7. Les phobies spécifiques
Les phobies spécifiques sont en général des phobies d’animaux, dont nous présenterons un cas, et des phobies du sang et des blessures. On peut aussi y ajouter les phobies d’environnements naturels telles les phobies de l’orage, des hauteurs (acrophobie) ou de l’eau, et les phobies de situation d’où il est difficile de s’échapper telle la phobie des lieux fermés (claustrophobie isolée) ou la phobie de conduite isolée (American Psychiatric Association, 1996).
Toute autre situation peut, de banale, devenir phobogène après une expérience traumatique. Ainsi, j’ai pu voir une fois une phobie des poupées chez un homme adulte et une phobie des explosions de pétards chez un jeune homme que son père avait obligé, étant enfant, à assister de trop près à un feu d’artifice le jour du 14 juillet.
Techniques de base : les méthodes d’exposition aux situations anxiogènes
Mise au point par Wolpe (1975) puis Marks (1981), l’approche comportementale des phobies propose une psychothérapie, structurée, à court terme, destinée à modifier l’angoisse, le comportement phobique d’évitement et les pensées catastrophiques qui y sont rattachées. Plusieurs techniques ont été décrites et différents principes invoqués. Actuellement, les résultats des recherches sont convergents. Le principe d’exposition in vivo aux situations anxiogènes, qui vise à l’habituation des réponses émotionnelles et à l’extinction des comportements d’évitement, est l’élément actif de toutes les techniques décrites dans la littérature. La première en date de toutes ces techniques a été la désensibilisation systématique. Cependant, le consensus actuel est que le traitement des troubles anxieux repose sur l’exposition in vivo et ses nombreuses variantes et combinaisons (Barlow, 2002). Le tableau 7.1 rappelle les principales variantes des techniques d’exposition.
Exposition : technique 1. Désensibilisation systématique | |
1. | Construire une « hiérarchie » = thermomètre de la peur de 0-100 en commençant par le haut |
2. | Le sujet relaxé : présentation hiérarchisée de stimuli |
3. | Imaginaires de plus en plus intenses mais brefs (10 s) |
4. | Le patient peut bloquer une scène trop anxiogène |
5. | On repart alors en arrière |
6. | Il est invité à affronter dans la réalité les situations désensibilisées : celles qu’il accepte dans la séance |
7. | Tâches réévaluées à la séance suivante et reprise de la désensibilisation jusqu’à complétion |
Exposition : technique 2. Désensibilisation in vivo (en réalité) | |
Le sujet est relaxé | |
Puis il affronte par étapes la situation redoutée en réalité | |
Exposition : technique 3. Exposition graduée in vivo (en réalité) | |
Le sujet qui n’est pas relaxé affronte par étapes la situation en réalité selon des tâches définies avec le thérapeute | |
Exposition : technique 4. Modeling de participation | |
Le thérapeute précède le sujet dans la situation réelle, lui sert de modèle, puis le guide et le renforce | |
Cette technique est de moins en moins utilisée car elle crée la dépendance (le thérapeute peut devenir un simple objet contraphobique qui freine l’autonomie du patient) | |
Elle est à réserver à des cas graves et permet de débuter un traitement difficile | |
Exposition technique 5. Exposition en imagination : flooding en imagination | |
Confrontation en imagination à la situation anxiogène au niveau maximal d’intensité jusqu’à ce que l’angoisse s’éteigne au moins de 50 % sur l’échelle de 0-8 : trois quarts d’heure environ | |
Répéter les séances avec le thérapeute ou à domicile jusqu’à atteindre le zéro ou presque | |
Exposition : technique 6. Exposition in vivo : flooding in vivo | |
Affrontement en réalité de la situation anxiogène au niveau maximal d’intensité jusqu’à ce que l’angoisse s’éteigne d’au moins 50 % sur l’échelle de 0-8 : trois quarts d’heure environ | |
Répéter les tâches jusqu’à atteindre le zéro ou presque | |
Exposition : technique 7. Exposition graduée et prolongée sous relaxation en imagination puis en réalité (in vivo) | |
1. | Construire un thermomètre de la peur : 0-100 en commençant par la situation la plus anxiogène |
2. | Relaxation cinq minutes sur un fauteuil |
3. | Confrontation graduée et prolongée en imagination |
