21. Traitement Médical et Chirurgical de la Pubalgie
P. Djian*, Y. Demarais** and D. Folinais*
Les douleurs de la région inguinale ont une incidence de 5 à 9 % dans une population de sportifs de haut niveau. Ces syndromes surviennent dans des sports de contact impliquant des accélérations et décélérations et des changements de direction soudain. Les symptômes peuvent varier de l’inconfort à une douleur quotidienne qui impose alors l’arrêt de toute activité sportive.
Le football est, de loin, le plus grand pourvoyeur de pubalgies. Tous les joueurs peuvent être touchés, et pas seulement ceux de haut niveau. La prévention est essentielle ; elle permet de diminuer considérablement l’incidence de cette pathologie.
Il est donc impératif de recommander des exercices de mobilisation articulaire et de musculation abdominale, dès l’apparition des premiers signes. On évitera ainsi, dans la majorité des cas, l’évolution vers une véritable pubalgie, difficilement soulagée par le traitement médical et la rééducation.
Le diagnostic doit être un diagnostic d’élimination et ceci implique donc une approche multidisciplinaire pour le traitement de cette pathologie.
INTRODUCTION
Le terme « pubalgie » désigne actuellement un syndrome douloureux de la région inguinale et pubienne. C’est un terme équivoque qui correspond à plusieurs types de lésions, tendineuses et/ou musculaires. Les lésions peuvent intéresser les muscles adducteurs, les muscles larges, les grands droits de l’abdomen ou encore l’orifice inguinal.
La symptomatologie douloureuse, provoquée ou révélée par la pratique sportive, a inspiré de nombreuses classifications cliniques et radiologiques. La pathogénie de cette affection n’est pas encore très claire. On retrouve à l’origine de ce syndrome, soit un traumatisme aigu entraînant d’emblée des lésions, soit des microtraumatismes répétés qui entretiennent une lésion.
La pubalgie apparaît pour certains comme un déséquilibre mécanique musculaire entre, d’une part, les adducteurs trop puissants et, d’autre part, les muscles larges de l’abdomen insuffisants [17, 28, 36]. Pour d’autres, l’existence d’ischiojambiers courts avec hyperlordose et antéversion du bassin [8, 33] jouerait un rôle favorisant en sollicitant exagérément la symphyse pubienne.
La meilleure connaissance de ce syndrome, l’amélioration des conditions d’entraînement et la rééducation ont permis de diminuer l’incidence des pubalgies. Les méthodes chirurgicales proposées en cas d’échec des traitements médicaux sont nombreuses, certaines agissant au niveau des adducteurs, d’autres au niveau des muscles larges [28], d’autres enfin combinant les deux méthodes précédentes. Les méthodes traditionnelles d’imagerie employées jusqu’à présent sont de peu d’aide au diagnostic positif. L’IRM est intéressante par ses possibilités de mise en évidence des lésions tendinomusculaires régionales.
ANATOMIE DESCRIPTIVE DE LA RÉGION INGUINALE
Ostéologie
Seule sera décrite, après un bref rappel général, l’anatomie pubienne.
La symphyse pubienne met en présence deux surfaces articulaires appartenant à l’os coxal.
L’os coxal est un os pair et non symétrique. Il forme avec celui opposé et le sacrum la ceinture pelvienne. Il est constitué de trois parties : l’ilion, l’ischion, le pubis.
Il est décrit comme un sablier avec trois parties :
– une partie supérieure : l’aile iliaque ;
– une partie moyenne portant la cavité cotyloïdienne ;
– une partie inférieure formant les bords du trou obturateur.
D’après Rouvière [35], le pubis comprend :
– un segment allongé, horizontal, placé au-dessus du trou ischiopubien et qui se détache de la cavité cotyloïdienne en avant de l’échancrure ischiopubienne ; c’est la branche horizontale du pubis ou corps du pubis ;
– une lame épaisse, quadrilatère, aplatie d’avant en arrière, située en avant du trou ischiopubien ; nous la désignerons sous le nom de lame quadrilatère du pubis ;
– un segment allongé, situé au-dessous et en arrière de la lame quadrilatère du pubis, c’est la branche descendante du pubis.
La face externe de ces trois parties du pubis donne insertion aux muscles adducteurs de la cuisse, au droit interne et à l’obturateur externe.
Arthrologie
L’articulation symphysaire unit les deux facettes articulaires pubiennes en un angle dièdre ouvert en avant.
