Prises en charge de familles franco-pondichériennes
Brigitte Tison
Notre formation en ethnologie, orientée vers le monde indien, et en particulier vers les Indiens venus en France, nous a donné certaines légitimité et compétences.
Dans le cadre du centre F. Minkovska (1979-1983), puis du CHI de Clermont de l’Oise où nous avons exercé en tant que psychologue clinicienne, nous avons pu suivre quelques familles indiennes (service adultes de psychiatrie, 1983-1990) et poursuivre quelques suivis avec d’autres familles indiennes et leurs enfants (service de pédopsychiatrie, 2006-2012).
L’objet de cette étude porte sur les migrants du Tamil Nadu (Inde du Sud), familles et enfants. Nous proposons de présenter deux situations où la prise en charge psychothérapeutique s’est imposée :
Avant de développer ces deux situations, nous voudrions dire combien les prises en charge de familles indiennes et de leurs enfants sont difficiles. En effet, les familles ne font pas appel aux services médico-sociaux, qui plus est, aux services psychologiques et psychiatriques. Tous les professionnels que nous avons pu entendre, ici ou là, expriment une absence de demande de la part de ces populations : tout va bien, où est le problème ? quel est-il ?
Les difficultés se règlent au sein de la communauté indienne elle-même, et ne dépassent pas les frontières du groupe. Il faut que les choses empirent au point que la demande vienne de l’extérieur : école, centre social ou encore justice, pour qu’une prise en charge psychothérapeutique puisse se mettre en place.
Différentes raisons sont à l’origine de cette absence de demande, hormis le fait que les Indiens vivent repliés sur eux. Jusqu’aux années 1990, ils étaient fort peu nombreux en France. Ils constituaient une minorité dans la majorité. Au fur et à mesure du temps, la communauté est devenue plus visible. L’arrivée progressive, mais constante d’Indiens du Sri Lanka fuyant la guerre, de Sikhs fuyant également le nord de l’Inde où la question du Cachemire semble s’éterniser ou encore d’autres Indiens venus d’autres régions du sous-continent comme le Pakistan ou encore le Bangladesh, ont grossi la communauté indienne installée en France et, en particulier, en Île-de-France. Ces populations ont commencé à organiser leurs propres manifestations (fête de Ganesh à la fin de l’été à Paris…), à ouvrir des salles de prières (locaux servant de temples)…
Les Indiens en France sont loin d’être aussi nombreux qu’en Grande-Bretagne, et l’histoire des deux anciens colonisateurs, la France et la Grande-Bretagne, avec le continent indien, n’est pas la même.
Pour mieux saisir les enjeux qui se jouent dans les familles indiennes, quelques rappels historiques, culturels… apparaissent nécessaires. Ils permettent une meilleure compréhension dans l’approche des prises en charge des patients issus de ce pays.
Exemple de prise en charge où le choc culturel demeure
Raj est atteint de troubles envahissants du développement (TED). Il vit avec ses parents et ses frères et sœurs. Il a 7 ans et va à l’école, aidé par une aide au soutien scolaire (AVS). Les parents sont rassurés de voir leur enfant se rendre à l’école et à l’hôpital-école Montataire (HEM). Pour le père, l’enfant va bien. Tous ses enfants sont intelligents et ont brillamment réussi. Raj va suivre leur exemple. On est en présence d’un déni complet du père. Enfermé dans son propre discours, il n’entend rien, et la collaboration pour la prise en charge n’est pas évidente, indépendamment du sourire qu’il peut afficher sachant que nous connaissons son pays.
À ses yeux, son enfant n’a rien. Tout se passe bien à la maison. Un grand frère s’occupe de lui dès qu’il rentre de l’hôpital. Il lui apprend des mots par la méthode répétitive et avec des images. Un jour, les parents ont supprimé tous les jouets pour que Raj concentre son attention uniquement sur ses exercices de mots. L’autorité paternelle est toute-puissante et lorsque la maman l’accompagne, elle laisse parler son époux.
