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Le diagnostic
COMPRENDRE
Comme pour toutes les maladies tumorales, la démarche diagnostique repose sur la considération d’un ensemble de données cliniques, cytologiques, histologiques et génétiques afin de proposer au patient une thérapeutique adaptée.
Devant la diversité des hémopathies, il a été nécessaire de parvenir à des classifications regroupant des informations cytogénétiques et morphologiques afin d’harmoniser les diagnostics et protocoliser les traitements. En constante évolution du fait des progrès scientifiques et médicaux, les classifications présentées ci-après donnent uniquement un aperçu de la variété des hémopathies et des anomalies génétiques associées. Il est utile de comprendre qu’elles sont utilisées pour orienter la décision thérapeutique.
Comme pour les autres cancers, il existe trois étapes dans le diagnostic d’une hémopathie :
– la détermination de la maladie à partir de l’examen biopsique, souvent le myélogramme, la biopsie ostéomédullaire (BOM) ou la biopsie ganglionnaire ;
– le bilan d’extension qui vise à rechercher s’il y a une atteinte, une dissémination dans l’organisme. Le panel des examens est alors large : imagerie médicale, biologie, marqueurs tumoraux… ;
Ne sont abordés dans ce chapitre que les examens relevant spécifiquement de l’hématologie, les autres ayant été vus en première partie de cet ouvrage.
Enfin, il est indispensable de considérer que la démarche d’annonce est conforme aux recommandations du dispositif d’annonce (voir le chapitre 7).
CLASSIFICATIONS PRONOSTIQUES
Il existe un nombre important de pathologies avec des aspects caractéristiques particuliers. Les classifications prennent en compte les critères morphologiques, immunologiques (identification des antigènes situés à la surface des cellules cancéreuses), génétiques (mutations survenues sur le ou les chromosomes) et cliniques de la tumeur.
Les principes du traitement des hémopathies sont protocolaires. Ils considèrent les classifications dans la mesure où elles ont une signification pronostique et orientent les axes thérapeutiques. Ils sont couplés aux facteurs pronostiques : âge, état général et comorbidités essentiellement.
Classification FAB
La classification conventionnelle des leucémies aiguës myéloblastiques (LAM) est celle du groupe FAB (abréviation signifiant la première lettre de la nationalité de chaque groupe de chercheurs à son origine : française, américaine, britannique). Elle détermine huit groupes de LAM et leurs formes cliniques (tableau 14.I).
Autres classifications
La classification FAB est peu utilisée pour les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL), où elle différenciait trois types de LAL selon la morphologie des blastes. Elle est remplacée par la classification OMS (tableau 14.II, page 271), qui regroupe les LAL et les lymphomes non hodgkiniens du fait de l’existence d’un précurseur commun et d’une prise en charge similaire pour certaines formes (LNH lymphoblastiques).
Classification Ann Arbor
Cette classification détermine le stade de tous les lymphomes, c’est-à-dire à la fois la maladie de Hodgkin et les lymphomes non hodgkiniens. Elle est le reflet de l’extension de la maladie. La classification décrit quatre stades et détermine les facteurs pronostiques (tableau 14.III, page 271) : les stades III et IV (maladies étendues) sont de moins bon pronostic.
Classification de Durie et Salmon
Cette classification permet de préciser le stade d’un myélome. Elle est fondée sur l’estimation de la masse tumorale à partir des résultats de la calcémie, du taux d’hémoglobine, du taux d’immunoglobuline monoclonale et de l’absence ou de la présence de lésions osseuses. Enfin, selon le degré d’atteinte rénale, deux niveaux A et B sont ajoutés. La classification met en évidence trois stades (tableau 14.IV). Un seul des critères suffit pour définir le stade.
Index pronostique ISS (International Scoring System) dans le myélome
Le critère d’évaluation est fonction du résultat du dosage des β2-microglobulines et de l’albuminémie (tableau 14.V).
Tableau 14.V
Classification pronostique des myélomes (ISS)
Critères | Survie médiane | |
Stade I | β2-microglobuline < 3,5 mg/LetAlbuminémie ≥ 35 g/L | 62 mois |
Stade II | Ni I, ni III | 44 mois |
Stade III | β2-microglobuline ≥ 5,5 mg/L | 29 mois |
HÉMOPATHIES SANS MATURATION CELLULAIRE : LES LEUCÉMIES AIGUËS
Les leucémies aiguës sont caractérisées par la prolifération de blastes (cellules immatures) dans la moelle osseuse. Cette prolifération est définie par le « hiatus leucémique », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de cellules de différenciation intermédiaire (entre blastes et cellules matures) dans la prolifération (à l’opposé des syndromes myéloprolifératifs). Ceci empêche la production des autres cellules sanguines et est responsable d’un tableau d’insuffisance médullaire : anémie, thrombopénie, neutropénie.
