Luxation de Hanche sans Fracture au Cours D’activités Sportives

8. Luxation de Hanche sans Fracture au Cours D’activités Sportives

Y. Catonné*, A. Meyer*, E. Sariali* and G. Biette*



La luxation traumatique de hanche est rarement isolée : dans la grande majorité des cas, elle survient en association avec une fracture du cotyle ou de la tête fémorale.

Le plus souvent, cette lésion est secondaire à un traumatisme à haute énergie (accident de la voie publique), en règle générale dans le cadre d’un polytraumatisme. Beaucoup plus rarement, elle est la conséquence d’un accident sportif presque toujours consécutif à un traumatisme violent (compétition automobile, moto, parachute, ski).

La luxation récidivante de hanche est exceptionnelle et un nombre limité de cas a été décrit dans la littérature. Bien que l’accident initial soit très rarement secondaire à un accident sportif, les récidives peuvent être liées à la pratique du sport.


LUXATION ISOLÉE DE HANCHE


Anatomopathologie et classifications

L’intégrité ou la rupture du ligament iliofémoral permet de différencier les luxations irrégulières dans lesquelles ce ligament est rompu des luxations régulières caractérisées par son intégrité. Dans ces dernières, Bigelow a décrit dès 1882 quatre types en fonction du siège de la luxation : les luxations postérieures sont les plus fréquentes : on différencie la luxation iliaque (50 % de l’ensemble des luxations régulières), et ischiatique (25 %).

Les luxations antérieures (25 %) comportent la localisation pubienne (10 %) et obturatrice (15 %). En fait, il semble que le pourcentage de luxation postérieure soit plus important que celui proposé par Bigelow : le chiffre de 90 % est cité par différents auteurs. Les luxations antérieures ne représenteraient donc que 10 % de l’ensemble des luxations. Parmi ces luxations antérieures, 90 % seraient obturatrices, la luxation pubienne étant très rare.

De nombreuses classifications ont été décrites en fonction surtout des associations lésionnelles : fracture du cotyle ou de la tête fémorale.


La fracture de la tête fémorale a donné lieu à diverses classifications (Pipkin, Yoon, Lafosse et Chiron) sur lesquelles nous n’insisterons pas, notre propos étant limité aux luxations isolées.


Lésions associées

Elles dépendent du mécanisme et de la violence du traumatisme initial.

Les fractures du cotyle sont surtout associées aux luxations postérieures.

Les fractures de la tête fémorale surviendraient dans 9 % des luxations postérieures et dans plus de 50 % des luxations antérieures.

Les lésions associées aux luxations traumatiques de hanche peuvent être multiples :


– parmi les lésions des parties molles, les lésions capsulaires sont constantes : elles peuvent entraîner une irréductibilité par effet boutonnière [2] ou interposition du muscle piriforme. Les lésions musculaires peuvent exposer à la formation d’hématomes ;


– les lésions cartilagineuses de la tête fémorale sont fréquentes. Pour Tehranzadeh qui a pratiqué une tomodensitométrie systématique, elles seraient présentes dans 63 % des cas et souvent non visibles sur les clichés standards. Leur siège est antérieur dans les luxations postérieures. L’existence d’un corps étranger intra-articulaire serait très fréquente, ce qui justifierait pour certains une arthroscopie systématique après réduction, la tomodensitométrie pouvant facilement ne pas les mettre en évidence ;


– les lésions vasculaires, artérielles ou veineuses peuvent être à l’origine de volumineux hématomes. Une lésion des vaisseaux circonflexes peut entraîner une nécrose de la tête fémorale ;


– les lésions nerveuses concernent essentiellement le nerf sciatique (7 à 18 % des luxations postérieures) soit au niveau de son tronc, soit plus souvent au niveau de ses racines. Il s’agit, en règle générale, d’une compression ou d’une contusion, la rupture vraie étant exceptionnelle ;


– l’atteinte du genou homolatéral est fréquente et il convient de l’examiner de façon systématique : l’IRM révélerait des anomalies dans 93 % des cas. La fréquence des ruptures du LCP (ligament croisé postérieur) serait de 20 % et celle des lésions méniscales de 22 % [3] ;


– les lésions associées à distance sont en rapport avec le polytraumatisme initial : fracture du rachis, traumatisme crânien, thoracique ou abdominal.