L’enfant, pour l’instant, bénéficie des activités proposées par l’HEM, et c’est un pas vers une certaine socialisation. Que sera-t-il dans quelques années de l’évolution de l’enfant ?
Vignette clinique 1
L’adolescence a toujours été une étape sensible au cours de la vie de chacun. L’existence de troubles dépressifs est souvent associée à cette période. Un certain nombre d’enquêtes épidémiologiques ont confirmé que 5 à 10 % de la population totale d’adolescents présentaient des troubles dépressifs majeurs. Ce taux est de 22,5 % chez les garçons ; il est deux fois supérieur chez les filles (75 %). Qui dit troubles dépressifs majeurs sous-entend risque suicidaire. Le nombre de suicides dans la population des 15-25 ans n’a cessé d’augmenter depuis vingt ans, à tel point qu’on a pu parler de problème de santé publique. Ce phénomène n’atteint pas seulement la France : la Suède, le Japon parmi d’autres battent des records, même la Chine n’est plus épargnée. Les raisons sont multiples : culturelles, psychologiques…
Nous proposons de présenter le cas des franco-pondichériennes. Pour mieux l’appréhender, nous rappellerons le contexte à la fois historique et culturel de la place des filles dans la tradition indienne et de son évolution. Le contexte culturel dans lequel elles grandissent, la double éducation dont elles héritent, la pression sociale qui les amène à vivre le monde comme décevant, car trop contraignant par rapport à l’avenir (choix qu’elles ont à faire) à un âge où l’espoir et l’idéalisation sont des mouvements naturels.
Repères identitaires
Historiques
Les Franco-pondichériennes ont l’appartenance française de leurs parents et grands-parents qui habitaient les comptoirs de l’Inde, partie des colonies françaises. En 1954, ces établissements sont rattachés à l’Union indienne dont Pondichéry, situé au bord de l’Océan indien dans l’État du Tamil Nadu, au sud du pays, qui devient une ville indienne à part entière. C’en est fini de l’époque coloniale. Pondichéry sera, désormais, « la fenêtre de l’Inde vers la France » comme l’exprima Nehru.
Un certain nombre de Pondichériens font alors le choix de la France et obtiennent la nationalité française. Aussi, leurs descendants continuent-ils d’être « immatriculés » français s’ils en font le choix. Ils parlent français, font des études en français à Pondichéry, même si la ville s’est ouverte aux échanges internationaux au point que l’anglais est en passe d’être plus pratiqué que le français.
Culturels
La jeune fille grandit et acquiert ses repères identitaires à partir des textes, du système social et des rites, constitutifs de la grande tradition hindoue.
Des textes
La culture hindoue prend son origine dans des textes et des rites très anciens. Environ 2000 à 1500 ans avant J.-C., les Indo-aryens venus de la Caspienne, vraisemblablement éleveurs de troupeaux, apportent avec eux tout un système de croyances, de rites, de textes qui vont constituer les fondements de la culture hindoue.
Parmi les textes, les Védas, les Puranas, les Upanishads font référence à tout un panthéon de divinités qui ne sont autres que les éléments naturels tels le soleil, le vent, le feu… Les peuples qui détiennent ces textes ont établi tout un système social très élaboré avec les récits des épopées du Ramayana, du Mahabharata. Les cultes vont se personnaliser, telle la bhakti qui apparaît alors se diffuser, les dieux aussi (Vishnu, Shiva, Ganesh ou « le fameux dieu à tête d’éléphant »…). La société se structure en castes. Chaque Indien se définit dans sa caste et par rapport à l’autre.
Ainsi, l’épopée du Ramayana imprègne toute l’enfance, l’adolescence de l’Indien et de l’Indienne. L’histoire de Sita, l’héroïne, est une édification de la fidélité de la femme indienne. Contre tous les avis, Sita décide de suivre son époux Ram, le héros de l’épopée, qui a abandonné son trône pour obéir à son père et s’est exilé sur l’île de Sri Lanka. Lorsque Ravana, roi du Sri Lanka, cherche à séduire Sita, elle ne succombe pas à ses charmes et demeure fidèle à son époux.
