Transplantation

6. Transplantation



HISTORIQUE


1902 – LES PREMIERS ESSAIS DE GREFFE


En cette même année 1902, Alexis Carrel à Lyon, après avoir mis au point la chirurgie vasculaire et l’anastomose « bout à bout » par suture circulaire, rapportait ses premières expériences de greffes de rein chez le chien et le chat, sans avoir plus de succès. C’est aux États-Unis qu’il devait trouver des structures plus adaptées à la poursuite de ses recherches expérimentales, faites d’abord à Chicago, puis à New York au Rockefeller Institute en étroite collaboration avec Guthrie.

Après de nombreux essais de greffes d’un rein ou de deux reins en bloc, dans la région cervicale, abdominale ou pelvienne, A. Carrel a réussi en 1908 la première autotransplantation assurant une survie prolongée : celle d’une chatte qui mettra bas onze chatons plus d’un an après la greffe et encore trois l’année suivante. Certes, A. Carrel n’était pas le seul à défricher le champ de la greffe des organes.

Il fut le premier :


– à étudier la composition chimique de l’urine émise par le transplant;


– à décrire l’histoire histologique du rein rejeté avec une « importante infiltration des petites cellules rondes autour des vaisseaux et des tubes collecteurs »;


– à dénoncer la responsabilité de la rate et de la moelle osseuse comme producteurs des anticorps de rejet;


– à prévoir l’utilisation du benzol et des rayons X pour prolonger la tolérance en diminuant l’efficacité des leucocytes.

Quant à l’origine du rejet* de l’allogreffe en communion avec Murphy qui travaillait les greffes de tumeurs, ils suggèrent : « qu’une fonction apparaît dans l’organisme à une certaine période de la vie pour éliminer les tissus étrangers ». Sans démontrer toutefois l’origine de cette fonction, il écrit en 1914 que les efforts des chercheurs doivent maintenant se porter sur les méthodes biologiques « qui empêcheront les réactions de l’organisme vis-à-vis des tissus étrangers pour permettre l’adaptation de l’homoplastie à son hôte ».



1936 – LES PREMIÈRES ALLOGREFFES

C’est Voronoy, qui réalisera à Kiev, en 1936, la première greffe entre humains. Il transplantera, sous anesthésie locale, à la racine de la cuisse d’un homme urémique par empoisonnement mercuriel, le rein d’un individu mort par traumatisme crânien. Ce transplant ne devait pas fonctionner et le receveur décédait après 96 heures. La durée d’ischémie chaude de 6 heures et une incompatibilité dans le système ABO étaient suffisantes à expliquer l’échec. Non découragé, Voronoy tentera six autres transplantations avec les mêmes résultats qui ne feront que confirmer ceux de l’expérimentation animale.

En 1947, au Brigham Hospital de Boston, Hufnagel, Lansteiner et David Hume tenteront aussi l’expérience de la dernière chance. Ils greffent un rein de cadavre, au pli du coude d’une jeune femme dans un coma urémique au 10e jour d’une anurie. Le transplant donne de l’urine pendant 48 heures seulement; peut-être a-t-il joué un rôle d’épuration avant la reprise de la diurèse de la malade qui guérira d’une tubulopathie aiguë.

En 1950, était publié à Chicago, à grand fracas, par Lowler, un article sur une transplantation faite à partir d’un rein de cadavre, chez une malade atteinte de polykystose rénale ayant conservé l’un de ses reins. Cette observation laissait croire à un succès et relança la transplantation expérimentale chez l’homme.

En 1951, à Paris, trois équipes tentent à leur tour l’aventure de la transplantation humaine : Charles Dubost et Oeconomos, Marceau Servelle et Rougeulle, René Kuss et Teinturier. Les trois équipes réalisent chacune une transplantation au mois de janvier. A celles-ci, René Kuss et Teinturier ajouteront quatre nouvelles transplantations dans cette même année. Les reins ont été prélevés et perfusés soit sur des condamnés à mort dans les minutes qui ont suivi l’exécution, soit, et cela pour la première fois, sur des donneurs vivants, sujets traités en milieu urologique pour des lésions justifiant la néphrectomie. Ces transplantations ont été faites chez des insuffisants rénaux à un stade avancé dont le taux d’urée oscillait entre 2g et 3,50g et, pour la plupart, compatibles dans le système ABO.


1952 – GREFFES DE DONNEURS VIVANTS APPARENTÉS

Toutes ces tentatives échouèrent, même quand elles étaient réalisées dans les conditions les plus favorables, comme devait en bénéficier, en 1952, une transplantation rapportée par Michon, Jean Hamburger, Oeconomos, Vaysse, entre une mère et son fils, et qui assurera une survie de 21 jours.


Cette transplantation entre vrais jumeaux ne pouvait être qu’exceptionnelle et ceci en restreignait singulièrement son intérêt thérapeutique. Espérer l’étendre à toute une population, c’était connaître d’abord le mécanisme de cette incompatibilité biologique pour la combattre et espérer obtenir une tolérance pour un organe venu d’un autre génétiquement différent. C’est à Medawar et à son école que reviendra le grand mérite d’avoir démontré que cette incompatibilité s’intégrait dans le cadre de l’immunologie*. En 1942, il avait constaté chez le lapin qu’une deuxième greffe de peau était rejetée beaucoup plus vite que la première et il en déduisait que le rejet correspondait à une réponse immunitaire non innée mais acquise de l’hôte, « le second set ». Ces travaux le désigneront pour un prix Nobel en 1960.


1959 – APPARITION DE L’IMMUNOSUPPRESSION

Plusieurs tentatives malheureuses ont été faites au Brigham Hospital, sur l’homme, avant d’obtenir un premier succès en juin 1959; Joseph Murray, John Merrill et Harrison réussissaient une première greffe faite entre jumeaux dizygotes après irradiation du receveur à la dose sublétale de 450 rads. Six mois plus tard, dans les mêmes conditions, Jean Hamburger, Vaysse et Auvert obtenaient le même succès à Necker.

