6. Item 62 – Troubles de la marche et de l’équilibre, chutes chez le sujet âgé
ECN
◗ Diagnostiquer les troubles de la marche et de l’équilibre chez le sujet âgé.
Cofer
◗ Savoir dépister les sujets âgés chuteurs : connaître les facteurs de risques de chute et les principales causes de chutes « extrinsèques » (liées à l’environnement) et « intrinsèques » (liées à l’état de santé et à la iatrogénie) chez le sujet âgé et argumenter leur caractère de gravité.
◗ Connaître les principales caractéristiques de l’épidémiologie de la chute chez le sujet âgé : incidences et complications.
◗ Savoir mettre en place les mesures de prévention de la chute et de ses complications (adaptation des thérapeutiques, rééducation de l’équilibre et renforcement musculaire, aménagement du domicile) et de ses conséquences chez le sujet âgé (téléalarme, lutte contre le syndrome postchute).
◗ Diagnostiquer les troubles de la marche et de l’équilibre chez le sujet âgé, reconnaître les différentes marches pathologiques.
I. Épidémiologie
Les troubles de la marche et de l’équilibre peuvent conduire à des chutes.
La chute est un accident fréquent chez la personne âgée: 30 % des plus de 65 ans et 50 % des plus de 80 ans chutent au moins une fois par an.
Après 70 ans, c’est la première cause de décès accidentel.
Cinq à 10 % des chutes sont responsables de traumatismes osseux.
Parmi les complications traumatiques des chutes, les fractures de l’extrémité supérieure du fémur sont les plus fréquentes. En France, les chutes des sujets âgés sont responsables de 50 000 fractures de l’extrémité supérieure du fémur.
Même en l’absence de traumatisme, l’incapacité pour la personne âgée de se relever est de mauvais pronostic. Un séjour par terre de plus d’une heure est un facteur de gravité avec risque de décès du patient dans les 12 mois suivants.
La chute chez le sujet âgé constitue un événement traumatisant sévère indépendamment de l’importance des conséquences du traumatisme . Le syndrome postchute survient dans environ un tiers des chutes.
II. Conséquences des chutes
A. Conséquences médicales
Les conséquences médicales des chutes sont essentiellement de nature traumatique, avec une mortalité importante. Environ 9 000 décès de personnes âgées de plus de 65 ans sont associés chaque année à une chute en France. Le risque fracturaire à la suite d’une chute est corrélé à la fragilité osseuse. L’ostéoporose et l’ostéomalacie étant plus fréquentes chez les femmes, le risque de fracture est de ce fait plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
Les différentes complications sont :
• les fractures, qui compliquent moins de 5 à 10 % des chutes et sont à rechercher systématiquement :
– fracture de l’extrémité supérieure du fémur (un tiers des fractures) ;
– autres fractures : avant-bras (dont le poignet avec fracture de Pouteau-Colles), bras (extrémité supérieure de l’humérus), cheville, rachis (fracture vertébrale), bassin, côtes, crâne ;
• les traumatismes sans fracture : plaies, érosions cutanées, hématomes multiples, rhabdomyolyse surviennent dans environ 10 % des chutes et sont lourds de conséquences, aboutissant à une restriction d’autonomie ;
• les complications liées à l’immobilisation : escarres, déshydratation, bronchopneumopathie, confusion.
B. Conséquences psychosociales
Les chutes sont un motif fréquent d’hospitalisation ou de consultation aux urgences des personnes âgées. Après une chute, à moyen terme, une perte d’autonomieest observée chez près d’un tiers des sujets qui n’ont pas eu de fractures. La perte d’autonomie est l’aboutissement des répercussions psychomotrices de la chute. Elle résulte à la fois de la peur de chuter, de la perte de mobilité, ou de troubles de la marche et de l’équilibre.
Ainsi, la chute chez la personne âgée se révèle être un facteur qui va engendrer une diminution du champ d’action, de l’espace social, familial, voire corporel. La crainte d’une récidive conduit souvent à « institutionnaliser » le sujet.
Les conséquences psychologiques peuvent s’installer plus sournoisement chez une personne âgée perdant brutalement confiance en elle, se sentant dévalorisée aux yeux de son entourage qui, croyant bien faire, réagit parfois par un excès de surprotection, installant encore plus la personne âgée dans la dépendance et la restriction d’activité.
