La poésie


La poésie


Du grec poiêsis, « fabrication, création », essentiellement verbale, du latin pro[ver]sa, « discours tourné vers l’avant, qui va en ligne droite », nous retenons de cette étymologie l’idée de trajectoire, de composition et de création qui pousse vers l’avant, une tradition initialement orale mais qui est devenue écrite depuis bien longtemps.




Composantes de la poésie-thérapie


À chaque séance d’atelier, un poème est présenté en fonction de la thématique du jour. Il est lu plusieurs fois pour que son rythme soit bien intégré. Une large place est accordée au rythme qui relâche la tension. Le rythme et la répétition ont pour certains un effet apaisant, structurant. La forme est importante : quand de fortes émotions sont exprimées de manière sécurisante, l’émotion se pacifie. Le son des mots a aussi sa valeur, leur scansion et la manière dont on les utilise nous définissent.


La poésie a la capacité de susciter maintes émotions et de les garder intactes. C’est ce qui est demandé à un environnement thérapeutique. À ce sujet, Henninger dit en 1994 : « La forme arrange (ou construit) dans le dérangement (ou déconstruction), met de l’harmonie dans la désharmonie et de l’ordre dans le chaos. » Quand de fortes émotions sont exprimées dans un lieu sécurisant (un contenant), et qu’ensuite elles sont élaborées, elles sont atténuées. Il y a du relâchement, de la joie dans le partage avec les autres. L’équilibre est restauré. La poésie a la capacité d’entraîner plusieurs émotions à la fois et de les garder intactes, d’où l’importance d’un environnement thérapeutique. Ce qui montre bien la différence entre un atelier d’écriture et un atelier thérapeutique d’écriture.


Même s’il existe une thèse « romantique » qui soutient que la poésie non seulement pense mais est la pensée même, il existe aussi une autre thèse « formaliste » sceptique pour laquelle la poésie, au contraire, ne pense pas. Pour la première de ces thèses, la poésie pense parce qu’elle atteint la source de l’être et du sens ; pour l’autre, elle ne pense pas, parce qu’elle ne cherche pas à produire un sens communicable, paraphrasable, partageable, échappant au contraire, par le travail de la forme, aux facilités de la communication littéraire. Définie comme pensée hyperbolique et hyperesthésique du sens, la poésie est, dans la conception « romantique », intuition fulgurante de l’absolu, instauration de la vérité de l’être. Selon Thomas S. Eliot (1932), la poésie est un jeu qui peut apporter connaissance et information, en même temps qu’elle nous amuse sur un plan intellectuel, émotionnel et même sensuel ; citant Dante, Goethe et Shakespeare, il va même jusqu’à suggérer qu’elle est le « langage le plus capable de transmettre la sagesse ».


La conception eliotienne de la poésie comme amusement ou jeu, comme moyen d’atteindre un subtil plaisir intellectuel, fait essentiellement référence à la lecture de la poésie, alors que pour nous il s’agit de l’écriture de la poésie.


Et le plaisir de lire, d’entendre la poésie ne pourrait-il pas aussi passer par l’écriture ?




Effets positifs de l’écriture poétique


Ces effets positifs sont :



À partir du moment où il y a du plaisir à penser, on remarque chez certains un assouplissement de la pensée (variété de la thématique) et pour d’autres une structuration de la pensée (avec le début, le milieu et la fin d’une histoire, dans un temps respecté ; sujet tenu ; forme tenue ; etc.).


On pourrait avancer que pouvoir passer du plaisir à penser à penser le plaisir va avoir une incidence sur certains troubles de la pensée : inhibitions de la pensée, pensée monothématique, flou de la pensée, peur de penser. Une fois que l’on pense le plaisir, on a d’une certaine façon une pensée renouvelée. Pour beaucoup ce plaisir est enfoui, car il leur semble qu’ils perdraient leur temps à le réveiller.


À vouloir toujours aller plus vite, à être toujours plus performants, certains plaisirs liés à la pensée tendent à disparaître. Hors de la pensée rationnelle, les pensées liées aux émotions quelles qu’elles soient ne surviennent plus dès lors que fugitivement ou de façon anarchique. Selon Anzieu (1994), les pensées sont « en expansion illimitée comme l’univers des étoiles, des pensées ça et là naissent, brillent, s’attirent, s’équilibrent, explosent, se morcellent, s’agglutinent. […] Penser les contient, les transforme, leur donne forme ou mots ». Cela nous conforte dans notre manière de mener notre atelier , et la poésie favorise amplement ce processus. Il nous semble que fournir un cadre approprié afin que ces pensées puissent émerger et deviennent sources de plaisir ne peut être que profitable à nos patients. La poésie semble y contribuer de manière privilégiée.


Le cadre de l’atelier, le cadre contraignant de l’écriture et le cadre du groupe constituent une structure dans laquelle le plaisir à penser peut s’épanouir. Et la poésie facilite ce processus tant au niveau de sa forme contenante que de sa présence philosophique (c’est-à-dire au niveau de la philosophie sous-jacente de la poésie comme étant la pensée même).


On peut aussi faire remarquer que la signification étymologique du mot poème est « composition ». Le cadre de la poésie même, tout comme le cadre du groupe , permet la reconstruction d’une pensée obérée par des émotions refoulées et l’expression de ces dernières avec distance.

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May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on La poésie

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