Elle est constituée d’un fibrocartilage interarticulaire appelé ligament interosseux qui comporte une portion périphérique très dure et une région centrale plus friable, creusée le plus souvent en son centre d’une cavité irrégulière.
Cette cavité interpubienne, plus fréquente chez la femme, est de taille variable ; lorsqu’elle est absente, l’articulation appartient au groupe des amphiarthroses pures. Dans le cas contraire, elle doit être considérée comme une amphiarthrose.
Les deux surfaces articulaires sont maintenues en contact par un manchon fibreux renforcé par quatre ligaments :
– le ligament antérieur : épais résistant, formé de fibres transversales verticales et obliques ;
– le ligament postérieur : membrane fibreuse mince ;
– le ligament supérieur : faisceau fibreux transversal se prolongeant de chaque côté vers le ligament de Cooper ;
– le ligament inférieur : appelé ligament arqué du pubis, il est tendu sous la symphyse entre les branches descendantes du pubis.
Myologie
Groupe musculaire interne de la cuisse
Le plan musculaire comprend de la profondeur à la superficie : l’obturateur externe, la portion d’origine des muscles droit interne, des adducteurs et du pectiné.
Muscle obturateur externe (musculus obturatorius externus)
C’est un muscle aplati, triangulaire, tendu de la face externe du trou obturateur au grand trochanter.
D’après Rouvière [35] : « Il prend son origine par des fibres charnues sur la face externe du pourtour osseux du trou obturateur, dans ses segments antérieur, inférieur et postérieur. C’est-à-dire de la lame quadrilatère, de la branche descendante du pubis, des branches ascendantes et descendantes de l’ischion. »
Il se porte en arrière et en dehors. Il passe dans la gouttière sous-cotyloïdienne, contournant la face inférieure de l’articulation coxofémorale, puis à la face postérieure du col fémoral. Il se termine sur la face interne du grand trochanter dans la cavité digitale du grand trochanter.
Muscle droit interne (M. gracilis)
Ce muscle forme la limite interne du groupe musculaire interne de la cuisse. Il s’étend du pubis à la tubérosité interne du tibia.
Il prend son origine par un tendon sur la face antérieure de la surface angulaire du pubis, débordant sur la branche descendante. Sa direction est verticale et il va s’insérer sur le champ d’insertion des muscles de la patte d’oie en avant du LCM (ligament collatéral médial) et en arrière du couturier, au-dessus du demitendineux.
Muscles adducteurs
Muscle grand adducteur (M. adductor magnus)
C’est le plus large et le plus profond des trois adducteurs. Il est constitué de trois faisceaux superposés de haut en bas.
Les faisceaux supérieur et moyen sont en continuité à leur origine sur la branche ischiopubienne par des fibres charnues sur le 1/3 moyen de sa face externe.
Le faisceau inférieur prend naissance sur la face postérieure de la tubérosité ischiatique.
Le corps musculaire est triangulaire, formant un long éventail et se fixe sur le fémur en trois faisceaux.
Muscle petit adducteur (M. adductor brevis)
C’est un muscle aplati, triangulaire tendu du pubis à la ligne âpre.
Il prend son origine par un tendon, souvent uni à celui du droit interne, sur la face antérieure de la surface angulaire du pubis et la partie supérieure de la branche ischiopubienne.
Son insertion est située entre le moyen adducteur en haut, le droit interne en dedans, l’obturateur externe en dehors, et le grand adducteur en bas. Il se termine sur la partie supérieure de la ligne âpre du fémur.
Muscle moyen adducteur (M. adductor longus)
C’est un muscle triangulaire tendu du pubis à la ligne âpre du fémur. Il prend son origine par un tendon sur la face antérieure de la surface angulaire du pubis, sur la face inférieure de l’épine pubienne entre le pyramidal de l’abdomen en haut, et le petit adducteur en bas.
Son tendon échange des fibres avec le grand droit de l’abdomen participant au surtout fibreux présymphysaire.
Il se termine au niveau du 1/3 moyen de la ligne âpre du fémur.
Muscle pectiné (M. pectineus)
C’est l’adducteur le plus superficiel. Il forme le plancher du triangle de Scarpa.
Il naît de la crête pectinéale par des fibres charnues en deux plans.
Le plan superficiel a son origine sur la crête pectinéale, depuis l’éminence iliopectinéale jusqu’à l’épine du pubis et sur le ligament de Cooper. Le plan profond naît de la lèvre antérieure de la gouttière sous-pubienne. Ces deux plans forment un J ouvert en dehors.