Ainsi était démontrée l’efficacité de cette immunodépression, capable pour la première fois d’obtenir, par une paralysie immunitaire, la tolérance d’un allotransplant.

Dès ce jour, la transplantation devait s’étendre et ses résultats encore s’améliorer.


ÉVOLUTION DES TRAITEMENTS IMMUNOSUPPRESSEURS


Les conditions étaient réunies pour assurer une tolérance meilleure du transplant. La transplantation avait trouvé sa place dans le traitement de l’insuffisance rénale chronique à côté de l’hémodialyse. Mais de ces deux thérapeutiques complémentaires, le rein naturel devait progressivement l’emporter sur le rein artificiel pour la qualité de vie qu’il était susceptible d’apporter. Et devant l’expansion de la transplantation, la préoccupation dominante devenait l’approvisionnement en reins toujours insuffisant pour satisfaire à la demande, malgré le concours d’organismes principalement créés dans cet objectif. Cette préoccupation est toujours d’actualité…


CONCLUSION

Il n’y a aucun doute que cette transplantation du rein, qui fut la rampe de lancement de la greffe des organes, s’inscrit comme un fait presque surnaturel dans l’histoire de la médecine. Mais, quelles que soient l’ampleur et la signification de cette aventure susceptible d’apporter un regain de vie, elle n’est pas pour autant la panacée. En se jouant des lois de la nature, elle modifie la réaction physiologique de l’homme et l’expose à des risques que lui confère son état d’« homo novo » et dont l’oncogenèse n’est pas le moindre risque. Mais il ne faut jamais oublier que grâce à cette thérapeutique, des milliers de personnes vivent, sont réinsérées socialement, affectivement, mentalement dans le corpus des hommes sains. Tant que la prévention n’a pas éliminé totalement les maladies conduisant à la défaillance des grands organes (cœur, poumons, foie, reins, pancréas…), la transplantation reste et restera une merveilleuse aventure médicale de l’Humanité.


IMMUNOLOGIE



HISTOIRE NATURELLE D’UNE GREFFE


Aspects morphologiques et fonctionnels


► Greffes de peau


• Une autogreffe ou une greffe syngénique de peau

Elle est rapidement vascularisée dès les 2 ou 3 premiers jours et a un aspect normal dès les 4 ou 5 premiers jours; l’architecture de la peau étant conservée, il n’existe que quelques infiltrats de cellules inflammatoires dues au traumatisme chirurgical.


• Dans une allogreffe primaire

Le comportement est identique à celui de l’autogreffe avec rétablissement vasculaire au début, mais très rapidement s’installe une infiltration de lymphocytes*, de lymphoblastes, de plasmocytes, de cellules dendritiques et de macrophages dans les aires périvasculaires.

Vers le 7e jour, la greffe commence à se nécroser, à s’épaissir et vers le 10e jour la nécrose est totale avec obstruction de la vascularisation. Puis, le greffon est éliminé, laissant la place à une cicatrice.

Cette évolution dépend en fait des différences d’histocompatibilité entre donneur et receveur : une différence d’histocompatibilité importante accélère ce processus; si celle-ci est faible, le processus décrit plus haut est retardé, s’étalant parfois sur plusieurs semaines et pouvant même parfois subsister de façon permanente bien qu’un rejet chronique puisse être démontré sur une biopsie d’organe.


• Les allogreffes secondaires

Effectuées à distance (semaines ou mois) d’une première greffe, elles sont rejetées de façon accélérée. L’évolution dans les 3 ou 4 premiers jours est identique à celle de la greffe primaire, sauf dans le cas précis du rejet hyperaigu ou humoral dû à des anticorps préformés.

Cependant, dès que la vascularisation de la greffe s’établit, le rejet est intense et aboutit à une destruction du greffon dès le 7e jour. Fait essentiel, le rejet secondaire est spécifique des antigènes d’histocompatibilité du premier donneur (une 2e greffe d’un donneur non lié génétiquement au premier ne subit pas de rejet accéléré).


► Greffes d’organes


Dans les rejets chroniques, l’infiltrat cellulaire inflammatoire est généralement modéré. En revanche, il existe une fibrose interstitielle extensive et une prolifération intimale, et de la media des vaisseaux de moyen et petit calibre. Enfin il existe des lésions glomérulaires aboutissant à des glomérules détruits. Le rejet des greffes d’organes peut être apprécié précocement par la perte progressive des fonctions des organes greffés : augmentation de la créatinémie et chute de la natriurèse pour le rein; modification de l’électrocardiogramme pour le cœur; élévation de la bilirubine et des transaminases pour le foie; élévation de la glycémie pour le pancréas; apparition d’images radiologiques thoraciques et d’anomalies à la gazométrie pour les poumons. La biopsie du transplant est le geste impératif de confirmation du processus de rejet. Les rejets secondaires d’organes se traduisent par des rejets accélérés ou même hyperaigus de type humoral. Ce dernier aspect donne une image typique de nécrose corticale rénale dans les minutes ou les heures qui suivent une transplantation rénale.


► Cas particuliers


• Sites privilégiés

Certaines allogreffes ne subissent pas de rejet lorsque le greffon est implanté dans un site privilégié peu accessible aux lymphocytes du système immunitaire. C’est le cas de la chambre antérieure de l’œil, du tissu cérébral, de la poche jugale du hamster et, dans une certaine mesure, du placenta qui présenterait une barrière contribuant probablement à la protection du fœtus « allogreffé ».


• Tissus privilégiés

Certains tissus peu ou pas vascularisés sont résistants au phénomène du rejet : le cartilage par exemple.



Aspect immunologique

Au cours du rejet de greffe, des modifications vont intervenir au niveau local, c’est-à-dire le greffon, mais aussi régional (les ganglions qui drainent le territoire de la greffe) et, enfin, il existe aussi une composante générale, dite systémique.