4. | Un item ou plus par séance de trois quarts d’heure selon la rapidité de l’habituation |
5. | On n’arrête l’exposition en imagination que si le sujet a perdu au moins 50 % de l’anxiété sur une échelle de 0-8 |
6. | Tâches prescrites en accord avec le patient au niveau réalisé dans la séance en imagination. Les tâches sont prescrites par écrit : fiche test comportemental d’évitement – quatre situations |
7. | Discussion de la réalisation des tâches à chaque séance à partir de la fiche. Stimuler le sentiment d’efficacité personnelle. Renforcer tout progrès accompli |
8. | Répéter les séances avec le thérapeute et à domicile jusqu’à atteindre entre zéro ou deux d’anxiété |
9. | Répéter les tâches dans la réalité jusqu’à atteindre le zéro ou presque |
Quelle que soit la méthode choisie, il existe quatre clés techniques qui permettent de réussir un traitement par exposition | |
1. | Savoir décomposer le problème : construire une hiérarchie ou un thermomètre de la peur |
2. | Savoir planifier et motiver à accomplir des tâches |
3. | Savoir renforcer positivement chaque progrès, même minime |
4. | Trouver des comportements agréables et motivants à accomplir en lieu et place de la phobie |
Désensibilisation systématique
Bien que cette technique ait été modifiée, car trop longue et inadaptée dans beaucoup de cas, en particulier l’agoraphobie avec attaques de panique, nous décrirons en détail la désensibilisation systématique telle qu’elle a été mise au point par Wolpe (1975). Elle représente en effet une technique de base, qui a une valeur pédagogique et qui est applicable à de nombreux problèmes où intervient l’anxiété, en particulier les dysfonctions sexuelles.
Après la phase d’analyse fonctionnelle, le sujet apprendra la relaxation.
Dans la procédure de Wolpe, c’est la relaxation de Jacobson qui est apprise, mais n’importe quel type de relaxation peut s’avérer efficace dans la mesure où elle obtient une réponse de relaxation au niveau des muscles, de la respiration et du cœur (ralentissement).
Nous nous servons d’une version abrégée de la méthode de Schultz, avec en plus une respiration abdominale issue du yoga. Nous faisons aussi se concentrer le sujet sur une image calme qui représente un endroit dans le passé, le présent ou l’avenir ou bien encore imaginaire. Il doit se sentir dans cet endroit en parfaite sécurité. Il est possible d’utiliser un contrôle de la relaxation par feedback musculaire, ou GSR feedback (mesure de la résistance cutanée). Cela permet de quantifier la relaxation et ensuite l’impact des images mentales, mais aussi peut aider à accroître la relaxation par un système de biofeedback sonore.
En général après trois ou quatre séances, à condition qu’il pratique aussi à domicile, le sujet arrive à un bon niveau de relaxation. Il est possible, s’il a du mal à se relaxer seul, de lui de lui enregistrer la séance avec le thérapeute. Des enregistrements standardisés peuvent également lui être proposés.
Une partie des séances initiales peut être consacrée à l’étude des stimuli qui déclenchent l’anxiété du sujet. Il faut se limiter à une ou plusieurs situations clairement définies qui sont des thèmes phobiques correspondant à des situations invalidantes pour le sujet : peur de sortir dans la rue ou bien peur d’être enfermé dans l’ascenseur par exemple.
Thérapeute et patient définissent une hiérarchie des stimuli anxiogènes : « une hiérarchie d’anxiété est une liste de stimuli centrés sur un même thème et rangés selon la quantité d’anxiété qu’ils provoquent » (Wolpe, 1975).
On utilise pour cette classification une échelle arbitraire de 0 à 100, qui permet de classer l’intensité de perturbation par des situations anxiogènes déterminées. Le sujet affecte 100 à la plus grande intensité d’anxiété qu’il peut attribuer à la situation, et 0 à ce qu’il peut ressentir lorsqu’il est particulièrement calme. Cette échelle de 0 à 100 permet de donner une note à chacun des stimuli et les classer par ordre croissant, en maintenant une distance égale entre chacun des stimuli. Elle permet par la suite une mesure continue des progrès réalisés en cours de désensibilisation.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