Terrain

Chez l’enfant, la luxation traumatique isolée de hanche n’est pas exceptionnelle. Vialle [24] en a rapporté 35 cas dont 29 n’étaient pas associés à une fracture du cotyle ou de la tête fémorale. La souplesse des structures péri-articulaires chez l’enfant expliquerait cette absence de fracture, à la différence de ce que l’on retrouve chez l’adulte.

La luxation peut survenir après certains traumatismes peu violents à l’occasion de jeux ou de sports.

Chez l’adulte, la prédominance masculine est nette avec un pic de fréquence entre 30 et 40 ans. L’atteinte de la hanche gauche serait deux fois plus fréquente que la droite.


Mécanisme et circonstances de survenue

La quantité d’énergie nécessaire pour luxer une hanche paraît augmenter avec l’âge : chez l’enfant un traumatisme à énergie réduite peut entraîner une luxation isolée. Chez l’adulte, il s’agit pratiquement toujours d’un accident violent.

Pour Dreinhofer [5], à propos d’une série de 50 luxations isolées de hanche, les circonstances de survenue étaient les suivantes :


– accident de voiture : 62 %;


– accident en deux roues : 9 %;


– accident piéton : 13 %;


– accident de travail : 13 %;


– accident de sport : 3 %.

Les accidents de la voie publique à haute énergie représentent donc la circonstance de survenue de loin la plus fréquente (84 % dans cette série).

Il faut noter que l’étiologie représentée par la chute d’un lieu élevé (défenestration) est absente de cette série alors qu’elle est retrouvée dans d’autres.

Les accidents au cours de la pratique sportive sont une cause rare de luxation isolée de hanche. Bien entendu, il peut s’agir d’accidents survenant au cours de compétition automobile ou moto, ce qui nous ramène au cas des accidents de la voie publique. D’autres sports ont été décrits à l’origine d’une luxation de hanche, en particulier le ski (2 cas pour Dreinhofer [5]).

Dans notre expérience passée, nous avons observé 4 luxations pures de hanche secondaires à des accidents sportifs : 2 cas au cours de la pratique du ski nautique, dont l’un au cours d’une compétition (luxation antérieure), 1 cas secondaire à une compétition automobile, et 1 cas à la réception d’un saut en parachute.

Le mécanisme de la luxation traumatique de hanche est variable :


– le plus souvent la luxation postérieure, de loin la plus fréquente, survient après impact sur la face antérieure d’un genou fléchi alors que la hanche est en flexion – adduction et rotation interne : c’est le classique syndrome du tableau de bord. En cas de violent impact antérieur, le fémur est projeté en arrière et entraîne une luxation de hanche isolée ou associée à une fracture du cotyle ou une fracture isolée de l’acétabulum ;


– pour Upadhyay [6], le degré de rotation interne et l’importance de l’antéversion fémorale jouent un rôle important sur la survenue ou non d’une fracture associée du cotyle : la luxation sera plus volontiers isolée si la rotation interne est faible ou si l’antéversion est importante ;


– la luxation antérieure, beaucoup plus rare, survient également après un traumatisme violent par un mécanisme en rotation externe : le point d’impact est situé à la face interne du genou fléchi, la hanche étant en flexion – abduction – rotation externe. L’une de nos deux observations colligées après accident de ski nautique peut être attribuée à un mécanisme similaire : l’impaction s’est faite à forte vitesse sur la face interne du pied et du ski, entraînant une rotation externe forcée brutale de hanche, celle-ci étant en flexion, à l’origine d’une luxation antérieure isolée de cette hanche.

Des cas de luxation bilatérale ont été décrits : le plus souvent luxation postérieure par syndrome du tableau de bord bilatéral, parfois luxation postérieure d’un côté et antérieure de l’autre, exceptionnellement luxation antérieure bilatérale après chute en grand écart alors que les hanches sont en rotation externe.