► Au niveau du greffon

Il existe une réaction de type inflammatoire avec nombreux infiltrats périvasculaires constitués de lymphocytes T activés, de cellules dendritiques, de monocytes et de lymphocytes B. Ces cellules sont capables de proliférer en présence des cellules du donneur in vitro et de les lyser par une réaction de cytotoxicité à médiation lymphocytaire.

Un œdème du tissu interstitiel est généralement associé, dû à la production de substances solubles inflammatoires (cytokines, lymphokines, chémokines), qui ultérieurement joueront un rôle dans l’attraction de cellules phagocytaires.


► Au niveau des organes Iymphoïdes

Les ganglions régionaux d’une greffe augmentent rapidement de volume et on y note une hypertrophie des zones paracorticales avec présence de lymphoblastes très jeunes dès le 2e ou 3e jour. Parallèlement, le débit des lymphatiques afférents de la greffe augmente, ainsi que celui des lymphatiques afférents des ganglions lymphatiques. On y trouve des cellules transformées (lymphoblastes), qui peuvent être présentes dans le sang périphérique.



MÉCANISMES EFFECTEURS DU REJET DE GREFFE


Preuves de la nature immunologique du rejet de greffe

Le rejet de greffe est spécifique du greffon et, en particulier, des produits du complexe majeur et mineur d’histocompatibilité. Ce receveur peut être sensibilisé avant la transplantation vis-à-vis des antigènes du donneur, puis développer en post-transplantation immédiate un rejet accéléré de type secondaire.

De même, on peut sensibiliser un receveur par le simple transfert passif de lymphocytes provenant d’un individu ayant déjà rejeté une allogreffe; il est évident que cette sensibilisation passive est spécifique des antigènes du donneur.

Enfin, il est possible de prévenir le rejet en administrant des immunoglobulines polyclonales ou monoclonales dirigées contre les structures du lymphocyte T du receveur, sérum antilymphocytaire, globuline antithymocytaire, anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’interleukine 2, par exemple.


Déroulement de la réponse immunitaire



► Phase proliférative et de différentiation

Elle a lieu généralement dans le territoire lymphatique de drainage. Pendant cette phase, les lymphocytes stimulés ayant reconnu les antigènes spécifiques, et par certaines cytokines (Il1, IL6, interféron δ…) prolifèrent et subissent une différenciation :


– les lymphocytes T se différencient en lymphocytes T cytotoxiques (CD8+) et en lymphocytes T auxiliaires (CD4+) sécréteurs de molécules ayant un rôle considérable dans les régulations interleucocytaires (lymphokines de type IL2, IL7, IL15, interféron δ, etc.);


– les lymphocytes B se différencient et se multiplient en plasmocytes qui sécréteront des anticorps, eux-mêmes spécifiques des allo-antigènes.


► Phase d’infiltration du greffon

Elle a lieu, là où ces lymphocytes sensibilisés circulent et infiltrent le greffon, par l’intermédiaire des chémokines, où se développera la réaction de rejet.


Mécanismes effecteurs impliqués dans le rejet de greffe


► Effecteurs de l’immunité* à médiation cellulaire

De nombreuses cellules sont impliquées dans le rejet d’allogreffe et leurs rôles respectifs n’est pas encore bien défini.


• Les lymphocytes T ont un rôle prédominant

Deux sous-populations distinctes peuvent avoir un rôle direct : les lymphocytes T cytotoxiques (CD8+) et les lymphocytes T auxiliaires (CD4+) qui sont impliqués dans les mécanismes d’hypersensibilité retardée.

Il semble que les premiers soient impliqués lors d’une reconnaissance des antigènes d’histocompatibilité de classe I, tandis que les seconds le seraient dans une reconnaissance des antigènes d’histocompatibilité de classe II.

Ces deux sous-populations sont spécifiques de l’antigène et, pour les premiers, ont une cytotoxicité directe sur la cellule cible, une cellule effectrice pouvant détruire successivement plusieurs cellules cibles portant le même antigène.


• Les cellules « natural killer »

Elles ont un rôle prédominant dans la défense antitumorale et antivirale et sont elles-mêmes impliquées dans le rejet d’allogreffe, mais ont un rôle non spécifique.


• Les cellules « killer » (K)

Elles sont responsables de la cytotoxicité cellulaire fonctionnant dans le système ADCC décrit précédemment. C’est l’anticorps dans ce système qui assure la spécificité, la cellule effectrice ne portant qu’un récepteur pour la portion Fc des lgG (CD16+).



• Les lymphokines, cytokines, facteurs de nécrose ou d’apoptose

Ce sont des facteurs solubles, et l’interleukine 2, sécrété par les cellules T (auxiliaires et cytotoxiques), joue le rôle de troisième signal dans l’activation T et B. D’autres facteurs moins bien définis, comme le Migration Inhibiting Factor (MIF) et le Macrophage Activating Factor (MAF), permettent le recrutement et l’activation de macrophages, de polynucléaires augmentant d’autant la réaction inflammatoire. D’autres facteurs ont un rôle de cytotoxicité directe (tumor necrosis factor [TNF], granzymes A et B, perforine) ou de maturation (interféron delta [IFNδ] transforming growth factor beta [TGFβ]).


► Effecteurs de l’immunité à médiation humorale

Le rejet de greffe s’accompagne en général d’anticorps spécifiques des antigènes d’histocompatibilité du greffon, qu’ils soient de classe I ou de classe II. Un grand nombre fixe le complément (lgG, lgM) et sont cytotoxiques contre les cellules du donneur. Leur spécificité (antilymphocytes T ou B et anti-HLA spécifiques), ou leur maximum d’activité selon la température (4°C, 22°C, 37°C) permettent de mieux les définir. Certains anticorps ne fixent pas le complément et fonctionnent en ADCC. La technique de cytométrie de flux est à l’heure actuelle la méthode la plus sensible de détection des anticorps anti-HLA.

