Risque et prévention

1. Risque et prévention



FACTEURS DE RISQUE



Quels sont les principaux chiffres en matière de cancer du sein en France?



L’incidence annuelle était régulièrement croissante (1,5 % par an) mais ce phénomène s’est inversé sur les dernières données américaines mais aussi françaises avec une réduction d’environ 6 à 7 % de l’incidence depuis la baisse importante (plus de 50 % aux États-Unis) des prescriptions de traitements substitutifs de la ménopause (références américaine du SEER et française publiées dans le Bulletin du Cancer en 2008). En France, le nombre de nouveaux cas estimés a doublé en 20ans passant de 21000 par an en 1980 à 42000 par an en 2000. L’incidence varie avec l’âge : rare avant 30ans, augmentant de façon exponentielle jusqu’à l’âge de 45-50ans, maximale entre 60 et 69ans (supérieure à 320 pour 100000 habitantes) et diminuant légèrement ensuite (245 pour 100000 habitantes à 85ans). L’âge moyen au diagnostic est d’environ 60ans.

Le cancer de l’homme représente moins de 1 % de l’ensemble des cancers du sein et reste responsable d’une centaine de décès annuels en France.

Responsable d’environ 10000 décès par an, le cancer du sein représente la première cause de mortalité chez les femmes de 35 à 55ans. Il occupe le premier rang de mortalité par cancer chez la femme. Une femme sur 25 en meurt.

L’incidence des décès est en légère décroissance sans qu’il soit possible de faire la part liée à un diagnostic plus précoce apporté par le dépistage ou à une amélioration des thérapeutiques adjuvantes et de leurs indications, ceci malgré l’augmentation de l’incidence de survenue. Le cancer du sein est responsable d’une perte moyenne d’espérance de vie d’environ douze ans.

La survie globale, tous stades confondus, est d’environ 75 % à cinq ans, sachant cependant que près d’un tiers des malades décèdera de son cancer. Les comparaisons historiques de survie semblent montrer une amélioration significative de la survie à cinq ans des cancers du sein tous stades confondus, puisque passant de 60 % dans les années 50 à plus de 70 % dans les années 80 et 75 %-80 % sur les données d’Eurocare publiées en 2006.


Le cancer du sein constitue par conséquent un problème majeur de santé publique, justifiant la mise en place et la poursuite des actions de prévention, de dépistage et de recherche thérapeutique concernant cette affection.


Quels sont les facteurs de risque du cancer du sein?














Tableau 1. I Cancer du sein et groupes à risque
Groupe à haut risque (RR > 4) Groupe à risque modéré (RR 2 à 4) Groupe à risque faible (RR 1 à 2)



– antécédent personnel ou familial de lésions d’hyperplasie atypique


– antécédent personnel de cancer du sein


– syndrome de prédisposition familiale au cancer du sein (mutation de BRCA1 ou BRCA2)


– antécédent familial de cancer du sein bilatéral et/ou préménopausique



– antécédent familial de cancer du sein unilatéral post-ménopausique


– première grossesse tardive ou nulliparité


– obésité postménopausique


– antécédent personnel de cancer de l’ovaire ou de l’endomètre


– mastopathie proliférative bénigne


– antécédent d’irradiation



– consommation d’alcool


– premières règles avant 12ans


traitement substitutif hormonal?


niveau socio-économique élevé


facteurs alimentaires?

Les statisticiens expriment ces facteurs de risque par la notion de risque relatif (RR) qui est un facteur multiplicateur du risque de base de la population générale, lequel est par définition égal à 1.


Risque familial


Il est un des plus importants, le plus fréquemment retrouvé et le plus anciennement connu. Une histoire familiale de cancer du sein est un facteur de risque dont l’importance est variable : le risque maximal est représenté par l’existence chez une femme de la famille proche d’un cancer du sein bilatéral, avec un RR > 4. L’existence d’un cancer chez une parente au premier degré (sœur, mère, fille) confère un RR de 2 à 3. Ce risque diminue à 1,5 environ en cas de lien de parenté au second degré (cousine, grand-mère, tante). Le risque familial est d’autant plus élevé que la maladie s’est déclarée de façon plus précoce chez la parente.

