Oncoplastie »

Chapitre 5 « Oncoplastie »



Le traitement conservateur n’a cessé d’évoluer depuis plus de vingt ans.


Nous avons essayé de clarifier les traitements conservateurs standards dans le chapitre 2, adaptant au mieux les différents types d’incision et de remodelage glandulaire.


L’adaptation des techniques de chirurgie plastique à la cancérologie mammaire a permis de repousser plus loin encore les indications de mastectomie : la chirurgie « oncoplastique » faisait son apparition. Elle avait débuté par l’utilisation des techniques de réduction en « T » inversé à pédicule supérieur pour les tumeurs des quadrants inférieurs dont on connaissait les déformations fréquentes après radiothérapie. Ces techniques permettaient de traiter des tumeurs plus volumineuses avec des bonnes marges d’exérèse et un résultat esthétique de bonne qualité.


De nombreuses études multicentriques commençaient à confirmer que la limite des 2 cm pour le traitement conservateur pouvait être repoussée à 3 ou 4 cm, voire plus si les limites de la tumorectomie étaient suffisamment larges. Progressivement, de nouvelles techniques ont été utilisées pour s’adapter à chaque localisation tumorale, au volume mammaire, à la forme et au degré de ptose du sein.


Les tumeurs centrales, souvent prises en charge par mammectomie, ont pu être traitées par tumorectomie centrale avec remodelage glandulaire et reconstruction secondaire de la plaque aréolo-mamelonnaire, sans différence de survie ou de récidive à long terme. Toutes les autres localisations des techniques « sur mesure » ont ensuite progressivement vu le jour. Nous avons essayé plus tard de mieux standardiser les techniques et le traitement des tumeurs en fonction de la localisation tumorale et des autres paramètres mammaires (volume, forme, ptose, densité…). Ces techniques ont finalement été utilisées pour des localisations difficiles (tumeurs internes), pour des seins de très petit ou de très gros volume.


Nous allons commencer par le traitement des tumeurs inférieures, puis celles des quadrants externes et tourner autour du sein vers les quadrants supérieurs et, enfin, internes; puis nous aborderons les tumeurs centrales et nous terminerons par les tumeurs du sillon sous-mammaire.



PRISE EN CHARGE DES TUMEURS DES QUADRANTS INFÉRIEURS


La prise en charge des tumeurs des quadrants inférieurs concerne les tumeurs situées dans les rayons de 4 h à 8 h à droite et à gauche.


C’est historiquement la première localisation traitée par la chirurgie oncoplastique. En effet, on connaissait depuis fort longtemps les séquelles esthétiques majeures secondaires au traitement de cette localisation tumorale avec des déformations dites en « bec d’aigle », en « Concorde »…


On pratiquait depuis des décennies des réductions mammaires à visée esthétique, parfois très importantes, en utilisant des techniques inférieures (« T » inversé le plus souvent, mais aussi verticale) avec des résections glandulaires de plus de 1 000 g et bien au-delà. On a donc imaginé une tumeur au sein de cette résection, avec ses marges d’exérèse de bonne qualité et la plus grande facilité d’irradiation d’un sein qui a retrouvé un volume normal. Les indications pour les tumeurs des quadrants inférieurs se sont donc multipliées et, bientôt, même pour des petits volumes de résection afin de limiter les déformations.





Technique en « T » inversé à pédicule supérieur image



Dessins préopératoires


On dessine une « serrure », dont le trou supérieur « bcd » correspond au nouvel emplacement de l’aréole, mesurant en général 5 cm à 8 cm de base (« i ») et 4 cm à 6 cm de hauteur (« j ») (figure 5.1). La partie verticale « de » ou « ab », d’au moins 5 cm, correspond en général à la zone glandulaire réséquée qui emmène la tumeur. Cette longueur « ab » va définir le degré de ptose du sein traité – des longueurs de 5 cm à 10 cm et plus vont permettre de dérouler le sein en créant la ptose. Les triangles latéraux de la résection vont jusqu’au sillon sous-mammaire à partir de ces points « a » et « e ».




Début de l’intervention


L’incision, très légère, suit le dessin préétabli, évitant de traverser le derme, afin de ne pas couper la vascularisation dermique du pédicule porte-mamelon supérieur « abcde ». Cette zone est désépidermisée, en excluant la plaque aréolomamelonnaire d’environ 4 cm à 5 cm de diamètre, qui sera ascensionnée et vascularisée sur les vaisseaux dermiques de la zone « bcd » après section des segments « ab » et « de » (figure 5.2).



On lève ensuite le pédicule porte-mamelon, d’environ 5 cm à 6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres. La hauteur de la transposition de l’aréole « 0c » ne doit pas être supérieure à deux fois la largeur « bd » du lambeau portemamelon (figure 5.3).



On incise ensuite le derme dans le sillon sous-mammaire « xy » et on rejoint le tracé précédent en incisant les segments « xa » et « ye ». On décolle la glande mammaire du plan pectoral en coupant toutes les perforantes intercostales (figure 5.4). Le décollement latéral de la glande mammaire passe en souspeau en interne et en externe afin de reconstituer un volume glandulaire à base plus étroite et plus haut situé.



On commence la section glandulaire en incisant verticalement les segments « ab » et « de », en remontant jusqu’en arrière de la plaque aréolo-mamelonnaire afin de faciliter la plicature du pédicule dermique porte-mamelon (figure 5.5). On garde bien en main cette résection glandulaire afin d’obtenir de larges marges en périphérie de la tumeur.



La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau, la tumeur sera réséquée avec la peau en regard (figure 5.6).



Le curage, s’il est nécessaire, peut être effectué par la même voie d’abord ou par une incision horizontale sous-axillaire indépendante.