Le rôle de cette immunité humorale est majeur dans le rejet hyperaigu décrit précédemment et intervenant chez des sujets déjà sensibilisés, mais beaucoup plus mineur dans le rejet aigu typique. Dans certains rejets chroniques, il existe une sécrétion locale in situ d’anticorps par les plasmocytes, ces anticorps seraient responsables directement, ou indirectement par l’intermédiaire de complexes immuns, de lésions d’endartérite proliférative.


Les cibles ou rejet d’allogreffe

Les antigènes d’histocompatibilité représentent la cible de la réaction immunitaire. Ce sont principalement les produits des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité, mais les produits codés par les systèmes mineurs peuvent jouer un rôle non négligeable dans certains rejets tardifs, ainsi que certains produits spécifiques d’organes (système Epa pour la peau par exemple, ou antigènes tubulaires pour le rein).



Modèles d’étude in vitro de la réaction de rejet de l’allogreffe


► Réaction lymphocytaire mixte (MLC)

C’est un test de reconnaissance des allo-antigènes et de prolifération. Lorsque les lymphocytes provenant de deux individus génétiquement différents sont mis en présence et cultivés in vitro, ils se transforment et prolifèrent.

La prolifération étant bloquée par interférence avec la synthèse d’ADN (mitomycine ou irradiation), cette population est donc uniquement stimulante. La deuxième population, en revanche, prolifère et celle-ci est quantifiée par l’incorporation de thymidine marquée.

Cette prolifération est liée à la stimulation par les antigènes d’histocompatibilité de classe II (DR, DP, DQ) portés par la population stimulante; en cas d’identité à ces loci (jumeaux, individus classe II identiques) aucune prolifération n’apparaît. Dans les lymphocytes qui prolifèrent, les lymphocytes T auxiliaires, T régulateurs, T cytotoxiques sont prédominants, avec sécrétion de lymphokines et différenciation de cellules-mémoires.


► Réaction de lymphocytotoxicité à médiation cellulaire (CML)

Cette réaction met en évidence la phase effectrice de la réponse allogénique développée au cours de la MLC. Elle permet d’étudier la lyse spécifique de la population répondeuse vis-à-vis de la population stimulante et utilisée comme cible de la lyse.

Cette cible est représentée par les lymphocytes transformés par des mitogènes et marqués par un produit radioactif comme le chrome 51. Cette lyse peut être quantifiée par le comptage dans le milieu du chrome 51 relargué par les cellules détruites. Les antigènes cibles de cette lyse sont principalement les antigènes d’histocompatibilité de classe I.


Modalités d’interférence avec le rejet


► Choix du donneur

Le choix du donneur essaie de minimiser les échecs immunologiques de transplantation. La détermination des groupes HLA* se fait par le test de lymphocytotoxicité en utilisant des antisérums spécifiques anti-HLA-A, HLA-B,


Schématiquement, on peut dire que les transplantations sont faites dans la compatibilité ABO et que l’on ne tient compte de la compatibilité tissulaire que pour la moelle et le rein; le foie, le cœur et le pancréas étant transplantés sans compatibilité HLA.

En cas de transplantation rénale, les receveurs porteurs d’anticorps lymphocytotoxiques, transplantés avec un greffon ayant une bonne compatibilité HLA, ont une survie du greffon identique à ceux qui n’ont pas d’anticorps lymphocytotoxiques et qui sont transplantés avec un greffon de compatibilité médiocre. La recherche d’une pré-immunisation sur le plan humoral vis-à-vis des antigènes d’histocompatibilité du donneur est absolument indispensable. Elle se fait par la recherche systématique d’anticorps lymphocytotoxiques contre un panel de cellules congelées représentant tous les groupes HLA (panel) dans la période prégreffe, et par la technique du cross-match lors de l’appel de transplantation (lymphocytotoxicité directe entre les différents échantillons de sérum du receveur contre les lymphocytes spécifiques prélevés chez le donneur avant greffe). Un cross-match positif est une contre-indication à la greffe; la technique en cytométrie de flux est la plus sensible.


► Les immunosuppresseurs

Les différents immunosuppresseurs interférant avec la défense immunitaire permettent la mise en place de protocoles :


– les corticoïdes, agissant directement sur la cellule, inhibent la synthèse d’ADN, la respiration cellulaire, la synthèse de GMP cyclique et la libération d’lL2 et des principales cytokines/lymphokines;


– les inhibiteurs métaboliques de type azathioprine (Imurel) et de type acide mycophénolique (Cellcept, Myfortic) interfèrent directement avec la synthèse d’ADN intralymphocytaire;


– les anticalcineurines comme la ciclosporine A (Sandimmun, Neoral) et le tacrolimus (FK 506 : Prograf, Advagraf) interfèrent directement avec la synthèse d’IL2 et d’autres cytokines au niveau des lymphocytes T;


– les inhibiteurs de la m-TOR (pour target of rapamycine) (Rapamune, Certican) sont une nouvelle classe d’immunosuppresseurs puissants, actifs sur le lymphocyte T, sans néphrotoxicité et agissant sur les voies en aval du récepteur de l’IL2 (3e signal);


– les sérums antilymphocytaires/antithymocytaires sont dirigés contre les structures des lymphocytes T, et en particulier le récepteur pour l’alloantigène et les molécules de costimulation;


– les anticorps monoclonaux anti-récepteurs de l’IL2 sont largement utilisés dans les traitements d’induction post-transplantation (Simulect, Zenapax);


– des molécules biologiques de fusion (LEA : Belatacept) inhibent non pas le premier signal d’activation du lymphocyte T (alloantigène) mais le second signal d’activation entre la molécule CD28 du lymphocyte et les molécules B 7-1 et B 7-2 des cellules présentatrices de l’antigène. Elles vont être utilisées dans un délai très proche et sont dénuées de toute néphrotoxicité.



PROTOCOLES DE PRÉLÈVEMENT

Parce que c’est une évidence trop souvent oubliée, rappelons ici que le prélèvement d’organes est l’acte fondamental de toute transplantation. De lui dépendent la disponibilité et la qualité du greffon.


