Pédiatrie

7. Pédiatrie



HÉMODIALYSE CHRONIQUE CHEZ L’ENFANT : GÉNÉRALITÉS


De nombreux progrès techniques et thérapeutiques ont permis d’améliorer la qualité de vie de ces enfants et de diminuer la morbidité.

L’hémodialyse périodique représente la modalité technique de prise en charge la plus courante, devançant largement la dialyse péritonéale et la transplantation rénale préemptive (bien que les centres transplanteurs tentent de privilégier cette dernière).

L’enfant doit être considéré dans sa globalité afin de limiter les conséquences scolaires, psychologiques et sociales de cette pathologie lourde. Ces problèmes sont abordés dans d’autres chapitres.


DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Vingt et un centres d’hémodialyse pédiatrique assurent en France la prise en charge des enfants insuffisants rénaux; ponctuellement des grands enfants sont dialysés dans des centres pour adultes, beaucoup plus nombreux que les centres pédiatriques.

Selon les données du registre de l’EDTA (European Dialysis and Transplant Association) [1] qui collige des informations européennes épidémiologiques sur l’insuffisance rénale, l’incidence de l’insuffisance rénale terminale en France en 1991 était de 4,3 nouveaux patients par million d’enfants de moins de 15 ans. En France, en 2007, l’incidence était de 5,4 nouveaux cas par million d’enfants de moins de 16 ans [2].

La prévalence de l’insuffisance rénale terminale (dialyse-greffe) est de 37 cas par million d’enfants de moins de 15 ans. L’insuffisance rénale terminale est donc une pathologie assez peu fréquente en pédiatrie.

En 2007, le taux d’incidence en France de la mortalité est très faible (moins de 5 %); cette mortalité est surtout inhérente à la maladie causale ou à une pathologie surajoutée.


ÉTIOLOGIES DE L’INSUFFISANCE RÉNALE CHEZ L’ENFANT

Les pathologies causales sont largement dominées par les maladies congénitales et les néphropathies familiales héréditaires [3].


Ces pourcentages sont stables depuis 20 ans, à l’exception d’une diminution modérée des glomérulopathies acquises.

Depuis peu de temps, pour certaines néphropathies (notamment néphronophtise, cystinose…), et dans des situations précises, on peut disposer d’un diagnostic anténatal par étude génétique. Le diagnostic anténatal échographique d’uropathies sévères permet une prise en charge précoce sur les plans urologique et néphrologique. Le dépistage anténatal échographique d’uropathies gravissimes avec anamnios peut conduire à proposer une interruption médicale de grossesse. Les néphropathies héréditaires s’accompagnent fréquemment de pathologies associées majorant la lourdeur de la prise en charge, par exemple : surdité de perception (syndrome d’Alport), dégénérescence tapéto-rétinienne responsable d’amblyopie (syndrome de Senior-Loken), atteinte multiviscérale d’apparition progressive dans la cystinose (yeux, thyroïde, pancréas…).


CRITÈRES DE PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT EN DIALYSE

La durée d’évolution de l’insuffisance rénale chronique avant le stade d’épuration est variable. Elle est fonction :


– de la maladie causale : évolution lente des uropathies et hypoplasies, rapide des glomérulopathies sévères avec protéinurie notable;


– d’éventuels facteurs surajoutés : hypertension artérielle, événements intercurrents.

Les critères biologiques de prise en charge sont directement liés à la baisse de la filtration glomérulaire : clairance corrigée de la créatinine à 10ml/min/1,73 m2. Ceci correspond schématiquement à une créatininémie à 400μmol/L pour un enfant de moins de 20kg, à 700–800μmol/L pour les plus grands.

Des troubles ioniques mal contrôlés (acidose métabolique, hyperkaliémie), une hypertension artérielle avec surcharge hydrosodée, un hyperparathyroïdisme important incitent à débuter un peu plus tôt l’épuration.

Il n’existe pratiquement pas de contre-indications à la prise en charge en dialyse en dehors des encéphalopathies majeures. Cette prise en charge de l’enfant sur un programme d’épuration ne se conçoit que dans le but d’une greffe. La seule contre-indication actuelle à la greffe, exceptionnelle, est l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine.

L’évolution au fil des années s’est faite vers la prise en charge d’enfants de plus en plus jeunes, amenant à adapter les modalités techniques de dialyse. Malgré ces progrès, une telle prise en charge reste lourde chez le nourrisson du fait de certaines conséquences potentielles : difficultés nutritionnelles, retard de croissance, retard du développement psychomoteur, retentissement familial. Compte tenu de ce retentissement global sur le développement de l’enfant, la prise en charge d’un nouveau-né sur un programme de dialyse-transplantation apparaît aux yeux de certains néphro-pédiatres comme éthiquement discutable.


ASPECTS TECHNIQUES DE L’HÉMODIALYSE CHEZ L’ENFANT


ABORDS VASCULAIRES

La qualité de l’abord vasculaire conditionne en partie le bon déroulement de la séance de dialyse; grâce aux progrès de la microchirurgie [4], la création de fistules artérioveineuses sur des vaisseaux de petit calibre a supprimé l’utilisation de shunts prothétiques.

L’intervention doit être pratiquée d’autant plus tôt dans l’évolution de l’insuffisance rénale que l’enfant est plus jeune, afin de laisser le temps à la veine de se développer suffisamment. Plusieurs mois sont parfois nécessaires entre la création de la fistule et les premières ponctions. Les artères les plus utilisées sont les radiales, éventuellement les cubitales, voire les humérales.