Symétrisation


Le sein controlatéral peut être symétrisé par la même technique dans le même temps opératoire (figure 5.9) ou dans un second temps en cas de doute. On s’aidera du poids de la résection du sein traité pour adapter celle du sein opposé.





Variante : technique de Thorek


En cas de gigantomastie, la remontée de la plaque aréolomamelonnaire de 15 cm ou plus sur le lambeau porte-mamelon peut être difficile à réaliser. La vascularisation de la plaque aréolo-mamelonnaire est alors plus aléatoire, avec un risque de souffrance voire de nécrose d’une partie ou de la totalité de l’aréole et du mamelon. Dans ce cas, on peut réaliser une « ablation » de la plaque aréolo-mamelonnaire (figure 5.12a) comme une greffe de peau mince (quelques millimètres) et la reposer en greffe sur une zone receveuse désépidermisée après résection en « T » inversé de la glande des quadrants inférieurs (figure 5.12b).



Après repositionnement de l’aréole sur la zone désépidermisée, une suture en périphérie est réalisée; quelques microincisions sont pratiquées dans la greffe afin d’évacuer des sécrétions et améliorer le contact du derme et de la greffe. Un pansement compressif est positionné (bourdonnet), afin de favoriser le contact greffe-zone désépidermisée (figure 5.12c).


Cette intervention est dénommée « technique de Thorek ». Elle est montrée en figure 5.13. Les résultats sont présentés sur les photographies de la figure 5.14.





image Technique verticale pure à pédicule supérieur


Cette intervention dérive de la précédente, seuls les triangles cutanés n’étant pas effectués.




Début de l’intervention


L’incision suivant le dessin préétabli, très légère, évite de traverser le derme, afin de ne pas couper la vascularisation dermique du pédicule porte-mamelon supérieur « abcde ». Cette zone est désépidermisée, en excluant la plaque aréolo-mamelonnaire d’environ 4 cm à 5 cm de diamètre, qui sera ascensionnée et vascularisée sur les vaisseaux dermiques de la zone « bcd » après section des segments « ab » et « de » jusqu’à « z ».


Puis on va lever le pédicule porte-mamelon, d’environ 5 cm à 6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres, de la même manière que pour le « T » inversé. La hauteur de la transposition de l’aréole « 0c » ne doit pas être supérieure à deux fois la largeur « bd » du lambeau porte-mamelon.


On incise « zab » et « zed », puis la glande mammaire est décollée en sous-cutané en dessous des points « a » et « e » et, latéralement, jusqu’à la partie interne et la partie externe du massif glandulaire.


On décolle ensuite la glande mammaire du plan pectoral en coupant toutes les perforantes intercostales (figure 5.16).



On termine la section glandulaire en incisant verticalement les segments « ab » et « de », en remontant jusqu’en arrière de la plaque aréolo-mamelonnaire afin de faciliter la plicature du pédicule dermique porte-mamelon.


L’excédant glandulaire inférieur et latéral sera réséqué dans la même pièce opératoire que la résection centrale.


On garde bien en main cette résection glandulaire afin d’obtenir de larges marges en périphérie de la tumeur.


La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau, la tumeur sera réséquée avec la peau en regard.


Le curage, s’il est nécessaire, est effectué par une incision horizontale sous-axillaire indépendante.


En cas de tumeur légèrement interne, on pourra confectionner un petit lambeau glandulaire désépidermisé qui viendra combler par rotation la zone de tumorectomie large (figure 5.17).









PRISE EN CHARGE DES TUMEURS DES QUADRANTS EXTERNES


La prise en charge des tumeurs des quadrants externes concerne les tumeurs situées entre le rayon de 8 h et 10 h à droite et de 2 h à 4 h à gauche.


Les tumeurs externes sont les plus fréquentes et la forte concentration glandulaire dans cette zone permet des résections larges avec un remodelage souvent facile. On connaît pourtant les déformations occasionnées par de larges tumorectomies effectuées par cicatrice radiaire externe sans repositionnement de l’aréole. En effet, si le volume réséqué est important (supérieur à 80 à 100 g), le sein et en particulier l’aréole seront attirés en dehors.





image Technique externe




Début de l’intervention


L’incision suivant le dessin préétabli est très légère, évitant de traverser le derme, afin de ne pas couper la vascularisation dermique du pédicule porte-mamelon supérieur « abcde ». Cette zone est désépidermisée, en excluant la plaque aréolo-mamelonnaire, d’environ 4 cm à 5 cm de diamètre, qui sera déplacée en haut et en dehors. Elle reste vascularisée sur les vaisseaux dermiques de la zone « bcd » après section des segments « ab » et « de » (figure 5.28).



Puis on va lever le pédicule porte-mamelon d’environ 5 cm à 6 cm de large sur une épaisseur de quelques millimètres. La hauteur de la transposition est généralement beaucoup plus courte dans cette technique, avec peu de risque vasculaire.


On incise « zab » et « zed », puis la section glandulaire, en incisant verticalement les segments « abz » et « dez », remonte jusqu’en arrière de la plaque aréolo-mamelonnaire afin de faciliter la plicature du pédicule dermique porte-mamelon si nécessaire (figure 5.28).


On décolle la glande mammaire du plan pectoral en coupant certaines perforantes intercostales.


On garde bien en main cette résection glandulaire afin d’obtenir de larges marges en périphérie de la tumeur.


La pièce opératoire est orientée dans les trois dimensions et elle est pesée. Même si la tumeur est proche de la peau, la tumeur sera réséquée avec la peau en regard.


Le curage, s’il est nécessaire, est effectué par la même incision ou, parfois, par une incision horizontale sous-axillaire indépendante.



May 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Oncoplastie »

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