11. Les dysfonctionnements sexuels féminins
S. Mimoun
– l’anorgasmie ;
– les troubles du désir ;
– les dyspareunies ;
– le vaginisme.
À côté de celles-ci, existent les plaintes plus masquées, non formulées, non dites, comme certaines douleurs pelviennes ou douleurs vulvaires chroniques (voir chapitre 10).
Parmi les causes de ces troubles, on connaît la part importante qui revient aux facteurs psychologiques et aux interrelations entre ces différents troubles : l’anorgasmie répétée favorise l’absence de désir, celle-ci peut entraîner un manque de lubrification vaginale, ce qui risque d’induire des dyspareunies. Quelquefois, ce sont des troubles masculins (troubles érectiles, éjaculation prématurée, absence d’éjaculation, etc.) qui sont à l’origine des anorgasmies.
Décrivons succinctement ces troubles.
Absence de désir
Ces femmes peuvent éventuellement avoir du plaisir si le contact sexuel a lieu, mais elles n’ont pas l’envie qui les mettrait en demande de rapport sexuel. Au début d’une nouvelle relation, il est classique de constater que certaines femmes ont un certain désir, mais elle n’ont pas d’orgasme. La répétition de cette anorgasmie entraîne un désintérêt sexuel et une baisse ou une absence de désir. Plus de 40 % des femmes interrogées dans l’étude sur le comportement sexuel des Français ACSF (Analyse des comportements sexuels en France, 1993) déclarent avoir, au moins de temps en temps, une absence ou une insuffisance de désir (8 % souvent, 33 % parfois).
Anorgasmie
L’anorgasmie est l’absence d’orgasme ; cela concerne 32 % (11 % souvent, 21 % parfois) des femmes interrogées dans l’étude ACSF. Parfois, il s’agit de dysorgasmie (difficultés à obtenir un orgasme).
La plupart de ces femmes ont malgré tout du plaisir, même s’il n’aboutit pas à l’orgasme. De nombreuses femmes, jeunes et moins jeunes, consultent car elles ne veulent plus se contenter d’un orgasme clitoridien, qu’elles considèrent comme n’étant pas le « vrai » orgasme. Il est important de souligner et de leur dire que plus de 80 % des femmes ont un orgasme déclenché par le clitoris, donc une femme qui est dans ce cas n’est pas une femme anorgasmique. Cela différencie ces femmes des patientes anaphrodisiques, plus rares, c’est-à-dire des femmes qui ne sentent aucun plaisir quand on les touche, voire qui ont une véritable répulsion du contact physique.
Troubles du désir
Dans les troubles de l’excitation sexuelle, on trouve une incapacité persistante ou périodique d’atteindre ou de maintenir une excitation sexuelle suffisante. Cela peut s’exprimer par un manque d’excitation subjective ou de lubrification vaginale, vulvaire ou d’autres réponses du corps (sensation de chaleur dans le bas-ventre par exemple).
À l’origine de ces troubles, on peut trouver des causes organiques, comme un diabète avec les facteurs vasculaires, une castration chirurgicale, une hyperprolactinémie, un relâchement des muscles périvaginaux, des séquelles de la chirurgie du périné.
Voyons tout d’abord les dyspareunies.
Dyspareunies
Il s’agit, nous l’avons dit, de rapports sexuels douloureux ou difficiles ; 24 % des femmes interrogées dans l’enquête précitée se sont plaintes de l’existence de dyspareunies (5 % souvent et 19 % parfois). On distingue habituellement la dyspareunie superficielle (douleurs à l’entrée du vagin) qui peut parfois empêcher la pénétration vaginale, et la dyspareunie profonde (douleurs au fond du vagin). On différencie les dyspareunies primaires (qui ont toujours existé) et secondaires (qui sont survenues après une période sans douleurs).
Les dyspareunies superficielles sont les troubles sexuels dont les causes organiques sont les plus fréquentes (infectieuses, allergiques, dermatologiques, cicatricielles après un accouchement ou une intervention chirurgicale, par déficience hormonale, comme après la ménopause, où l’atrophie des muqueuses vaginales et vulvaires rend la lubrification plus rare).
