mammaire par lambeau abdominal pédiculé

Chapitre 9 Reconstruction mammaire par lambeau abdominal pédiculé



Décrit initialement en 1982 par Hartrampf [54], le lambeau de muscle droit de l’abdomen, ou Transverse Rectus Abdominal Musculocutaneous flap (TRAM), est un lambeau musculocutané utilisant la peau et la graisse sous-ombilicale. L’avantage de cette technique est dû à l’utilisation le plus souvent d’un volume graisseux important qui permet de ne pas utiliser de prothèse mammaire. Le sein est donc uniquement reconstruit avec un tissu autologue, souple, modelable et qui permet de mimer au mieux le sein controlatéral. Cet avantage est essentiel sur le long terme, car le volume reconstruit suit le vieillissement du sein opposé en termes de ptose, de taille et de consistance. Il s’adapte particulièrement à la reconstruction des seins à base large, volumineux et ptosés, souvent très difficiles à reconstruire par d’autres méthodes utilisant des implants mammaires.


De nombreuses femmes à l’âge du cancer sein, ayant pris du poids, présentent un excès cutanéograisseux sous-ombilical et une forme de sein volumineuse à base large avec éventuellement une peau thoracique très tendue en raison de la chirurgie, parfois de mauvaise qualité en rapport avec la radiothérapie souvent nécessaire.


Le lambeau de TRAM s’adapte particulièrement à ce type de patiente, mais ces indications peuvent être étendues au fur et à mesure de l’expérience de l’opérateur et chez les patientes réticentes à l’idée de l’introduction d’un corps étranger ou à la suite d’un échec de reconstruction par prothèse.


Ce lambeau reste sous-utilisé en raison du risque de complications parfois difficiles à gérer :en particulier, les risques d’éventration et les risques de nécroses partielles (fréquentes), voire totales du lambeau (rares).


Le but est donc de limiter au maximum ces complications par une technique de prélèvement parfaite et de gérer au mieux les complications.


L’alternative idéale est bien sûr le lambeau de DIEP (cf. chapitre 11), mais le nombre d’interventions de ce type reste limité en France à quelques services pointus qui permettent la réalisation de ces actes souvent longs (parfois à deux équipes), la surveillance rapprochée des suites opératoires par un personnel nombreux et compétent et les possibilités de reprises chirurgicales urgentes (jour et nuit) pour sauvetage du lambeau et réfection des anastomoses microchirurgicales, ceci n’étant pas toujours possible dans des structures orientées vers le traitement en grand nombre de cancers du sein.


Des alternatives ont été proposées par certains auteurs comme l’adjonction d’un geste microchirurgical pour les lambeaux pédiculés. Ceci afin d’améliorer la perfusion du lambeau par une anastomose microchirurgicale (avec une veine ou une artère et une veine).


Mais ces techniques qui nécessitent un temps microchirurgical long (« TRAM turbo » ou « super charge ») n’ont pas démontré leur efficacité et on leur préfèrera une intervention uniquement macrochirurgicale (lambeaux libres avec patch musculaire, DIEP, etc.) qui ne présente pas les inconvénients pariétaux des TRAM monopédiculés et surtout utilisent le pédicule épigastrique inférieur comme principale perfusion qui est de loin plus important en terme de débit.




image TECHNIQUE CHIRURGICALE


Pour la réalisation de ce lambeau, nous utilisons un lambeau à pédicule supérieur unique, en général controlatéral au sein reconstruit (figure 9.1). Certains utilisent un lambeau homolatéral, ce qui nous semble réalisable mais moins indiqué en raison de la plus forte plicature du pédicule musculaire et donc d’un risque de souffrance majoré du lambeau. L’autre raison pour l’utilisation du muscle controlatéral est la meilleure préservation du sillon sous-mammaire (SSM) du sein car le muscle peut passer au niveau du quadrant inféro-interne du sein opposé et traverser la ligne médiane plus haut en dedans, en évitant ainsi de déformer le sillon sous-mammaire au niveau du quadrant inféro-interne.



Dans certains cas, on utilisera un lambeau bipédiculé afin d’augmenter le volume du sein reconstruit et sa fiabilité, mais au prix d’une plus grande fragilisation de la paroi abdominale (voir chapitre 9.II). On pourra également pratiquer des lambeaux avec anastomose microchirurgicale, utilisant le pédicule épigastrique inférieur prédominant : TRAM libre (avec prélèvement d’un « patch » musculaire) ou DIEP sans prélèvement musculaire, qui sont décrits plus loin. L’avantage musculaire de ces techniques microchirurgicales reste contrebalancé par les problèmes de reprises chirurgicales urgentes liées à un défaut de perméabilité des sutures microchirurgicales et du risque de nécrose totale du lambeau. Le bénéfice sur la paroi n’est pas aussi optimal qu’on le souhaiterait (voir chapitre 1.1).




Dessins préopératoires


Les dessins préopératoires sont essentiels à la bonne réalisation de l’intervention. Ils sont pratiqués sur une patiente déshabillée, réveillée et avec un feutre indélébile. Ils doivent être réalisés la veille ou le matin de l’intervention sur une patiente debout, puis couchée afin de ne pas sous-estimer les tensions et de positionner au mieux les cicatrices abdominales et celles du sein reconstruit.




