Complications per- et postopératoires des reprises de prothèses totales de hanche
Per and postoperative complications in THA revision
P. Adam, M. Ehlinger and F. Bonnomet
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Haute Pierre, Avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex
Résumé
En présence d’un échec d’arthroplastie totale de hanche, l’indication d’une chirurgie de reprise est sous la dépendance de différents facteurs. Le diagnostic de la cause de l’échec ainsi que les possibilités techniques de reconstruction sont des éléments importants à prendre en compte lorsqu’une reprise prothétique est évoquée. Du point de vue du patient, la possibilité de survenue de complications pendant et au décours de la chirurgie de reprise est un élément à mettre en balance avec les bénéfices escomptés d’une nouvelle intervention lorsqu’il s’agit de poser l’indication d’une reprise prothétique. Les complications de cette chirurgie, analysées chronologiquement, se décomposent en complications peropératoires, en complications postopératoires précoces et en complications postopératoires tardives. Parmi les complications peropératoires, sont analysées les fractures peropératoires et les fausses routes, l’escalade thérapeutique et ses conséquences, les complications vasculaires, les complications neurologiques, les rares complications viscérales et le défaut de restitution de la longueur du membre inférieur. Au cours de la période postopératoire précoce, les complications générales sont détaillées, ainsi que les complications liées aux transfusions et aux greffes. Des complications neurologiques et vasculaires peuvent également survenir en période postopératoire précoce, ainsi que des complications thromboemboliques, des complications infectieuses, des migrations d’implants et l’apparition d’ossifications hétérotopiques susceptibles de limiter la mobilité. À distance de la chirurgie, les complications les plus fréquentes sont représentées par l’instabilité et la faillite de la fixation des implants, qu’il s’agisse du versant acétabulaire ou du versant fémoral. L’usure et la survenue d’une ostéolyse sont susceptibles d’amplifier ces deux phénomènes tout comme l’absence de consolidation des volets, fenêtres et trochantérotomies ainsi que la lyse des greffons. À cette période, une infection peut survenir de novo ou comme un échec du traitement d’une infection antérieure. À distance de l’intervention, un positionnement inadapté de la cupule, outre une instabilité peut se traduire par des phénomènes d’impingement ou de douleurs par conflit avec le psoas iliaque. Les fractures périprothétiques posent le problème de leur traitement sur un os de qualité altérée et particulièrement en présence d’implants massifs. Les implants eux-mêmes peuvent faire l’objet de fractures, habituellement par un mécanisme de fatigue. Au total, la survenue d’une complication au décours d’une reprise de prothèse totale de hanche n’est pas exceptionnelle et cette possibilité doit être prise en compte lorsqu’une telle chirurgie est envisagée.
Mots clés :
Summary
When faced with a failed total hip arthroplasty, indications for revision surgery depend on several factors. Precise diagnosis of the causes of the failure and the possibilities of reconstruction are important elements to be taken into account when considering revision surgery. From the patient’s point of view, the possibility of complications during and after the revision procedure must be weighed against the expected benefits of a new intervention if a revision procedure is decided. Complications of this surgery, analysed chronologically, can be separated into intraoperative, early postoperative and late postoperative complications. Intraoperative complications include intraoperative fractures and perforations, therapeutic escalation and its consequences, vascular, neurological and rare visceral complications and lower limb length discrepancy. During the early postoperative stages, general complications and complications related to the use of allografts and transfusions are described. Neurological and vascular complications may also occur during the early postoperative course, as well as thromboembolic complications, infection, early migration of the implants and heterotopic bone formations that might decrease the range of motion. Later in the postoperative course, the most frequent complications are instability and fixation failure of either the femoral or the acetabular component. Wear and osteolysis, lack of consolidation of femoral flaps or trochanterotomy, and lysis of the grafts may magnify the loss of fixation and instability. Late infection may occur de novo or as a relapse after treatment of a previously infected arthroplasty. Inadequate positioning of the acetabular cup, in addition to instability, may promote impingement between the prosthetic parts and painful impingement with the iliopsoas. Periprosthetic fractures might be a challenge to treat in cases of altered bone quality, in particular when massive implants have been used. Implants themselves can fracture, usually as a result of fatigue. All in all, a complication during or after a revision total hip arthroplasty is not an exceptional situation and this possibility must be taken into account when such surgery is considered.
Introduction
La connaissance des complications pouvant émailler la chirurgie de reprise de prothèses totales de hanche permet de renforcer la vigilance lors de la réalisation de l’intervention puis au cours du suivi de cette chirurgie. Les attentes des patients vis-à-vis d’une chirurgie de reprise peuvent paraître particulièrement élevées, 69 % d’entre eux estimant que la longévité de la prothèse de reprise doit être supérieure à leur primo-implantation [1]. La possibilité de survenue de complications au décours de la chirurgie prothétique de révision doit être prise en compte dans la réflexion bénéfice risque conduisant à une reprise d’arthroplastie totale de hanche. Nous en avons pour preuve les résultats à court et moyen termes des arthroplasties de révision qui sont inférieurs aux arthroplasties de première intention en termes de douleur et de fonction [2, 3 and 4]. Plus spécifiquement, l’utilisation d’aides techniques à la marche ou de l’existence d’une boiterie de type Trendelenburg [5] est plus fréquemment retrouvée en cas de reprise. Les motifs de reprise sur des cohortes larges sont dominés par trois diagnostics principaux représentés par l’instabilité dans 22,5 % des cas, le descellement mécanique pour 19,5 % des cas et l’infection pour 15 % des cas, alors que les reprises bipolaires représentaient le groupe le plus important avec 44 % des reprises effectuées aux États-unis entre octobre 2005 et décembre 2006 [6]. Les chiffres varient lorsqu’il s’agit de l’activité d’un seul centre sur une échelle de temps plus longue (descellement 40 %, instabilité 18 %, ostéolyse 15 %, infection 11 %, fractures périprothétiques 5 %), témoignant d’un effet centre que peut induire un recrutement particulier [7]. Les indications des reprises paraissent avoir évolué dans le temps avec actuellement une augmentation des révisions pour motif d’instabilité, d’usure et ostéolyse mais aussi des descellements fémoraux isolés alors que les descellements bipolaires seraient en diminution [8]. Les indications semblent également s’étendre au sein même de la population allant jusqu’à concerner des centenaires [9]. Au vu de la littérature, il est cependant difficile voire hasardeux de retenir stricto sensu les valeurs chiffrées de fréquence retrouvées pour tel ou tel type de complication, qui correspondent généralement à une série limitée d’implantations. Les séries rapportées, hormis les quelques études épidémiologiques portant sur l’ensemble des cas traités dans le cadre d’un système de soins, sont souvent seulement le reflet de la pratique d’un individu ou d’un centre ou encore d’une technique dans une indication particulière. Ils peuvent difficilement être extrapolés, que ce soit à un ensemble de population plus vaste ou au cas individuel pour lequel une indication de reprise est évoquée. La grande variabilité des valeurs retrouvées pour telle ou telle complication rend compte de la difficulté d’y affecter une significativité réelle, d’autant plus que le design des études auxquelles il est fait mention consiste le plus souvent en des études rétrospectives de cas de niveau 4. Les complications seront abordées par rapport à leur chronologie de survenue, par rapport à l’intervention de reprise prothétique, en nous attachant en particulier à en envisager les conséquences pour le patient et pour les implants.
