Stress post-traumatique

12. Stress post-traumatique


Le stress post traumatique est connu depuis l’Antiquité et a connu de nombreuses descriptions littéraires ou scientifiques (Van der Kolk, 1996). Pierre Janet (1889) est le premier auteur de l’ère moderne a avoir montré les effets des souvenirs traumatiques sur les comportements et proposé un modèle de l’inconscient.

C’est la seule catégorie du DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994) où l’étiologie soit spécifiée car il est clairement énoncé qu’il existe un lien entre un événement et une maladie psychiatrique. Mais, petit à petit, la conception de cette maladie, étudiée plus en détail après le conflit du Viêtnam et dans les agressions de plus en plus nombreuses dont sont victimes les civils en temps de paix, s’est cognitivisée en tenant compte des réactions émotionnelles individuelles.


Clinique et analyse fonctionnelle



Critères


Le DSM-IV entérine une conception plus subjective qui fait du stress post-traumatique les conséquences émotionnelles de l’interprétation personnelle d’une situation menaçante. Le stress post-traumatique correspond aux critères suivants :




1 Exposition à un événement traumatique ayant deux caractéristiques :




a menace de mort, de blessure ou de l’intégrité physique pour soi ou les autres ;


b la réponse a été une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur ; agitation ou désorganisation chez l’enfant.


2 L’événement est sans cesse revécu sous forme de :




a souvenirs intrusifs ;


b rêves récurrents ;


c flash-backs ;


d détresse ;


e réactivité physiologique.

Les items 4 et 5 sont activés par des stimuli qui ressemblent à l’événement ou en symbolisent un aspect.


3 Évitement : trois symptômes sur sept doivent être présents :




a certaines pensées, sentiments, conversations sont évités ;


b certaines situations sont évitées ;


c oubli partiel du trauma ;


d inactivité ;


e détachement ;


f blocage affectif ;


g impression d’avenir bouché.


4 Deux symptômes d’activation au moins dans la liste suivante :




a sommeil perturbé ;


b irritabilité ;


c difficultés de concentration ;


d hypervigilance ;


e « sursaut » exagéré.


5 Durée de plus d’un mois.


6 Détresse et interférence importante avec la vie sociale, professionnelle, etc.

Spécifier :




• aigu (moins de trois mois) ;


• chronique (plus de trois mois) ;


• différé (apparaît six mois après le trauma).

C’est donc plus la menace subjective que la menace réelle qui est le facteur de maintien du stress post-traumatique.


Épidémiologie



Il atteint deux tiers des femmes pour un tiers des hommes. Quinze pour cent des militaires exposés au théâtre des opérations en souffrent, ainsi que 50 % des prisonniers de guerre et plus de 75 % des victimes de viol. Une comorbidité fréquente a été retrouvée avec les troubles anxieux, la schizophrénie et la dépression.


Étiologie


Les principaux facteurs de risque avant le trauma sont les traumas sexuels précoces, l’existence d’un premier trauma ayant mis en jeu la vie du sujet ou d’un proche, les problèmes psychologiques et psychiatriques, la séparation et l’utilisation de drogues.

Les sujets ayant des troubles antérieurs à type de dépression et d’anxiété et des troubles de personnalité sont plus susceptibles de présenter un stress post-traumatique, en particulier les sujets présentant des traits préalables de sensibilité à l’anxiété. Ces sujets vont se blâmer pour avoir subi l’événement stressant, parfois même s’en considérer comme responsables et de toute façon anticiper le retour de l’événement qui les laissera encore impuissants.

Les sujets qui ont une conception rigide d’un monde stable, juste et toujours prévisible sont particulièrement vulnérables. Ainsi, une femme violée souffrira d’autant plus qu’elle considérait le monde comme juste, avec une sécurité toujours assurée. Le viol ne pouvait jamais lui arriver, car elle ne méritait pas une telle injustice. L’illusion d’un monde juste, confrontée à l’injustice fondamentale du hasard, peut ainsi aboutir à des colères pathologiques qui font souvent partie du syndrome de stress post-traumatique. Elle peut aussi entraîner des réactions de revendication, d’agressivité et des comportements paranoïaques. Mais, en pratique, les conséquences dépressives sont beaucoup plus fréquentes que la paranoïa.


