La mémoire

Chapitre 22 La mémoire




C’est une des propriétés les plus étonnantes du cerveau que sa capacité à stocker une information et de la restituer à volonté. Tout aussi étonnante est sa capacité à oublier. Trois notions se retrouvent toujours dans l’analyse de ces phénomènes :





On définit ces termes de la manière suivante :







Les différentes catégories de la mémoire


On distingue la mémoire à court terme et la mémoire à long terme.




Mémoire à long terme


C’est la rétention d’informations, pendant des jours, des semaines, voire toute la vie.


Elle implique le transfert des informations initialement acquises à une forme de stockage plus durable, stable et définitive qui constitue « l’engramme », nom sous lequel on désigne le substrat physique de la mémoire dans les circuits nerveux et qui dépend de modifications synaptiques.


L’homme présente au moins deux façons qualitativement différentes de stocker ses informations : la mémoire déclarative et la mémoire non déclarative, dite procédurale.




Il existe une autre différence entre ces deux processus : les souvenirs de la mémoire déclarative se forment souvent facilement alors que les souvenirs de la mémoire procédurale se forment après un temps d’apprentissage et de nombreuses répétitions et sont donc moins susceptibles de disparaître. C’est la différence entre se souvenir d’un cours de physiologie et apprendre à faire du vélo.


La mémoire déclarative correspond au souvenir dans le langage commun alors que la mémoire procédurale est plus proche de l’« habitude ».




Les structures cérébrales impliquées dans les processus mnésiques


Les observations cliniques et l’expérimentation animale ont permis de préciser le rôle de certaines régions de l’encéphale dans les différents types de mémoire.



Implication du lobe temporal et des structures limbiques


Jusqu’en 1950, on n’avait pas localisé de structure impliquée spécifiquement dans la mémoire (figure 22.1).



L’importance du lobe temporal dans la mémoire a été confirmée par le neurochirurgien Penfield. Au cours d’interventions pour le contrôle de l’épilepsie, Penfield a réalisé des stimulations électriques du lobe temporal chez des patients conscients pendant la chirurgie. Ceux-ci étaient capables de décrire des sensations ressemblant à des souvenirs d’expériences passées. Par exemple, la stimulation d’un seul point du lobe temporal faisait entendre au patient une mélodie qu’il avait déjà entendue. La description du souvenir cohérent d’une expérience antérieure était toujours déclenchée par une stimulation des lobes temporaux. De fait il est bien connu que les crises d’épilepsie temporale peuvent provoquer des comportements et des souvenirs très complexes. Peut-on en conclure que les souvenirs sont stockés dans le néocortex du lobe temporal ? D’autres observations cliniques nous ont permis de répondre en partie à cette question.


Les patients qui ont subi une ablation bilatérale de l’hippocampe et de sa circonvolution pour la cure chirurgicale d’une épilepsie rebelle à tout traitement médicamenteux présentent une amnésie antérograde irréversible. On relate souvent l’histoire d’un patient qui après l’intervention se souvenait parfaitement de tous les événements antérieurs à l’intervention chirurgicale, tels ceux concernant son enfance et son métier. Chez ce patient, la mémoire à court terme était demeurée intacte. Seule sa capacité de transférer ses nouvelles connaissances de sa mémoire à court terme à sa mémoire à long terme avait disparu. Il discutait normalement avec les membres de l’équipe médicale mais il ne se souvenait pas d’eux, bien qu’il les vît chaque jour. Point important, il avait de bonnes performances à des épreuves testant les aptitudes à apprendre des habilités nouvelles. En d’autres termes, sa mémoire procédurale était intacte, de même que sa mémoire à court terme. Le patient était atteint d’une amnésie antérograde en rapport avec un trouble de la mémoire épisodique ou déclarative. Le maintien des souvenirs anciens démontrait que les structures enlevées n’étaient donc pas le site du stockage permanent de ces informations.


Les lésions des lobes temporaux perturbent donc gravement les formes explicites d’apprentissage et de mémoire, c’est-à-dire celles qui dépendent du registre conscient. Elles épargnent les formes d’apprentissage inconscient ou implicite.


