152 Syndrome des antiphospholipides
Introduction
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est l’association de thromboses, de morbidité de la grossesse ou d’avortement à des autoanticorps ayant une spécificité apparente pour les phospholipides anioniques. D’autres manifestations cliniques comprennent une thrombopénie, un livedo réticulaire, une forme de cardiopathie valvulaire (endocardite de Libman-Sacks), des ulcères cutanés et certains problèmes neurologiques non liés à un accident vasculaire cérébral (AVC). Des anticorps antiphospholipides (aPL) sont produits par environ un tiers des patients atteints de lupus érythémateux disséminé (LED), et environ un tiers de ceux-ci (10 à 15 % des patients atteints de LED) ont une ou plusieurs manifestations cliniques du SAPL. Celui-ci peut également se manifester comme un syndrome primaire en l’absence de lupus ou d’autres maladies auto-immunes. Le SAPL primaire est une forme relativement fréquente de thrombophilie acquise dans la population générale, responsable de 15 à 20 % des cas de thromboembolie veineuse, de près d’un tiers d’AVC chez des sujets de moins de 50 ans et de 10 à 15 % d’avortements récurrents.
Étiologie et pathogénie
Bien que l’on ait cru initialement que les aPL étaient dirigés contre des phospholipides anioniques, comme la cardiolipine et la phosphatidylsérine, les principales cibles de ces autoanticorps sont maintenant considérées comme étant certaines protéines plasmatiques liant des phospholipides. Les deux principaux antigènes semblent être la β2 glycoprotéine I (β2-GPI) et la prothrombine. La β2-GPI est une glycoprotéine plasmatique normale de fonction physiologique inconnue. Le déficit constitutionnel de β2-GPI n’est pas associé à un phénotype de la maladie. Cette protéine peut interagir avec certaines autres molécules (par exemple le facteur de coagulation XI, des lipoprotéines de basse densité oxydées) et des cellules (par exemple les cellules endothéliales vasculaires, des monocytes, des cellules apoptotiques). La prothrombine, bien sûr, joue un rôle clé dans la coagulation du sang.
Tableau clinique
Les tableaux cliniques du SAPL sont variés et dépendent de manifestations cliniques particulières.
Thrombose
La thrombose, manifestation clinique majeure du SAPL, a été trouvée dans presque tous les sites vasculaires. Les sites les plus courants de thrombose veineuse sont les veines profondes et superficielles des membres inférieurs. L’embolie pulmonaire survient dans près de la moitié des cas de thrombose veineuse profonde. L’AVC est la forme la plus courante de thrombose artérielle dans le SAPL. La thrombose est probablement le processus physiopathologique responsable d’un certain nombre d’autres manifestations cliniques du SAPL (par exemple la thrombose et l’infarctus placentaire entraînant une fausse couche, et une thrombose des vaisseaux sanguins dermiques aboutissant à des ulcères cutanés).
Fausse couche et morbidité
Le type d’avortement le plus étroitement associé aux aPL est la mort fœtale survenant à partir de la fin du premier trimestre. Des pertes plus précoces (gestation de moins de 10 semaines) surviennent également ; toutefois, l’association statistique est faible en raison de la forte incidence de ces pertes précoces dans la population générale. Différents types de morbidité de la grossesse sont également associés aux aPL. Il s’agit notamment d’un retard de croissance fœtale, d’oligoamnios, de prééclampsie et d’éclampsie, de détresse fœtale, d’accouchement prématuré et d’événements thrombotiques maternels durant la période post-partum.
Manifestations cutanées
Les patients avec aPL ont souvent un livedo réticulaire, un réseau de marbrures sous-cutanées de coloration bleu-rouge. Certains auteurs distinguent le livedo réticulaire (figure 152.1) et le livedo racémeux (figure 152.2). Ce dernier est plus ouvert, a un aspect de stries et pourrait avoir une signification pathologique plus importante. Le syndrome de Sneddon, l’association de livedo et d’AVC, s’accompagne d’aPL dans de nombreux cas.
Des ulcères et des nécroses de la peau associés à des aPL ont également été décrits.
Thrombopénie
Chez les patients lupiques, une thrombopénie survient chez environ 40 % des patients avec aPL et chez seulement 10 % des patients sans aPL. Les aPL sont également détectés chez environ un tiers des patients atteints de thrombopénie auto-immune chronique. La diminution des plaquettes en cas de SAPL est généralement modérée, n’entraînant pas d’hémorragie. Fait intéressant, le petit nombre de plaquettes ne semble pas protéger les patients atteints du SAPL contre les thromboses.
Valvulopathie
Les végétations verruqueuses non infectieuses de l’endocardite de Libman-Sacks sont associées à des aPL chez des patients avec et sans LED (figure 152.3). Ces végétations peuvent emboliser, provoquant des événements ischémiques tels que des AVC.
Manifestations neurologiques
Comme indiqué, l’AVC est la manifestation neurologique majeure du SAPL et sa répétition peut aboutir à une démence due à de multiples infarctus. Des accidents ischémiques transitoires peuvent également se produire. Certaines manifestations neurologiques qui ne sont pas clairement liées à un AVC peuvent également accompagner des aPL, bien que les données factuelles soient moins convaincantes que pour les AVC. Il s’agit notamment de myélite transverse, de syndromes de type sclérose en plaques, de chorée et de dysfonctionnement cognitif.
Maladie « catastrophique »
Le SAPL « catastrophique » est caractérisé par des thromboses multiples survenant en quelques jours ou semaines, généralement dans de petits vaisseaux qui approvisionnent plusieurs organes importants (cœur, poumons, reins, cerveau, foie), aboutissant à un dysfonctionnement grave ou à l’insuffisance d’un système d’organes. Des thromboses des gros vaisseaux, comme une thrombose veineuse profonde, sont moins fréquentes. Plusieurs centaines de cas de SAPL catastrophique ont été rapportés. Environ la moitié des patients ont des antécédents de LED, de SAPL ou des deux ; dans l’autre moitié, le syndrome catastrophique est la première manifestation du SAPL. Le SAPL catastrophique est mortel dans près de 50 % des cas. Les principales causes de décès sont cardiaques (infarctus du myocarde, microthrombus du myocarde, bloc cardiaque) et pulmonaires (syndrome de détresse respiratoire aiguë, embolie). Des événements déclenchants (par exemple infection, intervention chirurgicale, traumatisme ou retrait d’un médicament anticoagulant) sont identifiables dans de nombreux cas.