Chapitre 15 Le contrôle de la motricité volontaire par le cervelet et les noyaux gris centraux
Le cervelet et les noyaux gris centraux se trouvent en dérivation sur les voies qui vont des aires corticomotrices à la moelle (voir figure 11.4). Leur rôle est de contrôler les voies corticospinales, vestibulospinales et réticulospinales qui parviennent aux motoneurones de la corne antérieure. Ils ont donc un rôle dans l’harmonie des mouvements, et dans la régulation du tonus nécessaire à l’exécution de ceux-ci.
Organisation du cervelet
Si le cervelet (qui signifie « petit cerveau ») ne constitue que 10 % du volume total de la masse encéphalique contenue dans le crâne, il n’en contient pas moins de la moitié de la totalité des neurones. La particularité du cervelet est d’être connecté à tous les systèmes sensorimoteurs et de se projeter sur tous les systèmes qui viennent se terminer sur la voie finale commune. Si son ablation complète ne perturbe pratiquement pas les sensations ou la force musculaire, en revanche elle désorganise la coordination des mouvements, en particulier des mouvements oculaires, et elle modifie le tonus musculaire. L’explication la plus séduisante serait que le cervelet se comporte comme un comparateur capable de gérer l’organisation des mouvements en fonction des informations sensitives ou corticales qu’il reçoit.
Division anatomique en trois lobes et division fonctionnelle en trois zones
Le cervelet occupe la partie postérieure de la fosse crânienne (figure 15.1). Sa surface corticale contient des corps cellulaires (substance grise), tandis que sa partie interne ne contient que des axones (substance blanche). Quatre noyaux sont situés à la base du cervelet qui sont, de l’intérieur vers l’extérieur : le noyau fastigial, le noyau globulaire, le noyau emboliforme, et le plus important en volume, le noyau dentelé. Les voies afférentes au cervelet parcourent les pédoncules cérébelleux inférieurs pour les axones qui proviennent de la moelle épinière, et les pédoncules moyens pour les axones qui proviennent du tronc cérébral et du cerveau. Les voies efférentes au cortex cérébelleux, sauf le lobe floculonodulaire, parcourent les pédoncules cérébelleux supérieurs pour se projeter sur les noyaux cérébelleux dont les axones se dirigeront vers le cortex cérébral ou les motoneurones spinaux. Une des particularités du cervelet est de présenter de nombreuses stries parallèles entre elles, et perpendiculaires au tronc cérébral. Celles-ci délimitent des circonvolutions. Deux stries plus importantes deviennent des scissures qui divisent le cervelet en trois lobes : le lobe antérieur, le lobe postérieur (le plus important en volume), et enfin le lobe floculonodulaire, qui est caudal. Chacun de ces lobes correspond à une fonction du cervelet : le lobe antérieur contrôle l’activité des voies descendantes à visée spinale, le lobe postérieur est concerné par des circuits réverbérants avec le cortex cérébral, le lobe floculonodulaire contrôle l’activité vestibulaire. Par ailleurs, deux sillons longitudinaux déterminent une zone centrale, appelée le vermis, et deux lobes latéraux. Ces zones correspondent anatomiquement aux projections des axones du cortex cérébelleux sur les noyaux vestibulaires : le vermis se projette sur les noyaux fastigiaux qui sont les plus médians, les régions du sillon se projettent sur les noyaux globulaires et emboliformes tandis que les hémisphères latéraux se projettent sur les noyaux dentelés les plus externes.
Machinerie neuronale du cervelet
L’anatomie complexe du cervelet due à son importance croissante au cours de l’évolution des espèces cache une surprise : l’organisation neuronale du cortex cérébelleux est d’une grande simplicité, toujours identique à elle-même quelle que soit la partie du cervelet que l’on examine. Trois couches corticales ne contiennent en effet que cinq types de neurones (cellules étoilées, cellules en panier, cellules de Golgi, cellules granulaires et cellules de Purkinje) et quatre types de fibres (les fibres parallèles, les fibres moussues, les fibres grimpantes et les axones des cellules de Purkinje) [figure 15.2]. Un calcul approximatif laisse penser que le nombre total des seules cellules granulaires serait à peu près de 1011 chez l’homme, ce qui est plus important que le nombre des neurones contenus dans le cerveau lui-même. Les afférences au cervelet sont constituées par des fibres moussues et des fibres grimpantes qui sont excitatrices. Les fibres moussues sont les plus nombreuses et elles viennent dépolariser les cellules granulaires. Les axones des cellules granulaires se dirigent vers la surface corticale, appelée couche moléculaire, où ils se divisent en T pour donner des fibres parallèles entre elles qui peuvent s’étendre sur plusieurs millimètres. Ces fibres parallèles forment des synapses excitatrices avec les dendrites des cellules de Purkinje, perpendiculaires aux fibres parallèles. On évalue à environ 200 000 fibres parallèles les convergences qui se font sur une seule cellule de Purkinje. Les fibres grimpantes forment directement des synapses excitatrices avec les dendrites ou les corps cellulaires des cellules de Purkinje. On évalue à une dizaine de cellules de Purkinje les contacts qui correspondent à une seule fibre grimpante, chaque cellule de Purkinje ne recevant d’informations que d’une seule fibre grimpante. Les cellules de Purkinje sont donc excitées par les influx des fibres afférentes. Les cellules étoilées et les cellules en panier forment également des synapses excitatrices avec les fibres parallèles provenant des cellules granulaires. Les axones de ces cellules qui sont des interneurones du cortex cérébelleux forment des synapses inhibitrices avec les dendrites des cellules de Purkinje. Enfin, les cellules de Golgi, qui sont également excitées par les fibres parallèles, réalisent des inhibitions présynaptiques sur les synapses excitatrices entre les fibres moussues et les cellules granulaires. Par conséquent, l’ensemble des afférences parvenant au cervelet sont des afférences excitatrices. Elles ont comme fonction de déclencher des volées d’influx dans les axones des cellules de Purkinje, qui sont la seule voie efférente du cortex cérébelleux. Les interneurones placés entre les afférences et les neurones de Purkinje servent de régulateurs et sont inhibiteurs. Enfin, les axones des cellules de Purkinje ont un rôle inhibiteur sur les neurones des noyaux cérébelleux sur lesquels ils vont se projeter (figure 15.3 et tableau 15.1).
Figure 15.2 Machinerie cérébelleuse avec trois couches de cortex, cinq types de neurone et deux types d’axone entrants.