Un déficit comparable est observé chez les patients ayant un syndrome de Korsakoff, lié à une intoxication alcoolique chronique avec carence en vitamine B1. Cette intoxication est responsable de lésions du système limbique, avec des lésions combinées de l’hippocampe et de l’amygdale. Ce syndrome est caractérisé par l’existence d’une amnésie antérograde, c’est-à-dire l’impossibilité d’acquérir de nouveaux souvenirs (phénomène de consolidation), associée à une amnésie rétrograde, c’est-à-dire l’impossibilité de rappeler les souvenirs. La mémoire à court terme est en revanche intacte.


Ces différentes observations cliniques démontrent l’existence de deux processus différents dans les mécanismes de mémorisation : d’une part un mécanisme de consolidation (qui ne fonctionne plus dans l’amnésie antérograde), d’autre part un mécanisme de rappel (qui ne fonctionne plus dans l’amnésie rétrograde).



Circuit amygdalien


C’est une autre composante du système limbique. Il reçoit des informations de l’hypothalamus, du tronc cérébral et de l’hippocampe (figures 22.2 et 22.3).




Les lésions amygdaliennes bilatérales entraînent un émoussement émotionnel ainsi que des difficultés à distinguer les informations selon leur importance, ce qui empêche un apprentissage adapté. L’amygdale, à l’origine de certaines émotions, facilite non seulement la mémorisation, mais également la teinte émotive du souvenir. S’il est principalement engagé dans l’analyse émotionnelle, le circuit amygdalien joue donc un rôle majeur dans la transformation à long terme d’une information en trace mnésique.


De ces observations cliniques, on peut conclure deux faits : d’une part que le système limbique et la partie médiane des lobes temporaux jouent un rôle important dans les mécanismes de la mémoire déclarative et la consolidation mnésique, d’autre part que les souvenirs de la mémoire procédurale doivent avoir une base anatomique différente de ceux de la mémoire déclarative.



Implication des lobes frontaux et préfrontaux


L’importance du lobe frontal est une des différences les plus marquées entre l’homme et les autres mammifères.


Le cortex frontal et préfrontal est le point où convergent toutes les informations perceptives issues des cortex sensoriels et moteurs ainsi que des cortex associatifs pariétaux et temporaux. Chez l’homme, les lésions du cortex frontal entraînent des troubles importants du comportement et perturbent les capacités de planification d’une tâche.


Étant donné les interconnexions (figure 22.4) existantes entre le cortex préfrontal et les structures du lobe temporal interne et du diencéphale, on pense que les cortex frontal et préfrontal doivent jouer un rôle dans l’apprentissage et la mémorisation à long terme des informations. Des expériences effectuées chez l’animal corroborent ces hypothèses.



D’autre part, des études récentes du comportement chez des patients porteurs de lésions frontales montrent que ceux-ci sont encore capables d’effectuer des tests simples de mémoire, contrairement à des sujets porteurs de lésions temporales. Ces observations suggèrent fortement l’implication du cortex préfrontal dans la mémoire à court terme ou mémoire de travail.


Les diverses régions du cortex ont donc manifestement des fonctions cognitives différentes. Il n’est ainsi guère étonnant que certaines d’entre elles soient proposées pour être des sites de stockage de l’information à long terme, conformément à leur rôle spécifique dans les processus mentaux. Selon toute vraisemblance, les connexions de l’hippocampe avec les aires du langage servent à acheminer les informations déclaratives vers ces destinations.


Dans les processus liés à la mémoire déclarative, les informations sensorielles qui sont analysées dans les aires associatives du cortex alimentent le système limbique, où les mécanismes de mémorisation s’élaborent, avant que les souvenirs ne soient finalement stockés de façon plus permanente dans le néocortex associatif. En résumé, ces observations cliniques nous permettent d’élaborer un certain nombre de conclusions (figures 22.2 à 22.5). L’acquisition de la mémoire déclarative à long terme, c’est-à-dire les processus de mémorisation, dépend de l’intégrité des circuits limbiques, comprenant notamment l’hippocampe et ses connexions sous-corticales avec les corps mamillaires et le thalamus dorsal. L’hippocampe ou corne d’Ammon (figure 22.5) est la partie du cerveau qui stocke les souvenirs de façon momentanée avant de les transférer dans des régions spécialisées du cortex cérébral. L’hippocampe est un site temporaire de stockage des souvenirs.


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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on La mémoire

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