ASPECTS LÉGAUX ET RÉGLEMENTAIRES

Jusqu’en 1976, les médecins recueillaient le consentement formulé par le donneur, de son vivant, soit par écrit, soit verbalement à sa famille; ceci revenait le plus souvent à obtenir le consentement exprès des proches, démarche contraire à l’affirmation constante par la jurisprudence du caractère non patrimonial du corps humain.

La loi n° 76-1181, dite « loi Caillavet », promulguée le 22 décembre 1976, a marqué une étape importante dans l’évolution des principes relatifs aux prélèvements d’organes. Le législateur, tout en maintenant le consentement libre et exprès pour le donneur vivant, a introduit, pour le donneur décédé, la notion de consentement présumé en l’absence de refus explicite.

Les lois n° 94-653 et 94-654 du 29 juillet 1994 relatives au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, posent les premières dispositions de la première «loi bioéthique» en France. Elles ont repris cette notion de consentement présumé pour le donneur décédé, et énoncent les grands principes du respect du corps humain sur les plans civil et pénal. Elles transcrivent dans le code de santé publique le caractère bénévole du prélèvement : consentement préalable du donneur révocable à tout moment (art. L. 665-11, CSP), gratuité (art. L. 665-13, CSP) et anonymat (art. L. 665-14, CSP). Le législateur avait prévu une révision tous les 5 ans, permettant ainsi l’ajustement aux progrès dans les domaines de la recherche.

Ces lois ont été révisées en 2004 et publiées sous forme d’une seule loi : la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Elle consacre la reconnaissance de l’activité de prélèvement en affirmant qu’elle constitue une activité médicale à part entière et une priorité de santé publique, elle reprend les grands principes énoncés en 1994.

La loi est, en 2009, en cours de révision et sera publiée dans le premier trismestre 2010.



Règles de sécurité sanitaire

« Le prélèvement d’éléments et la collecte de produits du corps humain à des fins thérapeutiques sont soumis à des règles de sécurité sanitaire définies par décret en Conseil d’État. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies transmissibles, les informations que sont tenus de transmettre les utilisateurs ou des tiers, les modalités de transmission de cette information nécessaires au suivi et à la traçabilité de ces éléments et produits du corps humain. Un décret en Conseil d’État fixe également les conditions dans lesquelles s’exerce la vigilance les concernant » (art. L. 665-15).

Dans l’attente de la publication de ces textes, la prévention de la transmission de certaines maladies infectieuses est assurée conformément au décret n° 92-174 du 25 février 1992, modifié par le décret n° 94-416 du 24 mai 1994 qui précisent les marqueurs biologiques obligatoires à rechercher chez ces donneurs :


infections par les virus VIH 1 et 2, HTLV 1 et 2;


hépatites B et C;


infections par le cytomégalovirus et le virus Epstein-Barr;


syphilis;


toxoplasmose.

Un échantillon du produit biologique ayant servi à effectuer ces recherches est conservé, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la Santé. »





Prélèvement à but thérapeutique chez le donneur vivant

C’est l’article L. 1231 de la loi du 6 août 2004 qui précise les conditions dans lesquelles un don d’organes à partir de donneur vivant peut être réalisé, et qui fixe les modalités de l’organisation de ce don. La loi prévoit que le donneur, outre la démarche médicale, aura à rencontrer un comité dit «comité donneur vivant» selon les modalités inscrites dans l’arrêté 2005-44 du 10 mai 2005, ainsi que le tribunal de grande instance.

Le donneur qui fait un don d’organes ne peut être opéré que dans l’intérêt thérapeutique direct d’un receveur. Le donneur doit avoir la qualité de père ou mère du receveur.

Par dérogation au premier alinéa, peuvent être autorisés à se prêter à un prélèvement d’organe dans l’intérêt thérapeutique direct d’un receveur : son conjoint, ses frères ou sœurs, ses fils ou filles, ses grands-parents, ses oncles ou tantes, ses cousins germains et cousines germaines ainsi que le conjoint de son père ou de sa mère. Le donneur peut également être toute personne apportant la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans avec le receveur.

Aucun prélèvement d’organes, en vue d’un don, ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale.

Le médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l’établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé saisit le comité d’experts compétent mentionné à l’article R. 1231-5. Il informe de cette saisine le directeur de l’établissement.

«L’information délivrée au donneur par le comité d’experts ou, en cas d’urgence vitale, par le médecin qui a posé l’indication de greffe ou par tout autre médecin du choix du donneur porte sur les risques courus par le donneur, sur les conséquences prévisibles d’ordre physique et psychologique du prélèvement ainsi que sur les répercussions éventuelles de ce prélèvement sur la vie personnelle, familiale et professionnelle du donneur. Elle porte également sur les résultats qui peuvent être attendus de la greffe pour le receveur.»


«Il doit exprimer son consentement devant le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui, qui s’assure au préalable que le consentement est libre et éclairé et que le don est conforme aux conditions prévues aux premier et deuxième alinéas. En cas d’urgence vitale, le consentement est recueilli, par tout moyen, par le procureur de la République. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment. »

«L’autorisation est délivrée postérieurement à l’expression du consentement par le comité d’experts qui communique sa décision par écrit au donneur et au médecin responsable du service, du département ou de la structure de soins de l’établissement de santé dans lequel le prélèvement est envisagé, qui la transmet au directeur de l’établissement.»

Un prélèvement d’organes sur une personne vivante ne peut donc être effectué que :


– dans l’intérêt thérapeutique direct d’un receveur,


– sur un donneur majeur jouissant de son intégrité mentale et ayant librement et expressément consenti à ce prélèvement,


– chez un donneur apparenté, les liens de parenté étant strictement définis par la loi (ascendance, descendance ou collatéralité au premier degré).

Il existe toutefois deux dérogations légales dans le cas du don de moelle osseuse, qui « est considérée comme un organe… » (art. L. 671-1) :


– Le donneur et le receveur ne sont pas obligatoirement apparentés (art. L. 671-3).


