10. Pressions artérielles pulmonaires
Pièges dus à la détection et quantification de l’HTAP
Le diagnostic échographique d’une HTAP est basé sur les données de l’imagerie échographique et sur les signes Doppler.
Signes échographiques
La présence d’une HTAP peut entraîner un certain nombre de modifications morphologiques des cavités droites identifiables par échocardiographie (figure 10.1) :
– dilatation du ventricule droit et du tronc de l’artère pulmonaire;
– hypertrophie pariétale du ventricule droit;
– cinétique plus ou moins paradoxale du septum interventriculaire;
– dilatation de la veine cave inférieure et des veines sus-hépatiques;
– anomalie TM de la valve pulmonaire (absence de l’onde a; fermeture pulmonaire mésosystolique).
Fig. 10.1 |
Les signes échographiques cités ci-dessus sont très évocateurs lorsque l’HTAP est franche, mais une morphologie normale ou subnormale des cavités droites n’élimine en rien le diagnostic d’HTAP. De plus, ces signes d’HTAP sont diversement associés et présentent tous de nombreuses limites et pièges diagnostiques à savoir :
– ces signes sont communs à d’autres causes de surcharge droite (communication interauriculaire, valvulopathie tricuspide autonome par exemple);
– l’importance de ces signes dépend de la sévérité de l’HTAP, mais aussi de son ancienneté, de son caractère permanent ou paroxystique, et du volume d’une éventuelle insuffisance tricuspidienne associée. En effet, le tableau n’est caricatural qu’en présence d’une HTAP franche (PAP systolique > 50mmHg). Le retentissement sur les cavités droites est modeste, voire absent dans certaines HTAP (patients franchement déplétés par exemple);
– la déformation du septum interventriculaire peut être variable: aspect plat, voire inversé dit paradoxal (courbure septale convexe vers le VG) dans les surcharges de pression (HTAP); aspect rectiligne (plat en systole et aussi en diastole) dans les surcharges volémiques (IT importante);
En rythme sinusal, la diminution voire l’absence d’onde «a» pulmonaire peut être le témoin d’une élévation de la PAP diastolique. En cas de défaillance du ventricule droit associée à l’HTAP, l’onde «a» peut réapparaître du fait de l’élévation des pressions de remplissage du VD. Enfin, l’arythmie complète par fibrillation auriculaire entraîne une disparition de l’onde «a» pulmonaire. La fermeture partielle mésosystolique des sigmoides pulmonaires observée dans les HTAP est l’équivalent de l’encoche mésosystolique du flux pulmonaire éjectionnel enregistré en Doppler pulsé (p. 216). En réalité, les signes TM pulmonaires ne sont présents que pour des HTAP franches (PAP systolique > 50mmHg et/ou PAP moyenne > 20mmHg).
En conclusion, tous ces critères échographiques d’évaluation des pressions artérielles pulmonaires restent semi-quantitatifs et sont à l’état dépassés par les critères Doppler.
Signes Doppler
Le diagnostic de certitude de l’HTAP repose sur les données Doppler qui permettent de mesurer précisément les pressions artérielles pulmonaires (PAP).
En pratique, quatre méthodes d’évaluation des PAP en Doppler sont utilisées. Elles sont basés respectivement sur l’étude des flux :
– d’insuffisance tricuspidienne (IT);
– d’insuffisance pulmonaire (IP);
– d’éjection pulmonaire;
– de shunt gauche-droit (communication interventriculaire et canal artériel).
L’étude du flux d’IT et du flux d’IP sont incontestablement les deux méthodes les plus utilisées.
➝ Étude du flux d’insuffisance tricuspidienne (IT)
Elle peut être utilisée chez la majorité des patients du fait de la grande fréquence de l’IT notée en présence d’une HTAP (80-90 % des cas).
À partir du flux d’IT enregistré en Doppler continu, il est possible d’évaluer la PAP systolique, en utilisant la vitesse maximale d’IT (tableau 10.1 et figure 10.2).