Généralités
Les complications de la chirurgie de révision peuvent prendre leur origine en préopératoire, lors de la définition de la stratégie de reprise. Cependant, l’expression de la complication est différée et sera envisagée avec les complications postopératoires. La méconnaissance d’une origine infectieuse lors d’une chirurgie de reprise en est un exemple, puisqu’elle contient alors tous les ingrédients pour une faillite précoce. Il est nécessaire d’adapter la stratégie de reprise en fonction du degré de suspicion d’une infection larvée devant un échec d’arthroplastie totale de hanche [10]. La possibilité d’effectuer des reprises partielles, au cours desquelles un des composants de l’arthroplastie est conservé, impose en premier lieu de s’assurer de l’absence de défaut de fixation du composant conservé. Si la réflexion bénéfice-risque doit s’appliquer à l’indication de l’intervention de révision dans sa globalité, elle doit également s’appliquer pour chacun des composants et pour la stratégie même de la reprise. Le changement d’un implant n’est pas dénué de risques peropératoires, qu’ils soient locaux ou plus généraux. Ces risques doivent être mis en balance avec une éventuelle diminution de la survie à long terme de la prothèse révisée lorsqu’un un des implants n’est pas changé. La qualité de la fixation peut être un élément difficile à apprécier lors de l’évaluation préopératoire et l’existence d’une ostéolyse en particulier ne paraît pas être une contre-indication à la conservation d’un implant non cimenté. Selon Beaulé et al. [11], la conservation d’un implant acétabulaire non cimenté bien fixé lors d’une révision pour une cause fémorale ne semble pas s’accompagner d’une augmentation des échecs pour descellement acétabulaire, même lorsqu’il existait une ostéolyse ayant motivé la réalisation d’une greffe acétabulaire lors de la révision. Le taux de survie de l’implant acétabulaire était de 98,5 % 5 ans après la révision et 93,5 % dix ans après la révision fémorale. La complication principale après ces révisions partielles demeurait l’instabilité avec un taux de luxation de 16 % au cours du suivi et 8 % des hanches ainsi révisées ayant présenté une luxation au cours de 6 premiers mois après la révision. En revanche, lorsque la fixation de l’implant est compromise, sa conservation comporte un fort taux d’échec à moyen terme. La chirurgie de révision peut apparaître comme un véritable banc d’essai pour la fixation des implants dans un os de qualité fréquemment altérée. Certaines options thérapeutiques pour ce qui concerne les implants à utiliser en chirurgie de révision peuvent sembler sujettes à caution, avec des taux d’échec à moyen terme élevés. Thomas et Amstutz [12] rapportent un taux d’échecs à court terme (20 mois) de 17 % après reprise d’un resurfaçage de hanche par un resurfaçage, avec en particulier des difficultés pour obtenir une fixation pérenne au niveau acétabulaire.
Complications peropératoires
Fractures peropératoires
Il est difficile d’avoir une idée du taux global de complications peropératoires au cours des arthroplasties de révision. Le taux de complications fémorales varie en particulier selon le modèle de pivot fémoral utilisé ainsi que de l’expérience de l’opérateur [13, 14 and 15]. Cameron, [16] qui rapporte son expérience personnelle, confirme la plus grande fréquence des fractures peropératoires dans la chirurgie de reprise, avec 6 % de fractures peropératoires, contre 2,9 % de fracture pour les primo-implantations. Le taux de fracture dépend de la série rapportée et des implants utilisés. Ainsi, pour un modèle spécifique de tige fémorale non cimentée à revêtement étendu et comportant une fente distale, à propos d’une série multicentrique de 175 arthroplasties de révision [17], le taux de complications fémorales était de 9,1 % et consistait majoritairement en de véritables fractures fémorales. Plus rarement, il s’agissait d’une fausse route ou d’un alésage excentrique. L’absence d’influence, selon ces auteurs, de la voie d’abord sur ces complications fémorales, doit être tempérée par le fait qu’aucune voie antérieure, antérolatérale, ni transglutéale n’a été utilisée pour ces reprises, seules les voies postérieures et les voies latérales avec trochantérotomie ont été utilisées. Il n’est pas retrouvé de corrélation entre le taux de complication et la longueur du pivot fémoral utilisé, ni la qualité de l’os receveur déterminée selon la classification de l’AAOS. Le taux de complications fracturaires était croissant avec l’augmentation du diamètre du pivot utilisé mais sans significativité statistique. Le taux de complication rapporté par Issack et al. [17] apparaît bien inférieur aux 44 % de complications fémorales rapportées par Egan et Di Cesare [13] avec un pivot fémoral long, plein et entièrement revêtu, mais ces auteurs présentent également des solutions dans la technique opératoire qui, selon eux, permettraient de diminuer ce taux de complication qui, de prime abord, paraît rédhibitoire. Selon Knight et Helming, le taux de fractures peropératoires imputables à la technique de reconstruction fémorale par allogreffes impactée et cimentation du pivot serait de 16 % et se produirait lors du positionnement du bouchon de ciment distal et lors de l’impaction de la greffe [18]. À ces fractures, il convient d’ajouter celles survenant lors de la luxation ou lors de l’ablation du pivot en place et du ciment.
