Item 57 – Arthrose

5. Item 57 – Arthrose






Objectifs pédagogiques




ECN






Diagnostiquer les principales localisations de l’arthrose.


Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.


Cofer






Connaître la définition, l’épidémiologie et les principales étiologies de l’arthrose.


Connaître les principales hypothèses physiopathologiques de l’arthrose.


Connaître la symptomatologie des principales localisations de l’arthrose (genou, hanche, mains, pieds, épaules). Reconnaître une douleur mécanique ainsi qu’une poussée congestive d’arthrose.


Connaître les signes radiologiques en radiographie standard de l’arthrose et leurs valeurs diagnostiques. Connaître les indications et non-indications des autres examens d’imagerie (arthroscanner, IRM, scintigraphie, arthroscopie).


Connaître le profil évolutif, les différentes formes cliniques et radiologiques des principales localisations de l’arthrose.


Connaître les principes thérapeutiques de l’arthrose et connaître les éléments du suivi d’un patient arthrosique.


I. Cartilage articulaire normal et arthrosique



A. Fonctionnement


Interposé entre deux surfaces osseuses, le Cartilage articulaireArthrosecartilage articulaire va permettre le glissement de ces surfaces grâce à un coefficient de friction extrêmement faible.

Il doit donc pouvoir résister à des forces de compression et de tension extrêmement importantes aux membres inférieurs. Une partie de ces forces est transmise et absorbée au niveau de l’os sous-chondral.


B. Propriétés biomécaniques


En réalité, l’organisation même de la matrice du cartilage permet de comprendre ses facultés biomécaniques.


1. Matrice


La matrice est composée d’un réseau de fibres de Collagènecollagène fibrillaire de type II rigide qui forme une armature solide.

À l’intérieur de ce réseau de collagène sont « emprisonnées » des molécules formées de chaînes de sucres ( Glycosaminoglycannesglycosaminoglycanes ou GAG) qui sont attachées sur une protéine centrale, l’ Agrécannesagrécanne. Les agrécannes se regroupent en macroagrégats, les protéoglycanes, en se liant sur un autre glycosaminoglycane, l’ Acide hyaluroniqueacide hyaluronique. En raison de leur pouvoir hydrophile, les protéoglycanes retiennent les molécules d’eau et mettent sous tension les fibres de collagène. Ainsi le principal composant du cartilage est l’eau (70 % du poids humide). Sous l’effet de forces appliquées sur l’articulation, il se produit une sorte de mouvement de va-et-vient des molécules d’eau qui ont fait comparer ces protéoglycanes à d’énormes éponges.

Le maintien de l’ensemble de cette structure est assuré par de nombreuses protéines dites adhésives (COMP, fibromoduline, fibronectine), qui ont pour fonction de lier les macromolécules entre elles et de se lier aux protéines du chondrocyte. Il apparaît d’emblée que la structure très cohésive du cartilage lui permet d’assurer ses fonctions mécaniques.

L’organisation des fibres de collagène de type II dans le cartilage ne se fait pas au hasard. Dans la couche la plus superficielle, elles sont parallèles et permettent de résister aux forces de tension. Cette couche superficielle riche en différentes protéines sert également de barrière aux macromolécules. Dans les couches les plus profondes, les fibrilles de collagène sont plus denses, plus épaisses et sont disposées autour des chondrocytes de façon plus anarchique. Elles prennent une disposition perpendiculaire à la surface du cartilage dans la profondeur de celui-ci.


2. Chondrocyte


ChondrocyteLe renouvellement de la matrice dans un cartilage normal est extrêmement lent : demi-vie de mille jours pour les protéoglycanes et renouvellement quasi nul pour le collagène de type II.

Le chondrocyte est l’unique type cellulaire du cartilage articulaire. Chez l’adulte et en conditions physiologiques, c’est une cellule au repos. Le cartilage n’étant pas vascularisé, le chondrocyte fonctionne en autarcie et en anaérobie et se nourrit par imbibition à partir du liquide synovial. Il possède cependant l’ensemble du répertoire génétique lui permettant de synthétiser les différents produits de la matrice et des enzymes sécrétées sous forme inactive.

Le chondrocyte exprime de nombreux récepteurs à sa surface, en particulier des Intégrinesintégrines, qui se comportent comme des mécanorécepteurs. Ces intégrines « agrafent », en quelque sorte, les différentes molécules présentes dans l’environnement direct du chondrocyte. Un changement (chimique ou physique) susceptible de désorganiser l’environnement cellulaire (équivalent d’une « déformation de la matrice ») va agir comme un signal pour le chondrocyte qui réagira en activant sa machinerie interne. Ainsi, le métabolisme du chondrocyte dépend de l’intensité et du rythme des pressions cycliques auxquelles il est soumis et qui déterminent son comportement métabolique.