Psychobiologie


Les travaux les plus récents suggèrent que les patients qui ont eu un stress post-traumatique ont un système hypothalamo-hypophyso-surrénalien dont les réponses sont exagérées de manière chronique (Yehuda, 1998). Contrairement à ce que prédirait le modèle du stress de Selye, à l’état basal, le taux de cortisol est faible et les patients qui ont un stress post-traumatique présentent une réponse d’hyper-suppression lors du test à la dexaméthasone. Ces résultats sont compatibles avec un modèle de sensibilisation comportementale selon lequel la présentation répétée d’un stimulus accroît l’intensité des réponses. Cette hypersensibilité pourrait expliquer le fait que la répétition de traumatismes peut rendre le stress post-traumatique chronique et que, dans un nombre important de cas, les symptômes s’aggravent avec le temps.


Complications


L’inhibition aussi bien des rencontres sociales que sexuelles consécutive au viol, accompagnée d’un sentiment de culpabilité et de honte, sera le premier obstacle à la recherche d’aide, qui passera forcément par le récit de l’horreur. Les complications, à terme, sont l’alcoolisme, les toxicomanies, les troubles permanents de la personnalité, la dépression, le suicide, les complications sociales et familiales, le passage du trauma à la génération suivante et la reproduction du trauma sexuel ou violent sur autrui.


Évaluation


Elle établit la relation entre le ou les événements stressants et la réponse de stress post-traumatique. Bien souvent, l’événement qui précipite le stress post-traumatique est un deuxième événement traumatique qui vient entraîner une rupture plus définitive dans le fonctionnement du sujet. On peut s’aider, pour préciser les symptômes actuels, d’une fiche d’évaluation qui suit les critères du DSM-IV la PCLS de Weathers (PCLS : posttraumatic stress disorder checklist scale) (Blanchard et al., 1996 ; validation française : Ventureyra et al., 2002 ; Yao et al., 2003) (tableau 12.1).
























































































































































Tableau 12.1 Fiche d’évaluation PCLS (PCL-S for DSM-IV) (Weathers, Litz, Huska & Keane, National Center for PTSD-Behavioral Science Division, 11/1/94 ; traduction de J. Cottraux)
Nom :
Prénom :
Date :
Instructions : veuillez trouver ci-dessous une liste de problèmes et de symptômes fréquents à la suite d’un épisode de vie stressant. Veuillez lire chaque problème avec soin puis veuillez entourer un chiffre à droite pour indiquer à quel point vous avez été perturbé par ce problème dans le mois précédent.
L’événement stressant que vous avez vécu était (décrivez-le en une phrase) :
Date de l’événement :


Pas du tout Un peu Parfois Souvent Très Souvent
1. Être perturbé(e) par des souvenirs, des pensées ou des images en relation avec cet épisode stressant 1 2 3 4 5
2. Être perturbé(e) par des rêves répétés en relation avec cet événement 1 2 3 4 5
3. Brusquement agir ou sentir comme si l’épisode stressant se reproduisait (comme si vous étiez en train de le revivre) 1 2 3 4 5
4. Se sentir très bouleversé(e) lorsque quelque chose vous rappelle l’épisode stressant 1 2 3 4 5
5. Avoir des réactions physiques, par ex. : battements de cœur, difficultés à respirer, sueurs, lorsque quelque chose vous a rappelé l’épisode stressant 1 2 3 4 5
6. Éviter de penser ou de parler de votre épisode stressant ou éviter des sentiments qui sont en relation avec lui 1 2 3 4 5
7. Éviter des activités ou des situations parce qu’elles vous rappellent votre épisode stressant 1 2 3 4 5
8. Avoir des difficultés à se souvenir de parties importantes de l’expérience stressante 1 2 3 4 5
9. Perte d’intérêt dans des activités qui habituellement vous faisaient plaisir 1 2 3 4 5
10. Se sentir distant(e) ou coupé(e) des autres personnes 1 2 3 4 5
11. Se sentir émotionnellement anesthésié(e) ou être incapable d’avoir des sentiments d’amour pour ceux qui sont proches de vous 1 2 3 4 5
12. Se sentir comme si votre avenir était en quelque sorte raccourci 1 2 3 4 5
13. Avoir des difficultés pour vous endormir ou rester endormi(e). 1 2 3 4 5
17. Se sentir irritable ou avoir des bouffées de colère 1 2 3 4 5
15. Avoir des difficultés à vous concentrer 1 2 3 4 5
16. Être en état de super-alarme, sur la défensive, ou sur vos gardes 1 2 3 4 5
17. Se sentir énervé(e) ou sursauter facilement 1 2 3 4 5
Score total :


Méthodes d’intervention


Les programmes comprennent la relaxation, l’exposition aux situations et aux images mentales évocatrices de la situation traumatique, et la thérapie cognitive proprement dite. En général, la thérapie est présentée sous une forme individuelle ou en groupe. Une dizaine de séances de quatre-vingt-dix minutes, une à deux fois par semaine, sont nécessaires pour obtenir un résultat satisfaisant. Il est évident qu’il faut savoir adapter le rythme, la durée et le nombre des séances à la vitesse d’acquisition de chacun.