Au niveau abdominal


On trace d’abord la limite inférieure du prélèvement dans le pli naturel sus-pubien – éventuellement sur la cicatrice horizontale, si elle existe –, puis le tracé supérieur passant 1 cm à 2 cm au-dessus de l’ombilic qui emmènera donc les perforantes para-ombilicales. Latéralement, les deux cicatrices se rejoignent suffisamment loin pour éviter une oreille externe sur les épines iliaques (figure 9.3).



On vérifiera en position allongée que la fermeture est possible sans trop de tension; sinon, il faudra modifier le tracé en remontant la cicatrice inférieure (figure 9.4).



Au niveau du lambeau, on trace les différentes zones de perfusions du lambeau, de I à IV en allant de la meilleure à la moins bonne. Initialement décrite avec une zone I sur le muscle, deux zones II de chaque côté puis deux zones III et enfin une zone IV la plus externe et opposée au muscle prélevé (figure 9.5a), cette répartition évolue progressivement vers une plus grande perfusion du côté du muscle prélevé, avec une zone I en regard du muscle et la meilleure perfusion côté homolatéral; le côté opposé est mal perfusé, surtout la partie la plus externe et la zone para-ombilicale (zone IVbis); c’est pourquoi ces zones seront systématiquement réséquées.



Seule la zone la plus proche de la ligne médiane bénéficie d’une relativement bonne perfusion (figure 9.5b).




Temps opératoires



Au niveau thoracique


Dans le cas d’une reconstruction mammaire différée, on commence par exciser la cicatrice de mastectomie (figure 9.6). Cette cicatrice est envoyée en anatomopathologie afin de détecter une récidive pariétale (figure 9.7). La peau est ensuite décollée vers le haut dans le plan prémusculaire jusqu’au tracé. Puis, le décollement sous-cutané est poursuivi vers le bas jusqu’au futur sillon sous-mammaire. La hauteur est déterminée par rapport au niveau du sillon controlatéral en restant 1 cm à 3 cm plus haut jusqu’au réglage final. La peau inférieure est excisée en fonction des besoins et de ses qualités trophiques. Elle sera remplacée par celle du lambeau (figure 9.8).





L’intervention peut être réalisée à deux équipes. Dans le cas d’une reconstruction mammaire immédiate, on réalise une mastectomie de type Patey ou, si possible, une mastectomie avec conservation de l’étui cutané. Dans ce cas, l’incision est dessinée autour de l’aréole puis est radiaire externe avec un prolongement externe suivant le sillon sous-mammaire et se dirigeant vers le creux axillaire, permettant un prélèvement axillaire s’il est nécessaire (figure 9.9a).



En cas de ptose ou de sein trop volumineux, de multiples solutions sont envisageables afin de réduire la taille de l’étui cutané : soit comme dans les oncoplasties par technique externe en réséquant une partie de l’excédent cutané à l’union des quadrants externes (figure 9.9b), en repositionnant la future aréole plus haute et en dedans, soit par technique en « T » inversé, afin de réduire la base du sein reconstruit si cela est nécessaire (figure 9.9c). Sinon, on pourra utiliser une incision biconcave de mammectomie traditionnelle (figure 9.9d), surtout en cas de séquelles radiques ou de tabagisme important en raison du risque de souffrance de l’étui cutané.



Au niveau abdominal


L’opérateur se place à droite de la patiente pour le temps de décollement abdominal. Le prélèvement du muscle droit de l’abdomen controlatéral est le plus souvent préféré.




Incision de la berge inférieure


L’incision de la berge inférieure ne sera réalisée qu’après avoir vérifié que la laxité de la paroi cutanée permet une fermeture aisée en position demi-assise (figure 9.13). On décollera très peu en dessous de cette incision, uniquement afin de préparer et de faciliter la fermeture cutanée. Les deux extrémités seront bien dégraissées afin d’éviter la création d’« oreilles » externes disgracieuses.






Libération de l’ombilic


L’ombilic sera libéré au ciseau ou au bistouri en ne le conservant pas trop petit pour éviter sa rétraction lors de la suture (figure 9.18a). Sa libération se fera jusqu’à l’aponévrose, en évitant de le dévasculariser en passant trop prés (figure 9.18b). L’ombilic est mis sur un fil long en traction afin de faciliter sa mobilisation (figure 9.19), les perforantes internes doivent être respectées.






Incision de l’aponévrose le long du bord externe du muscle


Cette incision reste très superficielle et à distance de la ligne des perforantes (figure 9.23). Cette incision démarre quelques centimètres au-dessus de la cicatrice cutanée inférieure; elle se prolonge tout le long des perforantes en sous-ombilical et le long du bord externe du muscle droit de l’abdomen. Elle se termine au niveau de la dernière côte et remonte au-dessus vers l’extérieur (figure 9.24). Elle pourra être pratiquée soit au bistouri électrique faible, soit au bistouri froid, soit aux ciseaux fins.





May 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on mammaire par lambeau abdominal pédiculé

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