Une femme sur 150serait porteuse d’une anomalie au niveau d’un ou plusieurs gènes de prédisposition familiale au cancer du sein, lui conférant dès


lors un risque cumulé proche de 80 % à 80ans. Ainsi, le RR conféré par une ou plusieurs mutations du BRCA 1 est de 10. Ces cancers surviennent de plus beaucoup plus tôt que les tumeurs sporadiques (parfois avant 30ans) avec un risque maximal entre 40 et 49ans ( cf. fig. 1.1, diagramme emprunté à Claus sur les risques de cancer du sein chez les sujets à risque et dans la population, présentés par classe de 10ans). Pour BRCA 2, le pic de fréquence est retardé après 50ans ( cf. fig. 1.2, d’après Antoniou, 2003).








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Fig. 1.1
Risques de cancer du sein chez les patientes avec ou sans prédisposition génétique présentés par classe de 10ans,

d’après Claus et al., 1991.








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Fig. 1.2
Risques de cancer du sein par tranche de 10ans et mutations BRCA,

d’après Antoniou et al., 2003.

On considère que les cancers génétiques par mutations de BRCA 1 ou BRCA 2 représentent environ 5 % des cancers du sein, soit environ 1500 à 2000 cas en France par an. La transmission est autosomique dominante par une seule branche parentale maternelle ou paternelle.

Dans les situations à haut risque familial sans mutation délétère de BRCA 1 et de BRCA 2, lorsque le calcul de probabilité de mutation (modèle de Claus) est supérieur à 30 %, le même protocole de dépistage par IRM annuelle peut être proposé vu la fréquence des cancers d’intervalle (jusqu’à 40 à 50 %) avec un dépistage par mammographie seule.

D’autres syndromes génétiques exceptionnels peuvent être en cause (Li et Fraumeini par anomalie sur les 2 allèles de la p53, Cowden, maladies cassantes des chromosomes comme l’ataxie-télangiectasie).


Risque histologique


Il est maintenant admis que les tumeurs malignes se développent en passant progressivement par différents stades initialement bénin puis atypique et malin. Le risque histologique se définit par la présence d’une lésion histologique bénigne présentant un risque de développement ultérieur de cancer du sein. Le risque le plus élevé est représenté par l’hyperplasie atypique canalaire ou lobulaire qui multiplie par 4 la probabilité de survenue d’un cancer du sein par rapport à la population générale. Il s’additionne aux autres facteurs de risque connus. Il est représenté par l’existence d’une mastopathie à risque : le RR maximum (> 4) est représenté par un antécédent personnel de cancer du sein. Un antécédent de mastopathie de type hyperplasie épithéliale atypique (canalaire ou lobulaire) aggrave le RR d’un facteur 2 à 4.

Les lésions lobulaires comportent 3 entités : l’hyperplasie atypique (LIN1), le carcinome lobulaire in situ (LIN2), le carcinome lobulaire in situ pléomorphe ou avec nécrose (LIN3).


Risque hormonal


Il correspond à de multiples facteurs, endogènes ou exogènes.



B9782294702587500019/u01-01-9782294702587.jpg is missing Facteurs exogènes






• La contraception orale a été mise en cause, mais de nombreuses études ont été effectuées dont aucune n’a montré d’augmentation du risque de cancer du sein et ce quelles que soient la dose et la durée de la prise de contraceptifs oraux ( cf. «Les contraceptifs oraux accroissent-ils le risque de cancer du sein?» p. 17).


• Le traitement hormonal substitutif de la ménopause : ce sujet, très débattu, a fait l’objet d’études récentes qui sont développées dans un autre chapitre ( cf. «Comment prescrire un THS sans faire courir un risque de cancer du sein?» p. 17).


Risque nutritionnel


Le mode de vie (activité physique, nutrition, lipides, prise de poids, hormones) joue un rôle certain, mais l’intrication de ces différents facteurs rend difficile l’analyse de leurs implications respectives.

D’après certaines études, les facteurs diététiques pourraient être responsables d’environ 30 % des cancers du sein aux États-Unis. Il est reconnu que le mode de vie nord-américain (sédentarité, alimentation) par rapport à des modes de vie plus traditionnels est responsable d’une forte augmentation de l’incidence de cancer du sein comme l’ont montré les études de migrantes.