En cas de dyspareunies primaires, il est utile de rechercher sur le plan organique les rares malformations de la vulve, de l’hymen et du vagin. qui peuvent gêner ou empêcher la pénétration vaginale.
Les dyspareunies profondes, quant à elles, sont dues aux mêmes causes que les douleurs du bas-ventre (douleurs pelviennes, endométriose, infections, utérus rétroversé, kystes, complications de fibromes, etc.). Ces causes organiques doivent toujours être recherchées avec soin ; néanmoins, il ne faut pas oublier que la part des facteurs psychiques est toujours présente et parfois même prépondérante. Enfin, il est utile de noter que, parfois, la dyspareunie est liée, voire expliquée par une absence de lubrification vaginale, qui par elle-même entraîne une irritation donc une douleur. Cela souligne l’insatisfaction sexuelle, ou l’absence de désir.
Vaginisme
Il s’agit de la contraction réflexe, donc involontaire, des muscles périvaginaux qui enserrent la partie basse du vagin à chaque tentative de pénétration, la rendant ainsi impossible. Anatomiquement, les organes génitaux sont parfaitement normaux. Ce symptôme est la cause féminine la plus fréquente de « non-consommation de l’acte sexuel ». Cela concerne 12 à 17 % des femmes qui consultent pour une dysfonction sexuelle, selon les sexologues américaines Hyde et Delamater (1997).
Contrairement aux femmes qui se plaignent d’absence de désir, d’anorgasmie ou de dyspareunie, la femme vaginique apprécie le contact sexuel (tant qu’il n’y a pas de tentative de pénétration).
Il est fréquent que la demande de consultation n’ait lieu qu’après 10-12 ans (ou plus) de vie commune et le motif de la consultation est souvent la… « stérilité ». Comme si le symptôme sexuel lui-même n’était pas une gêne pour le couple qui s’adapte assez bien à cette situation.
Ici aussi, devant ce trouble, on distingue habituellement le vaginisme primaire (qui a toujours existé), ce qui est le cas le plus fréquent, et le vaginisme secondaire qui peut survenir après un traumatisme psychologique ou sexuel, ou même du fait de rapports répétitivement douloureux.
Au cours de l’examen clinique, on s’assurera qu’il s’agit bien d’un vaginisme (contraction des muscles qui entourent le vagin) et non pas d’une dyspareunie par exemple, qui entraîne une douleur pouvant gêner plus ou moins fortement la pénétration. Tout comme on s’assurera que la « non-consommation de l’acte sexuel » est bien due à ce problème et non pas à une cause masculine (difficultés d’érection, éjaculation très précoce, etc.).
C’est dire que l’examen gynécologique est ici très important pour éliminer une éventuelle cause organique : hymen scléreux et résistant, malformations vaginales, ou toutes les causes responsables des dyspareunies que nous avons décrites plus haut.
Mais l’examen gynécologique est aussi très important pour évaluer la gravité du vaginisme. Le pronostic et la conduite à tenir ne sont en effet pas les mêmes, si l’examen gynécologique est possible. Dans ce cas, cela laisse a priori augurer une résolution assez facile du symptôme. C’est le contraire si le simple contact de la vulve est vécu comme insupportable. En fait, ce qui est très important à noter, c’est que souvent les femmes souffrant de vaginisme ont peur du coït. Cette peur (véritable phobie) peut être telle que même la simple évocation imaginaire de la pénétration est intolérable.
La particularité du domaine sexuel, c’est l’intrication permanente des facteurs physiques et psychologiques. Nous pouvons bien sûr isoler telle ou telle cause organique par esprit didactique, mais dans les faits, nous nous devons de prendre en compte ce que nous raconte la femme (ou l’homme), ce qui lui est arrivé médicalement, chirurgicalement, accidentellement, mais aussi son histoire personnelle, son enfance, sa relation avec son partenaire, etc. C’est pourquoi on a pu dire que si des causes organiques sont retrouvées quelquefois, les facteurs psychologiques existent toujours, ne serait-ce que comme conséquence du trouble, tant il est vrai que ce genre de problème « prend la tête », comme disent les jeunes aujourd’hui.
Facteurs psychologiques
Mais quel que soit le trouble sexuel, à côté de ces causes, il y a toujours des facteurs psychologiques qui peuvent exister seuls ou associés aux facteurs organiques.