Au total, dans un cartilage mature adulte, tout est parfaitement autorégulé : la survie des chondrocytes, l’équilibre synthèse/destruction de la matrice, l’architecture de la matrice, le nombre et la fonction des récepteurs membranaires.


C. Cartilage préarthrosique (cartilage sénescent)


CartilageAu cours du Vieillissementvieillissement :




• il existe une synthèse de moins bonne qualité des protéines non collagéniques, notamment des protéoglycanes, ce qui tend à diminuer le contenu hydrique ;


• le nombre de chondrocytes décroît lentement et ils répondent moins bien aux stimuli, notamment aux facteurs de croissance.

Ces anomalies biochimiques survenant au cours du vieillissement peuvent se traduire par une fragilisation du cartilage et par l’apparition de fissurations macroscopiques du cartilage. Néanmoins, les modifications biochimiques du cartilage sénescent sont différentes de celles du cartilage arthrosique. On ne comprend que partiellement les relations qui lient le vieillissement et l’arthrose.


D. Cartilage arthrosique






1. Qu’observe-t-on macroscopiquement et à l’échelon microscopique dans une articulation arthrosique ?


Tout dépend, bien sûr, du stade de la maladie.

Il semble que l’on puisse la diviser en trois stades qui se succèdent dans l’évolution, sachant qu’au sein d’un compartiment, les lésions ne sont pas forcément toutes au même stade évolutif. Cette distinction est donc forcément caricaturale.


a. Stade initial


Au stade initial, le Cartilagecartilage est œdématié. Cette réponse à l’agression initiale du tissu peut être assimilée à une tentative de réparation du cartilage, sous l’effet de facteurs de croissance chondrocytaires, qui va échouer pour des raisons encore mal comprises. Il y a augmentation de la production de protéoglycanes, ce qui entraîne une augmentation de l’hydratation, aboutissant au « ramollissement » du cartilage. Il est possible que la dissociation précoce du réseau des fibres collagènes liée à ce phénomène d’inflation hydrique constitue un point clé dans la physiopathologie de la maladie.

À terme, s’installe une synthèse défaillante avec la production de protéoglycanes de taille inférieure et la synthèse d’un Néocollagènenéocollagène de type I, dont les propriétés biomécaniques sont moins bonnes comparées à celles du collagène de type II.

Cette activité anabolique va également se traduire par la production d’ostéophytes sous l’influence de facteurs de croissance tels que le TGF-β et les BMPs. L’os sous-chondral riche en facteurs de croissance pourrait jouer un rôle dans la tentative de réparation des lésions cartilagineuses.


b. Stade intermédiaire


Le stade 2 est caractérisé par l’apparition de fissures superficielles.

Le premier phénomène est une hyperactivité catabolique du Chondrocytechondrocyte (dégradation autocrine de la matrice extracellulaire) et, par intermittence, de la membrane synoviale qui largue des enzymes et des Cytokinescytokines dans le Liquide synovialliquide synovial (dégradation paracrine de la matrice extracellulaire). La destruction de la matrice est le fait d’ Enzymeenzymes protéolytiques (métalloprotéases et agrécanases) et glycolytiques produites sous l’effet de cytokines pro-inflammatoires. L’hyperactivité enzymatique déborde les capacités d’inhibition enzymatique.

Le second phénomène est une sidération des capacités anaboliques du chondrocyte. Certaines cytokines (IL-1 et TNF, par exemple) commandent l’inhibition de la synthèse des composants naturels du chondrocyte.

Le troisième phénomène est une modification phénotypique et métabolique du chondrocyte sous l’effet du stress mécanique et du changement de son environnement matriciel. Le chondrocyte peut se différencier en un fibrochondrocyte synthétisant des composants normalement absents ou présents en faible quantité dans un cartilage normal tels que : collagène de type I, versicane, fibronectine et autres protéines non collagéniques. Par ailleurs, le chondrocyte subit une réactivation du cycle de maturation cellulaire qui amène à une phase de prolifération puis une hypertrophie précédant sa mort par apoptose.

