18. Pubalgie
Apport de L’imagerie
J.-L. Brasseur*, G. Bach*, J. Renoux* and D. Zeitoun-Eiss*
Les douleurs chroniques du carrefour pubien relèvent de plusieurs pathogénies pouvant agir de manière isolée ou combinée: la paroi, la symphyse et les zones d’insertion tendineuse sur le pubis. On connaît le rôle des mouvements de cisaillement de la symphyse mais aussi des asymétries des forces musculaires et de l’orientation du bassin dans le plan sagittal.
Chacun de ces éléments étiopathogéniques doit être recherché et quantifié afin de déterminer la stratégie thérapeutique. L’analyse clinique est primordiale mais l’intrication des éléments anatomiques et la juxtaposition de certaines lésions rendent le démembrement souvent difficile, en particulier dans les formes chroniques.
Voyons comment l’imagerie peut aider le clinicien à mieux définir les causes et à préciser les lésions de ce syndrome difficile en déterminant les apports de chaque technique puis en essayant d’établir une stratégie diagnostique.
INTÉRÊT DES TECHNIQUES D’IMAGERIE
Clichés standard
Ils ont deux intérêts principaux: la mesure de la statique pelvienne, en particulier dans le plan sagittal, et l’analyse de la symphyse.
Statique pelvienne sagittale
Quand on parle de statique du bassin, on pense trop souvent à l’équilibre dans le plan transversal alors que celui-ci est facilement appréhendé par l’examen clinique. Le plan sagittal par contre est rarement pris en compte alors qu’il montre bien certaines modifications morphologiques mais aussi les conséquences des asymétries musculaires (faiblesse de la paroi, rétraction des éléments postérieurs et hyperdéveloppement des chaînes antérieures) que l’on retrouve fréquemment chez les patients souffrant du carrefour pubien [1].
Un cliché de bassin de profil peut être proposé mais il semble plus logique de réaliser d’emblée un cliché d’ensemble (bassin + rachis) de profil permettant de visualiser en plus, pour une irradiation pratiquement similaire, les déviations sus-jacentes du rachis et la position de la charnière cervico-occipitale par rapport au plan des têtes fémorales [2].
Au niveau pelvien, on mesure essentiellement (figure 1):
– la pente sacrée, angle formé par la tangente au plateau sacré et l’horizon tale;
– la version pelvienne, angle formé par la verticale et la ligne passant par le centre des têtes fémorales superposées et le milieu du plateau sacré.
Figure 1 |
On ne peut que regretter la faible diffusion du système de Charpack, permettant des études statiques dans les trois plans de l’espace avec une irradiation nettement réduite, ce qui autoriserait un suivi de ces valeurs au cours du traitement rééquilibrant les éléments musculaires [3].
Symphyse pubienne
On connaît le concept d’ostéo-enthésopathie pubienne (OEP) intégrant bien l’importance des enthèses périsymphysaires [4]. Dans le domaine de la pubalgie du sportif, c’est la classification de Brunet citée par Sans [5] qui est la plus utilisée; elle montre le stade et l’évolution de l’OEP avec, au départ, une atteinte destructrice se recondensant progressivement par des phénomènes réparateurs:
– Stade 1: élargissement avec raréfaction de la densité osseuse et irrégularités des contours;
– Stade 2: réparation densifiante entraînant un aspect nettement hétérogène as sociant les phénomènes raréfiant et condensant;
– Stade 3: irrégularités condensantes avec prédominance des phénomènes de réparation;
– Stade 4: aspect « cicatriciel » avec calcification, périostose et ossification.
En pratique, vu le délai fréquent entre le début des symptômes et la réalisation des clichés, le point le plus important est la reconnaissance d’une atteinte de la symphyse permettant de l’impliquer dans la symptomatologie conférant à ces clichés un rôle d’orientation diagnostique (figure 2).
Figure 2 |
Cinq clichés localisés (pour limiter l’irradiation) sont réalisés en cas de suspicion d’atteinte symphysaire: face, face rayon ascendant, face rayon descendant, appui monopodal droit et gauche.
Autres éléments
Le cliché d’ensemble du bassin permet en outre de vérifier l’intégrité des sacroiliaques, des branches pubiennes et d’éliminer une pathologie coxofémorale.
Échographie
Le caractère dynamique de l’échographie et sa résolution spatiale pour l’étude des tendons et des muscles lui confèrent un intérêt particulier dans le démembrement de ces pubalgies. L’examen sera réalisé de manière systématique, utilisant au maximum les coupes clefs pour limiter le caractère opérateur-dépendant de la technique.
Il n’est jamais limité à l’étude des orifices herniaires mais analyse de manière systématique la région pubienne et aussi, de manière comparative, les éléments des creux inguinaux [678 and 9].
Pratiquement, les trois zones, latérale, pubienne et celle des orifices herniaires, sont étudiées successivement.
Région latérale
La sonde parallèle au grand axe du col fémoral, le membre inférieur en extension et les pieds joints, on mesure (et on compare) l’épaisseur des replis capsulosynoviaux antérieurs en recherchant un éventuel épanchement articulaire, une synovite (importance du Döppler), voire un nodule chondromateux ou ostéochondromateux. Dans le même axe, on remonte la sonde pour la positionner à la partie antérieure de l’interligne coxofémoral en étudiant le labrum antérieur (qui s’analyse en effectuant un balayage sagittal de tout ce versant antérieur), puis l’insertion du tendon du droit fémoral sur l’épine iliaque antéro-inférieure. Les mêmes éléments sont ensuite étudiés dans le plan axial, par un balayage de bas en haut, visualisant le versant antérieur de la tête, le labrum, la branche iliopubienne, le sartorius, le droit fémoral, le psoas et en recherchant une éventuelle bursite au versant médial ou latéral de ce dernier muscle (figures 3 et 4). La cuisse est alors positionnée en légère abduction – rotation interne pour analyser le paquet vasculonerveux et l’insertion du tendon du psoas sur le petit trochanter. Celui-ci n’est pas toujours facile à individualiser car le tendon est souvent entouré jusqu’à son insertion de fibres musculaires en quantité importante.
Figure 3 |
Figure 4 |
On recherche donc à ce niveau une pathologie coxofémorale, labrale, une lésion musculotendineuse (psoas ou droit fémoral), mais aussi une fracture de fatigue d’une branche pubienne (figure 5).
Figure 5 |
Région pubienne
La symphyse et ses zones d’insertion tendineuse sont ensuite analysées [678 and 9]. L’attache du grand droit de l’abdomen, éventuellement recouvert du muscle (accessoire) pyramidal, s’étudie essentiellement dans le plan sagittal en effectuant une épreuve de contraction à la recherche d’une désinsertion mais surtout en Döppler puissance à la recherche d’une hypervascularisation en profondeur de l’attache tendineuse (figure 6). La sonde est ensuite positionnée plus distalement sur la symphyse pour observer d’éventuelles irrégularités; la corticale symphysaire est très bien visualisée de même que la largeur de l’interligne pouvant présenter une tuméfaction (figure 7). Ces éléments sont tous susceptibles d’orienter vers une participation d’une OEP à la symptomatologie.
Figure 6 |