Si ces fractures surviennent préférentiellement lorsqu’une tige longue est utilisée, il ne semble pas pourtant que la longueur de la tige soit directement la cause de la fracture, celle-ci survenant la plupart du temps au cours de la phase d’ablation du ciment ou lors de la préparation du canal. Le recours à une tige longue semblerait plutôt le reflet de la fragilité de l’os receveur. En cas de survenue de la fracture lors de l’insertion du pivot fémoral, celui-ci était retiré, la fracture cerclée puis le pivot réintroduit. Cameron [16] a précisé la localisation des fractures, qui était proximale dans deux tiers des cas avec une égale distribution entre les fractures du grand trochanter et les fractures du calcar. Ces fractures proximales, reconnues et traitées par cerclage pour les fractures du calcar et par vis pour les fractures du grand trochanter ont consolidé, sans conséquence apparente sur une éventuelle migration des implants. Cameron ne rapportait pas de cas de fracture peropératoire du fémur distal correspondant au type C de la SOFCOT. Lorsque les fractures intéressent la partie distale de l’implant prévu, on choisit préférentiellement la mise en place d’un pivot long associé à des fils de cerclage. Il s’agit-là des fractures qui ont posé le plus de problème de consolidation, avec survenue de cal vicieux en flexion, avec le risque de pics de contraintes et de fragilisation de la corticale antérieure du fémur. Lorsque la fracture était plus proximale, la longueur de l’implant n’était pas modifiée et une ostéosynthèse associée permettait l’obtention d’une consolidation.
Christensen et al. [19] ont rapporté leur expérience de la prise en charge des fractures fémorales peropératoires lors d’arthroplasties totales de hanche de révision. Sur 159 arthroplasties de révision, le taux de fractures peropératoires était de 6,3 %, le traitement consistait essentiellement en une ostéosynthèse par plaque et vis. La fracture survenait plus d’une fois sur 2 au moment de la luxation de la tête fémorale de l’acétabulum. Pour Johanson et al. [20], un défaut de libération des parties molles pourrait favoriser la survenue d’une fracture lors de la luxation. Les autres moments à risque correspondaient à l’ablation du ciment et à l’alésage. Même si la consolidation de ces fractures était habituelle, l’ensemble des patients ayant présenté une fracture peropératoire n’a pas retrouvé une fonction optimale. Le délai moyen avant reprise d’un appui complet était de l’ordre de 3 mois et la période de rééducation s’étalait en moyenne sur un an. Le risque de survenue d’une fracture peropératoire serait augmenté lorsqu’il n’y a pas d’intégrité de la corticale. Le simple rescellement d’un implant fémoral cimenté dans le manteau ne met pas à l’abri des fractures périprothétiques peropératoires [21]. Les révisions de prothèses totales de hanche au cours desquelles survenait une fracture fémorale s’accompagnent de résultats cliniques et radiologiques inférieurs en comparaison d’interventions pour lesquelles une trochantérotomie élargie était effectuée délibérément, avec notamment davantage de complications liées à l’ostéosynthèse et davantage de descellements précoces [22]. La survenue d’une fracture peropératoire, lorsque le trait de fracture est ponté par l’implant, pose peu de problème de consolidation et ne modifie guère les suites opératoires, en revanche lorsque le trait de fracture est situé en distalité de l’implant fémoral, la consolidation est difficile avec des délais de consolidation allongés [23]. Morrey et Kavanagh [15] ont étudié les complications peropératoires et postopératoires précoces après révision de prothèses totales de hanche en fonction de l’utilisation d’implants fémoraux cimentés ou non. L’utilisation d’implants non cimentés ne s’accompagnait pas d’un taux accru de complications, avec un taux de réintervention peu différent et non significatif de 15 % pour les implants cimentés et 12 % pour les implants non cimentés. Les complications lors de la révision au temps fémoral avaient déjà été analysées par Harris en 1982 [10]. L’ablation du ciment entraîne un risque de perforation de la corticale latérale dès lors que l’on n’est pas dans l’axe du canal. La trochantérotomie, dans la chirurgie de révision, si elle facilite l’accès endofémoral se fait sur un grand trochanter fragilisé, susceptible de se fragmenter, et dont la consolidation au fémur distal est rendue aléatoire lorsque du ciment est interposé. L’ablation de l’implant fémoral expose au risque de fracture de la corticale latérale lorsque l’implant fémoral a une forme dite anatomique ou un positionnement en varus, imposant de libérer l’épaule de l’implant de la corticale latérale avant son extraction. L’utilisation de tréphines, pour faciliter l’extraction d’implants fémoraux non descellés à leur partie distale en particulier après une fracture d’implant, est peu répandue en France. L’utilisation de cet artifice, lorsque l’extrémité distale de la tréphine est abîmée, peut s’accompagner d’une fracture fémorale en queue de pivot, favorisée par la forme du pivot fémoral qui présentait un évasement à sa partie distale, entraînant une expansion de la tréphine susceptible de provoquer une fracture complète, horizontale, avec une perte de substance osseuse segmentaire sur une hauteur variable [24].
Lors de reconstructions fémorales avec utilisation de tiges-clou modulaires et fémorotomie, les complications les plus fréquentes sont peropératoires avec des fractures fémorales dans 20 % des cas et des fausses routes dans 5 % des cas selon Richard et al. [25]. Les taux de fractures d’un volet fémoral seraient compris entre 4 et 20 % selon Mardones et al. [26], avec une zone de fragilité sous la crête du vaste latéral, dans une zone où l’épaisseur osseuse est fréquemment réduite en cas de reprise, et la fixation difficile en cas de fracture. Lorsqu’une fracture fémorale peropératoire survient, avec une fréquence évaluée à 6,3 % par Christensen et al. [19], la consolidation est habituellement obtenue par des moyens classiques d’ostéosynthèse, mais les résultats ultimes sur la fonction sont généralement inférieurs à ceux observés en l’absence de complication.
Les fractures peropératoires ne sont pas l’exclusivité du fémur. Des fractures peropératoires sont relatées au niveau acétabulaire mais elles sont bien plus rares ne survenant que 2 fois pour 637 reprises selon Cameron [16]. La possibilité de la simple découverte au cours de l’intervention d’une fracture acétabulaire déjà présente en préopératoire, mais non diagnostiquée avant l’intervention, est une situation qui pose les mêmes problèmes techniques, la différence étant l’imputabilité de la fracture elle-même à l’opérateur ou aux dégâts osseux déjà présents. Les fractures acétabulaires peuvent aussi se produire au cours de l’insertion d’une cupule non cimentée, et plus particulièrement lorsqu’il existe une importante différence de taille entre le diamètre de la dernière fraise utilisée et la cupule ou lorsqu’une force importante est requise lors de l’impaction comme évoquée par Berry [27]. Lors du prélèvement d’os iliaque, des complications locales ne sont pas à exclure comme des hématomes ou des infections du site de prélèvement. Mais l’aile iliaque peut également être fragilisée en particulier en cas de prélèvement massif et une fracture avec, éventuellement, atteinte de l’acétabulum peut survenir venant compliquer la reconstruction. Cette complication fracturaire survient d’autant plus volontiers que le prélèvement est tri-cortical, alors que la préservation de la corticale latérale mais également un prélèvement controlatéral permettent d’éliminer ce risque selon Haverkam et al. [28].
