La thérapie du bien-être : Théorie, pratique et résultats

10 La thérapie du bien-être


Théorie, pratique et résultats



J. Cottraux





Introduction


En 1948, l’OMS a défini la santé : « Comme un état de complet bien-être physique, psychologique et social et non pas seulement comme l’absence de maladie ou d’infirmité ».


Le modèle du bien-être psychologique proposé par deux chercheurs de l’université du Wisconsin à Madison, Carol Ryff et Burton Singer (1996, 2005), s’inspire de cette recommandation. En effet, il repose sur l’idée qu’il ne suffit pas de modifier les cognitions et les comportements perturbés, comme le font les thérapies cognitives et comportementales classiques, et les médicaments, mais que, pour éviter les rechutes, il faut aider les patients à changer leur vie pour qu’ils ressentent un véritable bien-être. Pour faciliter ce changement, il faut aussi s’appuyer sur leurs valeurs, ce que faisaient déjà les thérapies cognitives de la dépression et des troubles de la personnalité qui visent à modifier les schémas cognitifs et les scénarios de vie répétitifs des patients, et à dégager des plans positifs d’existence. En effet, travailler sur un schéma cognitif dysfonctionnel consiste à modifier des règles qui induisent des comportements autodéfaitistes et à mettre au jour et promouvoir les valeurs positives du patient (Cottraux, 2001, 2007).



Modèle du bien-être psychologique de Ryff et Singer


Le bien-être eudémoniste ou bien-être psychologique est le bonheur par la réalisation de soi (figure 10.1). Le concept de bonheur eudémoniste remonte à l’Éthique à Nicomaque d’Aristote (2004) : on peut traduire le terme eudémonia (εùδαıμονíα) par épanouissement plutôt que par bonheur. L’épanouissement est différent du plaisir. En effet, le bonheur est identifié à des instants subjectifs et fugitifs. L’eudémonisme correspond à des actions justes au sein de la cité et qui sont présentes, au moins symboliquement, aux moments de bilan de l’existence et lui donnent un sens.



Le bien-être psychologique est lié à l’action, aux objectifs de la vie, à l’accomplissement personnel, au sentiment de maîtrise et d’efficacité, à la réalisation de soi et au développement personnel : la réalisation de son potentiel.


Carol Ryff a mis au point une échelle qui mesure les six dimensions en relation avec le concept de bien-être psychologique. En français on peut résumer ces six dimensions par un acronyme D DRAMA.




Échelle de bien-être psychologique de Carol Ryff


Elle mesure les six facteurs ; il en existe plusieurs versions avec vingt, quatorze, sept et trois items par dimension (Abbott et al., 2006). Les six dimensions sont inter-corrélées et robustes. Carol Ryff recommande l’échelle à quatorze items bien que de nombreux auteurs se servent de l’échelle à trois items du fait de sa simplicité.


Le lecteur trouvera en annexe de ce chapitre la version la plus simple avec trois items par dimension, soit un total de dix-huit items (annexe 10.1). Les versions plus longues doivent être réservées, à mon sens, à la recherche. Les six dimensions varient avec l’âge et les phases de la vie. Par exemple, la maîtrise de l’environnement augmente avec l’âge alors que le sens positif de la vie diminue avec l’âge. Le sexe aussi influe : il existe un plus haut niveau de relations positives chez les femmes. L’échelle est aussi sensible aux conditions sociales : il existe un bien-être plus élevé chez les personnes d’éducation supérieure (Ryff et Singer, 2005).


Le tableau 10.1 définit le contenu de l’échelle.


Tableau 10.1 Les six dimensions de l’échelle de bien-être psychologique de Carol Ryff







































1. Donner un sens à la vie
  – Buts et objectifs
– Croyances positives sur la vie
– La vie passée et présente est utile
2. Développement personnel
  – Sentiment de développement continu
– Ouverture à de nouvelles expériences
– Plus de connaissance de soi
– Plus d’efficacité
– Le comportement s’améliore avec le temps
3. Relations positives
  – Chaleur
– Confiance
– Préoccupation du bien-être d’autrui
– Empathie
– Affection et intimité
– Donner pour recevoir
4. Autonomie
  – Indépendance
– Autodétermination
– Résistance aux pressions sociales
– Régulation de l’intérieur
– Standards personnels pour juger et évaluer
5. Maîtrise de l’environnement
  – Gestion compétente de l’environnement
– Contrôle de la complexité des activités
– Saisie des opportunités de l’environnement
– Capacité à faire des choix
– Création des contextes en fonction des besoins et des valeurs
6. Acceptation de soi
  – Attitude positive vis-à-vis de soi
– Acceptation de la multiplicité des aspects de soi : bons ou mauvais
– Vue positive de sa vie passée

Le contenu de l’échelle de bien-être psychologique Carol Ryff : caractéristiques des sujets qui ont des scores élevés sur les six dimensions.



Pratique de la thérapie du bien-être


La thérapie du bien-être se déroule sur huit séances. Elle vise à développer l’auto-observation et à promouvoir l’éducation positive et une vie orientée sur les valeurs personnelles souvent enfouies sous les symptômes du patient. Comme toute psychothérapie, elle repose sur une alliance thérapeutique positive entre le patient et le thérapeute. C’est une thérapie directive dans laquelle le thérapeute joue un rôle actif.










Le journal de la thérapie qui est présenté ici est une adaptation que j’ai effectuée à partir des descriptifs souvent succincts de la thérapie du bien-être dans la littérature (Fava, 1999). J’y ai ajouté une technique de distanciation : la technique du balcon.


Cinq composantes fondamentales doivent être mises en place par le thérapeute qui explique le fonctionnement du journal lors de la séance avec le patient et qui suit avec lui au cours des séances ultérieures le travail effectué par le patient avec le journal (tableau 10.2) :


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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on La thérapie du bien-être : Théorie, pratique et résultats

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