Chapitre 8 Reconstruction par lambeau de grand dorsal
LAMBEAU DE GRAND DORSAL ET PROTHÈSE EN RECONSTRUCTION SECONDAIRE
Dessins préopératoires
Installation de la patiente
L’installation s’effectue soit en décubitus dorsal pour un dessin vertical avec le bras dans le champ, pour favoriser la dissection proximale, et un billot paravertébral, soit en décubitus latéral (figure 8.4 et 8.5). Il faut être vigilant sur toutes les zones d’appui et les protéger au mieux (gel de silicone) avec la jambe déclive pliée et la jambe au-dessus tendue (attention au nerf sciatique poplité externe avec la tête du péroné). Un billot dans l’aisselle déclive peut être nécessaire pour dégager les vaisseaux. Le bras repose sur un appui au zénith sans tension ni traction pour éviter toute compression vasculaire ou nerveuse (plexus brachial).
Déroulement de l’intervention
Incision au bistouri froid de toute la palette cutanée (figure 8.6)
Premier temps
Le premier temps consiste à décoller toute la peau dorsale proximale jusqu’au sommet de l’aisselle et du tendon (figure 8.7). Tant que la dissection reste à l’aplomb du muscle, il n’y a aucun danger pour le pédicule ni les vaisseaux axillaires.
Deuxième temps
Le deuxième temps permet de décoller la peau en distalité le plus loin possible, en fonction des besoins musculaires et de la fermeture dorsale (figure 8.8). Ce plan de dissection est prémusculaire au ras du périmysium – contrairement au plan de dissection du grand dorsal autologue (cf. infra).
Ensuite, le décollement s’effectue vers l’avant sans faire communiquer le large décollement dorsal et celui du sein, ce qui pourrait être source de déplacement secondaire de la prothèse dans le dos. Le bord antérieur du muscle dorsal est toujours plus antérieur que le rebord palpé; il est plus facile à individualiser plus en haut, en se souvenant que ses fibres musculaires sont verticales et plus rosées que celle de l’oblique et du dentelé. On décolle ainsi le muscle par sa face profonde (figure 8.9), d’abord à la partie médiane, peu vers le haut à ce moment – on repère juste la branche thoracique plaquée en profondeur sur le muscle dentelé antérieur – et on prolonge le décollement surtout vers le bas. On peut ainsi sectionner le muscle d’abord à sa partie distale puis médiane en remontant. On prendra soin de faire des hémostases des grosses perforantes rencontrées, surtout en arrière et à proximité de la pointe de la scapula (figure 8.10). En remontant en arrière, il faudra bien libérer les fibres musculaires du trapèze : elles sont obliques en bas et en avant alors que les fibres du dorsal sont transversales (figure 8.11). S’il existe un doute, il est alors recommandé de repérer le trapèze en haut et de descendre le long de sa pointe. En regard de la scapula, le bord inférieur du muscle dentelé antérieur est libre de toute insertion et il est possible de passer sous ce dernier (figure 8.12). Il est conseillé, en cas de doute, de repérer le bord du dentelé vers l’avant et de reprendre la dissection d’avant en arrière. Quand on arrive au bord supérieur du muscle dorsal après avoir sectionné ses insertions internes, la dissection devient plus aisée car le bord supérieur du muscle est lui aussi libre de toute insertion. Il existe parfois des adhérences avec les fibres musculaires antérieures du grand rond, adhérences qu’on peut sectionner sans danger.
Enfin, en repère le pédicule thoracodorsal par sa face profonde, soit en longeant la branche thoracique, soit en l’abordant directement par le bord postérieur en haut (figure 8.13). Celui-ci est libéré et on repère son point d’entrée dans le muscle de façon à sectionner les insertions proximales au-dessus de ce point. Cette section musculaire s’effectue au niveau du tendon; elle peut être complète ou partielle en fonction des besoins de mobilisation du lambeau (figure 8.14).
Troisième temps
Le troisième temps consiste à exciser la cicatrice de mammectomie (qui est adressée systématiquement pour examen en anatomopathologie) (figure 8.15), puis à redécoller la peau mammaire, surtout vers le haut et un peu vers le bas sans dépasser le niveau du sillon sous-mammaire – il est même conseillé de s’arrêter quelques centimètres plus haut et d’ajuster la position du sillon en position demi-assise (cf. infra « Modelage »). Puis on réalise la tunnellisation en redécollant la peau de l’aisselle en restant toujours suffisamment proximal pour que le tunnel ne permette pas à la prothèse de se luxer dans le dos (figure 8.16). Attention aux vaisseaux axillaires vers le haut et au pédicule thoracodorsal en profondeur; il peut être prudent de réaliser ce décollement en suivant le trajet du pédicule. Le lambeau est ensuite transféré sur le thorax avec une rotation de 180° de sa palette (figures 8.17 et 8.18). Les berges cutanées sont fixées transitoirement par des agrafes ou des fils. La fermeture dorsale se fait après vérification de l’hémostase et de l’absence de traction sur le pédicule, sur un ou plusieurs drains de Redon (figures 8.19 et 8.20). Certains proposent de capitonner toute la surface de décollement par des points résorbables en accrochant plus ou moins le derme au muscle, en plusieurs lignes jusqu’à la cicatrice. Le drainage s’effectue par drain de Redon ou lame.