La survenue d’une fracture peropératoire de l’acétabulum doit être reconnue et lorsque la stabilité de l’implant acétabulaire est compromise un traitement adapté doit être mis en œuvre, qu’il s’agisse d’une ostéosynthèse de la fracture ou du recours à un anneau de soutien, au risque d’assister à une déstabilisation de la cupule au cours de la période postopératoire immédiate amplifiée lors de la mise en charge [29].
La part de responsabilité dans l’existence d’une fracture peropératoire est difficile à rapporter soit au chirurgien, soit à l’état osseux. Cependant, une règle doit être gardée en mémoire face à un os fragilisé, «potentiellement» candidat à se fracturer, il vaut mieux une fracture «créée» (par l’abord osseux) qu’une fracture subie lors des manœuvres peropératoires. La qualité des résultats obtenus est en faveur de la première.
Escalade thérapeutique
La difficulté d’extraction d’une tige en particulier une tige sans ciment peut conduire à augmenter l’abord par une trochantérotomie plus ou moins élargie voire un abord transfémoral. Une première mesure d’extension peut se limiter à la réalisation d’une fente longitudinale postérieure. Lorsqu’elle est suffisante pour permettre l’extraction du pivot, elle n’est pas grevée de complication spécifique telle une absence de consolidation ou une migration du pivot fémoral nouvellement implanté [30]. Il convient d’anticiper ces éventuelles difficultés d’extraction et de disposer d’implants de reprise et particulièrement à ancrage distal dans le cas où une fémorotomie s’avèrerait indispensable. La rupture de la tige fémorale ou la rupture du col étant des indications absolues de changement d’implant, il conviendra d’avoir au préalable informé le patient de la possibilité de survenue d’éventuels dégâts osseux pouvant compliquer les suites opératoires et particulièrement nécessiter de différer la reprise de l’appui. En dehors de cas de rupture d’implant, Levai insistait sur la nécessité de garder stériles les pièces modulaires du pivot fémoral, pour le cas où l’extraction ne pourrait se faire qu’au prix d’un sacrifice osseux trop important, et également de disposer de pièces de rechange comme des têtes modulaires adaptées au cône morse en place. Ce cône morse ne correspond pas forcément aux implants en stock et peut nécessiter une commande spéciale de tête prothétique à anticiper avant l’intervention [31].
Complications vasculaires
Ratliff [32] avait souligné la rareté des complications vasculaires au décours des arthroplasties totales de hanche de première intention. Cette complication survient moins exceptionnellement lors de la chirurgie de reprise. Pour Schoenfield [33], la chirurgie de reprise représente en effet 39 % des cas de complications vasculaires. Il s’agit de complications rares mais graves et en cas de survenue d’une telle complication, le taux de mortalité serait de 7 % avec un taux d’amputation de membre de 19 %. Les complications vasculaires peuvent prendre différentes formes : celle d’une ischémie, celle d’un accident hémorragique aigu ou révélé plus tardivement. Les complications compensées seront analysées avec les complications post- opératoires. L’axe iliaque externe est le plus souvent lésé selon Crispin [34], suivi de l’artère fémorale commune [35, 36 and 37] et de la veine iliaque externe.
Facteurs favorisants
Les facteurs anatomiques locaux décrits dans l’arthroplastie de première intention [38] s’appliquent à la chirurgie de reprise. Il s’agit des dysplasies acétabulaires, de la protrusion acétabulaire et également des fractures de l’acétabulum et du bassin. Les fractures de l’acétabulum lorsqu’elles concernent la colonne postérieure apportent un risque particulier pour l’artère glutéale supérieure. Elle peut également être anormalement fragile comme dans la polyarthrite rhumatoïde, l’ostéoporose majeure ou lorsqu’il existe des antécédents d’ostéo-arthrite ou de corticothérapie. À l’inverse, l’os peut être dur et cassant comme dans la maladie de Paget. La fracture lèse alors les vaisseaux environnants. L’existence de lésions vasculaires comme celles présentes dans la maladie athéromateuse [39], un antécédent de pontage artériel, une corticothérapie ou des antécédents d’irradiation fragilisant les parois vasculaires sont des facteurs de risque supplémentaires. Il est possible de détailler les différents temps pouvant risquer de produire une complication vasculaire au cours de l’intervention de reprise.
Risque vasculaire lors de l’installation du malade
Le risque est avant tout celui d’une compression des vaisseaux fémoraux, qu’il s’agisse des artères ou des veines, particulièrement lors du serrage d’appuis pubiens lorsque le patient est installé en décubitus latéral. Ce risque est accru lorsqu’il existe un pontage vasculaire en position extra-anatomique et plus particulièrement lorsqu’il existe un pontage croisé sous-cutané abdominal. Dans ce cas, une installation en décubitus dorsal peut être recommandée. Une fois le patient installé, il est indispensable de vérifier la présence des pouls distaux mais également de s’assurer qu’ils persistent lorsqu’on effectue des mouvements nécessaires aux manœuvres de luxation. On s’assurera en particulier de la persistance des pouls en flexion rotation interne lorsqu’une voie postéro-latérale a été choisie. En effet, en flexion rotation interne importante, une plicature des vaisseaux fémoraux est susceptible de se produire avec un potentiel d’ischémie d’aval. L’absence de compression doit être vérifiée du côté à opérer mais également du côté controlatéral.
Risque vasculaire lors du temps fémoral
Lors de l’abord fémoral et a fortiori lors de la réalisation d’une fémorotomie, le risque porte sur les artères perforantes qui doivent être reconnues et liées. Pour éviter la rétraction d’un moignon artériel dans la loge postérieure de cuisse après section, le tracé de la ligne de fémorotomie en arrière se fait quelques millimètres en avant de la ligne âpre, en veillant à ligaturer les vaisseaux perforants. L’extraction d’un implant fémoral au moyen de la fémorotomie se faisant en position de légère flexion sans rotation interne, le risque de plicature des vaisseaux fémoraux est moins important que lors de l’utilisation d’une voie postérieure avec extraction antérograde de l’implant fémoral.
Lors de la reconstruction, le risque de lésion vasculaire lors du temps fémoral est présent lors du verrouillage d’un implant verrouillé. Lors du verrouillage, qui s’effectue de dehors en dedans, il est important de mettre à l’abri les vaisseaux perforants au contact du fémur en effectuant une discision soigneuse des parties molles et en utilisant les chambres de protection lors du méchage de la diaphyse fémorale.
