaitistes, peuvent alors être mises en œuvre. Comme les schémas inadaptés précoces sont de longue durée, il faut être prêt à répéter ces méthodes pendant un an pour obtenir un résultat. La discussion socratique consiste à évaluer les avantages et les désavantages de maintenir les modes de comportement actuels, proposer des alternatives et examiner « le pour et le contre actuel » du maintien de ces stratégies.
1. Définir l’extrémité négative du schéma
On essaie de mettre à jour le concept global d’incapacité, de manque d’estime de soi, de dépendance ou d’absence de contrôle. On souligne aussi la pensée dichotomique aboutissant à des jugements négatifs sur soi « en noir et blanc ».
