Le stress

1. Le stress



Définition


À l’origine, en 1936, Hans Selye, père de la conception scientifique du stress, le définissait comme une « réponse non spécifique, variable d’un individu à l’autre, à une agression physique, agression responsable d’une réaction hormonale et neurovégétative à l’origine d’un véritable syndrome général d’adaptation »[1]. Pour cet auteur, c’est un syndrome général non spécifique, avec une phase d’alerte mettant en jeu les mécanismes de défense de l’organisme, une phase d’adaptation ou de résistance, avec des défenses augmentées, permettant d’affronter des situations difficiles, et quelquefois une phase d’épuisement avec défaillance des capacités d’adaptation. Le stress est une réponse normale, stéréotypée, commune à une agression. Chez l’animal soumis à une agression, Selye décrit un syndrome comportant : lésions viscérales aiguës, hypertrophie de la corticale des glandes surrénales, hémorragies viscérales, atrophie des ganglions lymphatiques et ulcérations digestives. Tous les agents stressants, en particulier les traumatismes psychologiques et affectifs, provoquent une réponse biologique stéréotypée hormonale, immunitaire, cardiovasculaire, cellulaire. La stimulation excessive en intensité, en durée, dépasse les possibilités d’adaptation et s’avère dangereuse pour l’organisme du sujet stressé.

À côté des réactions tissulaires spécifiques aux divers agents agressifs (physiques, chimiques, nerveux), une série de phénomènes non spécifiques apparaît. La réaction de stress varie en fonction de facteurs génétiques et comportementaux liés à la personnalité de l’individu, à son environnement, à des possibilités individuelles d’adaptation. La conception du stress s’est progressivement élargie, devenant de plus en plus complexe, et sa dimension psychologique s’est développée [2] and [3]. On a étendu le terme aux stress psycho-émotionnels, aux traumatismes psychologiques et affectifs. Wolff décrit le stress comme la réponse à un mélange de stimuli physiques et psychologiques, capables de modifier profondément l’homéostasie [2]. Delay parle d’un état de tension aiguë de l’organisme, obligé de mobiliser immédiatement ses défenses pour faire face à une situation menaçante [3]. Pour Lôo, le stress est un événement, une situation psychologique agressive, à retentissement organique : « l’interaction entre une force et la résistance de l’organisme à cette force, le complexe agression–réaction »[4].

Un symposium sur le stress l’a décrit comme « une force douloureuse ou contraire qui génère une tension sur le plan émotionnel et physique ». Terme banalisé, le stress désigne un mal-être psychologique et physique dont la cause se trouve dans des pressions extérieures variées (agressions, conflits familiaux et professionnels, problèmes matériels imprévus). En fait, dès 1914, Cannon a utilisé le terme d’homéostasie, insistant sur le maintien de l’équilibre intérieur et le rôle de la sécrétion d’urgence d’adrénaline en réponse à la peur et à la fureur. Il posait le problème des réactions de l’organisme de l’individu agressé visant à maintenir un équilibre avec l’environnement [5].

Sterling et Eyer en 1988 ont introduit le terme d’allostasie pour faire référence aux réponses, aux « ajustements » de l’organisme soumis à des agressions quotidiennes pour maintenir son équilibre intérieur. C’est le maintien de la stabilité à travers le changement. L’allostasie prolongée ou dysrégulée conduit à une « surcharge allostatique », terme créé par Mac Ewen, qui implique des anomalies et la prolongation des réponses neuro-endocrines, métaboliques et immunitaires aboutissant à des états pathologiques chroniques [6]. À long terme, la charge allostatique, les processus d’adaptation telle l’accélération de la fréquence cardiaque, l’élévation tensionnelle et la sécrétion de corticoïdes entraînent des lésions vasculaires et cérébrales. Appley fait remarquer qu’en tant que concept psychologique, on utilise l’expression de tension, de pression contraignante, non seulement par rapport à des conditions d’environnement ou psycho-sociales extrêmes, mais aussi comme un terme impliquant le conflit, la menace, l’agression, toute atteinte à la sécurité, avec anxiété et peur réactionnelles [7]. Si le stress traduit une réaction de lutte en mobilisant les défenses de l’organisme, il est devenu un terme populaire traduisant la nécessité de faire face à des agressions, des situations pénibles, des événements éprouvants. Les émotions désagréables, deuils, séparations, colères violentes et terreurs soudaines sont sources de stress.