Il existe également un risque de perforation ou de pincement vasculaire par les cerclages métalliques lors de la refixation d’un volet fémoral [40]. Lors du passage du guide fil autour du fémur, l’extrémité de celui-ci doit toujours rester en contact avec le fémur, le passage ayant été soigneusement préparé. En cas d’échappée antérieure, c’est habituellement l’artère fémorale profonde qui est lésée.
Ceci n’entraîne pas d’ischémie mais une insuffisance vasculaire du membre inférieur avec œdème et douleurs précoces difficiles dès le début de l’appui mais survenant à distance en raison de l’appui différé.
Risque vasculaire lors du temps pelvien
Sur le plan vasculaire, le temps acétabulaire représente le plus grand danger de lésion hémorragique grave. Lors de l’ablation des implants, l’existence d’une protrusion acétabulaire doit être reconnue en préopératoire et particulièrement au stade ultime représenté par la luxation intrapelvienne des implants. Lorsqu’il existe en situation intrapelvienne des éléments tels que des vis, des plots de ciment voire une cupule, un examen radiographique morphologique permettant d’apprécier les rapports avec les vaisseaux iliaques doit être effectué, qu’il s’agisse d’une artériographie ou d’un angio-scanner, dans tous les cas avec un temps veineux. Ceci est fondamental car cette complication vasculaire demeure aujourd’hui potentiellement mortelle.
S’il existe une luxation intrapelvienne [41, 42, 43 and 44], l’explantation du corps étranger pelvien nécessite un abord rétropéritonéal. S’il existe des remaniements vasculaires comme des pseudo-anévrysmes qui peuvent être jusque-là bien compensés, ou si l’examen d’exploration vasculaire objective une anomalie du calibre ou du trajet des vaisseaux, un abord rétropéritonéal premier doit être effectué. Il permet le contrôle des vaisseaux avant l’ablation des implants en position de protrusion. En effet, comme le rapportaient Fehring et al. [45], l’ablation de composants acétabulaires «à l’arrachée» peut se compliquer de lésions osseuses et vasculaires. Ces faux anévrismes, le plus souvent développés au contact d’un plot de ciment, d’une vis transfixiante ou d’un implant acétabulaire ayant migré dans le pelvis, se situent préférentiellement sur l’artère iliaque externe.
Lors de l’exposition, la mise en place d’un écarteur contre-coudé antérieur pointu met en danger l’artère fémorale, en particulier lorsqu’il existe une dysplasie ou une disparition de la colonne antérieure ou encore un implant acétabulaire de grande taille par rapport à la cavité acétabulaire. En arrière, c’est l’artère glutéale qui est en danger, en particulier lorsqu’il existe une perte osseuse au niveau de la colonne postérieure ou encore lors de fracture traumatique autour de l’implant acétabulaire. L’hémostase à ce niveau est particulièrement difficile car l’artère se rétracte en position intrapelvienne avec nécessité d’une section verticale de l’aile iliaque pour effectuer l’hémostase. À la partie basse de l’acétabulum, au niveau de l’incisure acétabulaire, c’est l’artère obturatrice par l’intermédiaire de ses branches qui est vulnérable, en particulier lorsqu’il est effectué une arthrolyse inférieure ou lorsqu’un écarteur contre-coudé est mis en place pour visualiser le U acétabulaire, de même que le positionnement du crochet obturateur lors de la mise en place d’un anneau de reconstruction.
Lors de la préparation de la cavité acétabulaire, la fragilité de celle-ci impose la prudence lors de l’utilisation de fraises rotatives. La paroi médiale et la paroi antérieure, sont souvent déficientes dans la chirurgie de reprise. Des lésions vasculaires ont été décrites au cours d’un fraisage trop médial [46], mais aussi lors de la recherche d’un appui en périphérie, en particulier avec l’utilisation d’implants acétabulaires vissés [47]. Au temps de la reconstruction acétabulaire, il est fondamental de garder en mémoire la disposition des éléments vasculaires par rapport à la cavité acétabulaire [48]. La cartographie de l’acétabulum décrit classiquement celui-ci en quadrants, en insistant sur un quadrant postéro-supérieur dit de sécurité pour la mise en place des vis de fixation. En effet, la reconstruction lorsque la destruction acétabulaire est importante fait encore largement appel à des plaques de soutien prenant appui sur l’aile iliaque. La partie antéro-supérieure est mince avec le pédicule iliaque directement au contact de l’os coxal et le risque vasculaire y est maximal. Le cadran postéro-supérieur est donc un quadrant dit de sécurité, avec une épaisseur osseuse moyenne supérieure à 25 mm [48] permettant la mise en place de vis d’amarrage pour une armature. Cependant, en cas de reprise chirurgicale, lorsqu’il existe une migration vers le haut et l’arrière de la cupule en place, ce quadrant postéro-supérieur de sécurité peut se réduire aboutissant à une épaisseur disponible moins importante. Lorsque les dégâts osseux sont importants, il est parfois nécessaire de chercher un ancrage en dehors de cette zone. Il est nécessaire d’être vigilant quant à la survenue de modifications tensionnelles lors du méchage de l’os coxal ou de la mise en place des vis, une modification pouvant être un signe isolé d’atteinte vasculaire qui peut n’avoir une traduction hémodynamique bruyante que plus tardivement selon Doi et al. [49].
Lors de sa polymérisation, le ciment de méthacrylate de méthyle fait l’objet d’une réaction exothermique. Lorsqu’il est au contact des vaisseaux iliaques ou fémoraux, l’élévation thermique peut produire une thrombose ou une plaie directe par brûlure et ceci en particulier lorsqu’il existe une extravasation dans le pelvis [50]. Pour limiter ce risque, il est nécessaire de conserver un interface entre le ciment, le matériel de reconstruction et les vaisseaux. Si la lame quadrilatère est franchie, un comblement par greffe osseuse ou biomatériaux permettra de remplir ce rôle d’interposition. Lorsqu’il est utilisé comme un spacer, le ciment peut également être à l’origine d’une compression vasculaire ou de lésions d’érosion sur la paroi d’un vaisseau iliaque. Dans le cas rapporté par Shen et al. [51], ces lésions étaient favorisées par le faible stock osseux offert par la fosse acétabulaire. Lors de la reconstruction acétabulaire, la taille des greffes doit être adaptée à la reconstruction, une compression vasculaire fémorale pouvant compliquer l’utilisation d’allogreffes massives [52]. Le risque de lésion vasculaire au temps acétabulaire est d’autant plus élevé que la reconstruction acétabulaire nécessite le recours à des anneaux de soutien ou des cages, des vis et du ciment.
