Pathologie Sacro-Iliaque et Activités Sportives

5. Pathologie Sacro-Iliaque et Activités Sportives

Y. Demarais*, E. Grangeon* and J. Parier*



Dans le milieu sportif, les articulations sacro-iliaques sont souvent incriminées pour expliquer une douleur du bassin, voire une lombalgie. En pratique, il convient surtout d’éliminer d’autres causes (articulaires, osseuses, musculaires, tendineuses) qui s’expriment par une algie dans cette région.


Quand l’articulation sacro-iliaque est réellement en cause, seul le démembrement de ses différentes pathologies permet dans proposer un traitement adapté et efficace.


ANATOMIE (figure 1)

L’articulation sacro-iliaque est de forme et de structure très irrégulière.








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Figure 1
Anatomie de l’articulation sacro-iliaque.


La facette auriculaire de l’os coxal est située à la partie postérosupérieure de la facette interne de l’os iliaque. Elle a la forme d’un croissant à concavité postérosupérieure.

Elle est encroûtée d’un cartilage d’environ 0,5 mm d’épaisseur assez irrégulière. On peut considérer qu’elle a la forme d’un rail plein. Dans le grand axe de cette surface chemine une saillie allongée séparant deux dépressions. En regard de cellesci se trouve la surface articulaire de l’aileron sacré, sous forme d’un rail creux. Son épaisseur cartilagineuse est plus importante, mesurant près de 3 mm.

L’irrégularité des surfaces articulaires explique la difficulté d’enfiler radiologiquement dans sa totalité cette articulation sur un seul cliché. Le fibrocartilage qui recouvre les surfaces articulaires présente aussi du cartilage hyalin. On estime que la capacité de cette articulation est d’environ 1,6 mL.

L’innervation de cette articulation est riche, provenant des dernières racines lombaires et premières sacrées.


Ligaments de l’articulation sacro-iliaque [5]

Les ligaments iliolombaires sont puissants. Ils présentent un faisceau supérieur et un faisceau inférieur. Ils occupent l’échancrure comprise entre la crête iliaque et la colonne lombaire. Ils proviennent des 4e et 5e transverses pour se terminer sur l’aile iliaque homolatérale.

Les ligaments iliosacrés forment le plan moyen. La portion antérieure est relativement fine, la portion postérieure beaucoup plus puissante.

Les ligaments iliotransversaires conjugués forment le plan ligamentaire superficiel, représenté par un éventail fibreux tendu des deux épines iliaques postérieures et de l’échancrure interépineuse jusqu’à la face postérieure du sacrum.

Le ligament interosseux représente le plan le plus profond.

Les ligaments sacrosciatiques divisent la grande échancrure sciatique en deux orifices : l’orifice supérieur laisse le passage au pyramidal, au petit et grand sciatique, au nerf pudendal et nerf rectal inférieur. L’orifice inférieur laisse passer l’obturateur interne, le nerf pudendal et le nerf hémorroïdal.


Biomécanique de l’articulation sacro-iliaque [678 and 9]


Rôle statique

Les articulations sacro-iliaques répartissent les pressions. Celles-ci peuvent être de 6 kg force/cm2 et aller jusqu’à une tonne. Elles sont majorées par l’hyperlordose, l’appui unipodal et la course à pied.

En raison de sa largeur plus grande en haut qu’en bas dans sa partie articulaire, le sacrum peut être considéré comme un coin qui vient s’encastrer verticalement entre les deux ailes iliaques, suspendu à elles par des ligaments.

Le sacrum se trouve donc d’autant plus maintenu entre les ailes iliaques que le poids qui s’applique sur lui est fort ; il s’agit là d’un système autobloquant.


Rôle dynamique

Les variations anatomiques de cette articulation suivant le type de rachis conditionnent sa mobilité. On décrit un rachis dynamique avec des courbures accentuées, un sacrum très horizontal. Il existe alors une mobilité relativement importante de la sacro-iliaque. Par contre, le rachis statique présente des courbures peu marquées, un sacrum verticalisé et peu de mobilité de la sacro-iliaque.

L’articulation sacro-iliaque reste totalement intégrée dans le complexe représenté par le bassin, le rachis et la hanche. Il s’agit d’un ensemble fonctionnel.


