Marges d’exérèse et recommandations

12 Marges d’exérèse et recommandations






Principes généraux




Marges de tissu sain


Les marges de tissu sain sont excisées tout autour de la tumeur latéralement et en profondeur pour éviter tout risque de tumeur résiduelle en cas d’invasion infraclinique pour les tumeurs à croissance de proche en proche voire de micrométastases pour les tumeurs à potentiel métastatique. Elles sont le plus souvent standardisées et réalisées « à l’aveugle » ou sont faites sur mesure grâce aux chirurgies micrographiques lorsque le risque d’invasion infraclinique est trop imprévisible.






Marges cliniques et contrôle histologique des berges péritumorales


Il faut bien différencier la marge clinique de tissu sain « probabiliste » en rapport avec un pourcentage de chance d’assurer l’exérèse tumorale complète et la marge histologique réelle parfois mesurée par l’anatomopathologiste entre la tumeur et la périphérie de la pièce opératoire qui a été fixée. Cette dernière doit être interprétée avec prudence. En effet, la rétraction cutanée de la pièce opératoire dans le formol, qui peut varier d’un endroit à l’autre du tégument, apporte d’une part un biais dans l’estimation en mm qui ne correspond plus aux mm de peau saine clinique. D’autre part, rappelons que l’objectif de la réalisation des marges standardisées de tissu sain « à l’aveugle » est d’obtenir l’exérèse de la tumeur dans son intégralité et/ou de micrométastases et qu’il ne s’agit pas de réaliser à tout prix des marges de tissu sain de tant de mm au contrôle histologique. L’appréciation de la marge histologique doit tenir compte du risque d’invasion infraclinique, mais aussi du type de macroscopie réalisée pour l’analyse anatomopathologique : contrôle de routine sur quelques coupes au hasard ou de toutes les berges péritumorales dans le cadre d’une chirurgie micrographique (cf. ci-dessous).


Enfin, la réalisation de marge « de sécurité » ne dispense pas d’une lecture attentive du compte rendu histologique de l’analyse de la pièce opératoire pour s’assurer qu’il n’existe pas de risque de tumeur résiduelle. En effet, en cas de tumeur très agressive, une marge histologique trop faible peut conduire à une reprise pour élargir les marges.



Contrôle histologique de la pièce opératoire


La pièce opératoire doit être orientée pour préciser la localisation d’une éventuelle exérèse incomplète. Les comptes rendus histologiques sont de plus en plus standardisés pour faciliter la classification pronostique de la tumeur qui conditionne la prise en charge chirurgicale.




Macroscopie de l’analyse anatomopathologique



Contrôle histologique standard

Dans la routine, seule une faible partie des berges péritumorales est examinée par des coupes verticales faites au hasard : en « pain de mie » (Figure 12.3) et/ou en croix (Figure 12.4), voire en rayon de roue selon la taille, la forme de la tumeur et les habitudes. En cas de tumeur à très faible risque d’invasion infraclinique, le passage des berges en tissu sain peut être suffisant, même si la distance entre la tumeur et les berges périphériques est faible. Ce n’est pas le cas des tumeurs à risque élevé d’invasion infraclinique pour lesquelles une très faible marge histologique peut exposer à un risque de coulée tumorale non visualisée car située entre deux coupes verticales au hasard (Figure 12.5). Les coupes sériées examinées ne contrôlent qu’une faible partie des berges péritumorales.






Chirurgies micrographiques

Les techniques de chirurgie micrographique consistent à associer une exérèse chirurgicale à un contrôle histologique « 3D » (trois dimensions) de toutes les berges péritumorales pouvant être envahies par la tumeur. Le prélèvement du tissu péritumoral peut se faire d’un seul tenant, directement sur le patient tel que l’a décrit F. Mohs. « La galette » ainsi prélevée sera immédiatement cryocongelée, c’est la CM de Mohs avec cryocongélation et lecture immédiate. La « galette » peut également être incluse en paraffine avec lecture différée, c’est la CMM avec inclusion en paraffine ou Slow-Mohs (ou Modified or permanent-tissue Mohs Micrographic Surgery des Anglo-Saxons). Des variantes à la CMM sont actuellement proposées. Le tissu péritumoral peut être prélevé en plusieurs fragments (berges latérales périphériques puis plan profond) ou la découpe macroscopique peut être pratiquée ex vivo avec inclusion en paraffine et lecture différée. Ce sont entre autres les techniques de CM décrites par l’équipe de Breuninger [3]. Pour les tumeurs in situ et donc strictement épidermiques, seules seront contrôlées les berges épidermiques : ce sont les CM « en collerette » et la technique du « spaghetti ». Lorsque la totalité des berges est ainsi contrôlée histologiquement de façon immédiate ou différée, le seul critère pris en compte est l’absence de tumeur sur les berges péritumorales. En cas de doute sur un possible résidu tumoral, une recoupe de sécurité peut être envisagée.



Carcinome basocellulaire


Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers cutanés et des cancers chez les Caucasiens (en France 15 à 20 % des cancers). Ces tumeurs sont pour la majorité de bon pronostic, leur malignité est essentiellement locale.


Des recommandations pour la pratique clinique ont été publiées par l’Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) en 2004 [4]. Une classification clinique et histologique simplifiée y est présentée et permet de définir le pronostic de chaque tumeur dont dépend l’arbre de décision thérapeutique. La chirurgie est le traitement de premier choix, mais les modalités de cette chirurgie doivent être adaptées au pronostic. L’exérèse doit être avant tout carcinologique. Pour cela, des marges de tissu sain sont proposées en fonction des facteurs pronostiques.




Classification pronostique clinicohistologique


Plusieurs critères sont pris en compte pour l’évaluation du pronostic : le risque de récidive (critère objectif) pondéré par l’évaluation du risque d’envahissement local et de la difficulté de prise en charge thérapeutique en cas de récidive (accord professionnel). Trois groupes pronostiques sont proposés en fonction de facteurs cliniques et histologiques. Ils sont présentés dans le Tableau 12.1.


Tableau 12.1 Classification pronostique clinicohistologique des carcinomes basocellulaires (CBC)











Groupe de bon pronostic Groupe de pronostic intermédiaire Groupe de mauvais pronostic






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