En résumé, penser aux implications vasculaires au niveau de l’acétabulum surtout si la cupule ou les vis sont à retirer en position pelvienne, mais aussi lors de la fixation par vis de la nouvelle cupule, penser aux quadrants. Au niveau du fémur, lors de leur mise en place des cerclages, apporter un soin particulier à garder le contact avec l’os afin de ne pas risquer de léser la fémorale profonde.
Complications neurologiques peropératoires
Les complications neurologiques rattachées à des complications peropératoires sont comprises entre 0 et 7,6 % d’après la revue de la littérature rapportée par Brown et al. [53], alors qu’elles peuvent atteindre 3,6 % en chirurgie de première intention. Ces complications neurologiques sont secondaires à un traumatisme nerveux direct, un allongement significatif du membre, une fuite de ciment pouvant provoquer un traumatisme thermique, à l’installation du patient et en postopératoire à un hématome. Parmi les facteurs favorisants d’une lésion nerveuse au niveau du site opératoire, on retrouve la dysplasie acétabulaire, le sexe féminin, l’arthrose post-traumatique, en particulier après fracture de l’acétabulum. La chirurgie de reprise constitue un facteur de risque indépendant qui augmente la probabilité de survenue d’une complication neurologique en chirurgie prothétique de hanche. Aucun de ces facteurs de risque pris isolément n’a été retrouvé de façon significative. Il s’agit ici d’une complication pouvant avoir des conséquences importantes pour le chirurgien puisque la survenue d’une atteinte neurologique serait le premier motif de plainte après une arthroplastie selon Upadhyay et al. [54]. Pour Nercessian et al. [55], le taux de complications neurologiques après arthroplastie totale de hanche s’élève à 0,63 %. La prévalence d’atteintes infracliniques, recherchées par un électromyogramme, serait bien supérieure, avec des anomalies électriques retrouvées dans 70 % des extrémités après arthroplasties de première intention selon Weber et al. [56]. Ces complications surviennent trois fois plus souvent au membre inférieur (0,48 %), et c’est alors principalement le nerf fibulaire commun qui est touché. De telles complications peuvent aussi toucher les membres supérieurs (0,15 %), principalement le nerf ulnaire préférentiellement chez des patients présentant un diagnostic de rhumatisme inflammatoire. Le pronostic des lésions paraissait globalement meilleur lorsqu’il s’agissait d’une atteinte survenant au décours d’une arthroplastie de première intention, alors que le déficit était permanent pour 43 % des patients présentant une lésion neurologique au membre inférieur lors d’une arthroplastie de révision. Le taux de lésions serait de 0,5 % après arthroplastie totale de hanche et de 1 % dans la chirurgie de révision selon Ladermann et al. [57]. Pour Schmalzried et al. [58], la prévalence des paralysies nerveuses après reprises d’arthroplastie totale de hanche serait plus élevée que le taux rapporté en chirurgie primaire qui est de l’ordre de 1 %. Citant cinq études antérieures, la prévalence des paralysies nerveuses au décours de la chirurgie de révision serait de 2,6 %, soit 35 paralysies pour 1345 reprises de prothèses totales de hanche. D’après Goodman et al. [59], le recours à des cages de reconstruction s’accompagne d’un fort taux de complications : 10 % des reconstructions ont présenté une complication neurologique avec une paralysie sciatique ou du nerf fibulaire. Dans les cas ayant présenté une complication neurologique, un facteur favorisant pourrait être le positionnement de l’armature de soutien avec la patte ischiatique non pas dans l’ischion mais à la surface de celui-ci avec l’utilisation de vis dans la patte de fixation. Bose et Petty [52] ont rapporté un cas de compression de l’artère et du nerf fémoral par une allogreffe antérieure massive destinée à reconstruire un défect de la colonne antérieure. Après réintervention et ablation de la portion de greffe responsable de la compression, la récupération d’un flux artériel a été immédiate, sans conséquence vasculaire à long terme. La récupération nerveuse a été bien plus longue et s’est étalée sur deux ans. Satcher et al. [60] rapportaient un taux de 1,6 % de paralysie sciatique au décours d’une reprise de PTH. L’utilisation de potentiels évoqués moteurs au cours de l’intervention a permis de mieux comprendre quels sont les gestes à risque : en particulier la flexion de hanche concomitante de la mise en place d’un écarteur acétabulaire postérieur, la traction sur le membre inférieur, l’impaction de la tige fémorale, la manipulation de greffes massives intra-acétabulaires et d’armatures, la mise en place de broches et le dégagement de chaleur lié à la polymérisation de ciment. En modifiant le positionnement de ces éléments, il était constaté un retour à la normale de ces potentiels évoqués. Stilllwell [61] a montré l’intérêt de la libération du nerf sciatique dans la chirurgie prothétique complexe de la hanche, en particulier lorsqu’un allongement important est effectué, afin d’éviter toute traction excessive sur le nerf par du tissu cicatriciel, mais également de contrôler le nerf afin d’éviter la survenue d’une lésion directe par une mèche, une vis, une plaque, la portion ischiatique d’une cage de reconstruction ou une compression par une allogreffe massive. Si la lésion directe du nerf est le mécanisme principal rendant compte de la survenue d’une paralysie postopératoire, celle-ci peut également être le fait de la décompensation d’un canal lombaire étroit au décours de l’intervention. Pour Prichett [62], un tel mécanisme doit être reconnu car si la paralysie résulte de la décompensation d’un canal lombaire étroit, en l’absence du traitement chirurgical adéquat on n’observe pas d’amélioration de la symptomatologie, un geste de libération du nerf lui-même étant alors au minimum inutile voire dangereuse puisqu’elle fait courir un risque supplémentaire.
Outre les risques de complication neurologique périphérique, des lésions d’origine centrale ont été rapportées au décours d’une arthroplastie totale de hanche de révision, faisant poser le problème de son étiologie (du fait d’emboles graisseux ou gazeux, ou plus communément liée à une athérosclérose) [63].
Complications viscérales
Les lésions peropératoires des organes creux intrapelviens sont rares. Des plaies vésicales ont été rapportées au décours de reprises prothétiques pour lesquelles il existait une migration de l’implant acétabulaire en position intrapelvienne. Si ce type de lésions ne semble pas poser de problème lorsqu’il est reconnu immédiatement [64], il n’en est pas de même lorsque la lésion passe inaperçue, ou lorsque la perforation est retardée, Kinmont rapportant le cas d’une perforation fatale de la vessie par une vis située dans le quadrant antérieur chez un patient ostéopénique souffrant de polyarthrite rhumatoïde [65].
