Sédation, analgésie, anesthésie

6. Sédation, analgésie, anesthésie



Contraintes métaboliques 150


Préanesthésie 151


Critères de choix d’une anesthésie 151


Molécules disponibles 152


Surveillance de l’anesthésie 165


Particularités d’espèces 166


Le recours à ces techniques est fréquent chez les petits mammifères, qu’il soit nécessaire d’effectuer une intervention chirurgicale, de les tranquilliser en cas de situation stressante ou de réaliser un bon nombre de procédures que l’on pratique souvent habituellement sur un chien ou un chat vigile : prises de sang, immobilisation pour un examen radiographique, pose de cathéter, pansement, etc.


Contraintes métaboliques


Ces animaux de petite taille sont sujets à l’hypothermie lors d’une anesthésie, ayant pour conséquence de rallonger le réveil et de diminuer les besoins en anesthésique en cours de chirurgie, ce qui expose à un surdosage. Les fluides administrés pendant une chirurgie et les gaz anesthésiants favorisent également ce refroidissement corporel. Il est donc primordial de garder l’animal sur une source de chaleur pendant la chirurgie et le réveil.

On peut utiliser un tapis chauffant, une bouillotte, une soufflerie d’air chaud avec une couverture spéciale ou une lampe chauffante en prenant garde toutefois aux risques de déshydratation et de brûlure sur ces animaux de petit format lors de contact prolongé avec une source trop chaude.

Leurs lignes de vie sont peu accessibles du fait de leur petit format, ce qui rend leur monitoring ou leur réanimation aléatoire. Leur taille et leur conformation rendent de plus leur intubation difficile ou parfois impossible.

Ils ont un métabolisme élevé, ce qui augmente les doses anesthésiques nécessaires et diminue leur durée d’action. Leur consommation en oxygène est élevée, ils tolèrent mal l’hypoxémie. Une apnée entraîne très rapidement une hypoxie myocardique et un arrêt cardiaque. L’oxygénation d’un petit mammifère lors d’une anesthésie ou d’une sédation est indispensable.

Le risque anesthésique augmente avec la longueur de l’intervention. Il ne se limite pas au temps chirurgical, mais aux 24 heures qui suivent. Ceci est particulièrement vrai pour le lapin et les petits rongeurs, animaux de proie qui sont susceptibles de décompenser lorsque la douleur ou le stress persistent trop longtemps. Il est important de garder l’animal hospitalisé jusqu’à la reprise de l’appétit et du transit digestif. Pour toutes ces raisons, l’analgésie postopératoire de routine est indispensable.






Recommandations particulières






• Ces animaux de petite taille sont sujets à l’hypothermie lors d’une anesthésie, il est donc primordial de les réchauffer pendant la chirurgie et le réveil.


• Leur consommation en oxygène est élevée, ils tolèrent mal l’hypoxémie : l’oxygénation d’un petit mammifère lors d’une anesthésie ou d’une sédation est indispensable.


• Le risque anesthésique augmente avec la longueur de l’intervention. Il ne se limite pas au temps chirurgical, mais aux 24 heures qui suivent.


Préanesthésie


L’examen clinique préopératoire doit limiter le stress, notamment pendant la contention, facteur défavorable pour l’anesthésie. Il est important de prévenir le propriétaire des risques possibles, afin d’obtenir son consentement éclairé.

La diète préalable de 24 heures n’est pas nécessaire pour les petits mammifères. Lapins et rongeurs (sauf parfois le cobaye) ne peuvent pas vomir et supportent mal une interruption brutale de la prise de nourriture, qui peut conduire à des arrêts du transit, dont le risque est majoré par l’anesthésie. Le furet vomit rarement et la rapidité de son transit digestif (3 à 4 heures) est telle qu’il existe un risque réel d’hypoglycémie lors d’une chirurgie réalisée sur un animal mis à la diète depuis la veille. Il est plutôt recommandé de continuer à nourrir modérément ces animaux jusqu’au matin de l’intervention. Un estomac trop plein est néanmoins préjudiciable aux mouvements diaphragmatiques en comprimant la cavité thoracique.



Un jeûne préalable de 2 à 4 heures, réalisé à la clinique en attendant la chirurgie, est suffisant et ne risque pas de provoquer d’effets secondaires négatifs.


Critères de choix d’une anesthésie


Le choix d’une anesthésie est complexe, car il doit s’adapter aux impératifs de la procédure que l’on veut effectuer et aux caractéristiques particulières de chaque espèce.