Une des variantes des méthodes d’exposition est EMDREMDR : la désensibilisation par les mouvements oculaires et retraitement de l’information. L’exposition peut être, également, conduite en imagination, mais aussi en réalité virtuelleRéalité virtuelle dans les cas qui s’adaptent à cette méthode.

Toutes les méthodes que nous allons décrire, font appel à l’imagination, à la ré actualisation des souvenirs traumatiques et à l’habituation des réponses émotionnelles par exposition prolongée.



Exprimer l’indicible : les difficultés du récit


Une des premières difficultés du traitement est d’obtenir un récit aussi circonstancié que possible du traumatisme. L’évitement est très fréquent : environ 50 % des personnes qui ont subi un traumatisme important évitent d’en parler. Les émotions sont cependant revécues involontairement sous forme de flash-backs. La véritable horreur est souvent incarcérée dans la mémoire et ne réapparaîtra pas, au cours de la thérapie, lors de la réactivation d’émotions gelées. C’est en particulier le cas des incestes à domicile où la victime est forcée de faire un pacte tacite d’« omerta » avec l’agresseur.

Il s’agit d’amener progressivement le sujet à affronter les stresseurs et à modifier les émotions qui l’ont submergé. Il faut donc favoriser une série d’expériences émotionnelles qui annulent les schémas de danger par de nouvelles informations incompatibles avec la peur. L’étape clé est la reviviscence du trauma abordée progressivement. La lecture d’un ouvrage explicatif peut débuter cette dédramatisation, et atténuer le sentiment du patient que son cas est unique et sans espoir.

Souvent, aussi, l’horreur est indicible, et parfois même oubliée, elle est vécue dans le corps sous forme de sensations (sensations de strangulation, douleurs à l’endroit des coups) et laisse sans voix pour dire l’expérience. Ou bien elle apparaît dans des cauchemars qui représentent d’une manière directe ou symbolique le traumatisme.






Hélène a subi une agression il y a un an : des gangsters cagoulés sont entrés dans le bureau où elle travaille pour prendre la caisse. Elle a voulu récupérer son sac qu’ils voulaient lui arracher aussi. Elle ne croyait pas à la réalité de l’agression et pensait à une farce. Ils l’ont jetée par terre en lui donnant un coup de crosse sur la nuque. Depuis, elle ne se sent en sécurité que chez elle et en compagnie de son mari et de ses enfants. Elle ne peut sortir dehors seule, aller dans les magasins ou travailler. Hélène souffre de maux de tête et de douleurs dans le cou, là où le coup de crosse a provoqué une légère entorse cervicale. Elle a perdu désir et plaisir sexuels. Elle évite de regarder les films policiers à la télévision. De fréquents flash-backs se manifestent : elle est assaillie, à l’état de veille, par des images où elle voit un homme grand dans la pénombre dont les yeux luisent. Elle présente des cauchemars récurrents, vers trois heures du matin, qui la réveillent en sueur. Le thème du cauchemar est toujours le même : elle grimpe le long d’une paroi et monte vers la lumière. Mais la paroi se déchire comme si elle était de papier ; poussée par une force irrésistible et plus forte que la sienne, elle tombe dans un trou et se réveille avec des douleurs sur les mains et dans le cou, comme lorsque les gangsters l’ont jetée à terre. À l’évocation de cette image, Hélène se met à pleurer et à s’agiter. Il est cependant possible de réduire ses réactions émotionnelles en lui demandant d’imaginer de manière prolongée, les yeux clos, qu’elle n’est pas dans l’image mais est l’observatrice de quelqu’un d’autre qui tombe. Cette technique de prise en main du scénario du rêve, ou « rescripting », l’aide à sortir d’une confusion entre rêve, réalité passée et réalité présente.

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Stress post-traumatique

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