Une perforation intestinale a été rapportée au décours d’une reprise de prothèse totale de hanche, par Hagstrom et al., lors du curetage d’une lésion ostéolytique développée à proximité d’un trou de fixation d’une cupule sans ciment, chez une patiente présentant une polyarthrite rhumatoïde pour laquelle la cupule avait légèrement migré en position médiale [66]. Ici encore, la reconnaissance immédiate de la perforation avec une réparation effectuée par laparotomie au cours de la même séance opératoire n’a, semble-t-il, pas occasionné de conséquences à plus long terme. Ce type de complication est favorisé par des facteurs anatomiques, en particulier lorsqu’il existe une amyotrophie des muscles intrapelviens, obturateur interne et iliaque. Dans ce cas, un contact entre le péritoine et son contenu peut se faire directement avec la paroi médiale de l’acétabulum, celle-ci pouvant être fragilisée, voire absente en cas de migration médiale de la prothèse.
Défaut de restitution de la longueur du membre opéré
L’absence de restitution de la longueur du membre opéré au cours de la chirurgie de reprise est une complication pouvant être qualifiée de peropératoire, et dont la fréquence diffère en fonction de la complexité de l’intervention. La chirurgie de reprise sur arthroplastie totale de hanche infectée, en particulier lorsqu’un intervalle libre sans implant s’est écoulé dans le cadre d’une réimplantation en deux temps. Selon Mertl [67], la fréquence des inégalités de longueur dans les réimplantations en deux temps était de 20 % et en moyenne de 2 cm alors qu’une inégalité de longueur n’était retrouvée que dans 10 % des reprises en un temps alors avec une inégalité de longueur supérieure à un centimètre dans moins de 4 % des cas. Si l’existence de tissus scléreux limite les possibilités de restauration de la longueur lorsque le membre opéré est initialement raccourci, des parties molles déficientes peuvent a contrario être à la source d’un allongement excessif, pour compenser une éventuelle tendance à la décoaptation de la hanche opérée lors des manœuvres de piston. Cet allongement peut être considéré comme un mal nécessaire pour stabiliser une hanche ayant une tendance à l’instabilité. Il convient en tout état de cause d’être prudent vis-à-vis du patient quant aux possibilités de restitution de la longueur de membre lors de la chirurgie de reprise, d’autant plus s’il s’agit d’une reprise itérative et s’il existe à l’heure de la reprise une inégalité de longueur conséquente. La combinaison des temps, fémoral et acétabulaire, expose au risque de modification de la longueur mais également de la latéralisation de la hanche, altérant le fonctionnement des muscles fessiers et particulièrement le moyen fessier.
Période postopératoire précoce
Complications générales
La période postopératoire précoce peut se compliquer sur le plan général alors que l’intervention elle-même s’était déroulée sans événement notable. Zhan et al. [68] ont rapporté les résultats et les complications après reprise d’arthroplasties totales de hanche à partir des données nationales de l’année 2003 aux États-unis. Le taux de mortalité pendant la durée de l’hospitalisation était de 0,84 %. Le taux d’embolies pulmonaires postopératoires était de 1,06 %. Le taux de survenue d’escarres était de 1,27 %. Une nouvelle hospitalisation a été nécessaire pour 8,5 % des patients au cours du 1er mois postopératoire. Un âge avancé et la présence de co-morbidités étaient corrélés à un surcroît de complications générales au cours de la période postopératoire précoce. Ces valeurs rejoignent celles de Mahomed et al. [69] à propos de patients opérés en 1996. Le taux de complication est accru lors des arthroplasties de révision par rapport aux arthroplasties de première intention, sauf pour les embolies pulmonaires qui surviennent dans moins de 1 % des cas qu’il s’agisse de première intention ou de chirurgie de reprise. Le taux de mortalité dans les 90 jours suivant l’intervention est de 2,6 % après reprise de PTH, et il est significativement plus élevé que dans une population du même âge et opéré d’une prothèse de première intention ou de patients du même âge mais non opérés. Pour les patients opérés d’une reprise de prothèse totale de hanche, le taux de mortalité postopératoire serait corrélé à un âge avancé. Le risque d’accident vasculaire au décours d’une arthroplastie totale de hanche a été évalué à 0,3 % selon Bateman et al. [70]. Le risque de complications cardiovasculaires est accru au décours d’une chirurgie de reprise d’arthroplastie de hanche après ajustement en fonction de l’âge du patient lors de l’intervention, avec un risque relatif 2,2 fois plus élevé qu’en chirurgie de première intention, la révision apparaissant comme un facteur de risque indépendant de survenue d’une complication cardio-vasculaire après chirurgie prothétique, au même titre que des antécédents de pathologie coronarienne ou valvulaire [71]. La survenue de complications postopératoires après reprise d’arthroplastie totale de hanche a été évaluée en fonction de l’indice de masse corporelle et il apparaît que si l’incidence de survenue d’une complication augmente peu pour des patients en simple surpoids, ce risque est 4 fois plus important lorsque l’index de masse corporelle est compris entre 30 et 35 et plus de 10 fois plus élevé lorsque cet index dépasse 35. Les complications infectieuses sont quatre fois plus fréquentes pour les patients obèses alors que leur risque de luxation est 3,5 fois plus élevé [72]. Lorsqu’on propose une révision prothétique, le bénéfice escompté doit être mis en balance avec les risques encourus, qui peuvent être particulièrement élevés lorsqu’on s’adresse à des groupes de population particuliers. Ainsi les patients de plus de quatre-vingts ans, s’ils voient leurs scores fonctionnels s’améliorer dans la même proportion que des patients plus jeunes, ont un taux de mortalité à cinq ans après chirurgie de reprise 8 fois plus élevé que des patients de moins de 70 ans. Les complications médicales périopératoires ne paraissent cependant pas significativement augmentées chez les octogénaires selon Parvizi et al. [73], alors que le taux de mortalité serait plus élevé dans l’année qui suit une révision prothétique lorsqu’un groupe de patient de plus de 75 ans est comparé à un groupe de patients de moins de 75 ans (1,7 % contre 13,3 %), les patients âgés Charnley C étant surreprésentés parmi les patients décédés dans l’année suivant la reprise [74]. Un cas de coagulation intravasculaire disséminée, trois heures après reprise d’un descellement prothétique, s’est compliqué d’un infarctus du myocarde aboutissant à un décès précoce. Cette coagulation intravasculaire disséminée pourrait avoir été favorisée par des emboles graisseux lors de la cimentation du pivot fémoral, une hémodilution, une hypothermie et l’administration de solutés macromoléculaires de remplissage [75]. Selon Tryba et al., la survenue de complications létales au décours de chirurgie de hanche utilisant des implants cimentés serait sous la dépendance de facteurs multiples devant être présents simultanément et comprenant une hypovolémie une insuffisance cardiaque, une arythmie, des emboles ainsi qu’un relargage d’histamine [76], plus fréquemment retrouvés chez des patients âgés.
