1. Le coaching, une discipline transthéorique
Le mésusage des savoirs et des pouvoirs guette toutes les disciplines.
F. Quéré, L’éthique et la vie
Historicité du coaching
Étymologie du mot coach
Le mot coaching est couramment utilisé dans le monde du sport, parce qu’il connote fortement l’idée de recherche de la performance, ce qui, dans le domaine de la compétition sportive, s’entend aisément.
Coaching vient à l’origine du français cocher ou plutôt coche, qui lui-même proviendrait du mot hongrois kocsi, nom d’une bourgade hongroise où furent construites au Moyen Âge des diligences à la fois solides et confortables, autorisant les longs voyages.
Au milieu du xixe siècle, l’argot universitaire anglais employait le mot coach pour désigner un « répétiteur qui aide un étudiant en vue d’une épreuve », puis par extension la personne chargée de l’entraînement sportif d’une équipe. À cette époque, les jeux de plein air sont préconisés autant pour l’hygiène mentale que pour l’entretien physique. L’introduction du mot sport marque un tournant. Le sport codifie le jeu et l’oriente vers la performance et le record au détriment de l’épanouissement individuel ou collectif. En France, dès le début du xxe siècle sous l’impulsion notamment de Jules Ferry, l’éducation scolaire intègre le sport dans les programmes comme outil de socialisation de l’élève.
Le passage du mot coaching de l’enseignement au sport s’accompagne d’un élargissement de ses finalités. Il s’associe à une notion de mouvement, de conduite, d’objectif à atteindre. Il reflète l’idée d’accompagnement, de préparation et d’aide au positionnement face à un défi.
Le coaching sportif vise à exploiter au mieux le potentiel d’une personne ou d’une équipe en vue d’un résultat précis et mesurable (battre un record, atteindre la première marche d’un podium, emporter la coupe d’un championnat).
Le coach sportif est presque toujours un ancien athlète ayant lui-même un long parcours dans la discipline où il opère. Par son expérience ou son charisme, il aide « son » champion à trouver en lui les ressources pour se dépasser. Tous les athlètes ont aujourd’hui un coach, et tous sont convaincus que, sans cette aide, leurs résultats seraient moindres.
Nous avons tous en souvenir les contre-performances de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football 2010. L’arrivée de Laurent Blanc a été déterminante. Moribonde en Afrique du Sud, l’équipe de France est parvenue en très peu de temps à retrouver (presque) tout son éclat. Dès lors que le courant entre les joueurs et le coach passe bien, les résultats sont au rendez-vous.
Dans le monde de l’entreprise, le coaching consiste en l’accompagnement d’une personne ou d’une équipe en vue de maximiser sa performance dans le cadre d’objectifs professionnels. Contrairement au coaching sportif, le coaching professionnel se place plus dans une logique de compétitivité que de compétition : il vise plutôt à développer les compétences des individus ou des équipes, à promouvoir une intelligence collective.
Selon une enquête réalisée par la fédération Syntec, en 2008, auprès des dirigeants et cadres d’entreprise, les objectifs les plus fréquents du coaching sont :
• améliorer le fonctionnement de son équipe : 83 % des sondés ;
• améliorer son style de management : 82 % des sondés ;
• prendre un poste : 68 % des sondés ;
• gérer un conflit : 67 % des sondés ;
• développer son mode de communication : 63 % des sondés ;
• se sentir mieux dans son poste : 55 % des sondés.
Contexte social de l’émergence du coaching
Il existe plusieurs pistes d’investigation sur l’origine du coaching. La plus ancienne recensée remonte au ve siècle avant Jésus-Christ où Socrate, inventeur de la maïeutique, pourrait être reconnu comme le père du coaching.
La maïeutique (art d’accoucher les esprits) est inspirée de l’accouchement (délivrance, délivrer une femme en couches) et désigne une technique consistant à faire s’exprimer les connaissances des personnes. Dans la Grèce Antique, la maïeutique visait à faire sortir « le savoir caché en soi ». Elle était particulièrement préconisée pour les personnes en quête introspective.