Traitement

Le traitement de la luxation traumatique isolée de hanche est orthopédique et consiste en une réduction sous anesthésie générale. Celle-ci doit être réalisée en urgence après bilan radiologique.

Cette réduction peut être difficile surtout chez un sujet musclé et nécessite une anesthésie générale avec curarisation chez un patient stable au plan hémodynamique. Il est capital de ne pas entraîner une fracture, en particulier du col fémoral, au cours des manœuvres de réduction.

La manœuvre varie selon le type anatomique de la luxation. D’une façon générale elle doit, dans un premier temps, exagérer modérément la déformation puis tracter pour ramener la tête à hauteur du cotyle et enfin réduire en rotation externe pour les luxations postérieures, en rotation interne pour les luxations antérieures.

Pour les luxations postérieures, la manœuvre décrite par Böelher est souvent pratiquée : patient sur plan dur avec contre-appui sur les épines iliaques antérieures, puis traction verticale dans l’axe du fémur, la hanche et le genou étant en flexion à 90°, et rotation externe finale ramenant la tête dans l’acétabulum. Après avoir ressenti le ressaut lié à la réduction, on vérifie la mobilité articulaire, la longueur des membres inférieurs et la stabilité de la hanche. Un contrôle radiologique est indispensable.

La réduction chirurgicale est réservée aux rares cas d’irréductibilité. Celle-ci peut être secondaire à certaines lésions capsulaires ou labrales. La réduction doit être alors complétée par une suture ou une réinsertion de la capsule et du labrum. Chez l’enfant, l’irréductibilité est relativement fréquente. Vialle [4] en a trouvé 9 cas sur un total de 35 luxations.

Les suites après réduction orthopédiques ou chirurgicales ne sont pas consensuelles :


– généralement une mise en traction puis une décharge prolongée était préconisée : une traction trans-tibiale de l’ordre de 3 semaines était suivie d’une longue période de mise en décharge de 6 à 8 semaines. Cette attitude était destinée à diminuer le risque de nécrose céphalique allégeant la pression intraarticulaire dans les semaines suivant la réduction ;


– aucun argument scientifique ne permet actuellement de justifier cette attitude de façon systématique et les suites d’une réduction orthopédique sont variables selon les équipes. Nous avons abandonné la traction systématique et un appui précoce d’abord soulagé puis total à 15 jours est habituellement recommandé. Par contre, il convient d’éviter tout mouvement de rotation interne dans les luxations postérieures et de rotation externe dans les luxations antérieures pendant la période de cicatrisation capsulaire (environ 3 semaines).


Évolution et complications

L’évolution d’une luxation isolée de hanche est très souvent favorable : 85 à 100 % des cas selon les publications [1, 7].

On doit cependant redouter deux complications essentielles : la nécrose de la tête fémorale et la coxarthrose.

La fréquence de la nécrose céphalique est diversement appréciée, de même que l’influence de la précocité de la réduction et des modalités des suites post-réductionnelles sur son taux de survenue.

La fréquence de survenue des nécroses serait inférieure à 10 % chez l’enfant [8] et à 30 % chez l’adulte [9], mais ces chiffres concernent en majorité des luxations associées à une fracture du cotyle ou de la tête fémorale. Le taux de nécrose au cours des luxations isolées est certainement inférieur.

Cette nécrose survient en règle générale dans les 2 premières années suivant la luxation.

La radiographie standard et l’IRM permettent de préciser son étendue et de poser les indications thérapeutiques.

La rapidité de la réduction serait pour certains un facteur déterminant dans la survenue ou non d’une nécrose. Pour Hooggard [10], le délai de réduction est idéalement inférieur à 6 heures. Au-delà, il observe 47 % de nécrose contre 15 % avant ce délai. Ceci n’a pas été confirmé par tous les auteurs mais cependant chacun s’accorde à reconnaître l’intérêt d’une réduction précoce. Il est probable que la survenue d’une nécrose dépende surtout de l’intégrité des vaisseaux circonflexes lors du traumatisme initial et que le pronostic de vitalité de la tête fémorale est déterminé dès le départ.

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May 18, 2017 | Posted by in Uncategorized | Comments Off on Luxation de Hanche sans Fracture au Cours D’activités Sportives

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