Pubalgie

20. Pubalgie

Le Point de Vue du Chirurgien ViscéRal

O. Boche*



Dans la pratique de la chirurgie viscérale, la prise en charge régulière de la pathologie herniaire nous a permis d’acquérir au fil du temps une bonne expérience de l’analyse des plaintes fonctionnelles de la région inguinocrurale et pubienne. En effet, cette lésion constitue un volume conséquent d’environ 150 à 200 nouveaux cas annuels, souvent pris en charge par le chirurgien viscéral.

« Pubalgie », terme ô combien vague, parfois commode, permettant de mettre une étiquette d’allure savante sur des plaintes fonctionnelles très diverses. L’enjeu pour le chirurgien viscéral est donc de comprendre les mécanismes lésionnels et surtout de discerner les patients relevant de la chirurgie.

Il a donc fallu apprendre auprès de nos collègues médecins du sport, orthopédistes, kinésithérapeutes et médecins ostéopathes ce que recouvrait cette appellation et comprendre de quoi souffraient ces patients aux symptômes évocateurs de hernies mais souvent sans hernie !


MATÉRIEL ET MÉTHODE

Nous avons réalisé une étude rétrospective des 100 derniers dossiers de patients opérés par un même chirurgien, sur une période de 8 ans : série masculine quasi exclusive, une seule femme ; sportifs pratiquant en majorité le football (80 %) mais aussi le handball (18 %) et le tennis (2 %).

La majorité des patients n’avait jamais été opérée ; 5 avaient déjà subi un geste controlatéral, 2 en bilatéral dont la seule femme de la série.

Dans la série, l’intervention s’est faite d’un seul côté dans 72 cas, contre 28 en bilatéral.

Le sujet qui nous intéresse est celui des pubalgies inguinopariétales. Les pubalgies des adducteurs de même que les atteintes symphysaires pures ne sont pas de notre compétence, mais il est important de les différencier.

Il s’agit, le plus souvent, d’un sportif de bon à haut niveau ayant dû interrompre sa pratique depuis plus de 3 mois à cause des douleurs.

Le patient a souvent bénéficié de nombreux traitements avant de prendre l’avis d’un chirurgien : séances de kinésithérapie centrées sur des étirements, mésothérapie, infiltrations de corticoïdes, électrothérapie, etc. Devant l’absence de résultats probants, il consulte alors le chirurgien, parfois convaincu d’avoir une hernie, avec l’espoir qu’une opération radicale et rapide lui permettra de reprendre ses activités.

L’examen clinique doit alors être précis et complet, entouré au besoin d’une imagerie par IRM, afin de n’opérer que des cas indiscutables. Il convient également de donner toutes les explications nécessaires sur la pathologie et les moyens mis en œuvre pour sortir le patient de ses propres certitudes, forgées le plus souvent sur le témoignage d’amis qui « ont eu la même chose », et renvoyant ainsi l’idée fausse que toutes les pubalgies se soignent de la même manière.


EXAMEN CLINIQUE

Il se pratique debout et couché. On constate une éventuelle attitude antalgique devant la façon de s’allonger et/ou les éventuels mouvements d’évitement. L’examen de la région hypogastrique recherche des cicatrices, des anomalies tégumentaires, un œdème des parties molles, des adénopathies visibles.

La palpation douce recherche des anomalies de la sensibilité de surface. Souvent peut exister une cellulalgie inguinocrurale à la manœuvre du pincé-roulé, bien décrite par Maigne [1], traduisant une souffrance dans le territoire des nerfs ilioinguinal, ilio-hypogastrique, génitofémoral. Il existe alors une hyperesthésie dans l’aine et la racine de la bourse. Parfois la sensibilité est exacerbée sur la ligne médiane suspubienne, le plus souvent dans les atteintes symphysaires.

