Les ateliers d’écriture aux États-Unis et en France
La littérature sur les ateliers d’écriture est trop vaste pour qu’il soit possible ici d’en donner un compte rendu exhaustif. Limitons-nous aux États-Unis et à la France pour en avoir une vue d’ensemble.
Aux États-Unis
Des groupes d’écriture se sont développés dès 1753, en particulier dans des universités telles celles du Wisconsin et de l’Iowa. Leur arrivée dans le cursus universitaire est datée du printemps 1897 ; le premier cours fut consacré à une « classe de versification » (verse making class).
Au début du XIXe siècle, les études supérieures incluaient le latin, le grec, les mathématiques, l’histoire, la logique, la théologie et les sciences naturelles. Elles étaient réservées à l’élite masculine, et formaient des médecins, des hommes de loi et des pasteurs. La littérature et son étude n’entrèrent à l’université qu’en même temps que les femmes y furent admises (dans les années 1830, dans l’Ohio).
Bien après les pionniers (Iowa puis Stanford University), les creative writing courses ou workshops se sont multipliés dans les universités à partir des années 1960. Se crée alors l’Associated Writing Programs (AWP) qui, en 1990, estimait le nombre de cours dispensés à 340.
En dehors des universités, il est intéressant de noter que dans le premier hôpital pour malades mentaux, le Pennsylvania Hospital fondé en 1751 par Benjamin Franklin, existaient plusieurs traitements prenant en compte les écrits des patients et leur publication, reproduits dans un journal, The Illuminator.
Toujours aux États-Unis, le docteur Leedy publie le premier livre sur la poetry therapy (« thérapie par la poésie ») en 1969. Simultanément, de plus en plus de professionnels s’y intéressent et utilisent la poésie dans un but thérapeutique.
Plus récemment, on a vu se multiplier depuis les années 1990 des ateliers pour des publics spécifiques comme les femmes juives, les homosexuels, les anciens alcooliques, les artistes, etc.
On trouve dans les rues de New York et depuis plus de dix ans des journaux gratuits avec des annonces de writing workshops, au même titre qu’étaient distribués le Financial Times ou autres quotidiens, ce qui prouve que les ateliers d’écriture, à New York, font partie du quotidien des Américains et sont accessibles à tous, puisque les adresses proposées sont nombreuses et diverses.
Il est à noter que la grande différence entre les ateliers d’écriture américains, que ce soit à l’université ou ailleurs, et les ateliers d’écriture français consiste en ce que les ateliers d’écriture américains sont essentiellement des ateliers de lecture de ce qui a été écrit avec pour objectif principal leur publication.
Les pays anglophones possèdent, d’une part, une littérature volumineuse sur les ateliers de poésie en milieu hospitalier et, d’autre part, toute une production, mais bien moins importante, sur les ateliers d’écriture en milieu psychiatrique.
On assiste depuis ces dix dernières années à la multiplication en France des ateliers d’écriture centrés sur le « mieux-être », le « développement de soi » ou la « réinsertion ». Ainsi trouve-t-on des ateliers d’écriture à visée professionnelle, des ateliers d’écriture pour le théâtre, des ateliers d’écriture pour la radio, des ateliers d’écriture de chansons, des ateliers d’écriture au sein de l’entreprise, des ateliers d’écriture en prison, des ateliers d’écriture à l’armée, etc.
Il semble que dans chaque pays se développent des structures dont les modalités et surtout les finalités diffèrent.
En France
Ateliers thérapeutiques d’écriture
En effectuant une revue de la littérature sur l’écriture dans le domaine de la psychopathologie, on relève les points suivants :
• au XIXe siècle, on trouve peu de chose sur l’écriture dans un cadre thérapeutique. Il existe cependant quelques écrits sur l’écriture renversée et la graphomanie. Au début du XXe siècle sont publiées des études portant sur les délires et leurs formes psychomotrices, le rythme et la variation de l’écriture chez les aliénés. En 1906, Massonet, à Bordeaux, consacra une importante thèse sur le sujet mais qui tomba dans l’oubli pendant de nombreuses années. En 1926, dans la revue médicale spécialisée L’Encéphale, le sujet fut repris par W. Sterling ;
• autour des années 1970, les recherches s’étendent surtout sur les troubles de l’écriture chez l’enfant, les désordres et la rééducation de l’écriture, l’anorexie et l’écriture, la neurologie et la graphomanie, avec Henri Ey et Daniel Lagache ;
• Marc Bourgeois, en 1971, dans un article sur l’écriture et la psychose , souligne la rareté des travaux sur l’écriture et s’interroge sur les raisons de cet apparent désintérêt. Au même moment Lacan (1975), dans son séminaire sur Joyce, disait, en parlant de la souffrance des patients : « faites-les écrire » ;
• on voit apparaître dès 1991 un regain d’intérêt pour l’écriture, avec toutefois une nouvelle orientation. Dans son article « L’automate et son maître » de 1991, Berranger insiste sur l’automatisme des surréalistes, sur l’inspiration, l’interprétation, le dédoublement et le stéréotype ; il analyse Breton et les champs magnétiques ;
• en 1991, Cadoux, dans son article « Un petit commerce d’écritures », traite de l’atelier d’écriture comme capable de restaurer un certain « commerce » avec les autres et soi-même. Il examine les différents régimes d’écriture qui vont de la simple trace à la fiction. Par « commerce » (en référence à Jean Oury, 1986), il entend ce que l’on désigne comme le « pathique », à savoir un certain rapport primordial au monde et à travers lui aux autres, rapport constitutif de l’existence. « Être en commerce avec » comprend aussi bien les relations affectives, intellectuelles, guerrières qu’amoureuses, financières ou épistolaires.