On a pu observer des réponses physiopathologiques qui vont de pair avec l’incapacité d’un individu à s’adapter harmonieusement aux contraintes psychologiques et sociales imposées par notre mode de vie, au xxie siècle. Le stress psychologique est une notion subjective, son appréciation dépend de la perception individuelle et du contexte dans lequel il est subi. Différents stresseurs conduisent à des réponses variées et les stress sont perçus de façon diverse en fonction des caractéristiques de l’événement et du contrôle que le sujet exerce à leur égard. Steptoe a proposé un modèle général de réaction au stress en fonction de son type et des ressources pour y faire face [10] (figure 1.1). Il est une source de dépressions réactionnelles, si les personnalités les plus stables font face à une situation affligeante (maladie grave, deuil, séparation, conditions de travail), par contre, d’autres, introvertis, plus fragiles psychologiquement, avec des structures de personnalité particulières, développent facilement des maladies psychosomatiques (ulcères, hypertension et multiples événements cardiovasculaires, cf.chapitres 3, 4 et 5).








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Figure 1.1
Évaluation du stress (modèle de Lazarus).


Un même événement déclenchant a des répercussions très différentes chez des individus, en fonction de leur âge, de leur expérience, de leur personnalité et de leur environnement psychosocial.


Différents types de stress

On distingue plusieurs types de stress :


• les stress cognitifs dus à des traumatismes psychiques : émotions violentes, effroi, chagrins intenses à l’occasion des événements dramatiques de la vie;


• les stress non cognitifs : traumatismes et blessures physiques, infections, douleurs intenses, bruits soudains ou prolongés, chaleur ou froid excessif.

Ces deux types de stress, physique et psychique, sont souvent associés.

Selon leur durée, on individualise des stress aigus, ponctuels, des stress intermittents liés à des séquences d’événements contraignants répétés et un stress permanent. Nous vivons dans une société qui expose à des stress multiples : outre les événements imprévisibles mettant en jeu brutalement la vie de l’individu, les catastrophes naturelles (séisme, éruption volcanique, inondation), les accidents de la circulation, les agressions, les attentats terroristes et les situations conflictuelles favorisent les émotions fortes. Les effets immédiats et les conséquences des stress sont différents en fonction de leur durée, de leur répétition, de leur intensité et de la personnalité de l’individu. La réaction au stress met en jeu un ensemble de facteurs, les traits de personnalité, des processus cognitifs d’attention et de mémoire, le soutien social, l’environnement [11] (cf.figure 1.1). Les migrations des populations, leur insertion difficile dans un environnement souvent hostile et la précarité augmentent leur vulnérabilité et l’éclosion de troubles mentaux et somatiques. Les sources de stress ne peuvent pas expliquer à elles seules l’apparition de pathologies et d’autres facteurs doivent être pris en considération tenant à la personnalité de l’individu et à sa sensibilité, son équilibre psychique, son état biologique, sa génétique. La réaction à un stress est d’autant plus intense que l’émotion engendrée par le stress est plus forte.


Épreuves stressantes de provocation

Les études fonctionnelles de provocation, largement utilisées actuellement, ont pour but d’évaluer le retentissement physiologique nerveux, hormonal et cardiovasculaire des événements stressants.

Les progrès de l’imagerie permettent d’étudier l’activité cérébrale pour objectiver l’impact des stress sur les diverses structures anatomiques activées ou inhibées. On étudie l’activité cérébrale, le flux sanguin, la consommation de glucose avec la caméra à positrons, l’IRM fonctionnelle. La quantification des stress psychologiques au cours d’épreuves provocatrices est difficile, mais indispensable pour évaluer leur retentissement, leurs conséquences biologiques et hémodynamiques, en particulier sur l’homéostasie cardiocirculatoire. La provocation des symptômes permet d’étudier en imagerie cérébrale des anomalies de diverses structures, l’activité ou le dysfonctionnement de diverses zones. Plusieurs méthodes ont été conçues dans le domaine cardiovasculaire pour évaluer le retentissement émotionnel des circonstances stressantes. Quelles que soient les techniques utilisées, l’objectif est de mettre en évidence des différences significatives après diverses épreuves, par rapport à une population témoin.

En psychiatrie, plusieurs méthodes sont utilisées pour mesurer l’impact des événements stressants, des situations émotionnelles à risque : échelle des événements récents (SRE : schedule of recent experiences, échelles de sévérité des stress psychosociaux dans le DSM-IV, inventaire des événements déplaisants) et échelle de stress perçu. Nous ne rappelons que les techniques utilisées sur le plan cardiovasculaire.