Pour permettre cet « accouchement », Socrate pratique un questionnement qui permet au sujet de se découvrir et d’accéder au savoir « de lui-même par lui-même ».
Le célèbre « connais-toi même » de Socrate est à la croisée des techniques d’éveil spirituel, d’éducation philosophique et politique. En ce sens, la maïeutique socratique tend à favoriser l’émergence d’une conscience morale et la conservation d’une santé psychologique et physique.
Sur un plan philosophique, la méthode socratique est une dialectique qui se décline en trois étapes :
• la maïeutique qui consiste à souligner les contradictions de celui qui croit savoir et qui ignore qu’il ignore ;
• l’élenctique (ou réfutation) qui met au jour les contradictions dans l’art cathartique ;
• l’anatreptique correspondant au renversement par le renversement des trois étapes de la méthode.
Quatre types de relations liées à la connaissance sont à considérer :
• ce que l’on sait que l’on sait. Il peut s’agir de faux savoirs affirmés ;
• ce que l’on sait que l’on ne sait pas ;
• ce que l’on ne sait pas que l’on sait ;
• ce que l’on ne sait pas que l’on ne sait pas.
L’art de la maïeutique est complexe. Il repose sur une attitude d’écoute très particulière de l’aidant : « l’ironie ». En feignant l’ignorance, il fait en sorte que son interlocuteur se remette en cause.
Il faut attendre le xxe siècle pour que le coaching émerge réellement. Cela ne veut pas dire pour autant, que pendant toute la longue période allant de Socrate au siècle dernier, il n’y ait pas eu des promoteurs du coaching, à la façon de monsieur Jourdain. « Des philosophes aux guides spirituels et aux grands pédagogues de l’Histoire, en passant par les figures plus quotidiennes du sage du village, du compagnon initiant l’apprenti, de l’éducateur, de ces “éveilleurs de conscience” qui, ayant compris que leur rôle consistait moins à “prêcher le vrai” qu’à aider l’autre à cheminer vers sa découverte, ont bâti la généalogie du coaching. » [49]
C’est en prenant conscience que le coaching est l’héritier de multiples pratiques anciennes d’accompagnement, que nous pouvons lui donner du sens et de la valeur, en veillant toujours à élargir et à borner le champ de ses indications.
Le coaching, de sa naissance à nos jours
Nous l’avons dit plus avant, c’est à partir des années 1980 que le coaching déborde du milieu sportif et s’installe dans celui de l’entreprise, où les enjeux, la recherche de la performance et le besoin de dépassement expliquent en partie cette translation.
La décennie 1980 marque un tournant prépondérant dans la démocratisation du coaching. Les deux chocs pétroliers des années 1970 incitent les entreprises à réduire les coûts de production et à axer leur stratégie de développement sur la compétence de l’individu au travail. C’est l’époque où naît la gestion des ressources humaines. L’ouverture des marchés à la mondialisation, notamment depuis le début de ce siècle, en accentuant la concurrence, a notablement favorisé l’essor du coaching, toutes catégories socioprofessionnelles confondues. Jusqu’alors réservé aux grands dirigeants, en raison de leur position décisionnelle, le coaching se généralise à l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
En d’autres termes, l’entreprise est un système holomorphe, où chaque partie intègre le tout et où chaque membre du plus petit élément est, à part entière, entreprise. Le coaching devient entrepeunarial et ne s’adresse plus au seul dirigeant. Il concerne tous les acteurs de l’organisation. L’expression de la compétence est dorénavant autant affaire individuelle que collective.
Une tendance plus récente est l’application du coaching à des domaines plus hétérogènes. Ainsi, la demande de life coaching, c’est-à-dire d’accompagnement personnel de vie, renvoie à un ensemble de besoins sur une demande interne de l’individu en quête d’aide et de repères. Un des atouts indéniables du coaching réside dans sa plasticité. « Aujourd’hui, les coaches répondent à des demandes et des besoins spécifiques de leurs contemporains » [14], comme l’accompagnement lors d’une déception sentimentale, de projet de parentalité, d’un départ à la retraite…
Exploration théorico-pratique du coaching
Le coaching, une discipline transthéorique
La définition du coaching varie ostensiblement d’un auteur à un autre. Afin d’en découvrir les nuances, nous vous proposons d’en évoquer quelques-unes et d’en faire une très rapide analyse critique. Cette démarche ambitionne d’essarter le maquis des multiples et diverses définitions. Nous étudions également les définitions des associations nationales et internationales de coaching les plus connues.
Devillard définit le coaching « comme une intervention qui vise à développer chez une personne, ou dans une équipe, des éléments de potentiel liés au talent, au style ou aux synergies, au-delà des obstacles qui les contraignent. (…) Le coaching ne vise pas tant à résoudre un problème qu’à faciliter le développement personnel dans une perspective de production » [28]. L’idée force de cette définition du coaching repose sur des modalités dynamiques, dans lesquelles l’intervention est encouragée. En outre, les contingences auxquelles sont confrontés tous les systèmes sont intégrées, non pas en tant que problème, mais comme éléments surmontables par les bénéficiaires de l’action.
Devillard n’est pas le seul à appréhender la définition conceptuelle du coaching sous l’angle dynamique de l’intervention auprès d’une personne ou d’une équipe. Avant lui, Lenhardt, dès 1992, dans sa première version Les responsables porteurs de sens, caractérisait le coaching également sous ses différentes modalités d’intervention. Dans sa nouvelle version enrichie de 2002 [48], Lenhardt décrit le coaching comme suit : « Le coaching est à la fois une aide et une co-construction offerte à une personne (ou une équipe) à travers une intervention ponctuelle ou, le plus souvent, un accompagnement vécu dans la durée. Cette aide et cette co-construction s’inscrivent dans une situation professionnelle, et/ou managériale et/ou organisationnelle. Elles visent à créer les conditions de résolution, pour la personne ou l’équipe coachée. Elles situent la résolution ponctuelle, ou à court terme, recherchée, dans la perspective d’un développement à la fois durable et global. » Cette définition introduit une double notion de temporalité :
• la première concerne celle du Kairos. En coaching, le Kairos consiste à encourager le coaché à saisir l’occasion opportune (the right time) en lui garantissant l’autonomie d’action ;
• la seconde consiste à faire en sorte que les changements opérés par le coaché (ou par l’équipe coachée) se pérennisent.
Au-delà des définitions, le coaching individuel (c’est-à-dire centré sur la personne) comme le coaching d’équipe (c’est-à-dire orienté vers un collectif) sont tous deux animés par des finalités communes, qui sont :
• convoquer le sujet et/ou le groupe dans leur réalité ;
• atteindre des objectifs ;
• attribuer du sens à l’action ;
• externaliser les talents ;
• surmonter les obstacles ;
• collaborer dans le respect de l’autre ;
• s’autonomiser ;
• se responsabiliser ;
• renforcer son estime de soi.
Comme la demande que nous étudions en détail plus loin, la rencontre doit être « sécurisée » par l’établissement d’un contratContrat. « Pas de contrat. Pas de coaching. Pas de contrat, du bla-bla. » [22]
La littérature retrace trois types de contrat.
Le contrat d’affaires traite des questions logistiques (durée, lieu, fréquence…), déontologiques et éthiques (cadrage opérationnel : clauses de retrait du coach, positions mutuelles…), pécuniaires (coût, corrélation de coût aux objectifs et aux compétences du coach…). La question du prix en coaching est encore tabou. L’omerta dont elle est frappée est l’expression de la dérégulation des pratiques financières, avec tous les avatars qui s’y associent.
