2. Les adaptations cardiorespiratoires et musculaires aiguës à l’exercice musculaire aérobie
Nous avons vu que la consommation d’oxygène avait un rôle majeur dans l’apport d’énergie nécessaire à la réalisation d’un exercice musculaire prolongé. Le prélèvement et l’utilisation d’oxygène comprend trois grandes étapes successives :
• pulmonaire, avec la ventilation, la diffusion alvéolocapillaire et la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine ;
• cardiovasculaire, avec le transport d’oxygène jusqu’aux capillaires musculaires ;
• musculaire, avec les nombreuses étapes de diffusion de l’oxygène du globule rouge à la mitochondrie, avec au final son utilisation par les chaînes respiratoires mitochondriales.
Ces adaptations peuvent être schématisées comme une chaîne, dont l’efficacité finale dépend de celle de son maillon le plus faible (figure 4). Nous n’aborderons ici que les exercices aérobies de type dynamique, dont l’intensité est chiffrée en pourcentage de la consommation maximale d’oxygène individuelle.
Figure 4 |
LA CONSOMMATION D’OXYGÈNE
La resynthèse aérobie de l’ATP est évaluée par la consommation d’oxygène. Son calcul est basé sur le principe de conservation de la matière : la quantité d’oxygène consommée est égale à la différence des débits d’oxygène inspiré et expiré. En réalité, c’est le prélèvement d’oxygène, oxygen uptake des anglo-saxons, ou VO2, qui est réellement calculé. Le terme « consommation d’oxygène », largement consacré en routine, pourra être indifféremment utilisé*. L’équation de Fick (équation 7) indique que tout le débit cardiaque passe à travers les poumons et que l’on peut appliquer la loi de conservation de masse pour estimer le Qc à partir du VO2 et de la différence artérioveineuse en O2.
Équation 7
Au repos allongé la consommation d’oxygène indispensable aux fonctions vitales est estimée par le MET, égal à 3,5mLO2.min−1.kg−1. La consommation d’oxygène de repos est donc égale à 3,5 × poids exprimé en kg.
LA CONSOMMATION MAXIMALE D’OXYGÈNE
Le concept de débit maximal d’oxygène, VO2max, ou consommation maximale d’oxygène, a été développé par Hill et Lipton en 1923. À l’effort, le VO2 doit augmenter pour adapter les apports en oxygène aux besoins des muscles squelettiques actifs. Les adaptations décrites ci après concernent un exercice progressivement croissant mené jusqu’à épuisement, réalisé au niveau de la mer, en ambiance thermique neutre, sur ergocycle en position assise, par un adulte jeune sédentaire sain. Les adaptations décrites sont observées juste avant (phase d’anticipation), tout au long de l’effort et dans les minutes qui suivent sa réalisation.
Le VO2 augmente linéairement avec son intensité. Au-delà d’un certain niveau d’effort, appelé puissance maximale aérobie (PMA), le VO2 ne peut plus augmenter malgré l’incrément de la puissance (figure 5). Le VO2max du sujet est atteint (équation 8).
Équation 8
Figure 5 |
La consommation maximale d’oxygène correspond donc à la quantité maximale d’oxygène qu’un organisme peut prélever par son système respiratoire, faire diffuser jusqu’à ses capillaires pulmonaires, fixer sur son hémoglobine, transporter par son système cardiovasculaire, faire diffuser sur la myoglobine dans ses muscles squelettiques et utiliser par ses mécanismes oxydatifs. Elle dépend donc des capacités de deux systèmes de convection et de deux systèmes de diffusion (figure 4).
La PMA reflète les capacités contractiles et le VO2 max la capacité du métabolisme aérobie à fournir de l’énergie sous forme d’ATP. Les facteurs limitant le VO2 max chez le sujet sain restent discutés. Il est classique d’opposer les facteurs centraux d’apport d’oxygène, qui dépendent du système cardiovasculaire, aux facteurs périphériques d’extraction de l’oxygène, qui dépendent du muscle squelettique. Schématiquement, le sédentaire est limité par ses muscles, le sujet actif par son myocarde et le sportif de haut niveau d’entraînement par ses poumons.
En valeur absolue, le VO2 s’exprime en mL.min−1. Il est souvent rapporté au poids corporel (mL.min−1.kg−1) car le poids intervient dans beaucoup d’efforts journaliers et, de plus, cela permet des comparaisons individuelles. L’indexation par la masse maigre serait plus adaptée, car le tissu adipeux est métaboliquement inactif. Cette masse maigre, exprimée en % de la masse totale ou en kg de masse maigre, est relativement facile à estimer à partir de la mesure de plis cutanés avec une pince adaptée. Vu l’influence de la taille et donc de la surface corporelle sur le VO2, il a aussi été proposé de le rapporter à la masse corporelle à la puissance 0,66. Actuellement, cependant, l’indexation par le poids reste le mode d’expression le plus utilisé. La consommation d’oxygène voisine de 0,2 à 0,3 L.min−1 au repos peut être multipliée par 5 à 25 (1,5 à 6 L.min−1) au maximum de l’effort. Outre les dimensions corporelles, de nombreux facteurs détaillés plus loin expliquent cette grande variabilité.
LES ADAPTATIONS RESPIRATOIRES
L’exercice musculaire est un des plus puissants stimulants de la ventilation, qui doit maintenir les concentrations alvéolaires en O2 et en CO2 à un niveau qui permet une oxygénation du sang adaptée aux besoins. Les adaptations ventilatoires dépendent de l’efficacité des muscles respiratoires, de la mécanique ventilatoire, de la qualité des échanges gazeux et de la régulation de la respiration. Nous décrirons simplement l’évolution de la ventilation à l’effort. Lors d’un exercice à charge constante et prolongé, après l’accrochage ventilatoire un état stable est observé à partir de 3 minutes pour le VO2 et 4 minutes pour le débit de gaz carbonique produit (VCO2) (figure 6). Dès l’arrêt de l’exercice, un décrochage ventilatoire immédiat est observé. Lors d’un exercice progressivement croissant, dès le début de l’exercice, le débit ventilatoire expiré (VE), qui est de 6–10 L.min−1 au repos, augmente proportionnellement à la production de CO2 et à la consommation d’oxygène jusqu’à une intensité d’exercice, variable en valeur absolue, mais voisine de 50–60 % du VO2 max. Au-delà, le VE augmente plus rapidement que le VO2, c’est le premier « seuil » ventilatoire (SV1). Le VE est le produit de la fréquence respiratoire (FR) par le volume courant (Vt). Au début de l’exercice et jusqu’à 60–70 % du VO2 max, VE augmente essentiellement grâce aux adaptations du Vt. Au-delà, c’est la FR qui joue le rôle principal (figure 7). Des repères peuvent être pris comme limites :
• pour la FR max : 36 (± 10) cycles.min−1
• pour Vt max/CV = 0,53 (± 0,08), avec CV = capacité vitale (L).