6. Item 80 – Endocardite infectieuse
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Diagnostiquer une endocardite infectieuse.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
CNEC
◗ Connaître la définition d’une endocardite infectieuse.
◗ Connaître le terrain de l’endocardite et les situations à risque.
◗ Connaître les germes responsables des endocardites.
◗ Savoir suspecter cliniquement et faire le diagnostic de l’endocardite (hémocultures, échocardiogramme).
◗ Connaître les différents tableaux cliniques, notamment les formes sur prothèses.
◗ Connaître les principales complications de l’endocardite et savoir évaluer sa gravité.
◗ Connaître les principes du traitement, médical et chirurgical.
◗ Connaître les schémas d’antibiothérapie des formes les plus communes d’endocardite.
◗ Connaître la prévention et les recommandations d’antibioprophylaxie.
I. DÉFINITION
Infection d’une ou plusieurs valves cardiaques, plus rarement de l’endocarde pariétal, par un micro-organisme, bactérie le plus souvent, plus rarement germe intracellulaire ou levure.
II. ÉPIDÉMIOLOGIE
Le profil épidémiologique de l’endocardite infectieuse (EI) s’est considérablement modifié au cours de ces dernières années.
L’EI touche maintenant des patients plus âgés dont une proportion significative n’a pas de valvulopathie pré-existante.
Après l’éradication du rhumatisme articulaire aigu (RAA) et la quasi-disparition des valvulopathies rhumatismales, d’autres facteurs prédisposants sont apparus :
– prothèses valvulaires ;
– scléroses valvulaires dégénératives ;
– réalisation d’actes invasifs à risque de bactériémie ;
– implantation de dispositifs intracardiaques, responsables d’endocardites liées aux soins.
Deux conséquences en résultent :
– absence de diminution de l’incidence des El ;
– modification du profil microbiologique de l’EI.
Dans les séries internationales récentes, les staphylocoques ont supplanté les streptocoques oraux et occupent la première place dans la répartition des microorganismes responsables.
III. PHYSIOPATHOLOGIE
A. Lésions anatomiques et immunologiques
1. Lésions
– Lésion infectieuse élémentaire = lésion proliférative composée de dépôts fibrinoplaquettaires initialement stériles. À l’occasion d’une bactériémie, les bactéries adhèrent à l’endocarde lésé et s’y multiplient.
– Développement ultérieur de végétations infectées, lésions prolifératives constituées d’amas de fibrine, de plaquettes et de micro-organismes.
– Lésions de destruction valvulaire, ulcérations et perforations.
2. Conséquences
– Apparition ou aggravation d’une insuffisance valvulaire.
– Apparition ou majoration d’un souffle.
– Risque de défaillance cardiaque.
– Végétations à l’origine de manifestations infectieuses et immunologiques à distance par :
• constitution de foyers septiques viscéraux secondaires ;
• recirculation d’antigènes et de complexes immuns qui peuvent se déposer et entraîner des lésions de vascularite.
– Au niveau des artères, risque d’anévrysme « mycotique ».
B. Cardiopathies à risque (tableau 6.1)
On peut distinguer plusieurs types d’EI en fonction de la nature de la valvulo-pathie sous-jacente :
– endocardites sur valves natives lésées :
• valvulopathie du cœur gauche plutôt que du cœur droit, plutôt insuffisance que rétrécissement valvulaire,
• cardiopathie congénitale de type tétralogie de Fallot, communication interventriculaire ou canal artériel persistant. Seule la communication interauriculaire isolée est considérée comme n’étant pas à risque d’EI,
• patient ayant déjà présenté une EI ;
– endocardites sur valves natives «apparemment saines» : dans près de la moitié des cas actuellement, l’EI survient chez un sujet au cœur résumé sain, même si l’EI est parfois l’occasion de découvrir une anomalie valvulaire jusque-là méconnue ;
– endocardites sur prothèse valvulaire :
• le fait d’être porteur d’une prothèse valvulaire augmente de façon considérable le risque de survenue d’une EI,
• les EI peuvent survenir précocement dans les premiers mois suivant la pose de la prothèse. Elles sont alors le plus souvent la conséquence d’une inoculation péri-opératoire,
• néanmoins, le risque d’endocardite persiste à distance de l’intervention, le risque cumulé d’EI tardive sur prothèse valvulaire augmente progressivement avec le temps : > 5% à 5 ans après l’intervention ;
– endocardites sur stimulateur cardiaque ou défibrillateur automatique implantable :
• le plus souvent dans l’année qui suit l’implantation et presque toujours dues à une contamination peropératoire,
• le plus souvent à staphylocoque,
• outre une antibiothérapie prolongée, elles nécessitent l’ablation et le remplacement du matériel.