« La rémunération des coaches fait partie des paramètres contractuels à préciser initialement. Quoique complexe et chargée d’émotion, cette question n’a été que peu traitée par les auteurs. » [54] La monétisation de la transaction n’annule pas le caractère déséquilibré de la relation (il existe un contrat dit relationnel) entre celui qui sait (ou plus exactement supposé savoir) et le demandeur. Elle le pondère.
Le coach qui ne fait pas payer, endette symboliquement le coaché. Notre expérience de psychologue clinicien institutionnel nous a convaincus que la gratuité des cures psychothérapiques, par l’absence d’engagement financier, augmente la résistance du patient au traitement.
Dans ces conditions comme le souligne Freud [32], l’« influence correctrice du paiement » ni ne régule les mouvements transférentiels et contre-transférentiels inhérents à toute relation, ni n’inscrit le patient dans un processus de soins. Il est vraisemblable qu’il en soit de même en coaching. L’influence correctrice du paiement s’opérationnalise dans le statut de client du coaché que lui confère le coach dans la négociation du contrat d’affaires. Freud [33] décrit de façon aussi caricaturale qu’humoristique, l’incompatibilité de la gratuité et de la cure psychanalytique.
« Un homme qui s’est appauvri a emprunté 25 florins à un homme riche de sa connaissance, et ce, après lui avoir assuré à maintes reprises qu’il se trouvait dans le besoin. Le jour même, son bienfaiteur le rencontre au restaurant, installé devant un plat de saumon à la mayonnaise (plat de luxe à l’époque). Il lui fait alors ce reproche : « Quoi ! Vous m’empruntez de l’argent et ensuite vous commandez du saumon à la mayonnaise. C’est pour des choses comme ça que vous avez besoin de mon argent ? – Je ne vous comprends pas », répond l’homme mis en cause. « Quand je n’ai pas d’argent, je ne peux pas manger de saumon à la mayonnaise, et quand j’ai de l’argent, je ne dois pas manger de saumon à la mayonnaise. Mais quand diable voulez-vous que je mange du saumon à la mayonnaise ? » [33]
Le contrat relationnel explicite la nature des accords entre le coach et le coaché. Ces accords portent à la fois sur le contenu et le processus. Le contenu imprime les objectifs à atteindre par le coaché. Le processus exprime les contours de la rencontre, en termes de respect de la socialité.
Le contrat « phantasmé/fantasmé » relève du registre de l’inquiétude, voire de la peur (phantasme) et/ou de la fantaisie (fantasme). Il reste cependant accessible à la pensée.
Comparaison du coaching à d’autres pratiques professionnelles d’accompagnement
Coaching et psychothérapie
La frontière entre coaching et psychothérapie est ténue et perméable. Il s’agit de deux formes de relation d’aide, autour d’un travail intersubjectif. L’une et l’autre visent à résoudre un problème d’une personne ou d’une équipe, en offrant la possibilité d’élaborer sa propre solution.
Le coaching reprend et s’appuie sur un nombre important de concepts et d’outils tirés de la psychothérapie. De là, à dire comme Delivré [27], que la frontière thérapeutique est une fausse limite, il y a matière à discuter. Bien plus que des différences, il s’agit de distinctions.
À l’heure où on peut acheter sa baguette de pain dans une station-service, où la confusion se généralise, il importe de préserver la reconnaissance de l’expertise des professionnels. Or, cette reconnaissance passe par une attribution de qualifications et de rôles clairement identifiés. C’est ce qu’exprime Kourilsky dans une histoire métaphorique si illustratrice que nous la reprenons in extenso [44].