Complications liées aux transfusions et aux greffes
Le risque, pour un patient opéré d’une reprise d’arthroplastie totale de hanche, de requérir la transfusion de concentrés globulaires allogéniques est 5,8 fois plus élevé qu’en chirurgie de première intention. Outre le risque de transmission virale, les taux de complications périopératoires paraissent plus élevés pour les patients nécessitant une allotransfusion, qu’il s’agisse du risque d’infection du site opératoire, d’hématome mais également d’ischémie myocardique, d’insuffisance respiratoire, et de complications thromboemboliques. Ce taux de complication de l’ordre de 6,6 % pour les patients ne recevant qu’une autotransfusion s’élèverait à 29,8 % pour les patients nécessitant une allotransfusion, soulignant l’importance de la stratégie d’épargne sanguine dans la chirurgie de hanche de reprise [77]. Le risque de transmission virale par allotransfusion est proportionnel au nombre de concentrés globulaires transfusés. D’après Yao et al., la prévalence des virus HIV, HBV, HCV et HTLV, bien que faible, serait cependant plus importante au sein des donneurs de tissus musculo-squeletiques que dans la population des donneurs de sang y compris lorsqu’il s’agit du premier don de sang. Cependant, le recours habituel dans la chirurgie de reprise d’arthroplastie de hanche se fait vers des allogreffes provenant de donneurs vivants pour lesquels un suivi sérologique est disponible [78]. Les transmissions virales ont été le fait de collectes effectuées dans la période de temps comprise entre l’infection et l’apparition du premier marqueur viral [79]. Pour Brant et al., la probabilité qu’un greffon infecté soit mis en place deviendrait négligeable dès lors qu’un suivi du donneur comprenant un suivi sérologique du donneur à six mois serait effectué, alors que ce risque persisterait pour des donneurs décédés, le risque de méconnaître une infection du greffon par les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C avec le seul test initial au moment du prélèvement étant de respectivement de 4 pour un million et de 4 pour 10 millions [80]. Si l’irradiation de greffes osseuses ne permet pas de se dispenser du screening sérologique des donneurs l’irradiation est un sérieux adjuvant pour diminuer le risque résiduel de transmission virale après screening [81].
Complications neurologiques
Une complication neurologique peut également être découverte lors de la période postopératoire précoce, alors qu’elle n’était pas retrouvée lors de l’examen postopératoire initial. L’apparition d’une paralysie secondaire en période postopératoire précoce est évocatrice d’une compression par un hématome et incite à une décompression urgente. Selon Schmalzried et al. [58], les chances de récupération seraient dépendantes du délai de prise en charge. L’apparition de signes neurologiques déficitaires dans le territoire du nerf sciatique est également possible à distance d’une chirurgie de révision en particulier lorsqu’il a été fait usage d’une mégacupule, d’un dispositif antiprotrusion ou après fixation par une plaque de la colonne postérieure. Ces signes doivent être reconnus et conduire à une exploration et à une libération du nerf avant que les signes déficitaires ne deviennent définitifs, un conflit avec un élément métallique pouvant aboutir à une section partielle voire complète du nerf [82].
Le diagnostic pour le nerf fémoral doit être le plus précoce possible pour espérer une bonne récupération. Il est plus rare que le nerf fémoral soit lésé en peropératoire. Lorsque c’est le cas, il s’agit de la mise en place d’un écarteur antérieur pointu type Homan lors de l’exposition du cotyle dans une voie antéro-externe.
Complications vasculaires
La survenue d’un hématome postopératoire, voire d’un pseudo-anévrysme après reprise de prothèse totale de hanche, peut se compliquer d’une atteinte nerveuse [53, 83]. Mais les complications vasculaires ne surviennent pas seulement dans la période postopératoire immédiate ou précoce. Ceci est une raison de plus pour surveiller l’état neurologique dans les jours qui suivent l’intervention (sciatique et fémoral). L’existence d’une protrusion intrapelvienne, qu’il s’agisse d’une cupule de révision, d’un anneau de soutien ou d’une masse de ciment est à même de provoquer une érosion chronique des vaisseaux iliaques, à l’origine d’une fistule artério-veineuse qui peut avoir une symptomatologie tardive par rapport à l’intervention de révision [84]. Un cas de fistule entre la cavité abdominale et la hanche a été rapporté par Korovesis et al. [85], après révision acétabulaire sur un implant en protrusion avec fracture du mur médial de l’acétabulum et érosion de la paroi de l’artère iliaque externe par une spicule osseuse réalisant un pseudo-anévrisme (figure 1).
Figure 1 |
Complications thromboemboliques
Selon Hooker et al. [86], le taux de complications thromboemboliques, qu’il s’agisse de thromboses proximales (4,6 %) ou d’embolies pulmonaires (0,6 %), ne diffère pas entre deux groupes d’arthroplasties de hanche de première intention et de révision, en utilisant une prophylaxie par compression intermittente pneumatique. L’analyse à plus large échelle de Mahomed et al. [69] ne retrouve pas plus d’embolies pulmonaires (0,79 %) pour les patients opérés d’une reprise de prothèse totale de hanche que pour les patients opérés en première intention. S’agissant d’un groupe de plus de 13 000 reprises de prothèses totales de hanche, il n’y est pas fait mention du type de prévention de la maladie thromboembolique utilisé. La chirurgie de hanche de reprise n’en demeure pas moins une situation à risque thromboembolique élevé avec une forte présomption quant à la possibilité de survenue d’un événement thromboembolique lors de la période postopératoire précoce. Une lésion thrombotique peut également siéger sur l’aorte, posant le problème d’un diagnostic précoce et d’un traitement urgent [39].
Infection précoce
Le taux d’infections postopératoires au cours du premier mois postopératoire était de 0,25 % selon une étude d’incidence nationale rapportée par Zahn et al. [68]. Les infections du site opératoire au cours des 3 premiers mois sont inférieures à 1 % (0,94 %) à propos d’une cohorte de 13 483 patients opérés d’une reprise de prothèse totale de hanche [69]. 1,53 % des patients ont nécessité une réintervention sur la hanche opérée au cours de ce 1er mois postopératoire et 3,99 % des patients ont nécessité une réintervention au cours de 3 premiers mois postopératoires. Mais ces infections sont près de 4 fois plus fréquentes que lors de la chirurgie de première intention.