L’examen se poursuit par l’appréciation des différents plans de la paroi. Le palper direct est imprécis et c’est surtout le retroussement du scrotum, en position debout puis couché et en douceur qui apporte le plus de renseignements. On recherche un point douloureux et, dans le cas qui nous intéresse, celui-ci siège le plus souvent en dedans du cordon spermatique, au voisinage de l’épine du pubis. On perçoit fréquemment une déhiscence de la région interne à l’orifice inguinal profond contrastant avec une musculature développée. En faisant tousser le patient debout, tout en effectuant la manœuvre, on élimine une hernie, mais également un varicocèle ou un kyste du cordon. D’autres fois la douleur [2], absente à la palpation, apparaît chez le patient couché, lors de la manœuvre de soulèvement du bassin, signe de Malgaigne. On voit ainsi gonfler la région inguinale entre le sillon inguinal et le rebord du grand droit. Le patient interrompt souvent la manœuvre, décrivant une douleur inguinale, irradiant obliquement en dehors.

Il faut aussi palper le cordon et le contenu scrotal. Une manœuvre intéressante consiste à tirer légèrement sur le cordon pour en apprécier la liberté. Celui-ci est naturellement élastique grâce au crémaster. Tout point fixe peut créer une adhérence douloureuse. Celle-ci peut se rencontrer dans les suites d’une prothèse après voie d’abord antérieure.

Enfin on examinera la région controlatérale et les adducteurs.


DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

Ce sont principalement les hernies, mais également les pathologies de voisinage : adénopathies, dilatation de la crosse de saphène, etc.

Les névralgies crurales et les atteintes du psoas sont assez souvent systématisées et l’imagerie IRM est alors précieuse. Dans la pubalgie qui nous intéresse, on constate un hypersignal sur la branche iliopubienne et des atteintes symphysaires. La découverte de géodes ou d’anomalies de la structure osseuse doit faire l’objet d’une recherche plus large car nous avons pu découvrir un ostéome ostéoïde et des lésions dues à des infiltrations répétées de corticoïdes. Les atteintes urologiques sont habituellement facilement écartées : douleur d’un déférent épaissi avec un épididyme sensible, infection urinaire ou prostatite assez parlante.


CONSTATATIONS OPÉRATOIRES

Chez les patients opérés pour la première fois, les lésions sont assez stéréotypées : on retrouve constamment des signes inflammatoires locaux plus ou moins marqués : un œdème, des capillaires dilatés sur le cordon, des faisceaux nerveux ilioinguinal et ilio-hypogastrique plus gros qu’à l’accoutumée et surtout un aspect très contrasté entre une musculature développée avec un petit oblique charnu, un grand droit développé et une zone interne, en dedans des vaisseaux épigastriques, détendue, transparente, laissant voir la graisse de l’espace de Bogros, équivalent d’une hernie directe mais sans protrusion du péritoine.

La palpation digitale révèle clairement la faiblesse de l’espace inguinal interne, le doigt ne rencontrant aucune résistance, contrastant avec un entourage musculaire très charnu. Un aspect de véritable hernie directe est parfois retrouvé alors que l’examen clinique ne l’avait pas identifiée. Ce fut le cas chez 5 patients pour lesquels avaient été notées des difficultés d’examen clinique : sujets très musclés (culturistes) ou très pusillanimes.

À ces lésions récurrentes s’ajoutent parfois de petites anomalies anatomiques :


– anomalies vasculaires :


– artère funiculaire très courte, plaquant le cordon sur l’épine du pubis (2 cas),


– artère funiculaire accessoire émergeant du grand droit (1 cas),


– varicocèle non détecté cliniquement (1 cas) ;


– anomalies nerveuses :


– distribution des faisceaux nerveux croisant le cordon et s’anastomosant entre eux (12 cas),


– aspect de « poulie » d’un pilier interne du grand oblique avec trajectoire du faisceau nerveux en forte angulation (4 cas),


– névrome (1 cas) ;


– autres anomalies : adhérence du cordon sur une prothèse avec nécessité de libérer le déférent.

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May 18, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Pubalgie

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