CAPILLAROSCOPIE PÉRI-UNGUÉALE ET PHÉNOMÈNE DE RAYNAUD : DÉPISTAGE DE LA SCLÉRODERMIE SYSTÉMIQUE
Le dépistage de la sclérodermie systémique chez un patient souffrant de phénomène de Raynaud est la meilleure indication de la capillaroscopie péri-unguéale. Le phénomène de Raynaud est une pathologie fréquente qui touche entre 5 et 10% de la population générale. Dans plus de 70% des cas, il s’agit d’un phénomène de Raynaud primitif, « bénin », cependant le lien entre phénomène de Raynaud et sclérodermie systémique est très particulier. En effet, le phénomène de Raynaud est quasi constant dans la sclérodermie systémique, dont il est le premier signe dans 90% des cas, et il précède le diagnostic de sclérodermie en moyenne de cinq ans [1,3].
Définition du paysage sclérodermique
Hildegarde Maricq dans les années 70 et 80, Michel Vayssairat et Patrick Carpentier en France ont décrit l’aspect capillaroscopique, dénommé « paysage sclérodermique » ou « scleroderma pattern » des anglosaxons.
Pour M.Vayssairat [4], la micro-angiopathie organique sclérodermique est définie par la présence d’un des signes suivants :
réduction du nombre des anses en dessous de 7/mm;
présence de plages désertes (moins de 2 anses sur une plage capillaire de 1 millimètre);
Dans sa série de 74 sclérodermies, 67% avaient une réduction du nombre des anses < 7/mm, 60% avaient des plages désertes, 58% des mégacapillaires, 39% des capillaires régressifs. 95% avaient au moins un de ces signes (Figure 1).
classification des dilatations des anses en 4 groupes : 1 = anses normales, 2 = anses légèrement dilatées, 3 = anses définitivement dilatées avec une forme préservée, 4 = anses très dilatées (plusieurs fois la normale) et déformées. Dans cette étude, sur 28 sclérodermies étudiées, une seule patiente avait des anses de type 1 ou 2, 22 sur 28 avaient des anses très dilatées [5];
anses capillaires déformées et élargies souvent entourées de plages désertes [6] sans précision supplémentaire, retrouvées chez 82% des 50 sclérodermies étudiées [6].
Une description plus détaillée a été ensuite publiée dans l’article de 1980 sur la technique [7]. Le paysage capillaroscopique est décrit comme la présence, associée ou non de :
Les capillaires dilatés mesurent entre 4 et 10 fois la taille normale et cette dilatation a une forme spécifique. Elle atteint les trois portions du capillaire : afférente, apicale et efférente. La dilatation est observée habituellement à proximité de l’apex. Cet aspect est différent de dilatations régulières observées sur de longs capillaires qui ne sont pas spécifiques de la sclérodermie.
Le nombre et la taille des mégacapillaires varient entre les patients et chez un même patient : ils peuvent être observés seulement sur certains doigts, ou seulement dans la région péri-unguéale, ou parfois également ailleurs sur le doigt.
La raréfaction des anses pour H. Maricq [8] correspond plus à la présence de plages désertes qu’à une diminution du nombre des anses comptées sur une plage de 1 mm. Elle donne ainsi une définition du paysage capillaroscopique qui est plus qualitative que quantitative (Figure 2).
H. Maricq [9] a ensuite considéré que des capillaires moins larges (entre 2 et 4 fois la normale) peuvent être inclus dans la définition du paysage sclérodermique à condition que leur forme soit caractéristique (élargissement des 3 portions du capillaire). Dans ce cas, la largeur totale du capillaire est également augmentée.
D. Blockmans [10] en 1996 ne retient pas la notion de raréfaction des anses, considérant que ce paramètre est d’interprétation difficile, car possiblement lié à une mauvaise visualisation en raison de l’épaississement cutané. Pour l’auteur la capillaroscopie est évocatrice de sclérodermie s’il existe au moins deux mégacapillaires sur au moins deux doigts, le mégacapillaire étant défini par une largeur supérieure à 50 μm mesurée à l’apex du capillaire.
Les études des années 2000 ont permis de confirmer ces données avec l’avantage d’utiliser des vidéocapillaroscopes de plus en plus performants, permettant des études semi-quantitatives. L’étude PRINCE publiée en 2008 [11] porte sur des patients souffrant de phénomène de Raynaud isolé, sans orientation clinique, avec numération formule sanguine normale, sans données immunologiques et suivis entre 1 et 8 ans. Les images capillaroscopiques de tous les doigts sont relues par un autre praticien. Les 6 paramètres suivants sont pris en compte :