V : vitesse maximale ; Vtd : vitesse télédiastolique ; Vpd : vitesse protodiastolique ; TA : temps d’accélération ; POD : pression de l’oreillette droite ; PAs : pression artérielle systolique. | |
Flux d’insuffisance tricuspidienne (IT) | PAPs = 4.V.IT2 + POD |
Flux d’insuffisance pulmonaire (IP) | PAPd = 4.Vtd.IP2 + POD PAPm = 4.Vpd.IP2 + POD PAPs = 3.PAPm – 2.PAPd |
Flux d’IT et d’IP | PAPm = 1/3.PAPs + 2/3.PAPd |
Flux d’éjection pulmonaire | PAPm > 20mmHg si TA < 100ms |
Flux de communication interventriculaire (CIV) | PAPs = PAs – 4 V.CIV2 |
Flux de canal arteriel (CA) | PAPs = PAs – 4.V.CA2 |
Fig. 10.2 |
L’avantage de la méthode d’IT est sa fiabilité, démontrée par l’excellente corrélation qui existe entre Doppler et cathétérisme pour l’estimation de la PAP systolique. Néanmoins, il existe des causes d’erreurs et des limites dans l’utilisation de cette méthode. Les pièges d’écho-Doppler sont d’ordre technique et/ou diagnostiques (tableau 10.2).
Pièges techniques | Confusion entre IM et IT Défaut d’alignement sur le jet d’IT Signal Doppler faible Absence de moyennage des vitesses d’IT |
Pièges diagnostiques | Erreurs dans l’estimation de la POD IT laminaire IT triviale Sténose pulmonaire associée |
Enfin, certains auteurs ont proposé de calculer la PAP systolique à partir du seul pic de vitesses de l’IT (V) enregistré en Doppler continu, selon la formule suivante :
• Pièges techniques
La confusion entre un flux d’IT et un flux d’insuffisance mitrale peut se produire en utilisant le Doppler continu à l’aveugle. Dans cette situation, il faut réaliser un balayage soigneux du flux mitral au flux tricuspidien en passant par le flux aortique. En pratique, on s’aide du Doppler continu guidé par le Doppler couleur 2D permettant le repérage visuel de la régurgitation tricuspidienne.
Un autre piège technique provient d’un mauvais alignement entre le faisceau ultrasonore et le jet d’IT, responsable d’une sous-estimation de la vitesse maximale d’IT et donc de la PAP systolique (figure 10.3). La solution idéale et de repérer en Doppler couleur 2D l’origine du jet d’IT des hautes vélocités, puis à aligner la ligne de tir Doppler continu sur ce jet. Néanmoins, il est toujours recommandé d’utiliser le Doppler continu à l’aveugle pour pouvoir multiplier au maximum des incidences (apicale, parasternale basse, souscostale) de façon à obtenir les valeurs de vitesses d’IT les plus élevées possibles. Une cause d’erreur dans la mesure d’IT peut provenir également d’un signal Doppler faible du fait :
– d’un défaut dans le réglage de l’échographe (gains et filtres en particulier);
– d’une échogénicité limitée du patient examiné.
Fig. 10.3 |
Une autre cause d’erreur est liée à l’absence de moyennage des vitesses maximales d’IT en cas de fibrillation auriculaire faisant varier ces vitesses, ou de variations respiratoires importantes de la vitesse d’IT. Ces variations respiratoires sont dues d’une part, aux variations des pressions pulmonaires, et d’autre part, aux changements d’angle entre le faisceau ultrasonore et le jet d’IT lors des mouvements respiratoires.
Dans ces situations particulières les valeurs d’IT doivent être moyennées sur 5 à 10 cycles cardiaques consécutifs.
• Pièges diagnostiques
Estimation erronée de la pression de l’oreillette droite (POD)
Classiquement, la PAP systolique est évaluée en ajoutant au gradient de pression ventriculo-auriculaire droit en systole une valeur arbitraire de pression systolique de l’oreillette droite (POD), en l’absence de sténose pulmonaire.
Une erreur dans l’estimation de la POD constitue un piège diagnostique essentiel. En fait, il n’existe pas de méthode rigoureuse pour mesurer de façon non invasive la pression dans l’OD. Pour évaluer cette pression, différentes approches ont été proposées : valeur fixe empirique de 5mmHg (chez les enfants) ou de 10mmHg (sujet adulte), valeur modulée selon le tableau clinique ou échographique. En effet, la POD peut être estimée en function :
– de l’importance des signes d’insuffisance cardiaque droite (discrète: 10mmHg, modérée: 15mmHg, sévère: 20mmHg);