Un paquebot ancré dans le port du Havre est immobilisé, au moment de partir, par une panne totale des machines. Le chef des mécaniciens et son équipe, très qualifiés et très diplômés, se précipitent alors dans la salle des machines. Des heures passent sans qu’on n’obtienne aucun résultat. Le commandant, découragé, décide d’aller prendre l’air sur le pont, lorsqu’un badaud l’interpelle : « Eh bien, vous n’êtes toujours pas partis ? – Non, répond le commandant, il y a une panne très grave dans les machines. » Le badaud lui raconte alors qu’il y a sur le port un homme, certes modeste et sans diplôme, mais réputé pour être un véritable génie de la mécanique. Le commandant, quelque peu sceptique, lui demande cependant de le faire venir. Celui-ci monte à bord et suit timidement tout ce qui est à observer, écoute avec vigilance les moindres bruits qu’il peut entendre. Un long moment s’écoule, puis sans hésiter, il brandit son marteau et tape avec assurance et précision sur l’un des rouages. Tout repart. Le commandant, aussi réjoui qu’étonné, le félicite chaleureusement et lui demande combien il lui doit. « Vous me devez mille euros. » Et devant la surprise manifeste du commandant, il détaille alors sa facture : « 990 euros pour observer, écouter, sentir, percevoir, réfléchir, 10 euros pour le coup de marteau ».
Extrait de Kourilsky F. Du désir au plaisir de changer. Paris : Dunod ; 2008.
Imaginez que par le plus malheureux des hasards vous tombiez non pas dans une écuelle mais un trou profond. Deux moyens de vous en sortir s’offrent à vous, une pelle ou une échelle. La pelle représente la psychothérapie. Vous allez pouvoir creuser pour essayer de comprendre pourquoi vous êtes tombé dans cet abîme. Ce travail en profondeur peut prendre du temps. Si vous optez pour l’échelle, vous choisissez le coaching. Vous sortez d’abord du trou et ensuite, si vous le souhaitez, vous allouez du temps à découvrir pourquoi vous n’avez pas pu ou su éviter le trou.
Watzlawick dans son livre Le langage du changement[65] apporte un éclairage sur ce qui peut motiver le sujet à opter soit pour la pelle, soit pour l’échelle : « Tous ceux qui viennent à nous (psychothérapeutes) demander de l’aide souffrent de leur relation au monde, quelle qu’elle soit, (…) ces sujets souffrent de leur image du monde, d’une contradiction non résolue entre le monde tel qu’il apparaît et le monde tel qu’il devrait être, d’après l’image qu’ils s’en sont faits. Il ne leur reste alors qu’une alternative : soit intervenir directement sur le cours des événements et faire en sorte que le monde s’approche de l’image qu’ils en ont, soit, quand le monde ne peut être changé, faire concorder l’image avec les faits concrets. La première de ces possibilités (l’intervention active) peut à son tour être objet de délibérations, de conseils, mais rarement d’une thérapie dans le sens traditionnel, tandis que la deuxième (l’adaptation d’une image du monde aux faits immuables) est la vraie tâche et le but spécifique de tout changement thérapeutique. »
Selon cette définition, il apparaît clairement que le coaching s’apparente à la première branche de l’alternative. L’intervention directe sur le cours des événements conduit à un remaniement du monde réel selon l’image qu’on s’en fait. Une psychothérapie vise à rapprocher l’image du monde que s’en fait le sujet avec le monde réel.
En coaching, la modificabilité de l’environnement est encouragée. Il s’agit de mettre en adéquation le monde des faits au monde des souhaits. Alors qu’en psychothérapie, il s’agit de mettre en concordance la représentation qu’on se fait du monde à celle du monde réel.
Psychothérapie et coaching diffèrent notamment au niveau du champ des interventions. Alors que le travail en thérapie se situe dans le cadre de la réparation d’un passé, de l’investigation de l’histoire familiale, de l’inconscient, de la sémiologie clinique, le coaching interroge le sujet dans l’ici et maintenant en vue de l’amener à construire son avenir, en imaginant ses projets personnels et professionnels. De plus, il vise à permettre à la personne d’identifier ses limites et ses possibilités, à comprendre ses forces et ses faiblesses, et à composer avec ses émotions.
