1 La chirurgie dermatologique
Si les plus anciennes descriptions de rudiments chirurgicaux datent de l’Égypte ancienne, les premières techniques de reconstruction sont rapportées par Celse en 53 avant JC. Ainsi, le chapitre 9 du livre VII comporte un passage d’une remarquable modernité. L’auteur y décrit pour la première fois une autoplastie destinée à réparer une fissure congénitale oro- oculaire médiane de la face, en des termes encore utilisés de nos jours : « On donne une forme carrée à l’endroit qui est mutilé. À partir de ses angles internes, on fait deux incisions transversales telles qu’elles séparent totalement la partie basse de celle du haut. Ensuite on réunit les lambeaux qu’on a ainsi dégagés. Si leur contact n’est pas suffisant, au-delà des lignes que nous avons faites auparavant, on en trace deux autres formes de croissant, tournées vers les blessures et qui n’entament que la surface de la peau. De fait on procède de la sorte pour que la peau puisse s’étendre plus facilement. » Gallien synthétisera cette même intervention en ses principales étapes, décrivant ainsi le principe du lambeau d’avancement et des triangles de résection complémentaire qui facilitent le mouvement tissulaire [1]. Cinq siècles plus tard, Ambroise Paré (1510-1590), chirurgien des champs de bataille, invente de nombreux instruments de chirurgie et met au point la ligature des artères. En Italie, Gaspare Tagliacozzi (1545-1599), professeur d’anatomie et de chirurgie à l’université de Bologne, donne naissance à la chirurgie plastique et au premier traité de chirurgie réparatrice De curtorum Chirurgia per incitionem (Figure 1.1) rapportant une réparation nasale par un lambeau prélevé sur le bras, mis en nourrice et sevré secondairement [2].
L’essor de la chirurgie cutanée reconstructrice au xxe siècle est intimement lié à la nécessité de réparer « les gueules cassées », visages dévastés par les éclats d’obus lors de la première guerre mondiale (Figure 1.2).
L’énorme demande chirurgicale, tant qualitative que quantitative, fait alors naître de nombreuses unités de chirurgie réparatrice à la tête desquelles interviennent de grands chirurgiens reconstructeurs, tels que Blair, Davis, Gillis et surtout Léon Dufourmentel à Paris dont la méthode de greffe constitue une réponse thérapeutique innovante aux délabrements faciaux ainsi qu’aux vastes mutilations jusque-là demeurés sans réponse [3].
À cette époque cependant la chirurgie de la peau n’est pas l’apanage exclusif des chirurgiens, ce dont témoignent les premiers articles de techniques chirurgicales publiés par William Dubreuilh, titulaire de la chaire de dermatologie de Bordeaux (Figure 1.3) [4].