Dans les études expérimentales en physiologie et pathologie cardiovasculaire, on emploie des tests validés, impliquant une contrainte mentale aiguë, soit calcul numérique rapide, soit test du labyrinthe, soit prise de la parole en public sans préparation, test du froid, vision de vidéos impressionnantes, etc., dont on évalue l’impact sur la fréquence cardiaque, la tension artérielle, l’électrocardiogramme au cours d’enregistrements continus. Les progrès technologiques actuels permettent d’évaluer le retentissement immédiat d’un stress psychologique ou physique sur la réactivité vasculaire, la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la perfusion myocardique, la fonction ventriculaire gauche. Dans l’ensemble, les tests qui produisent le plus de réactivité sont ceux qui nécessitent une participation active des patients. Après un infarctus du myocarde, on utilise aussi des questionnaires relevant et analysant de manière rétrospective les contraintes subies, les situations stressantes, les événements pénibles, les émotions pour évaluer leur impact sur les individus interrogés et leur rôle dans la survenue de l’événement cardiaque. Utilisés dans l’exploration cardiovasculaire, ces stress psychiques d’intensité suffisante entraînent une stimulation sympathique avec une tachycardie, une poussée tensionnelle plus ou moins prononcée, une élévation des concentrations plasmatiques de catécholamines et de cortisol. En les couplant à des techniques explorant la perfusion myocardique, on les utilise dans la détection d’une ischémie myocardique chez les patients à risque, diabétiques en particulier, suspectés d’insuffisance coronaire. Ces stress ont des effets pro-arythmiques et sont aussi pratiqués chez les patients ayant des antécédents de troubles du rythme pour évaluer les risques de récidive de tachycardie ou de fibrillation ventriculaire.


Stress permanent

Dans certaines conditions de mode de vie, dans les situations conflictuelles répétées ou prolongées, on a pu individualiser le stress psycho-émotionnel chronique ou sub-chronique ou « permanent »[4]. On a appelé ce phénomène « l’état de piège invisible » conscient ou inconscient où la réaction d’alarme entretient un état chronique d’alerte psychologique, neuro-endocrinienne et cardiovasculaire.

Les événements stressants de la vie actuelle sont très nombreux, pouvant appartenir à la vie familiale, à des problèmes relationnels (tableau 1.1). Il peut s’agir d’événements générant des émotions négatives (tristesse, colère, anxiété, culpabilité, honte) ou des émotions positives (joie, fierté, amour). Le stress permanent est un stress prolongé ou répété, qui a été défini comme une adaptation permanente aux exigences de la vie quotidienne, de l’environnement, potentiellement délétère pour l’organisme par son caractère itératif ou sa durée. Les aléas pénibles de la vie quotidienne, les contraintes dues aux conditions de travail, les conflits répétés dans l’entreprise, la crainte du chômage et l’endettement, ayant un important retentissement émotionnel, créent une situation de stress permanent associée à un risque accru d’hypertension et d’événements cardiaques. L’impact de ces événements est modulé par des facteurs sociaux (soutien de l’entourage) et varie selon la personnalité, le tempérament de l’individu. Un bon environnement social est un facteur protecteur à l’égard des effets du stress. Les sujets isolés, sans entourage familial, sans réseau social, subissent difficilement les épreuves de la vie quotidienne. Le niveau socio-économique est inversement corrélé aux atteintes cardiovasculaires, à la mortalité globale. Plusieurs études transversales ont montré le cumul des facteurs de risque chez les sujets stressés en situation de précarité. Les conflits répétés dans la vie quotidienne, la vie précaire dans des grands ensembles induisant des accès de colère extériorisée ou contenue, qui pérennisent des stress psychologiques, ont avec le temps des conséquences neuro-endocriniennes et hémodynamiques défavorables. Des études ont démontré qu’un environnement professionnel nuisible, des conflits familiaux répétés augmentaient le risque d’événements cardiaques.































Tableau 1.1 Facteurs de stress permanent
Souci familial Décès ou maladie grave d’un proche
Conflit dans la vie conjugale
Séparation, rupture, divorce
Condition de vie Perte d’emploi, faillite
Mutation, endettement
Précarité, misère
Maladie Infarctus, cancer, AVC
Accident corporel Accident de voiture
Perte d’autonomie
Divers Insécurité
Harcèlement

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Jun 17, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Le stress

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