La femme continue de s’identifier à l’héroïne du Ramayana, Sita. L’époux indien attend d’elle qu’elle incarne une figure de pureté, de chasteté, de fidélité.
Un système social spécifique
Spécifique au sous-continent indien, le système des castes lui donne son unité. La société s’organise, vers 1800 avant notre ère, selon un modèle (toujours en vigueur) de répartition des fonctions hiérarchisées entre les varnas (classes sociales), les brahmanes (prêtres), les kshatriyas (guerriers), les vaishyas (commerçants) auxquels viendra s’adjoindre le varna des sudras (paysans) au service des trois autres castes. Ce modèle est représentatif tant au nord qu’au sud du pays, et ce dès le début de l’ère chrétienne. L’unité culturelle de la péninsule indienne déjà fortement brahmanisée apparaît ainsi, à la nuance près qu’au sud il n’y a bien souvent que deux castes représentées : les brahmanes et les sudras. Les chrétiens sont considérés comme une caste inférieure, à moins qu’ils n’aient gardé leur caste d’origine. Ils ne sont pas pour autant hors castes. Les musulmans sont eux aussi divisés en castes et en sous-castes.
En Inde, le pire est de n’avoir pas de caste ou d’avoir perdu les liens avec la famille et la société. L’Indien n’existe pas en tant qu’individu. Il appartient à une caste, à une famille qui appartient à cette caste. Ce qui le reliera à un autre indien, ce ne sera pas le même dieu puisqu’il en existe plusieurs ni les mêmes rites, ni la même langue, c’est la pratique des mêmes rites familiaux qui vont jalonner sa vie de la naissance à sa mort. On ajoutera, à la liste des varnas, la caste des dalits (anciennement « intouchables »).
Le système a été aboli par la Constitution de 1952, mais dans les faits, il perdure.
Des rites familiaux
Le système entraîne des obligations par rapport aux gens de sa caste, de sa famille, en particulier, dont les rites funéraires que doit accomplir le fils. Arrangés, les mariages ne se font qu’entre individus de même caste. Plus on appartient à une caste élevée plus les obligations sont nombreuses, car on s’approche du pur, du divin et de la délivrance. En effet, le critère sur lequel se fonde cette hiérarchie est un critère religieux : il y a progression de l’impur vers le pur. Tout ce qui a trait à la nourriture va être lié à ce critère : un brahmane est végétarien. Les repas ne sont partagés qu’entre gens d’une même caste, les brahmanes ne peuvent accepter de nourriture d’une caste inférieure.
Une doctrine
La femme est la garante de l’ordre du monde. L’acte central de l’hindouisme étant le sacrifice, l’offrande animale ou végétale symbolisant une part du sacrifice du brahmane. Sacrifier, c’est maintenir l’ordre du monde. Cet ordre, c’est le dharma. Il n’y a pas de sacrifice sans dharma. Sans dharma, sans sacrifice, il n’y a pas d’hindouisme. La doctrine qui fonde la vie de tout hindou est le moksha ou délivrance, le dharma ou devoir, le karma ou la pratique. Pour y parvenir, l’Indien va s’appliquer à agir comme ses ancêtres et comme le groupe social auquel il appartient. Il offrira des sacrifices voire le sacrifice de sa vie elle-même. Le moksha, c’est la délivrance de tout ce qui n’est pas la « vraie réalité » et celle-ci est constituée par l’union de l’atma (l’âme individuelle) et du brahma (principe universel). C’est le but poursuivi par tout Indien, hindou.
Le dharma correspond à la loi, au devoir moral, à l’action juste, conforme à la vérité des choses. Aussi longtemps qu’un Indien demeure fidèle à la ligne de conduite de sa vie et remplit ses devoirs, il est sur le chemin du moksha. En agissant comme ses ancêtres et comme le groupe social auquel il appartient, l’Indien a de fortes chances d’accomplir son dharma. Enfin, le dharma correspond au cycle infini des naissances, renaissances de la mort, à travers lequel l’âme d’un individu progresse d’existence en existence.
Que se passe-t-il sous l’influence française ?
