Item 66 – Thérapeutiques antalgiques

8. Item 66 – Thérapeutiques antalgiques






Objectifs pédagogiques




ECN






Argumenter la stratégie de prise en charge globale d’une douleur aiguë ou chronique chez l’adulte.


Prescrire les thérapeutiques antalgiques médicamenteuses et non médicamenteuses.


Évaluer l’efficacité d’un traitement antalgique.


Cofer






Argumenter la stratégie de prise en charge globale d’une douleur aiguë ou chronique chez l’adulte (connaître les critères de choix d’un traitement antalgique, en particulier le schéma des indications croissantes d’antalgiques).


Savoir prescrire et surveiller les principaux antalgiques de niveau I, II et III et connaître les effets secondaires, les contre-indications et les précautions d’emploi des différents médicaments antalgiques.


Connaître les différentes classes pharmacologiques et leurs modes d’action.


Connaître le principe de la coanalgésie (antidépresseurs, psychotropes, agents physiques, différentes classes) et connaître les possibilités et les contre-indications de ces associations.


Connaître les indications des principales thérapeutiques antalgiques non médicamenteuses validées.

La douleur est le motif principal de consultation en rhumatologie, que ce soit dans les atteintes aiguës ou chroniques. Tout rhumatologue ou médecin qui prend en charge des pathologies ostéoarticulaires doit donc savoir évaluer, comprendre et traiter la douleur.

L’évaluation ( analyse quantitative) de la douleur est une démarche indispensable B9782294095412000080/icon05-9782294095412.jpg is missinget préalable à toute prescription d’antalgique. L’évaluation n’est pas faite par le médecin mais par le patient : c’est en effet lui et lui seul qui est l’ « expert de sa douleur ». Le médecin n’interprète pas l’évaluation faite par le patient mais l’utilise, de concert avec d’autres arguments cliniques ou paracliniques, pour la prise de décision et le suivi thérapeutiques.

Très schématiquement, face à une douleur aiguë, l’outil d’autoévaluation est une échelle unidimensionnelle : échelle visuelle analogique ( EVA (échelle visuelle analogique)EVA) B9782294095412000080/icon05-9782294095412.jpg is missing, échelle numérique ou Échelle verbale simpleéchelle verbale simple ; face à une douleur chronique, le recours aux échelles multidimensionnelles est de règle.

Une composante neuropathique doit être systématiquement recherchée à l’aide du questionnaire DN4 (d’après Bouhassira et al. Pain 2004 ; 108 (3) : 248-57). Si le score est supérieur ou égal à 4/10, le traitement antalgique devra comporter un médicament reconnu efficace dans ce type de douleur (antidépresseur tricyclique, gabapentine ou prégabaline, inhibiteur de recapture de la sérotonine et noradrénaline…).

L’évaluation de la douleur permet une approche globale de ce symptôme, dans ses composantes sensitivodiscriminative, affectivoémotionnelle et comportementale, et débouche ainsi sur une prise en charge globale dans laquelle la prescription d’antalgiques est une étape indispensable mais non exclusive. De plus, la prise en charge psychologique et socioprofessionnelle du patient douloureux est tout aussi importante mais ne sera pas décrite ici.

En ce qui concerne la composante nociceptive de la douleur, il est habituel de mettre en parallèle l’intensité de la douleur et le niveau de l’antalgique requis :




• douleur qualifiée de faible à modérée ( EVA (échelle visuelle analogique)EVA inférieure à 40 mm) : recours à un antalgique de niveau I ;


• douleur modérée à sévère (40 à 70 mm à l’EVA) : antalgique de niveau II ;


• douleur très intense (EVA supérieure à 70 mm) : antalgique de niveau III.

Cette règle est contestable et souvent mise en défaut mais elle reste utile pour guider les prescriptions d’antalgiques en pratique quotidienne. La classification des antalgiques selon l’OMS est décrite dans le tableau 8.1. Le choix du médicament dépend de multiples facteurs : intensité de la douleur, échec des traitements antérieurs, évaluation de l’efficacité thérapeutique par analyse de la variation des autoévaluations répétées de la douleur du patient, coprescriptions et interactions médicamenteuses potentielles, le terrain, les contre-indications, etc.












Tableau 8.1 Classification OMS des antalgiquesClassification OMS des antalgiques.
Niveau I Niveau II Niveau III



Douleur légère à modérée


Paracétamol


AINS



Douleur modérée à sévère et/ou échec des antalgiques du niveau I en monothérapie


Opioïdes faibles


Codéine


Néfopam


ou Tramadol


± Paracétamol


± AINS



Douleur intense et/ou échec des antalgiques du niveau II


Opioïdes forts


Morphine


Hydromorphone


Oxycodone


Fentanyl


± Paracétamol


± AINS


I. Antalgiques de niveau i (paracétamol)


ANTALGIQUES DE NIVEAU ILes Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)AINS faisant l’objet d’un autre chapitre, seul le paracétamol est ici abordé.