Finalement, le défaut de réponse anabolique, le déséquilibre entre enzymes et leurs inhibiteurs, la mort cellulaire par nécrose ou par apoptose du chondrocyte s’additionnent et contribuent à la dégradation inéluctable de la matrice extracellulaire. De plus, la matrice néosynthétisée, de qualité moindre, résiste moins bien aux pressions cycliques, ce qui autoentretient la maladie.


c. Stade final


À un stade avancé, la destruction gagne les couches profondes mettant à nu l’os sous-chondral.

Il persiste des chondrocytes hypertrophiques, ou en voie d’apoptose, ainsi qu’un tissu fibrocartilagineux.

Beaucoup d’inconnues persistent quant au rythme de la destruction et à ses variations spatiotemporelles. L’activation de la membrane synoviale, par les débris du cartilage et/ou les microcristaux libérés dans la cavité synoviale, pourrait contribuer à la chondrolyse. De même, les altérations de l’os sous-chondral contribuent également à pérenniser la maladie.


2. Qu’est-ce qui active le chondrocyte et altère son comportement ?


L’activation du chondrocyte est extrêmement complexe ; elle résulte de différents médiateurs dont la production est dépendante du stress mécanique exercé sur le tissu lui-même : cytokines, phospholipides membranaires, monoxyde d’azote (NO), dérivés oxygénés. Une fois activé, le chondrocyte va lui-même produire en excès ces médiateurs pro-inflammatoires. Cependant, on ignore pourquoi certaines arthroses sont peu évolutives et pourquoi certaines sont, au contraire, très rapidement destructrices.


3. Qu’est-ce qui initie la maladie ?



a. Facteurs mécaniques


L’arthrose est sans doute initiée sous l’influence de plusieurs facteurs de risques combinés à une susceptibilité propre du cartilage à développer une arthrose. On comprend, dès lors, qu’un Facteur mécanique de surchargefacteur mécanique de surcharge, par exemple, n’entraîne une arthrose que tardivement dans la vie, à un stade où le cartilage est devenu sénescent et susceptible de développer des lésions arthrosiques.

Une surcharge mécanique sur une articulation normale ou une charge mécanique normale sur une articulation anormale sont des facteurs de développement d’une arthrose. L’expérimentation in vitro démontre que des pressions trop élevées exercées sur des fragments de cartilage entraînent au niveau des chondrocytes une sidération de la synthèse des protéoglycanes.

En réalité, le stimulus mécanique « anormal » peut être transmis au chondrocyte, puis être traduit en un signal intracellulaire qui l’engage à modifier son comportement par l’intermédiaire des mécanorécepteurs membranaires, véritables « radars » qui détectent et informent la cellule de toute forme de changement péricellulaire. D’autres hypothèses se sont fait jour. La fragilisation du réseau des fibres de collagène sous l’effet de la surcharge pourrait démasquer les sites d’attaque enzymatique. Cette fragilité pourrait être en partie génétique, affectant certains collagènes du cartilage (types II, IX ou XI). Mais il est possible que les altérations initiales touchent aussi l’os sous-chondral avec la survenue de l’équivalent microscopique de fracture de fatigue du réseau des fibres de collagène.



II. Coxarthrose



A. Définition


CoxarthroseLa coxarthrose est l’arthrose de l’articulation coxofémorale.


B. Épidémiologie


La coxarthrose est favorisée dans plus de 50 % des cas par une anomalie, notamment par un vice architectural de la hanche, qu’il faudra systématiquement rechercher. Les autres formes sont dites primitives.

La prévalence est de l’ordre de 5 % après 55 ans.


C. Quand faut-il évoquer le diagnostic ?


La douleur est le motif le plus fréquent de consultation.


1. Topographie


La plus spécifique est le pli de l’aine.

La douleur peut irradier à la face antérieure de la cuisse ou en antéro-interne. Les douleurs externes en regard du grand Trochantertrochanter, postérieures irradiant à la face postérieure de la cuisse sont moins évocatrices.

Enfin, la douleur peut être dite « projetée », en regard du genouB9782294095412000055/icon05-9782294095412.jpg is missing.


2. Horaire


C’est une Douleur mécaniquedouleur mécanique, augmentée à l’effort, calmée par le repos et ne réveillant pas le malade la nuit (sauf aux changements de position, dans les stades très évolués). La douleur peut s’accompagner d’une sensation de raideur matinale, avec un dérouillage de moins de 15 minutes.

De temps en temps, survient une douleur plus importante, qui pourrait correspondre à une poussée congestive de la maladie.