– « Un prélèvement de moelle osseuse peut être effectué sur un mineur au bénéfice de son frère ou de sa sœur (art. R. 1241-16).

Ce prélèvement ne peut être pratiqué que sous réserve du consentement de chacun des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal du mineur. Le consentement est exprimé devant le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui… Le refus du mineur fait obstacle au prélèvement » (art. L. 671-5).


Prélèvement à but thérapeutique chez le donneur cadavérique


► Conditions préalables au prélèvement

Le prélèvement d’organes ne peut être entrepris si l’une des conditions suivantes n’est pas formellement remplie.


• Constat du décès

Les modalités de ce constat sont définies par la loi : « Les médecins qui établissent le constat de la mort, d’une part, et ceux qui effectuent le prélèvement ou la transplantation, d’autre part, doivent faire partie d’unités fonctionnelles ou de services distincts. » (art. L. 671-10).

« Le prélèvement d’organes sur une personne décédée ne peut être effectué qu’après que le constat de la mort a été établi dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. » (décret n° 96-1041 du 2 décembre 1996, relatif au constat de la mort préalable au prélèvement d’organes, de tissus et de cellules à des fins thérapeutiques ou scientifiques). L’article R. 1232-4-1 indique : « Les prélèvements d’organes sur une personne décédée ne peuvent être effectués que si celle-ci est assistée par ventilation mécanique et qu’elle conserve une fonction hémodynamique


«Toutefois, les prélèvements des organes figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, peuvent être pratiqués sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant.» Ceci ne peut être réalisé que dans les établissements ayant passé convention avec l’Agence de la biomédecine et selon un protocole bien précis.


• Absence d’opposition du sujet décédé

La loi française ayant opté pour un consentement présumé précise les modalités que doivent mettre en place les professionnels de santé lors d’un décès afin de rechercher l’expression d’une opposition au don d’organes exprimée par le défunt de son vivant.

«Le prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l’inscription sur un Registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. »

«Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès des proches l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés» (art. L. 1232-1).

En juin 1995, dans son rapport au Premier ministre, monsieur Porcher, parlementaire en mission, a défini les règles à observer pour la mise en place et le fonctionnement du Registre national automatisé des oppositions (décret n° 97-704 du 30 mai 1997) : «Toute personne majeure ou mineure âgée de treize ans au moins peut s’inscrire sur le registre afin de faire connaître qu’elle refuse qu’un prélèvement d’organes soit opéré sur son corps après son décès soit à des fins thérapeutiques, soit pour rechercher les causes du décès, soit à d’autres fins scientifiques, soit dans plusieurs de ces trois cas.»

Les règles de fonctionnement de ce registre sont donc :


– accessibilité et notoriété du registre;


– respect absolu des volontés exprimées;


– confidentialité des informations avant le décès (et donc avant le constat formel de la mort);


– rapidité et simplicité de la consultation du registre.

Sur le cadavre d’un mineur ou d’un incapable majeur, «le prélèvement en vue d’un don ne peut avoir lieu qu’à condition que chacun des titulaires de l’autorité parentale ou le représentant légal y consente expressément par écrit» (art. L. 671-8), la consultation du Registre national du refus étant obligatoire à partir de l’âge de 13 ans.



• Absence d’opposition du procureur de la République

Chaque fois que les circonstances de la mort sont suspectes, le médecin ne pourra procéder à aucun prélèvement, quel qu’il soit, avant que le procureur de la République ait donné son accord.


► Obligations consécutives au prélèvement


• La restauration du corps du donneur décédé

« Les médecins ayant procédé à un prélèvement ou à une autopsie médicale sur une personne décédée sont tenus de s’assurer de la meilleure restauration possible du corps » (art. L. 1232-5).


• L’information de l’Agence de la biomédecine

L’Agence de la biomédecine est avisée, préalablement à sa réalisation, de tout prélèvement à fin thérapeutique ou à fin scientifique (art. L. 1232-1).

Le 1er décembre 1994 (arrêté du 24 novembre 1994 relatif à la gestion de la liste nationale des patients susceptibles de bénéficier d’une greffe en application de l’art. L. 673-8 du code de la santé publique), cet établissement publique national a relayé l’action de France-Transplant. Cette association avait été fondée par Jean Dausset, en septembre 1969, pour favoriser le développement de la greffe rénale et réaliser cette transplantation dans des conditions optimales. Mais, en 1992, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales a mis en évidence les limites du statut associatif de France-Transplant et la fragilité d’un système où l’État confiait à une association de droit privé un rôle essentiel dans une activité de santé publique. C’est pourquoi le ministre délégué à la Santé annonçait, dans sa conférence de presse du 30 septembre 1993, qu’il avait « acquis la conviction que les pouvoirs publics devaient prendre, en matière de greffes, les responsabilités qui étaient les leurs, et cela sans délégation ni concession ». En conséquence, il avait « décidé que la création d’un établissement public offrait les meilleures assurances aux patients et les meilleures assurances aux médecins, et que l’État serait présent là où il devait l’être ».

Ainsi, l’article 56 de la loi 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a «créé un établissement public national dénommé Établissement français des greffes, placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé». Cet établissement a été remplacé en 2004 par l’Agence de la biomédecine. L’article L. 1418-1 définit les missions de l’Agence de la biomédecine :

«Elle est compétente dans les domaines de la greffe, de la reproduction, de l’embryologie et de la génétique humaine. Elle a notamment pour missions : «la gestion de la liste nationale des patients en attente de greffes d’organes et de cornées mentionnée à l’article L. 1251-1 ainsi que celle du fichier des donneurs volontaires de cellules hématopoïétiques et de cellules mononucléées périphériques mentionné au 8° de l’article L. 1418-1;


«l’encadrement et la coordination des activités de prélèvement et de greffe d’organes, de tissus et de cellules issus du corps humain, y compris les échanges internationaux dont les greffons font l’objet;

«l’évaluation et, le cas échéant, le contrôle des activités médicales et biologiques prévues au 4° de l’article L. 1418-1; l’Agence procède à l’analyse quantitative et qualitative des informations dont elle dispose sur ces activités et sur les techniques utilisées, y compris les alternatives thérapeutiques à la greffe, ainsi qu’à celle des résultats obtenus (art. R. 1418-2);

«le suivi de l’état de santé des personnes ayant fait un don d’organes ou d’ovocytes mentionné au 6° de l’article;

«Elle intervient en outre, dans le cadre de la coopération internationale, en faveur du développement à l’étranger des activités relevant de son champ de compétence.»