Le Paracétamolparacétamol est commercialisé sous de nombreuses spécialités et différentes formes galéniques (comprimé, comprimé effervescent, sachet, gélule, lyophilisat oral, suppositoire, forme injectable intramusculaire ou intraveineuse). La majorité des dosages sont à 500 mg ou 1 g. Le paracétamol est un analgésique antipyrétique dont l’excellent rapport efficacité/tolérance en fait un antalgique de première intention dans la grande majorité des douleurs ne requérant pas un antalgique opioïde, par exemple dans le traitement des douleurs arthrosiques. On ne connaît pas exactement son mode d’action antalgique, mais il s’agit probablement d’une action centrale non morphinique.

Chez l’adulte sans atteinte hépatique, la posologie usuelle est de 3 à 4 g par 24 heures, en respectant un intervalle minimal de 4 heures entre chaque prise.

Le pic plasmatique étant obtenu entre 30 et 60 minutes après l’absorption per os, le délai d’action est le plus souvent de 1 heure.

La tolérance est habituellement bonne : de rares cas d’accidents allergiques (rash avec érythème ou urticaire) et d’anomalies des lignées sanguines ont été observés. L’exposition prolongée à forte dose expose au risque d’insuffisance rénale. Il est possible de le prescrire chez une femme enceinte.

Le paracétamol est toxique pour le foie : un surdosage provoque une cytolyse hépatique pouvant conduire au coma et à la mort (l’antidote étant la N-acétylcystéine). Même aux doses thérapeutiques, le paracétamol peut être hépatotoxique, essentiellement en cas de dénutrition, d’hépatopathie préexistante ou d’insuffisance rénale et les posologies maximales sont alors limitées à 3 g par jour (recommandations Afssaps du 7 juillet 2008).

Chez l’insuffisant rénal sévère (clairance inférieure à 10 mL/min), la posologie est de moitié et l’intervalle entre deux prises est de 8 heures, avec une posologie maximale réduite à 3 g par jour.

En cas de régime désodé ou hyposodé, les comprimés effervescents sont déconseillés.

Pour la forme injectable intramusculaire ou intraveineuse, la posologie est de 1 g, à renouveler en cas de besoin au bout de 4 heures, sans dépasser 4 g par jour (3 g en cas de risque d’atteinte hépatique). Le délai d’action reste important, de l’ordre de 30 à 60 minutes.


II. Antalgiques de niveau ii


ANTALGIQUES DE NIVEAU IIPlacés entre le paracétamol et les Opioïdesopioïdes forts, jugés d’efficacité intermédiaire, les antalgiques de niveau II sont représentés soit par des médicaments associant du paracétamol et de la codéine, soit par le tramadol, le néfopam ou la dihydrocodéine.

Mis à part le néfopam qui est un antalgique central non opiacé, la majorité des antalgiques de niveau II ont une action centrale opioïde faible : ils induisent donc de ce fait des effets indésirables similaires aux opioïdes forts mais d’intensité plus faible, bien que dose-dépendante.


A. Associations paracétamol-codéine


De nombreuses associations contenant du paracétamol et de la codéine sont commercialisées. Les dosages de paracétamol sont usuellement de 500 mg par comprimé mais vont de 300 mg à 600 mg ; pour la codéine, ils vont de 8 à 50 mg. Cette diversité d’association ne permet aucune comparaison d’efficacité entre ces médicaments. L’action antalgique de la codéine s’associe à celle du paracétamol. La durée d’action de la codéine est d’environ 4 heures.

Pour la plupart des spécialités, il est recommandé de donner 1 à 2 cp (le plus souvent 2 cp) à chaque prise et de renouveler la prise toutes les 8 heures.

Ce schéma conduit habituellement à la prescription d’environ 3 g par jour de paracétamol et 150 à 180 mg par jour de codéine.

La codéine doit son effet antalgique à sa déméthylation hépatique par le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6), qui la transforme en morphine avec un ratio de 1/10 environ (5 à 15 %). Il faut savoir qu’il existe un polymorphisme génétique concernant le CYP2D6, avec l’existence de patients « métaboliseurs lents » (5 à 10 % de la population caucasoïde) qui ne possèdent pas d’enzyme fonctionnelle. Chez ces patients, l’effet antalgique de la codéine sera nettement amoindri. Il existe également des « métaboliseurs ultrarapides » qui surexpriment le CYP2D6, et chez qui la codéine à un effet opiacé plus marqué que la moyenne. Entre les deux extrêmes, on peut trouver tous les degrés d’expression du CYP2D6. À noter que la coadministration d’inhibiteurs puissants du CYP2D6 comme la fluoxétine ou la paroxétine (tableau 8.2) a un impact négatif sur l’effet antalgique de la codéine.










Tableau 8.2 Médicaments inhibiteurs puissants du CYP2D6.
Antiarythmiques


Amiodarone (Cordarone®)


Flécaïnide (Flécaïne®, flécaïnide génériques)


Propafénone (Rythmol®)
Médicaments à visée digestive


Cimétidine (Tagamet®, Stomédine®, cimétidine génériques)

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