Il se termine sur la ligne âpre.
Groupe musculaire de la paroi antérolatérale de l’abdomen
Nous étudierons la partie inférieure de ces muscles, en dessous des deux épines iliaques antérosupérieures.
Deux muscles sont paramédians :
– le grand droit de l’abdomen ;
– le pyramidal de l’abdomen.
Trois muscles sont antérolatéraux :
– le transverse de l’abdomen ;
– le petit oblique de l’abdomen ;
– le grand oblique de l’abdomen.
Muscle grand droit de l’abdomen (M. rectus abdominis)
Son insertion inférieure se fait par un tendon sur le corps du pubis entre l’angle du pubis en dedans et l’épine du pubis en dehors.
Ce tendon est très solide et ses fibres les plus internes s’entrecroisent sur la ligne médiane de la face antérieure de la symphyse pubienne.
Muscle pyramidal de l’abdomen (M. pyramidalis)
C’est un muscle annexé au grand droit mais qui est inconstant. Il a une forme triangulaire à base inférieure. Son insertion supérieure se fait par le 1/3 supérieur de son bord interne sur la face latérale de la ligne blanche.
L’insertion inférieure s’effectue sur la surface angulaire du pubis.
Muscle transverse de l’abdomen (M. transversus abdominus)
C’est le plus profond des muscles larges de l’abdomen. La direction de ses fibres est horizontale d’arrière en avant.
Son insertion en bas s’effectue sur les 3/4 antérieurs de la lèvre interne de la crête iliaque et sur le tiers externe de l’arcade crurale. Les fibres, les plus inférieures, se terminent par un tendon commun avec le petit oblique : le tendon conjoint. Il passe en pont au-dessus du cordon spermatique et se termine à la face supérieure du pubis en avant du grand droit.
Muscle petit oblique (M. obliquus internus abdominis)
La direction des fibres est oblique en haut et en avant. Ce muscle présente les mêmes insertions inférieures que le transverse de l’abdomen sur la crête iliaque et l’arcade crurale.
La terminaison des fibres inférieures se fait en commun pour former le tendon conjoint.
Chez l’homme, se détachent des fibres issues du tendon conjoint et du bord inférieur du petit oblique pour former le crémaster externe.
Chez la femme, ces faisceaux existent et forment le muscle inguinopubien.
Muscle grand oblique (M. obliquus externus abdominis)
C’est le plus superficiel des muscles de la paroi abdominale. Ses fibres sont dirigées de haut en bas et de dehors en dedans depuis la partie inférieure du thorax jusqu’à la ligne blanche.
La terminaison de ce muscle est complexe.
Selon Rouvière [35], le tendon aponévrotique du grand oblique se fixe en avant sur la ligne blanche, en bas sur le pubis et l’arcade fémorale.
Seule l’attache sur le pubis et l’arcade fémorale sera détaillée.
Insertions pubiennes
Elles se font par trois bandelettes obliques en bas et en dedans appelées piliers de l’orifice externe du canal inguinal. Les piliers font suite aux fibres issues de la 9e et de la 10e côte.
Pilier externe
Il s’insère sur l’épine du pubis. Quelques fibres se confondent avec le tendon du moyen adducteur ou se terminent sur l’aponévrose du droit interne.
Pilier interne
Il passe en avant du grand droit et du pyramidal et s’entrecroise sur la ligne médiane avec celui du côté opposé.
Pilier postérieur
Appelé ligament de Colles, il descend en arrière du pilier interne, croise la ligne médiane et s’insère du côté opposé :
– sur le pubis, de la symphyse à l’épine, en avant du grand droit et en arrière du pilier interne qui le recouvre ;
– sur l’épine du pubis ;
– sur l’extrémité interne de la crête pectinéale par quelques fibres unies au liga ment de Gimbernat.
Les piliers externes et internes sont divergents et ménagent un espace triangulaire à base inférieure : le canal inguinal. Cet espace est transformé en un orifice par le pilier postérieur et les fibres arciformes externes. Cet orifice livre passage au cordon spermatique chez l’homme et au ligament rond chez la femme.
L’arcade fémorale et ses insertions
L’arcade fémorale est une corde fibreuse tendue de l’épine iliaque antérosupérieur à l’épine pubienne. Elle limite avec le bord antérieur de l’os iliaque un espace divisé en deux par la bandelette iliopectinée.
L’anneau crural est limité :
– en avant et en haut par l’arcade crurale ;
– en dehors par la bandelette iliopectinée ;
– en dedans par le ligament de Gimbernat ;
– en bas et en arrière par la crête pectinéale recouverte par l’insertion du pectiné.