Tout au long des siècles, l’Inde a été soumise aux influences étrangères (de la domination musulmane du VIIIe au XIIe siècle en passant par la christianisation dans certaines régions à la domination moghole entre 1526 à 1857 pour aboutir à la domination britannique jusqu’en 1947) qui ont modifié plus ou moins, suivant les époques et les régions, le statut, le rôle et le comportement des femmes.
L’influence coloniale française débute avec Dupleix sous Louis XIV, et Pondichéry acquiert un statut de comptoir de 1674 à 1954, date du rattachement à l’Inde.
À Pondichéry, on va parler le français, s’habiller à la française. Les enfants et les jeunes vont aller à l’école où l’influence française se maintiendra, même après le rattachement à l’Inde. Pour les adolescentes qui font leurs études en français, elles vont se trouver à la croisée du mode de vie tamoule et du mode de vie à la française.
Ni indienne à part entière ni française, la jeune fille pondichérienne est, néanmoins, débitrice du système social des castes et du modèle féminin indien. Elle ne peut vivre l’acculturation à laquelle elle aspire. La seule issue semble de devoir aller en France, et là aussi elle n’est ni française à part entière ni indienne.
Repères sociaux
Rôle et statut de l’indienne
Fillette, adolescente, l’Indienne a appris à obéir à ses frères, à son père. Femme, épouse, mère, elle se soumet à son époux, à sa belle-famille. Veuve, c’est son fils qui a autorité sur elle. Ainsi donc, toute sa vie est réglée, même matériellement : puisqu’elle ne peut aller où bon lui semble. Il faudra attendre l’indépendance de l’Inde en 1947 pour qu’elle commence à acquérir des droits et une place à elle. Elle peut, en effet, désormais exercer les mêmes métiers qu’un homme, voyager, sortir, étudier, mais elle ne choisit toujours pas son époux. Cela reste une affaire de famille sinon de caste. La colonisation a apporté l’accès à la scolarisation des filles. Gandhi les a amenées à sortir de chez elles. Avec la construction du pays, l’indépendance n’a fait qu’accentuer le mouvement. Ce qui fait qu’à présent, beaucoup de choses ont changé parmi la population indienne. Seul le système social n’a pas disparu. Les castes demeurent et les mariages continuent d’être arrangés.
La société indienne se méfie des changements. Quand elle commence à accepter, elle le fait progressivement. Et les demi-mesures qui sont prises conduisent à un chevauchement des modes de vie. Il y a maintien des conservatismes et cohabitation de traditionalisme et de progressisme. En ville ne se pose quasiment plus le problème de la scolarisation des filles. Elles vont de préférence à l’école anglaise. Car bien parler l’anglais demeure un atout. Cela a entraîné une prise de conscience de la liberté qui n’était pas la même pour elles et pour les jeunes gens. Certaines ont pu devenir étrangères à leur propre culture. Les parents ont parfois accepté que leurs filles aillent à la faculté pour un temps. Un certain niveau d’études n’est certes pas à négliger pour arranger un bon mariage. Mais, au-delà d’un certain stade, il y a le risque de ne plus trouver de mari.
Une fois, la formation acquise ou le niveau d’études atteint, beaucoup ne travaillent pas. Et si elles touchent un salaire, elles n’ont pas l’autonomie financière, car elles ont été éduquées dans le sens du sacrifice et elles se font un devoir de le redonner à l’époux ou à la belle-famille. Égales de l’homme au niveau professionnel, elles rentrent chez elles, et il leur reste à assumer toutes les charges du foyer. La joint family (« famille élargie », couple, beaux-parents voire aussi belles-sœurs vivant ensemble) ne peut concevoir qu’une fille ne fasse rien à la maison. Les mariages sont toujours arrangés, mais les mariages intercastes sont un peu plus fréquents depuis quelques années. Il n’y a que peu de mariages d’amour au sens occidental.