En raccourci, la psychothérapie dévoile le destin du sujet, et le coaching accompagne le sujet dans sa destinée. Pour Devillard, « la psychothérapie agit sur la structure alors que le coaching “dévitalise”, sur un aspect purement comportemental, le lien qui existe entre la structure et la situation à faire évoluer » [28].
De manière à clarifier les distinctions entre psychothérapie et coaching, nous pouvons dresser dans le tableau 1.1 une approche comparative. Tentative audacieuse car nous savons que le propre des frontières, c’est d’être discuté.
Psychothérapie (sphère du registre du psychique) | Coaching (sphère du registre de l’intellect) |
---|---|
Considère la nature des interactions | Considère les effets des interactions |
La validation des faits se réalise par la preuve expérimentale dans le cadre d’une théorie | La validation des faits se réalise par comparaison du fonctionnement du modèle avec la réalité |
Conduit à une réflexion de toute planification associée à un sentiment de mieux être | Conduit à une action programmée par des objectifs associés à des indicateurs de réussite et de satisfaction |
Interroge plutôt le présent au vu du passé | Interroge plutôt le présent pour penser l’avenir |
Questionne la genèse des croyances | Conduit à transformer les croyances en atouts |
Intéresse en priorité la vie intime (familiale et personnelle) | Intéresse la vie publique (professionnelle) |
Investigue la sphère relationnelle | Dévoile les processus de communication |
La distinction ne s’arrête pas qu’aux caractéristiques de l’exercice professionnel. Depuis juillet 2010, en France, le titre de psychothérapeute est protégé par la loi. Son usage requiert une inscription au registre national des psychothérapeutes. Cette inscription implique une formation en psychopathologie et un stage pratique. Seuls les médecins, psychologues titulaires d’un master 2 et psychanalystes peuvent prétendre au titre de psychothérapeute. En coaching, le titre n’est pas protégé, et les auto-proclamations ne sont pas rares… avec pour conséquence de nombreuses dérives. La vigilance est donc de mise dans le choix d’un coach.
Coaching et conseil
À la différence du conseil, le coaching ne vise pas l’apport de connaissances, d’une expertise dans le domaine de prédilection du coaché et encore moins d’une solution « prête à porter » exposée aux soldes en tous genres. Le conseil amène une solution exogène. La personne ne l’a pas élaborée elle-même, elle lui est extérieure. Or, il est fréquent que les demandeurs de coaching amalgament coach et consultant. Un bon nombre d’entre eux en attend des conseils. Le conseil, bien que pertinent, n’a que très peu de chance d’aboutir, notamment parce qu’il échappe au processus de décision du conseillé. Par défaut d’implication dans le chemin décisionnel, ce dernier ne parvient pas à s’approprier les idées qui lui sont proposées. Le coaching apporte une vision nouvelle élaborée de l’intérieur avec un soutien extérieur en la personne du coach.
Les services offerts par un consultant sont aussi nombreux que les secteurs d’intervention multiples : conseil en fusion, en organisation, en stratégie, en gestion des ressources humaines, en marketing, en réingénierie des processus, en recherche, en évaluation des clients et des employés… Le consultant après avoir diagnostiqué la situation dresse une série de recommandations et apporte en tirant de sa propre expérience des conseils tactiques.
Coaching et mentorat
Le mentorat s’apparente à une relation de préceptorat scolastique. Le mentor, généralement un pair, brille par son charisme. Du fait de ses compétences, largement reconnues, il génère autour de lui autant d’admiration que d’hostilité. À la fois Maître et Sage, le mentor est en quelque sorte un passeur entre l’univers des savoirs formels, que représentent l’école, et les savoirs expérientiels du monde de l’entreprise. Le mentor instaure une véritable relation d’apprentissage par la découverte initiatique de situations.