Changement de position
Le changement de position est réalisé selon les habitudes de chacun et permet d’installer la patiente en position demiassise, les bras en croix. Là aussi, il faut être vigilant sur tous les détails de la bonne installation (tête fixée dans l’axe sans compression oculaire, les épaules au même niveau sans traction ni point de compression, talons protégés, jambe légèrement pliée pour éviter que la patiente ne glisse) (figure 8.21).
Modelage
Le modelage s’effectue en position assise, les deux seins dans le champ opératoire.
On libère le lambeau de sa fixation transitoire; on vérifie l’hémostase, la bonne vitalité du lambeau par son saignement et l’absence de contrainte dans la tunnellisation. Le premier temps va consister à positionner le sillon sous-mammaire, soit en prolongeant tout simplement le décollement vers le bas en s’arrêtant au niveau désiré, soit éventuellement en effectuant un large décollement inférieur pour réaliser un lambeau d’avancement abdominal (LAA) avec fixation du sillon (figure 8.22). Le niveau du sillon sera soit au même niveau que le sein controlatéral soit un peu plus bas, considérant que la prothèse aura tendance à remonter légèrement.
Le choix de la prothèse sera fonction de la forme et du volume désiré et du projet de symétrisation (figure 8.23). Le muscle pectoral est décollé vers le haut, la prothèse est ainsi glissée sous le muscle pectoral en haut et recouverte sur tout le reste de sa surface par le muscle dorsal (figure 8.24). Certains ne décollent pas le pectoral et recouvrent la prothèse par le muscle dorsal seul en fixant bien la loge de la prothèse pour éviter tout déplacement secondaire. Dans certaines situations anatomiques, la couverture interne musculaire n’est pas totale; il est prudent, dans ces conditions, de prévoir une désépidermisation de la palette cutanée à sa partie interne pour mieux couvrir la prothèse à cet endroit.
La loge musculaire est suturée en externe pour permettre une bonne fixation de la prothèse; le débord musculaire dorsal est étalé largement vers le haut et fixé le plus haut possible pour minimiser l’effet de « marche d’escalier » dans les quadrants supérieurs (figure 8.25). Enfin, l’excès cutané est désépidermisé en fonction des besoins à la fois de remplissage et de ptose désirée (figures 8.26 et 8.27).
GRAND DORSAL SANS CICATRICE DORSALE
L’installation est la même que celle décrite précédemment en décubitus latéral. Nous préconisons de réaliser la dissection du pédicule à ciel ouvert par la cicatrice axillaire ou de mammectomie. Cette dissection est simple avec les instruments habituels. Ensuite, il convient de réaliser un très large décollement à la fois sous-cutané puis sous-musculaire, qui n’est possible qu’avec des valves éclairantes suffisamment longues ou, à défaut, par des instruments de vidéochirurgie en fonction de l’expérience de chacun. Dans ces conditions, on utilise des valves longues avec des optiques rigides (cœliochirurgicales) et les instruments habituels de cette chirurgie. Le muscle est ensuite sectionné en bas et en dedans puis transposé selon la technique déjà citée (figures 8.28 à 8.30).
LAMBEAU DE GRAND DORSAL ET PROTHÈSE EN RECONSTRUCTION IMMÉDIATE
Avec conservation de l’étui cutané
L’intervention est réalisée en décubitus latéral, si possible en double équipe. Le dessin de la palette cutanée s’attachera à rester au maximum dans le bandeau du soutien-gorge car, dans cette indication, le défect cutané est mineur. Le prélèvement est identique à la technique standard. Pour le modelage, la palette cutanée est désépidermisée et enfouie sur toute la surface sauf à l’emplacement de la précédente aréole que la peau dorsale remplace. L’orientation de la palette sera surtout fonction du galbe désiré, mais aussi des besoins de couverture de la prothèse. On insiste sur l’importance d’une couverture musculaire harmonieuse sur toute la surface pour éviter des différences d’épaisseur sur le sein et des zones où la prothèse en position sous-cutanée serait palpable ou visible avec des vagues perceptibles. Il faut bien fixer le muscle sur la périphérie pour un bon étalement (figure 8.31).
GRAND DORSAL DE COUVERTURE
Plusieurs stratégies sont envisageables dans cette indication précise :
COMPLICATIONS
Le taux d’hématome est de 3,2 % et le taux de complications thromboemboliques de 0,3 %.
Le taux de désunion dorsale était plus élevé après lambeau graisseux autologue.
La radiothérapie n’entraînait pas d’augmentation de l’incidence des complications.