3. Retentissement fonctionnel


La douleur retentit sur les activités quotidiennes et la marche. Il faut évaluer le périmètre de marche. La gêne est particulièrement importante lors des mouvements de rotation de hanche : difficulté à mettre des chaussettes, à enfiler un collant. Elle peut retentir sur la vie sexuelle.
































































Tableau 5.1 Indice fonctionnel des coxopathies de LequesneIndice fonctionnel des coxopathies de Lequesne.
Douleur Douleur nocturne selon mouvements ou posture ou même immobile 1
2
Lors du « dérouillage » matinal pendant quelques minutes ou durant plus d’un quart d’heure 1
2
Lors de la station debout ou du piétinement pendant une demi-heure 1
Lors de la marche au dehors seulement après quelque distance ou dès les premiers pas et allant croissant 1
2
Gêne lors de la station assise prolongée 1
Marche maximale Plus de 1 km mais limitée 1
Environ 1 km (environ 15 minutes) 2
De 500 à 900 mètres (environ 8 à 15 minutes) 3
De 300 à 500 mètres 4
De 100 à 300 mètres 5
Moins de 100 mètres 6
** avec une canne ou canne-béquille + 1
*** avec 2 cannes ou cannes-béquilles + 2
Difficultés pour : Enfiler chaussette ou collant par devant 0 à 2
Ramasser un objet à terre 0 à 2
Monter et descendre un étage 0 à 2
Sortir d’une voiture 0 à 2
Retentissement sur l’activité sexuelle 0 à 2
Le domaine chirurgical commence vers 10 à 12 points.


4. Examen de la hanche


Il doit se faire d’abord en position debout, puis à la marche et, enfin, en position couchée :




• en position debout : on recherche une boiterie de hanche, une Attitude vicieuseattitude vicieuse, en Flessumflessum de hanche ou en rotation externe ;


• en position couchée : il existe une douleur et/ou une limitation douloureuse lors de la mobilisation de la hanche. Au début, les mouvements sont peu limités et la limitation porte sur la rotation interne et l’extension. L’amplitude des différents mouvements peut être cotée en degrés. Noter l’importance de l’ Amyotrophieamyotrophie du muscle quadriceps.

Au total, au terme de l’examen, on doit pouvoir affirmer la responsabilité de la hanche dans le syndrome douloureux.


D. Comment faire le diagnostic ?



1. Radiographie


RadiographieL’examen radiographique (figures 5.3 et 5.4) comprend un cliché de bassin debout de face avec les membres inférieurs en rotation interne à 20° et un faux profil deLequesneLequesne de chaque hanche B9782294095412000055/icon05-9782294095412.jpg is missing. Indispensable, il évalue l’interligne articulaire en avant et en arrière ; l’interligne articulaire normal croît d’arrière en avant.









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Fig. 5.4


Les signes cardinaux de l’ Arthrosearthrose sont les suivants (figure 5.5) :





• le pincement de l’interligne articulaire s’apprécie de façon comparative. Sur le cliché de face, il est le plus souvent supéro-externe, plus rarement supérieur global ou supéro-interne. L’interligne sur le cliché de face peut être normal dans les formes débutantes. Le faux profil met en évidence un pincement antérieur le plus souvent, rarement postérieur ;


• l’ Ostéophytoseostéophytose marginale : avant-toit, péricéphalique, périfovéale, céphalique postéro-inférieure, « en hamac » sous le col fémoral ;


• l’ Ostéoscléroseostéosclérose condensante de l’os sous-chondral dans les zones d’hyperpression, le pôle supérieur de la tête et/ou le toit du cotyle. Elle est parfois associée à des géodes au sein de l’ostéocondensation en regard du pincement de l’interligne articulaire.

Dans les formes plus évoluées, on observe des déformations importantes de la tête fémorale.

On peut coter l’importance de l’atteinte radiologique par la classification de Kellgren et LawrenceKellgren et Lawrence (qui tient compte du pincement et des ostéophytes) ou la seule mesure du pincement de l’interligne.

Fait important, il existe une dissociation anatomoclinique : l’importance de l’atteinte radiologique n’est pas corrélée avec la douleur et/ou le retentissement fonctionnel.

La radiographie permet de détecter des formes dites secondaires de la coxarthrose, liées à un vice architectural. La Coxométriecoxométrie évalue les angles de couverture du cotyle et l’obliquité du col fémoral sur le cliché de face. On définit quatre angles fondamentaux (voir figure 5.3) :

Aug 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Item 57 – Arthrose

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