Des anomalies fonctionnelles doivent être dépistées lors des séances afin de réintervenir pour prévenir des complications. La constatation d’une hyperpression veineuse en dialyse et celle d’une pression veineuse spontanée élevée (mesurée en centimètres d’eau) sont des arguments pour une sténose d’aval. L’impossibilité d’obtenir un débit sanguin suffisant dans le circuit extracorporel doit faire rechercher une sténose d’amont sur l’anastomose.

Enfin, dans des situations précises (insuffisance rénale aiguë passant à la chronicité d’emblée, enfants de très petits poids), une fistule artérioveineuse n’a pas le temps d’être créée ou de se développer avant le stade de dialyse chronique. Le recours à un cathéter posé chirurgicalement, le plus souvent par voie jugulaire interne, est alors nécessaire. Ce cathéter doit être « tunnélisé » afin de limiter les risques infectieux à point de départ cutané. L’utilisation d’un tel matériel nécessite impérativement la présence de deux personnels soignants au branchement et au débranchement; celui qui manipule directement le cathéter doit être habillé stérilement. Au prix de ces conditions draconiennes d’utilisation, la durée de vie de tels cathéters peut être prolongée (plusieurs années).


CIRCUIT EXTRACORPOREL


La prise en charge d’enfants de petit gabarit

Cette prise en charge a nécessité la réduction du volume du circuit extracorporel afin de ne pas provoquer d’hypovolémie lors du branchement. L’ensemble de ce circuit (lignes + dialyseur) ne doit pas dépasser 10 % de la masse sanguine c’est-à-dire 7 à 8ml/kg. Les lignes artérielle et veineuse destinées aux enfants de poids supérieur à 15kg ont ensemble une contenance d’environ 100ml, et de 55ml au-dessous. De plus petites lignes sont disponibles pour les très jeunes nourrissons. Le volume du dialyseur est rajouté à celui des lignes afin de calculer le volume du circuit extracorporel; il varie avec les performances de celuici, par exemple : 25ml pour un dialyseur destiné à un petit enfant à 126ml pour un dialyseur de type adulte.



Le choix du dialyseur

Il est fonction des besoins d’épuration de l’enfant, donc de son gabarit. Les membranes de dialyse sont identiques à celles utilisées chez l’adulte, mais les surfaces d’échange sont plus petites et les performances donc plus restreintes. L’utilisation d’un dialyseur trop performant pour l’enfant peut être responsable d’un syndrome de déséquilibre osmotique à l’origine de céphalées, voire de convulsions. Les membranes à haute perméabilité, largement utilisées en pédiatrie, permettent d’obtenir une ultrafiltration suffisante en cas de prise de poids proportionnellement importante par rapport au gabarit de l’enfant. Le matériel du circuit extracorporel doit être le moins allergisant possible; aussi il est souhaitable d’éviter la stérilisation par l’oxyde d’éthylène, ce produit pouvant induire des symptômes d’intolérance au démarrage de la dialyse et des allergies de contact autour des points de ponction de la fistule : la stérilisation par rayons gamma ou par la vapeur est donc privilégiée, pour tous les éléments du circuit extra-corporel.


Le débit sanguin dans le circuit extracorporel

Il est moindre chez les enfants de petit gabarit (70–80ml/min), mais rejoint les valeurs « adultes » pour les plus grands (300ml/min et au-delà).



Le générateur et le bain de dialyse

Il n’y a pas de véritables particularités pédiatriques sur ce plan; néanmoins, certains générateurs sont plus adaptés à l’enfant que d’autres, notamment pour ce qui est des pompes à sang et du système de mesure de la volémie. La dialyse pédiatrique a bénéficié de progrès techniques récents :


– surveillance continue, en temps réel, de la qualité d’épuration par la mesure de la dialysance ionique (Kt/V);


– mesure de la volémie, avec la possibilité de moduler en continu l’ultrafiltration (rétrocontrôle).

Les lignes utilisées pour les plus petits (< 15kg) ne permettent pas actuellement de mesurer la volémie, mais en revanche la surveillance de la qualité d’épuration est possible si le débit sanguin extracorporel est supérieur à 100ml/min.


PARTICULARITÉS DE LA SÉANCE D’HÉMODIALYSE CHEZ L’ENFANT


Parmi les techniques dérivées de l’hémodialyse, l’hémodiafiltration (HDF) «online» est couramment utilisée, lorsque l’équipement du centre le permet, avec de bons résultats [5]. Sa pratique reste néanmoins délicate chez les plus petits. Le monitorage des nourrissons (scope) est systématique. La survenue d’une tachycardie chez un enfant calme peut annoncer une chute tensionnelle imminente. D’autres symptômes doivent faire suspecter la survenue d’une hypovolémie :


– agitation, ou au contraire prostration, avec une cyanose péribuccale chez le petit;


– douleurs abdominales;


– les crampes musculaires sont rares chez l’enfant.

Des modules équipant certains générateurs permettent la mesure en continu lors de chaque dialyse, du volume sanguin. Ils apportent une aide précieuse à la prévention de l’hypovolémie. La tolérance à la réduction volémique varie selon chaque enfant. Ces modules permettent de déterminer pour chaque patient, un seuil de réduction volémique qu’il est souhaitable de ne pas dépasser sous peine de voir survenir des manifestations hémodynamiques.

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Jun 22, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Pédiatrie

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