Le double héritage des Franco-pondichériennes
L’éducation à l’école française
À Pondichéry, l’école fait partie de la présence française. Sur cinq mille jeunes, garçons et filles d’âge scolaire, immatriculés (c’est-à-dire ayant la nationalité française) il y en a à peine la moitié scolarisée dans des écoles à programme français. Il en reste donc une autre moitié qui va soit dans des écoles à programme indien soit qui n’est pas scolarisée.
Les écoles françaises à Pondichéry existent encore (Alliance française, lycée français). Les parents se font un honneur d’envoyer leurs enfants, garçons ou filles, dans ces écoles.
En fréquentant l’école française, on peut imaginer que les jeunes ne font pas qu’apprendre à parler la langue, à connaître l’histoire du pays. S’ils sont au lycée, la majorité des enseignants sont français et le temps de l’école demeure un temps où l’élève prend modèle sur l’adulte et s’identifie à lui. Ces jeunes scolarisés découvrent des comportements, des modes de vie autres que ceux qu’ils vivent au quotidien, dans leurs familles et autour d’eux. Ils apprennent la liberté, l’égalité devant les apprentissages, la mixité. Les filles découvrent des possibilités de choix, d’indépendance, de responsabilité qui n’existent pas dans la vie de leurs mères. Ces prises de conscience entraînent forcément des changements, des décalages, des fractures, des ruptures.
L’éducation dans la famille indienne
L’éducation leur accorde la place qui est celle de la femme indienne en général. En Occident, l’individu est unique, indépendant, responsable. L’Europe a lutté longtemps pour la reconnaissance de ce qui apparaît comme un droit sacré, la liberté, et il n’y a en principe pas de différence entre hommes et femmes en ce début 2013. Il en va tout autrement en Inde, même si les principes d’égalité entre hommes et femmes sont inscrits dans la constitution indienne.
La société indienne ne vit pas selon les mêmes valeurs : l’individu en soi n’a guère d’importance. Il est relié à sa famille avant tout, aux intérêts de celle-ci. Il n’est pas entré dans les mentalités qu’une jeune pondichérienne puisse aspirer à acquérir son indépendance, sa liberté. Cela reste un courant externe, étranger. Pourtant, les parents envoient leurs enfants à l’école française, leurs filles comme leurs garçons. Mais ils ne réalisent pas l’impact de l’école sur le comportement de leurs enfants. À partir de la fête de la nubilité qui est parfois un premier traumatisme pour l’adolescente, le regard que les parents portent sur elle change, car leur fille appartient désormais au monde des femmes. Mères en puissance, l’image qu’elle va renvoyer peut avoir des conséquences sur le mariage à venir. Les parents la suivent attentivement dans sa façon de s’habiller, de se coiffer, de se comporter.
Quand on se souvient qu’une jeune fille doit être à la maison, se tenir en retrait face à des étrangers, baisser les yeux, être réservée, on voit le fossé se creuser avec l’attente des professeurs à l’école française qui souhaitent vivement la participation active des élèves. Ces jeunes filles, qui ont intériorisé l’attente de leurs parents, passent pour des « sottes », obtiennent de mauvaises notes… Les professeurs invitent leurs élèves à fréquenter le cinéma, à lire des revues, à prendre la parole devant les autres…
Les parents craignent les fréquentations de leurs filles qui ne voient, en règle générale, leurs amies qu’à l’école. Quant à une quelconque fréquentation avec des garçons, cela reste hors de question. La ségrégation est de règle en pays tamoul. Au lycée, les professeurs mélangent garçons et filles dans leurs travaux d’équipe sans voir les conséquences normales de la mixité : les filles parlent aux garçons et vice versa. La vraie question va se poser à la fin des études ou de l’apprentissage. Vont-elles accepter le mariage arrangé par leurs parents ? Vont-elles chercher un emploi à Pondichéry ? Où vont-elles décider de partir en métropole ?
Leurs décisions ne sont pas seules en jeu. Comme l’exprime une lycéenne : « aller en France pour soi, c’est une idée occidentale ». C’est tout le groupe familial qui est engagé dans cette décision. Cela peut avoir des conséquences, entraîner des déchirures irréparables, des séparations sans retour.