La répartition et l’attribution des greffons

La répartition et l’attribution des greffons incombent à l’Agence de la biomédecine.


► La répartition des greffons

L’histoire de la transplantation est liée à la connaissance et au contrôle des mécanismes du rejet. C’est la compréhension de ce phénomène naturel – conflit immunologique dont l’intensité varie en fonction du degré de compatibilité tissulaire entre donneur et receveur – , et la recherche sur les moyens de le contrôler, qui ont permis la survie des greffons et des personnes qui bénéficient d’une greffe.

La découverte du complexe majeur d’histocompatibilité (système HLA), par Jean Dausset, a permis d’identifier, pour un donneur défini, le receveur ayant le même groupe, ou du moins, le groupe tissulaire le plus proche dans ce système.

Les listes nationales d’attente sont fondées, pour chaque organe, sur cette base; les malades y sont inscrits par ordre chronologique, et leurs caractéristiques (groupe sanguin, âge, poids, taille, groupe tissulaire, statut sérologique viral) y sont consignées, ainsi que les spécificités de leur maladie.

La répartition et l’attribution des greffons constituent l’articulation indispensable entre le prélèvement et la greffe, permettant de tenir compte de la rareté de cette ressource inestimable. Les règles de répartition et d’attribution de ces greffons doivent respecter les principes d’équité et ceux de l’éthique médicale, et viser à l’amélioration de la qualité des soins à travers l’arrêté du 6 novembre 1996. Ces règles sont régulièrement discutées à l’intérieur de l’Agence de la biomédecine avec les professionnels, afin de veiller à l’optimisation de l’attribution des greffons en ayant comme objectifs une diminution de la durée d’attente des malades inscrits et une diminution de la mortalité des malades en attente de greffe.



ASPECTS MÉDICAUX


La mort encéphalique

Les premiers travaux de Goulon et Mollaret ont, dès 1959, défini la situation de coma dépassé, puis en 1963 celle de mort cérébrale*, permettant alors les premiers prélèvements à cœur battant, à l’hôpital Necker. Le prélèvement d’organes et de tissus chez les personnes en état de mort cérébrale a été définitivement acté par la circulaire Jeanneney en 1968.

La mort encéphalique est l’abolition définitive et irréversible de tout métabolisme et de toute fonction encéphalique. Processus de nécrose ischémique de l’encéphale induit, malgré la persistance d’une activité cardiaque, par un arrêt circulatoire cérébral, cette entité ne peut être maintenue qu’en suppléant aux fonctions hémodynamique et respiratoire.

Le décret n° 96-1041 du 2 décembre 1996 relatif au constat de la mort préalable au prélèvement d’organes, de tissus et de cellules à des fins thérapeutiques ou scientifiques, et modifiant l’article R. 671-7-1 du code de la santé publique, définit les conditions du diagnostic de la mort dans le cadre d’un prélèvement : «Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :

«1° absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée;

2° abolition de tous les réflexes du tronc cérébral;

3° absence totale de ventilation spontanée.»

L’article R. 671-7-2 dispose en outre que : «Si la personne, dont le décès est constaté cliniquement est assistée par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique, l’absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d’hypercapnie.

«De plus, en complément des trois critères cliniques mentionnés à l’article R. 671-7-1, il doit être recouru, pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique :


– soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de 4 heures, réalisés avec amplification maximale sur une durée d’enregistrement de 30 minutes et dont le résultat doit être immédiatement consigné par le médecin qui en fait l’interprétation;


– soit à une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique et dont le résultat doit être immédiatement consigné par le radiologue qui en fait l’interprétation.»



► Les signes cliniques

Ils sont corollaires de la destruction totale de l’encéphale :


– coma profond avec mydriase bilatérale, associée dans la majorité des cas à une hypotonie musculaire, une disparition des réflexes tendineux et cutanés et une absence de réaction à toute stimulation;


– perte de toute réactivité dans le territoire des nerfs crâniens: abolition des réflexes photomoteurs, cornéens, oculo-vestibulaires, pharyngés, de déglutition, de toux à la broncho-aspiration et, enfin, oculo-cardiaque;


– absence de respiration spontanée au débranchement du respirateur confirmée par une épreuve d’hypercapnie. Mais des réactions de type médullaire peuvent aussi se rencontrer et n’infirment pas la mort encéphalique : réflexes ostéotendineux normaux ou vifs, réaction ipsilatérale au pincement avec mouvement d’abduction au membre supérieur et flexion au membre inférieur;


– polyurie de type diabète insipide;


– hypotension artérielle par vasoplégie, hypovolémie et bas débit cardiaque;


– hypothermie, en fonction de la température ambiante.


► Les signes paracliniques

L’électroencéphalogramme (EEG), y compris en amplification maximale, révèle un tracé nul, linéaire et inactif. Il doit être répété à un intervalle de temps réglementaire de 4 heures.

L’angiographie cérébrale permet d’objectiver l’arrêt circulatoire cérébral. Les examens utilisés pour ce diagnostic sont l’artériographie et l’angioscanner.


La prise en charge du donneur potentiel


► Mise en condition du donneur

Elle comporte :


– une mesure régulière, automatisée ou sanglante, de la pression artérielle;


– une surveillance scopique continue;


– la mise en place de deux voies veineuses : une périphérique de gros calibre pour le remplissage vasculaire et une centrale pour la mesure de la pression veineuse centrale;


– une mesure horaire de la diurèse;


– un monitorage continu de la température par sonde thermométrique.