Pour une procédure simple, rapide et non douloureuse, telle une immobilisation pour une radio ou une prise de sang, une simple narcose est nécessaire. L’utilisation d’un gaz halogéné, qui offre un endormissement et un réveil rapide, est indiquée.

Pour une anesthésie chirurgicale, on recherche une anesthésie procurant à la fois narcose, myorelaxation, analgésie ainsi que souplesse et sécurité d’emploi sur un temps prolongé. Ces critères ne sont réunis qu’en adoptant un protocole utilisant plusieurs molécules. Par exemple, les gaz halogénés, très souples et réversibles, sont très peu analgésiques et présentent un risque non négligeable de dépression respiratoire lorsqu’on recherche une anesthésie profonde. Il est donc plus prudent de ne pas les utiliser seuls et de les associer à d’autres molécules, notamment analgésiques, qui vont en potentialiser les effets et permettre de les utiliser dans leur zone de sécurité.

Enfin, lorsque l’on doit hospitaliser ou faire des soins sur des animaux particulièrement émotifs et « stressables », comme le lapin, une simple sédation ou une analgésie, de durée longue, peuvent être nécessaires.


Molécules disponibles



Gaz halogénés


L’isoflurane et le sévoflurane sont indispensables lorsque l’on doit anesthésier régulièrement des petits mammifères. Ces gaz, qui sont rapidement éliminés par l’organisme, procurent une anesthésie souple, dont on peut facilement contrôler la profondeur, et offrent rapidement un réveil complet. Ceci permet une reprise quasi immédiate de l’alimentation et des fonctions digestives, atténuant ainsi le stress postopératoire.

Leur emploi nécessite une cuve, un débimètre, un circuit non réinhalatoire (Bain, Majill…) et un jeu de masques de différentes tailles. Le volume courant de ces espèces étant faible, un circuit anesthésique pédiatrique avec un faible espace mort est préférable. Le débit d’oxygène est de 1 à 3 litres. Pour l’isoflurane, l’induction se fait à 2–3 % et l’entretien à 1–2,5 %. Pour le sévoflurane, l’induction (plus rapide que pour l’isoflurane) se fait à 4–5 % et l’entretien à 2–4 %.

Ils ont néanmoins des limites d’utilisation. Il faut tenir compte de leur effet vasodilatateur et inotrope négatif lorsqu’on les associe à d’autres molécules, comme par exemple les alpha-agonistes, qui sont dépresseurs cardiovasculaires : une vasodilatation brutale provoquée par une induction trop rapide avec un gaz halogéné peut en effet provoquer une décompensation cardiaque. Enfin et surtout, à forte dose, ces gaz induisent une dépression cardiovasculaire et respiratoire qui peut être fatale.

Lors de l’emploi exclusif d’un gaz halogéné pour une anesthésie, l’analgésie n’est obtenue qu’avec une anesthésie profonde, très proche de la dose cardiorespiratoire toxique. Lorsque la concentration en gaz devient trop forte, il se manifeste souvent une hyperventilation réflexe, qu’il ne faut pas confondre avec un réveil.

L’induction peut se faire directement au masque ou dans une boîte à induction, ce qui est moins stressant (figure 6.1 et 6.2).




Anesthésiques injectables


Les posologies et les caractéristiques des molécules injectables utilisables chez les petits mammifères sont indiquées dans le tableau 6.1.
























































































































































































































Tableau 6.1 Anesthésiques injectables
Famille Molécule Espèce Posologie Particularités Intérêts
Neuroleptiques Acépromazine Lapin 0,1 à 0,5 mg/kg IM, SC, IV (et jusqu’à 2 mg/kg) Non analgésiques ++, dépression
Vasodilatation
Convulsions décrites chez la gerbille
Risque d’hypothermie car longue durée d’action
Sédation/prémédication
Pas d’analgésie
Potentialisation
Relaxation
Intéressant associe au Butorphanol
Furet 0,1 à 0,5 mg/kg IM, SC
Cobaye, chinchilla 0,5 à 1,0 mg/kg IM
Rat 2,5 mg/kg IP
Souris 5 mg/kg IP
Gerbille de Mongolie 3 mg/kg IM
Chien de prairie 0,5 à 1 mg/kg, SC, IM
Alpha-2-agonistes Xylazine Lapin 1 à 3 mg/kg IV (et jusqu’à 5 en IM) Également alpha-1-agoniste : effet inotrope négatif
Dépression cardiorespiratoire ++
Vasoconstriction, risque d’arythmie cardiaque : à éviter si mauvais état général Sensibilité particulière du furet : à éviter
Analgésie légère (action centrale)
Potentialisation +++
Myorelaxant
Antidotes : atipémazole ou yohimbine
Furet 1 mg/kg, SC, IM
Chinchilla 2 à 10 mg/kg IM
Rat, souris 10 mg/kg IP
Gerbille de Mongolie 2 mg/kg