Plus prosaïquement, une des limites du mentorat réside dans l’obsession fascinante de l’image du mentor. Cette férule tutélaire se présente comme préjudiciable à l’envol du « mentoré », asservi au joug d’une hétéronomie discrète et active, qui fait écho à la célèbre dialectique du « Maître et de l’Esclave » dépeinte par Hegel.
En référence à la mythologie, et pour conclure sur le mentorat, il nous semble que le mentorat postmoderne s’apparente à ces poissons pilotes de l’Antiquité grecque. Dans un libre-échange, consenti de part et d’autre, les poissons pilotes guidaient les embarcations vers le port en contrepartie de quelques subsides existentiels. Toutes proportions gardées, le « mentoré » s’acquitte de sa dette initiatique, en satisfaisant à l’image du mentor dans sa qualité d’expert et en concrétisant ses objectifs. En effet, « le mentor est très axé sur la réussite de son disciple » [25].
Le coaching, contrairement au mentorat ne transmet pas de savoir, et s’il instruit, c’est au sens archéologique du terme (mise au jour, en lumière). De sorte que le coach est un révélateur et un catalyseur de connaissances enfouies ou masquées par un écran de problèmes opaques.
Coaching et management
Management, provient de l’ancien français ménagement, qui signifie art de conduire, de diriger ou de mener tout ou partie d’un organisme, souvent une entreprise, grâce au déploiement et à la manipulation des ressources (humaine, financière, matérielle, intellectuelle). Si le coaching est incitatif, le management est peu ou prou directif. Le coaching éveille les hypothèses. Le management travaille les thèses. Pour autant, l’art du management peut-il intégrer des principes de coaching ? Comme le souligne Devillard, une telle démarche laisse de côté l’aspect extériorité, même si « le coaching–management constitue un progrès de la fonction managériale, (…) [il] ne saurait remplacer le coach dans sa fonction miroir » [28]. Quant à Giffard et Moral, ils partagent pour d’autres raisons la position de Devillard : « Pour le manager, emprunter des techniques au coaching individuel avec certains de ses collaborateurs s’avère pertinent pour accompagner une prise de fonction, accélérer une progression de carrière ou résoudre des difficultés ponctuelles. Mais multiplier les séances de coaching individuel consomme du temps et peut entraîner des distorsions à l’intérieur de l’équipe. En effet, il y a conflit de posture entre celle du manager et celle de coach, et l’absence de supervision pose évidemment un problème déontologique. » [38]
Coaching et bilan de compétences
Le bilan de compétences permet de faire le point sur sa situation professionnelle – dans la perspective d’élaboration et/ou de validation d’un projet professionnel, d’optimisation de la performance de son projet sur le marché de l’emploi, de construction des scénarios de réalisation –, et de définir une stratégie et de déployer des plans d’action opérationnels pour réussir son projet professionnel. À terme, il permet de développer son employabilité.
« L’objectif principal (d’un bilan de compétences) est l’évaluation par la personne de ses propres possibilités, la réalisation d’une sorte de “cartographie” de son potentiel. » [49]
Tout métier requiert des compétences techniques, sans lesquelles il est quasiment impossible de l’assumer correctement. Conjointement à ces compétences techniques, il y en a d’autres tout aussi importantes, l’intelligence émotionnelle et l’intelligence relationnelle. Ces compétences non techniques sont des pré-requis fondamentaux qui s’acquièrent à travers toutes les expériences accumulées. Elles sont un paramètre essentiel pour être performant dans l’exercice de son travail. Elles assurent la dynamique des liens transversaux interprofessionnels et donnent sens au développement des compétences instrumentales. Pour compléter notre réflexion, arrêtons-nous quelques instants sur l’étymologie du mot compétence, qui trouve son origine dans le verbe latin petere signifiant chercher à atteindre ou chercher à obtenir. La compétence est le résultat d’une subtile alchimie combinatoire du savoir, vouloir et pouvoir agir [46].

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