C. Syndrome postchute
Le syndrome postchute se définit par l’apparition, dans les jours suivant une chute chez une personne âgée, d’une diminution des activités et de l’autonomie physique, alors que l’examen clinique et, si besoin, le bilan radiologique ne décèlent pas de cause neurologique ou mécanique ou de complication traumatique. Plus généralement, on entend par syndrome postchute un ensemble de troubles psychologiques, de l’équilibre et de la marche constaté après une chute. Tout se passe comme s’il se produisait une véritable sidération des automatismes de l’équilibre et de la marche.
On note ainsi :
• à la phase aiguë : peur, anxiété, perte des initiatives, refus de mobilisation, tendance rétropulsive avec flexion des genoux lors du lever du fauteuil aidé par l’examinateur ;
• dans la forme vieillie : syndrome de régression psychomotrice, avec confinement au domicile, peur de sortir et de tomber, rétropulsion à la station debout avec appui du pied sur le talon et orteils en griffe, marche précautionneuse, les pieds aimantés au sol, les mains s’agrippant aux meubles ou à l’examinateur, l’ensemble réalisant la stasobasophobie.
L’évolution est réversible si le syndrome postchute est pris en charge précocement. En l’absence de prise en charge rapide, spécifique et multidisciplinaire de cette véritable urgence gériatrique, l’évolution se fera inexorablement vers une perte d’autonomie complète. Les facteurs pronostiques défavorables sont l’incapacité à se relever du sol ou un temps au sol de plus d’une heure ou des antécédents de chutes.
III. Sémiologie des troubles de la marche et de l’équilibre
Les troubles de la marche et de l’équilibre sont fréquents chez les personnes âgées et sont d’origine neurologique, douloureuse et psychique.
A. Troubles de marche et d’équilibre d’origine neurologique
1. Démarche déficitaire
Un déficit moteur consécutif à une atteinte du système pyramidal, du nerf périphérique ou du muscle, peut avoir un retentissement sur la marche et l’équilibre.
Ainsi, la démarche de l’hémiplégique est décrite comme la démarche en fauchant : le patient est obligé de décrire un arc de cercle à concavité interne en raison de la contracture et de la paralysie du membre inférieur.
Au cours des syndromes pseudobulbaires et des états lacunaires chez les personnes âgées, la démarche s’effectue à petits pas, le pied glissant sur le sol à chaque pas avec un ballant automatique des bras conservé.
Lors de l’atteinte d’un nerf périphérique, la démarche se fait en « steppant » ; la parésie du quadriceps rend impossible l’extension de la jambe sur la cuisse et provoque cette démarche caractéristique faite d’extension continue de la jambe atteinte et de flexion compensatrice de la cuisse sur l’abdomen pour porter le pied en avant.
2. Démarche ataxique
Celle-ci peut correspondre à une ataxie sensitive, labyrinthique ou cérébelleuse.
L’atteinte cordonale postérieure entraîne une démarche talonnante.
Lors d’une atteinte labyrinthique, la station debout et la marche sont impossibles lors des accès vertigineux. À distance de ces derniers, la marche est précautionneuse et instable avec une déviation latérale de la ligne de marche.
Lors de l’atteinte du cervelet, la personne debout se tient les jambes écartées avec les bras en abduction et à la marche elle progresse en zigzaguant et en titubant, réalisant la démarche ébrieuse.
3. Troubles de la marche du parkinsonien
La démarche parkinsonienne se caractérise par une marche le tronc incliné en avant, les membres en légère flexion avec perte du balancement du bras. À un stade plus avancé, la marche se fait à petits pas avec frottements des pieds et demi-tour décomposé. Cette marche à petits pas peut faire place à un état plus sévère où l’enrayage cinétique de la marche et la rétropulsion vont être responsables de chutes chez la personne âgée.
4. Astasie-abasie
L’astasie-abasie se définit comme l’instabilité à la station debout avec rétropulsion spontanée (astasie) et l’incapacité de marcher. Ce trouble de la marche peut être observé chez le sujet âgé en dehors de tout syndrome extrapyramidal et peut être rattaché à l’imagerie cérébrale à une lésion frontale ou une hydrocéphalie ou un état lacunaire, ou être sans cause apparente (astasie-abasie pure).