Dans l’anneau crural passent les vaisseaux fémoraux.
INNERVATION DE LA RÉGION INGUINALE
L’innervation sensitive est peu décrite dans les ouvrages d’anatomie classique. Cette étude est importante car elle rend compte des irradiations douloureuses trompeuses de la pubalgie.
L’innervation sensitive de la région antérieure pubienne est assurée par le plexus lombaire (plexus lombalis).
L’innervation sensitive de la région postérieure pubienne est mal précisée. Selon Mascellani [27], cette région dépend des rameaux collatéraux du nerf honteux interne issu du plexus honteux.
Physiopathologie et cinétique du mouvement
Nous pouvons considérer la physiopathologie de ces douleurs au travers de l’anatomie : les os et l’articulation pubienne. Les trois loges musculaires s’attachant sur les os et leur effet permettent l’inclinaison antérieure du pubis.
Anatomie osseuse
Le pelvis a pour fonction de transférer le poids du corps et de résister à ce poids. Il y a donc quatre os majeurs qui sont les os coxaux, le sacrum et le coccyx. La symphyse pubienne est le carrefour et le point d’appui musculaire.
Les muscles s’attachant sur la symphyse pubienne sont responsables de la stabilité de l’articulation bien plus que le disque fibrocartilagineux articulaire. Ceci marque une évolution dans la responsabilité de l’articulation : l’appellation « ostéite pubienne » doit certainement disparaître car elle ne fait apparaître une véritable responsabilité dans la genèse des douleurs. Ainsi cette ancienne appellation fait part de la description radiographique uniquement.
Les groupes musculaires peuvent être rangés en trois catégories :
– le compartiment antérieur, composé des muscles abdominaux et quelques fibres de la cuisse et des muscles pelviens ;
– le compartiment postérieur, composé des tendons ischiojambiers, du grand adducteur (adductor magnus) et des fibres terminales des nerfs petit et grand abdominaux génitaux ;
– le compartiment médial, composé des muscles issus de la cuisse : le gracilis, les trois adducteurs et l’oburateur externe.
Le compartiment antérieur, composé des muscles sartorius, iliaque, psoas, pectiné, vaste latéral et droit antérieur, est aussi concerné dans la genèse des douleurs pubiennes. Les adducteurs sont très importants dans cette pathologie.
Pour différencier les différents tableaux, il est utile de connaître les muscles déficients et de repérer les muscles compensateurs de façon à comprendre la symptomatologie.
Atteinte des adducteurs
C’est le traumatisme le plus fréquent chez l’athlète. Parmi les footballeurs, l’incidence de ce traumatisme se situe entre 10 et 18 %. Les facteurs de risques sont la diminution de la mobilité en abduction et la diminution de force des adducteurs. Par ailleurs, des anomalies des membres inférieurs telles qu’une inégalité de longueur, une pronation de l’avant-pied, peuvent être génératrices d’atteinte des adducteurs. L’examen clinique est assez évocateur [5]. La douleur à la palpation des tendons, la douleur provoquée à la résistance contrariée des adducteurs sont des éléments classiques. Les diagnostics différentiels sont nombreux : atteinte du nerf obturateur, atteinte de l’articulation pubienne ou atteinte coxofémorale peuvent simuler une atteinte des adducteurs. L’échographie et l’IRM sont les examens à demander pour affirmer le diagnostic et permettre même de définir le pronostic. Le traitement est le plus souvent médical. Dans de rares cas, le traitement chirurgical est recommandé en l’absence de guérison. La prévention de ce type d’atteinte est de plus en plus répandue.
Tendinopathie et/ou atteinte de la bourse de l’iliopsoas
L’atteinte survient le plus souvent à la jonction musculotendineuse. Elle se produit lors de L’hyperutilisation de la hanche en flexion comme au football, lors de la danse, le saut, etc. L’atteinte bursale peut s’accompagner de ressaut de hanche classique dans cette pathologie. La douleur est reproduite à l’examen clinique lors de la flexion et de l’hyper-rotation externe.
L’IRM et l’échographie sont les examens les plus contributifs. L’échographie a la particularité d’être dynamique dans la recherche d’un éventuel ressaut de l’iliopsoas sur l’éminence iliopectinée. Le traitement est le plus souvent conservateur et médical. Dans quelques cas, le recours à la chirurgie peut être utile notamment dans le cadre des ressauts.