CAPILLAROSCOPIE PÉRI-UNGUÉALE ET SCLÉRODERMIE : VALEUR PRONOSTIQUE DE LA CAPILLAROSCOPIE
La pathogénie de la sclérodermie systémique fait intervenir une réaction auto-immune, des anomalies micro-vasculaires, une infiltration par des cellules mono-nucléées puis une fibrose tissulaire [1]. Les anomalies micro-vasculaires semblent précéder l’inflammation et la fibrose [2]. Ces données confirment la réalité clinique puisque le phénomène de Raynaud précède généralement les autres manifestations de la sclérodermie systémique, parfois de plusieurs années. Ainsi la capillaroscopie péri-unguéale permet de diagnostiquer précocement une sclérodermie systémique devant un phénomène de Raynaud isolé [3,4]. Il est logique de penser que l’intensité des anomalies microcirculatoires pourrait permettre de prédire la gravité des complications viscérales ultérieures de la sclérodermie systémique. L’atteinte vasculaire est au centre de la pathogénie des sclérodermies et de leurs complications puisque la rigidité artérielle des gros vaisseaux permet de prédire le risque de complications viscérales de la sclérodermie systémique mieux que la topographie de l’atteinte cutanée ou que le profil immunologique [5]. Deux auteurs, H. Maricq et M. Cutolo, ont tenté de corréler le paysage capillaroscopique au profil clinique et à l’évolution de la maladie [3,6–8]. Ces deux classifications se fondent sur l’importance relative de l’angiogénèse et de la destruction capillaire. En effet, le paysage capillaroscopique sclérodermique est caractérisé par la dilatation de l’anse capillaire allant jusqu’au mégacapillaire (> 50 μm). Les capillaires peuvent prendre un aspect ramifié caractéristique correspondant à une néo-angiogénèse. L’altération de la paroi des capillaires est la source de microhémorragies. Il existe également une destruction des anses aboutissant à la raréfaction capillaire, à la formation de zones avasculaires et à la désorganisation complète de l’architecture du lit capillaire. Le regroupement de ces anomalies permet de différencier les patients avec une prédominance de dystrophies (boucles capillaires dilatées, mégacapillaires) ou de destruction (désorganisation architecturale, raréfaction capillaire majeure, zones avasculaires). M. D. Lovy [9] ne trouve pas de corrélation, sur 42 patients, entre la durée de la maladie ou les atteintes d’organe et la dilatation ou la raréfaction capillaire. La seule relation trouvée concerne les télangiectasies avec les dilatations capillaires. B. N. Statham [10] ne trouve pas de corrélation entre la dilatation ou la raréfaction capillaire et la sévérité ou la durée de la sclérodermie. C. P. Simeon [11] montre une corrélation entre la raréfaction capillaire et l’existence d’une atteinte cutanée diffuse, dont le pronostic est plus mauvais, mais pas de relation directe avec les atteintes d’organe. M. Bredemeier [12] trouve une corrélation entre l’importance des zones avasculaires et le nombre de plages en verre dépoli en tomodensitométrie thoracique. H. Maricq et M. Cutolo ont, par contre, proposé un regroupement des anomalies capillaroscopiques en relation avec l’évolution de la sclérodermie systémique.
Classification de Maricq
H. Maricq propose de classifier les paysages capillaroscopiques des sclérodermiques en type « actif » : larges plages avasculaires, désorganisation architecturale, et type « lent » : nombreux mégacapillaires, micro-hémorragies. Sur une série de 80 patients comprenant 40 phénomènes de Raynaud, 20 sclérodermies évoluant depuis moins de 5 ans et 20 connectivites indifférenciées, il existe une corrélation entre le type capillaroscopique « lent » et la présence des anticorps anti-centromère, associés à des sclérodermies peu évolutives [2]. De plus, 4 patients avec connectivite indifférenciée évoluent vers une connectivite définie et un patient avec phénomène de Raynaud décède dans un tableau de myosite avec atteinte pulmonaire. Ces 5 patients ont tous un type capillaroscopique « actif » sur l’examen initial. Ainsi, sur les 8 patients avec type « actif », 5 progressent. Parmi les II patients de phénotype capillaroscopique « lent », un seul a une nouvelle atteinte d’organe et aucun ne décède. De plus, la durée d’évolution du phénomène de Raynaud est plus courte chez les patients avec type capillaroscopique « actif » par rapport à ceux avec type capillaroscopique « lent » : 23 (3-72) mois contre 70 (9-246) en moyenne (Figures 1 & 2).
Sur une série de 68 patients, Z. Y. Chen établit une corrélation significative entre le type « actif » de Maricq d’une part et d’autre part l’extension de l’atteinte cutanée, l’existence d’une atteinte musculaire, rénale ou d’une hypertension artérielle. Le type « lent » est quant à lui corrélé à la positivité de l’anticorps anti-centromère, associée à des sclérodermies peu évolutives [13].
Classification de Cutolo
Cutolo propose une classification en 3 stades :