Mouvements de l’articulation sacro-iliaque : nutation et contre-nutation

Le sacrum tourne autour d’un axe constitué par le ligament axil de telle sorte que le promontoire se déplace en bas et en avant et que la pointe du sacrum et l’extrémité du coccyx se déplacent en arrière. Lors de ce mouvement, le diamètre antéropostérieur du détroit supérieur se trouve diminué, tandis que celui du détroit inférieur se trouve augmenté. Simultanément, les ailes iliaques se rapprochent tandis que les tubérosités ischiatiques s’écartent. Il s’agit d’un mouvement limité [10].

Le mouvement de contre-nutation réalise le mouvement de déplacement inverse.

Différentes théories sont avancées pour expliquer ces mouvements :


– ils ont longtemps été assimilés à une rotation dans un plan parasagittal avec un axe passant par le ligament axil, soit autour d’un axe qui passe par le tubercule de Bonnaire, soit enfin une translation pure [11] ;


– des études récentes vont plutôt dans le sens de translation antéropostérieure et craniocaudale du sacrum.

Au total, il semble exister des mouvements associant une translation et une rotation [12].

La mobilité est rendue nécessaire lors des mouvements asymétriques des deux ailes iliaques, comme lors de la marche ou de la course et de nombreuses activités sportives. Les amplitudes sont variables suivant les auteurs. Elles sont majorées suivant le type morphologique, l’âge, la mobilité des hanches, la pression à laquelle est soumise l’articulation.

Le mouvement de translation semble être d’environ 3 à 6° et le mouvement de rotation de 6 à 8 mm.

Au total, l’articulation sacro-iliaque est certainement mobile. La symphyse est également associée à ces mouvements lors de la course sous la forme d’écartement de 1 mm et de cisaillements verticaux de 2 mm.


CLINIQUE


Douleur

Elle est fonction de la pathologie, mais, en début d’évolution, l’origine sacroiliaque peut être difficile à préciser.

Elle se situe au niveau de la partie supéro-interne de la fesse. On a défini des aires de projection [13, 14] : il semble exister une aire commune de 3 cm sur 10 cm en dessous de l’épine iliaque postérosupérieure mais parfois également au niveau de la face externe de la fesse ou de la cuisse. Il faut souligner les nombreux auteurs qui ont insisté sur les douleurs prises à tort pour une pathologie lombaire [1516 and 17].

L’intensité, l’impotence fonctionnelle, le rythme sont directement liés à l’étiologie.


Tests cliniques en faveur d’une souffrance sacro-iliaque

On a dénombré une trentaine de tests [7, 13, 14, 18192021222324252627 and 28] qu’il est possible de classer en trois grands groupes :


les tests de provocation de la douleur peuvent s’effectuer soit directement avec palpation de l’articulation sacro-iliaque, soit indirectement par l’intermédiaire d’une pression sur les ailes iliaques (cisaillement) ou du sacrum (trépied), en appui monopodal. Le but est de réveiller la douleur connue du sportif par la mise en pression ou en tension de l’articulation (figure 2) ;








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Figure 2
Mobilisation des sacro-iliaques (nombreuses manoeuvres possibles).



les tests positionnels et de mobilité tentent de définir par un certain nombre de signes indirects les positions articulaires supposées verrouillées : inégalité de longueur des membres inférieurs, positionnement des épines iliaques postérosupérieures, modification de la rotation des membres inférieurs en position couchée (figure 3). On recherche la limitation de mobilité d’une sacro-iliaque par rapport à l’autre ;








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Figure 3
Modification des rapports anatomiques.



les tests anesthésiques occupent un chapitre à part. Ils recherchent la sédation de la douleur connue du sportif ou provoquée par un test. Il s’agit de tests diagnostiques et préthérapeutiques. Ils nécessitent un repérage sous imagerie et ne sont pas toujours faciles à réaliser. Leur interprétation aussi doit être prudente car il existe une innervation complexe de la région. Ils peuvent cependant être d’un appoint déterminant. Pour différents auteurs [2324252627282930 and 31], il s’agit d’une simple orientation. Dans une étude détaillée, Van der Wurff estime que ces tests manquent de spécificité et de reproductibilité [32, 33].

Compte tenu du nombre de tests répertoriés, il paraît logique de se poser la question de la validité de ceux-ci. Plusieurs études ont été réalisées chez des sujets symptomatiques auprès desquels on retrouve un certain nombre de tests jugés positifs [34].


DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS DES SOUFFRANCES SACRO-ILIAQUES


Pathologies osseuses (figure 4)

Les tumeurs bénignes ou malignes peuvent toucher le bassin.








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Figure 4
Ostéome ostéoïde.