Par exemple, cancer des pays riches et occidentaux, le cancer du sein touche peu la population japonaise, mais les Japonaises émigrées aux États-Unis ont un taux de cancer du sein proche de celui des femmes américaines. Le rôle propre des phyto-œstrogènes apportés dans l’alimentation par le soja a été évoqué.

Les apports lipidiques ont souvent été incriminés et il existe une relation significative avec le taux d’œstradiolémie. Il semble probable que le métabolisme lipidique joue un rôle important, en particulier concernant la consommation de graisses animales; le rôle néfaste des acides gras poly-insaturés oméga-6 a été souligné expérimentalement, alors que les acides gras insaturés oméga-3 auraient plutôt, eux, un rôle protecteur.

La sédentarité pourrait également constituer un facteur de risque, ainsi que l’obésité, surtout en période post-ménopausique. La consommation d’alcool aurait également un rôle néfaste. En revanche, rien n’indique une responsabilité du tabac.


Les résultats du Women’s Health Initiative (WHI) randomized controlled dietary modification trial dans une population de près de 49000femmes ménopausées ont montré qu’un régime alimentaire visant à limiter de 20 % l’apport énergétique journalier apporté par les graisses et à augmenter les apports en fruits, légumes et fibres végétales entraînait après 8ans de suivi une baisse significative de 9 % de l’incidence de cancer du sein (Prentice Jama, 2006).

Cette étude a montré qu’il est possible de réduire le risque de cancer du sein par une modification individuelle des habitudes alimentaires.

En revanche, les données des études prospectives concernant l’influence de l’apport alimentaire en fruits et légumes et des anti-oxydants (bêta-carotène, vitamines C et F) n’ont pas mis en évidence d’action significative sur la réduction du risque de cancer du sein.

De même, il n’a pas été apporté la preuve que les phyto-œstrogènes puissent avoir un rôle.


Existe-t-il des lésions histologiques précancéreuses du sein?


À la différence d’autres organes comme par exemple le col utérin, il n’existe pas à proprement parler de lésions précancéreuses définies pour la pathologie mammaire : aussi, plutôt que de lésion précancéreuse, préfère-t-on parler de «mastopathie à risque» car l’évolution vers la malignité n’est pas inéluctable.

Il est établi actuellement que certains aspects histologiques sont plus ou moins «à risque» quant à la survenue éventuelle d’une pathologie maligne :




• risque nul (× 1) : kystes simples, galactophorite ectasiante, adénose, fibroadénome simple, mastose fibrokystique non proliférante ou avec prolifération faible, hyperplasie épithéliale sans atypie, papillome simple;


• risque faible (× 1,5 à 2) : fibroadénome complexe, hyperplasie épithéliale sans atypie, fibro-adénose;


• risque modéré (× 4 à 5) : mastose proliférante avec hyperplasie épithéliale canalaire ou lobulaire atypique.

Dans certains cas, on peut admettre l’existence d’une sorte de filiation évolutive, comme un continuum pathologique entre certaines lésions de gravité croissante. Dans cette idée, l’évolution vers la malignité se ferait selon la progression suivante :

Hyperplasie canalaire atypique → Carcinome canalaire in situ → Carcinome canalaire infiltrant.


Que sait-on des mécanismes de la cancérogenèse mammaire?



Ces anomalies génomiques peuvent être soit spontanées, soit liées à l’action d’agents mutagènes, et aboutissent à une rupture de l’équilibre tissulaire physiologique existant entre prolifération, différenciation et mort cellulaire. La tumorigenèse résulte d’une cascade d’événements génétiques, s’étalant sur plusieurs générations cellulaires, pour aboutir à une prolifération sélective et non contrôlée du clone tumoral. Contrairement à la cancérogenèse colique, la séquence exacte de ces événements successifs et cumulatifs n’est pas connue. Cependant, on a pu identifier certaines des altérations géniques permettant aux cellules tumorales d’échapper aux mécanismes régulateurs propres à la cellule normale et à l’environnement cellulaire : ces étapes consistent en des altérations d’un ou plusieurs gènes-clés du fonctionnement cellulaire normal, appelés oncogènes et anti-oncogènes.

Jun 2, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Risque et prévention

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