► Réanimation du donneur

La réanimation dure de 12 à 24 heures, délai nécessaire à l’organisation pratique du prélèvement. Palliant l’absence de régulation centrale sympathique, thermique, hormonale et respiratoire, elle vise à préserver le caractère fonctionnel des organes : poumons, cœur, foie, pancréas et reins.

Elle est fondée sur le maintien d’un équilibre hémodynamique compatible avec une bonne perfusion périphérique : pression artérielle systolique supérieure à 80mmHg, pression veineuse centrale entre 5 et 10 cmH2O, diurèse horaire entre 60 et 150ml/heure. Cet équilibre est d’abord assuré par le remplissage vasculaire, mais l’utilisation de drogues vaso-actives, de diurétiques ou de l’hormone antidiurétique, peut s’avérer nécessaire.


• Le remplissage vasculaire

Les volumes perfusés sont souvent importants, pouvant atteindre un litre par heure. La réhydratation repose sur les solutés cristalloïdes isotoniques, glucidiques et salés. Le débit de perfusion est adapté, heure par heure, au bilan hydrique.

Compte tenu de la polyurie, l’administration de chlorure de potassium est systématique et les apports ioniques sont ajustés au vu des bilans sanguins répétés toutes les quatre heures.

Pour lutter contre l’hypovolémie, on emploie les colloïdes de synthèse (les gélatines sont préférées à l’hydroxyéthylamidon);

Les plasmas congelés viro-inactivés ne sont utilisés qu’en cas de troubles importants de la crase sanguine (TP < 40 %), et les concentrés globulaires ne sont utilisés que lorsqu’il existe une hémorragie ou une hémodilution importante (hématocrite inférieur à 30 %).



• Les autres thérapeutiques

Lorsqu’il persiste, malgré une volémie adaptée, une oligurie – diurèse horaire inférieure à 50ml/heure – le furosémide est indiqué. A l’inverse, dans les polyuries majeures – diurèse horaire supérieure à 300ml/heure – l’hormone antidiurétique est employée sous forme de desmopressine (Minirin) par voie intraveineuse.

L’assistance respiratoire est poursuivie sur des bases classiques: ventilationminute à 8-10ml/kg, fréquence entre 15 et 20 c./min, PEEP à + 5 cmH2O et FIO2 à 30 ou 40 % de manière à obtenir des PaO2 égales à 100mmHg. L’hypothermie est prévenue par l’utilisation de couvertures isothermes et de matelas chauffants.

Les règles d’asepsie et d’antisepsie sont strictement respectées; l’antibioprophylaxie est fréquente mais non systématique.


Les critères de sélection du donneur

Le succès de la transplantation dépend de leur recherche qui doit être conduite de façon rigoureuse. Ces critères découlent de deux impératifs : la non-transmission de maladies d’une part et le degré prévisible de qualité des greffons d’autre part.


► Critères de non-transmission de maladies

Sont récusés les sujets :


– ayant présenté une infection virale (virus VIH 1 et 2, hépatite C, HTLV 1 et 2) ou mycotique sévère, une tuberculose ou la rage;


– porteurs d’une pathologie neurologique d’étiologie indéterminée ou traités par l’hormone de croissance naturelle (risque de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob);


– ayant des comportements à haut risque de maladie séro-sexuellement transmissible;


– atteints de maladie néoplasique en cours d’évolution.



Le temps chirurgical du prélèvement

Un prélèvement multiple (cœur-poumons, foie et reins) dure environ six heures. Il se déroule au bloc opératoire dans les conditions habituelles d’asepsie chirurgicale.

Le transport et l’installation du donneur au bloc sont des moments délicats du fait de l’instabilité hémodynamique. Le donneur est installé en décubitus dorsal.

La réanimation et la surveillance sont poursuivies; lorsque l’administration d’amines pressives était déjà nécessaire, ce traitement est maintenu à la phase per-opératoire. La ventilation assistée est réalisée en oxygène pur sauf si un prélèvement pulmonaire est prévu; dans ce cas, la FIO2 reste au plus égale à 40 %. La curarisation, à l’aide d’un curare non dépolarisant de longue durée d’action, est obligatoire, compte tenu de la persistance possible de réflexes médullaires. Dans le cas d’un prélèvement pulmonaire associé, l’antibiothérapie (β-lactamine + inhibiteur des β-lactamases) et, éventuellement, une corticothérapie sont instaurées.

La technique chirurgicale du prélèvement multi-organes est bien codifiée, de même que les impératifs de dissection et de protection propres à chacun des organes prélevés. En salle d’opération, le matériel nécessaire au refroidissement et à la conservation des organes (solution cardioplégique et solution de Belzer à 4°C, lignes de perfusions et raccords) est préparé pour être mis en œuvre sans retard, au moment du clampage, qui est précédé par l’injection intraveineuse directe d’héparine à la dose de 3mg/kg.

Une bonne coordination entre les différentes équipes est fondamentale, en particulier lors de la perfusion in situ après canulation et clampage des axes vasculaires (racine de l’aorte, aorte abdominale, veine cave et veine mésentérique). Une décoloration rapide et complète des organes est un témoin fidèle de la qualité du refroidissement.

Après exérèse, chaque organe est disséqué « ex vivo » puis conditionné pour le transport en container isotherme réfrigéré.

Les durées d’ischémie froide sont limitées pour le bloc cœur-poumons (4 heures) et le foie (12 heures), ce qui impose de pratiquer ces transplantations en urgence. Par contre, la meilleure tolérance des reins à l’ischémie (36 heures) autorise à différer leur greffe dans l’attente du résultat du crossmatch.


Chaque année, en France, 5 000 malades sont inscrits sur la liste nationale d’attente; plus de 350 mourront faute d’avoir pu bénéficier de la transplantation d’organe qu’ils espéraient.

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Jun 22, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Transplantation

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