Médétomidine Lapin 0,15 à 0,5 mg/kg IM Vasoconstriction, bradycardie
À n’utiliser que chez les furets en bonne santé
Variations individuelles de sensibilité chez le cobaye
Sédation légère à modérée
Analgésie légère
Potentialisation +++
Myorelaxant
Antidote : atipamézole (inhibe aussi l’effet analgésique)
Furet 0,08 à 0,1 mg/kg, SC, IM
Cobaye 0,3 mg/kg SC
Rat, souris 0,03 à 0,1 mg/kg SC
Gerbille de Mongolie 0,1 à 0,2 mg/kg SC
Hamster 0,1 mg/kg SC
Chien de prairie 0,5 mg/kg IM
Barbituriques NON RECOMMANDÉS : risques de dépression arythmogènes, mauvaise analgésie, très irritants en périveineux, hypothermie ++
Dissociatifs Kétamine Lapin 10 à 50 mg/kg IM Pas de relaxation musculaire, épileptogène (augmente pression LCR), tachycardisant, augmente les sécrétions salivaires et bronchiques
Variations individuelles chez la gerbille
Ne jamais utiliser seul !
Chirurgies courtes
Furet 10 à 20 mg/kg
Cobaye 22 à 44 mg/kg IM
Chinchilla 20 à 40 mg/kg IM Sédation
Rat 25–40 mg/kg IM Faible analgésie
Souris 44 mg/kg IM
Gerbille de Mongolie 40 à 60 mg/kg IM
Hamster 20 à 40 mg/kg IM Sédation
Chien de prairie 20 à 40 mg/kg IM

Tilétamine/zolazépam Lapin 10 à 25 mg/kg IM du mélange 50/50 Idem kétamine
Néphrotoxicité rapportée chez le lapin
AG pour chirurgie légère
Furet 10 à 25 mg/kg IM, du mélange 50/50
Cobaye, Chinchilla 20 à 40 mg/kg du mélange 50/50
Rat 40 à 80 mg/kg du mélange 50/50
Souris
Gerbille de Mongolie
Hamster
Benzodiazépines Midazolam Toutes les espèces 0,5 à 2 mg/kg IM Hydrosoluble : bonne diffusion tissulaire
Faiblement sédatif
Peu potentialisateur
Pré-anesthésie
Peu d’effets secondaires
Bon myorelaxant

Diazépam Lapin 1 à 2 mg/kg SC ou IM Moins hydrosoluble que midazolam Sédation modérée
Myorelaxation
Effets cardiopulmonaires réduits


Furet 1 à 2 mg/kg SC, IM


Cobaye 1 à 3 mg/kg IM
Chinchilla 1 à 5 mg/kg
Rat, souris, gerbille de Mongolie, hamster 3 à 5 mg/kg IM
Dérivés phénoliques Propofol Lapin 8 à 10 mg/kg Nécessite une voie veineuse
Dépression cardiaque si injection trop rapide
Rapidement métabolisé
Peu d’accumulation
Réinjection possible
AG, induction
Peu analgésique
Furet 2 à 8 mg/kg IV
Rat 7,5 à 10 mg/kg IV
Souris 12 à 26 mg/kg IV
Chien de prairie 3 à 5 mg/kg IV
Stéroïde neuroactif Alfaxalone Lapin 2 à 3 mg/kg Protocole IV chez les carnivores
Proposé en IM chez les NAC
Apnée fréquente lors d’injection IV
L’effet en IM est peu reproductible
Furet 2 à 3 mg/kg
Anticholonergiques Atropine Lapin 0,1 à 0,5 mg/kg SC, IM (et jusqu’à 3 mg/kg) Beaucoup de lapins et certains rats possèdent une atropinase : préférer le glycopyrrolate
Cobaye, chinchilla 0,1 à 0,2 mg/kg SC, IM
Rat, souris, gerbille de Mongolie, hamster 0,1 à 0,4 mg/kg SC, IM
Glycopyrrolate Toutes les espèces 0,01 à 0,02 mg/kg SC Diminue les sécrétions bronchiques et salivaires
Protège contre l’effet bradycardisant d’autres molécules

Rat 0,5 mg/kg IM

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May 16, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Sédation, analgésie, anesthésie

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