Selon la morphologie et le typage immunologique des cellules leucémiques, on différencie :
HÉMOPATHIES AVEC MATURATION CELLULAIRE : LES SYNDROMES MYÉLOPROLIFÉRATIFS ET LYMPHOPROLIFÉRATIFS
Syndromes myéloprolifératifs
Ensemble de maladies chroniques caractérisées par une prolifération :
– de cellules myéloïdes (des lignées rouge, granuleuse, plaquettaire) ;
– matures (à la différence des proliférations d’éléments immatures dans les leucémies aiguës).
Sont regroupées sous cette appellation :
– la leucémie myéloïde chronique (LMC) ;
– la thrombocytémie essentielle ;
– la splénomégalie myéloïde et quelques syndromes moins caractéristiques.
Dans ces maladies, les cellules produites sont aptes à assurer leur fonction et il n’y a pas d’insuffisance médullaire. Le risque commun est celui de la thrombose induite par l’augmentation de la viscosité du sang due à la masse des cellules sanguines circulantes. À terme, l’évolution terminale peut s’orienter vers la transformation en leucémie aiguë, généralement myéloblastique.
La découverte récente de la mutation63 V617F de JAK2 permet aujourd’hui de classifier les syndromes myéloprolifératifs. Son intérêt est double :
– faciliter le diagnostic des syndromes myéloprolifératifs ;
– développer de nouvelles molécules à visée thérapeutique qui inhiberaient la voie JAK2 chez les patients.
La Janus kinase 2 (JAK2) est une protéine impliquée dans la survie et la prolifération cellulaire. Elle est liée aux récepteurs membranaires qui sont activés par des facteurs de croissance (EPO, GM-CSF, par exemple). Les facteurs de croissance hématopoïétique constituent un ensemble de molécules qui sont nécessaires à la différenciation, à la prolifération et à la survie des cellules hématopoïétiques. Ce sont des messagers de la communication cellulaire qui transmettent les besoins en production de cellules à la moelle osseuse ou aux autres cellules concernées dans l’organisme. La mutation V617F de JAK2 confère aux progéniteurs hématopoïétiques une indépendance aux facteurs de croissance. Ainsi, la cellule mutée est protégée de l’apoptose induite par les agents cytotoxiques.
Lignée granuleuse : la leucémie myéloïde chronique (LMC)
La LMC est la pathologie la moins rare des syndromes myéloprolifératifs mais la plus sévère, évoluant en trois phases :
– phase chronique (4 à 5 ans) : la maturation n’est pas entravée ;
– phase accélérée, inconstante (6 à 8 mois) : la maturation est compromise ;
– phase de transformation aiguë : évolution vers une leucémie aiguë (3 ou 4 mois).
Lignée plaquettaire : la thrombocytémie essentielle
Elle est également dénommée thrombocytémie primitive, à l’opposé des thrombocytoses réactionnelles ou secondaires. Il s’agit d’un syndrome myéloprolifératif portant de façon prédominante sur la lignée mégacaryocyto-plaquettaire et pouvant rester longtemps asymptomatique.
Syndromes lymphoprolifératifs
Les hémopathies lymphoïdes sont des proliférations malignes développées à partir de précurseurs cellulaires présents dans les organes lymphoïdes primaires (lymphoblastes B ou T d’origine médullaire ou thymique) ou de précurseurs plus matures extramédullaires, présents dans les organes secondaires (lymphocytes B aboutissant aux plasmocytes, et lymphocytes T) :
– lorsque la prolifération est plasmocytaire, il s’agit d’un myélome ;
– lorsque la prolifération est lymphocytaire, les pathologies sont regroupées sous l’appellation de lymphomes ; on distingue dans cette entité :
Myélome multiple
Le myélome multiple, également appelé maladie de Kahler, se développe à partir des plasmocytes. Il s’agit d’une affection relativement rare, touchant plus fréquemment la personne âgée.
(a)D’après Howard M.R., Hamilton P.J. Hématologie. Elsevier-Masson, 2004. Prise en charge du myélome multiple. Haute Autorité de Santé, septembre 2011.

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