Chez le sportif, il existe un certain nombre de fractures, notamment la fracture de fatigue du sacrum chez le coureur à pied [1, 3536373839 and 40]. Elle représente 1 à 3 % des localisations. Elle est plus fréquente chez l’homme avec un âge moyen de 36 ans, et 22 ans chez la femme. Il s’agit toujours de sujets qui pratiquent la course à pied à un bon niveau, avec un kilométrage élevé. Elle peut également se rencontrer dans un contexte de marche intensive (figure 5).








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Figure 5
Fracture de fatigue.


La douleur est mécanique, située au niveau du sacrum, de la fesse ou de la region lombaire. Parfois, il existe des irradiations au niveau de la cuisse. La douleur se manifeste en position assise, et en appui monopodal. Les manoeuvres de provocation sacro-iliaque sont positives.

L’imagerie fait appel à la radiographie qui est le plus souvent négative, mais surtout à l’IRM voire à l’examen tomodensitométrique qui visualise parfaitement le trait de fracture. Il s’agit en général d’un trait parallèle à la sacro-iliaque (figure 5).

Le traitement recherche les circonstances favorisantes : majoration de l’entraînement, anomalie plantaire, inégalité de longueur des membres inférieurs, hyperlordose, trouble du métabolisme phosphocalcique (nutrition, aménorrhée, etc.). Le repos permet habituellement, dans un délai de 8 à 16 semaines, d’obtenir une récupération satisfaisante.


Pathologies musculaires (figure 6)

Avec l’avènement de l’IRM et les progrès de l’échographie, on a pu constater que tous les muscles du petit bassin pouvaient être touchés : fessiers, pelvitrochantériens, etc.








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Figure 6
Lésion musculaire (pelvitrochantériens).


Le syndrome du muscle pyramidal semble être une pathologie à part. Il peut se rencontrer dans le cadre d’une sciatique tronculaire avec un véritable syndrome tunnelaire. Il peut s’agir également d’une souffrance musculaire pure, à la suite d’une position assise prolongée, d’un choc direct.

La douleur est située de manière unilatérale au niveau de la fesse, avec irradiation vers le grand trochanter ou parfois à la partie postérieure de la cuisse. Il n’existe pas de signe neurologique (duremérien, rachidien) lorsque la souffrance musculaire est isolée.

La palpation de la partie haute du bord externe du sacrum retrouve une sensation douloureuse, plus rarement à l’insertion trochantérienne.

Les manoeuvres réveillant la douleur sont l’adduction de la hanche fléchie à 90°, la flexion antérieure du tronc, pied en rotation interne, ou encore la mise en rotation interne par étirement, ou la rotation externe contrariée du membre inférieur en décubitus ventral, genou à 90°.

Le traitement utilise les décontracturants, la kinésithérapie et, dans quelques cas, les infiltrations [41].


Pathologies ligamentaires régionales

Le syndrome iliolombaire est sans doute le syndrome le mieux différencié. Le début est souvent brutal, suite à un effort de torsion du tronc ou de soulèvement. Il existe une lombalgie basse qui s’accompagne d’une irradiation unilatérale à la fesse et au membre inférieur. Le plus souvent, la topographie est postérieure mais il peut exister une symptomatologie douloureuse antéro-interne ou antéro-externe. On retrouve volontiers une douleur du quart interne de la crête iliaque, au-dessus et en dedans de l’épine iliaque postérosupérieure, avec un point exquis. La pression sur cette zone peut réveiller une véritable sonnette.

L’examen retrouve un syndrome lombaire avec une attitude antalgique, une limitation de la flexion, une douleur provoquée à l’inclinaison controlatérale du rachis. Il n’existe pas de syndrome duremérien ou neurologique. Le traitement consiste en une infiltration locale de corticoïde au niveau de la zone douloureuse.


Pathologies neurologiques

La sciatique tronquée peut toujours mimer une douleur de fesse.

Le syndrome de la charnière dorsolombaire décrit par Maigne fait également partie des pièges.

D’une façon générale, des douleurs référées peuvent avoir comme origine différents niveaux du rachis.


DÉMEMBREMENT DES PATHOLOGIES SACRO-ILIAQUES

On peut déterminer plusieurs types de pathologies [42] :


– le dérangement intra-articulaire ;


– les arthropathies mécaniques comprenant les arthroses et ostéochondroses ;


– les arthropathies inflammatoires ;


– les pathologies ligamentaires.


Dérangement intra-articulaire

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May 18, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Pathologie Sacro-Iliaque et Activités Sportives

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