*IA : insuffisance aortique ; IM : insuffisance mitrale ; RA : rétrécissement aortique ; PVM : prolapsus de la valve mitrale. | |
**CIA : communication interauriculaire (cardiopathie non à risque). | |
Cardiopathies à haut risque | Cardiopathies à risque moins élevé |
---|---|
Prothèse valvulaire (mécanique, homogreffe ou bioprothèse) Cardiopathie congénitale cyanogène non opérée ou avec shunts résiduels, dérivation chirurgicale ou conduit prothétique, matériel prothétique implanté chirurgicalement ou par voie percutanée (pendant les 6 mois qui suivent si correction complète) Antécédent d’endocardite infectieuse | Valvulopathie : IA, IM, RA, PVM avec IM et/ou épaississement valvulaire* Bicuspidie aortique Cardiopathie congénitale non cyanogène sauf CIA** Cardiomyopathie hypertrophique obstructive (avec souffle à l’auscultation) |
C. Gestes et situations à risque
La porte d’entrée de l’EI n’est identifiée que dans la moitié des cas.
On note une fréquence croissante des EI secondaires à des procédures médico-chirurgicales : chirurgie sous circulation extracorporelle, cathéters veineux, cathétérisme cardiaque, hémodialyse, implantation de stimulateur cardiaque, ponction articulaire, chambre implantable sous-cutanée pour perfusions intraveineuses, etc.
D. Microbiologie
– EI à hémocultures positives : majorité des EI, soit environ 90 %. Principalement à streptocoques et à staphylocoques.
– EI à hémocultures négativées par les antibiotiques.
– EI à hémocultures souvent négatives : EI dues à des micro-organismes à croissance lente ou difficile :
• streptocoques déficients, bactéries du groupe HACEK (Haemophilus parainfluenzae, H. aphrophilus, H. paraphrophilus, H. influenzae, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Capnocytophaga canimorsus, Eikenella corrodens, Kingella kingae et K. denitrificans) ;
• Brucella ;
• champignons.
– EI à hémocultures conventionnelles toujours négatives, dues à des bactéries à développement intracellulaire obligatoire ou prédominant (environ 5 % des EI) :
• Coxiella burnetii, Chlamydia, Bartonella, Tropheryma whipplei ;
• diagnostic par des prélèvements spécifiques pour cultures cellulaires et amplification génique.
– Endocardites à streptocoques et entérocoques :
• streptocoques oraux dont les principales espèces sont Streptococcus sanguis, S. mitis, S. salivarius, S. mutans et dont on rapproche Gemella morbillorum (anciennement Steptococcus morbillorum) ;
• les micro-organismes de ce groupe sont presque toujours sensibles à la pénicilline G ;
• les streptocoques du groupe D forment le complexe «Streptococcus bovis – Streptococcus equinus » qui comprend plusieurs espèces commensales du tube digestif de l’homme encore récemment confondues sous l’appellation Streptococcus bovis.
– Endocardites à staphylocoques :
• classiquement, les EI à S. aureus surviennent principalement sur valves natives et sur prothèses récemment implantées, tandis que les EI à staphylocoques à coagulase négative (SCN) surviennent préférentiellement sur prothèses ;
• récemment, on a décrit une augmentation des EI à SCN sur valves natives.
IV. CLINIQUE
A. EI = maladie systémique de présentation polymorphe
Les manifestations cliniques sont très variées, diversement associées, à l’origine de présentations parfois très trompeuses.
Classiquement, on distingue deux grands tableaux :
– endocardite subaiguë, forme classique de la maladie d’Osler ;
– endocardite aiguë, souvent à staphylocoque.
Cette distinction clinique est de moins en moins pertinente actuellement.
1. Syndrome infectieux
– Fièvre, le plus constant des symptômes.
– Altération de l’état général.
– Splénomégalie dans 20 à 40 % des cas.
2. Signes cardiaques
Devant un syndrome infectieux inexpliqué, le souffle cardiaque authentifie la localisation de l’infection au niveau de l’endocarde valvulaire et a une valeur diagnostique considérable.
La plus grande valeur est à l’apparition d’un nouveau souffle ou à la modification d’un souffle connu.
L’absence de souffle ne permet cependant pas d’exclure le diagnostic.
On peut retrouver une insuffisance cardiaque, le plus souvent gauche.
Toute insuffisance cardiaque fébrile doit faire évoquer le diagnostic d’endocardite +++.
Les autres complications plus rares sont : péricardite, troubles de conduction (un bloc auriculoventriculaire au cours d’une El doit faire évoquer un abcès septal).
3. Manifestations extracardiaques
Elles sont :
– cutanées dans 5 à 15% des cas : purpura pétéchial, nodosités d’Osler (ou « faux panaris »), pathognomoniques, placards érythémateux palmoplantaires de Janeway, plus rares ;

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree


