4. Item 56 – Ostéoporose
ECN
◗ Diagnostiquer une ostéoporose.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Cofer
◗ Connaître la définition de l’ostéoporose.
◗ Connaître la définition densitométrique de l’ostéoporose selon l’OMS.
◗ Connaître les données épidémiologiques et physiopathologiques des ostéoporoses communes (TV, FESF et mortalité).
◗ Connaître les circonstances devant conduire à rechercher une ostéoporose (en particulier fracture du poignet).
◗ Savoir distinguer l’ostéoporose des autres ostéopathies fragilisantes bénignes et malignes sur des arguments cliniques, radiologiques et biologiques (gammapathies, ostéomalacie et hyperparathyroïdie) chez la femme et chez l’homme.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et connaître les éléments du suivi du patient ostéoporotique et planifier ce suivi.
◗ Connaître les indications, les contre-indications et la surveillance des mesures thérapeutiques préventives et curatives de l’ostéoporose post-ménopausique et cortisonique : traitement hormonal substitutif de la ménopause (THM ; savoir expliquer le rapport bénéfice/risque du THM en l’état actuel des connaissances) et autres alternatives (SERM, BP, PTH, etc.).
I. Définitions de l’ostéoporose
A. Définition de l’OMS
« L’ostéoporose Ostéoporose est une maladie généralisée du squelette, caractérisée par une densité osseuse basse et des altérations de la Microarchitecture osseusemicroarchitecture osseuse, responsable d’une fragilité osseuse exagérée et donc d’un risque élevé de fracture. »
Les études biomécaniques montrent que la Densité minérale osseuse (DMO)densité minérale osseuse (DMO) est le déterminant essentiel de la fragilité osseuse. Les fractures sont « la » complication de la maladie ostéoporotique et constituent toute la gravité de cette maladie.
Actuellement, le diagnostic de la maladie peut être réalisé avant la première fracture grâce à la mesure de la DMO et à l’analyse des facteurs de risque.
B. Définition densitométrique de l’ostéoporose
1. Mesure de la densité minérale osseuse
L’ absorptiométrie biphotonique aux rayons XAbsorptiométrie biphotomique (DXA)(DXA) est la technique de référence pour la mesure de la DMO . Elle mesure la densité du tissu minéralisé (et ne permet donc pas de préjuger de la cause d’une densité basse). Les caractéristiques de la DXA sont : temps d’examen de quelques minutes, faible irradiation, exactitude de la mesure (5 % à 8 % d’erreur) et reproductibilité (1 % à 3 %) satisfaisantes. Elle utilise deux faisceaux de rayons X d’énergies différentes et permet la mesure de la DMO en de nombreux sites squelettiques dont le contenu respectif en Os corticalos cortical et en Os trabéculaireos trabéculaire est différent, tels que le rachis, l’extrémité supérieure du fémur et l’avant-bras, qui sont les sites de Fracture ostéoporotiquefracture ostéoporotique les plus fréquents. La mesure de la DMO doit être réalisée en deux sites, habituellement le rachis lombaire et la hanche. Autour de la Ménopauseménopause, le site lombaire est particulièrement intéressant car la perte osseuse prédomine au rachis dans la période post-ménopausique précoce. En revanche, la mesure peut être artificiellement augmentée par des lésions arthrosiques. C’est pourquoi l’intérêt de la mesure de la DMO lombaire diminue après 65–70 ans. À partir de cet âge, c’est surtout la valeur de la DMO fémorale (mesure « à la hanche totale ») qui est analysée, d’autant plus que le risque de Fracture de l’extrémité supérieure du fémur (FESF)fracture de l’extrémité supérieure du fémur augmente alors de façon exponentielle. De nombreuses études épidémiologiques ont validé l’utilisation de la DXA pour l’évaluation prospective du risque de fracture ostéoporotique et ont servi de base à l’établissement de critères densitométriques pour le diagnostic de l’ostéoporose.
Concernant les résultats de la DXA :
• la densité minérale osseuse (DMO) est exprimée en g/cm 2;
• le Z-scoreZ-score est le nombre d’écarts types entre la valeur du sujet et la valeur moyenne des adultes de même sexe et même âge. La densité osseuse, comme toute variable biologique, a une répartition gaussienne. Par conséquent, 95 % des individus ont une valeur de densité située entre Z = +2 et Z = –2 ;
• le T-scoreT-score est le nombre d’écarts types entre la valeur du sujet et la valeur moyenne des adultes jeunes de même sexe.
2. Évolution de la DMO au cours de la vie
La figure 4.1 montre l’évolution de la DMO lombaire au cours de la vie chez la femme et chez l’homme. Dans les deux sexes, la valeur maximale de la DMO est atteinte en fin de croissance et correspond au pic de masse osseuse (valeurs de DMO de l’adulte jeune, globalement entre 20 et 30 ans). La variance de la masse osseuse dépend de la génétique dans une proportion de 70 % à 80 %. L’activité physique, la puberté et les apports calciques sont d’autres déterminants fondamentaux de l’acquisition du pic de masse osseuse.
Fig. 4.1 |
Chez la femme, la perte osseuse débute quelques années avant la Ménopauseménopause mais s’accélère nettement lorsque débute la Carence estrogéniquecarence œstrogénique. Cette perte osseuse rapide (autour de 2 à 3 % par an au rachis) persiste 3 à 5 ans, puis tend à s’atténuer. La perte osseuse est plus importante pour les sites squelettiques riches en tissu trabéculaire. Chez l’homme, la perte osseuse liée au vieillissement est linéaire.
Ainsi, deux mécanismes essentiels s’associent plus ou moins chez un individu pour expliquer la survenue d’une ostéoporose : l’acquisition d’un pic de masse osseuse faible au cours de la croissance et une perte osseuse accrue à l’âge adulte.
3. Définition densitométrique de l’ostéoporose
L’ostéoporose peut être définie à partir du résultat densitométrique(tableau 4.1). Deux précautions s’imposent :
Normalité | T-score ≥ –1 |
---|---|
Ostéopénie | –1 > T-score > –2,5 |
Ostéoporose | T-score ≤ –2,5 |
Ostéoporose sévère ou confirmée | T-score ≤ – 2,5 et présence d’une ou plusieurs fractures |
• cette définition s’applique seulement après avoir éliminé d’autres causes d’ostéopathie fragilisante qui peuvent entraîner une diminution de la DMO mesurée en DXA mais qu’il faut distinguer de l’ostéoporose, car les implications thérapeutiques qui en découlent sont différentes. Il s’agit principalement de l’ostéomalacie et des affections malignes osseuses (métastases et myélome) ;
• cette définition s’applique théoriquement exclusivement aux femmes ménopausées caucasiennes. Avant la ménopause, la densité osseuse s’interprète en fonction du Z-score : compte tenu du fait que, par définition, 2,5 % seulement de la population a un Z inférieur à –2, la découverte d’une telle valeur doit déclencher une enquête étiologique. Chez l’homme de plus de 50 ans, il est admis que l’on peut utiliser le seuil diagnostique T-score ≤ – 2,5 pour l’ostéoporose, à condition de se référer à des valeurs normales masculines. Pour les hommes jeunes, comme pour les femmes non ménopausées, on utilise le Z-score.
II. Épidémiologie
Chez la femme, la prévalence de l’ Ostéoporose densitométriqueostéoporose densitométrique (T-score ≤ –2,5) augmente avec l’âge à partir de 50 ans. Elle est estimée à 39 % à 65 ans et autour de 70 % après 80 ans. L’ostéoporose concerne environ 40 % des femmes ménopausées et 15 % des hommes après 50 ans. L’incidence des fractures augmente de façon exponentielle à partir de 50 ans. On estime que chaque année surviennent environ 50 000 fractures de l’extrémité supérieure du fémurFESF (FESF), 35 000 fractures du poignet ( Fracture de Pouteau-Collesfracture de Pouteau-Colles) et 50 000 à 75 000 fractures vertébrales. Moins de 50 % des patients souffrant d’une fracture vertébrale consultent un médecin, ce qui explique l’incertitude importante de l’estimation ; ces fractures sont donc mal évaluées par l’interrogatoire et seules les radiographies permettent de les détecter. Une diminution de taille de plus de 3 cm permet de les suspecter. Les fractures ostéoporotiques, particulièrement les fractures de l’extrémité supérieure du fémur, sont à l’origine d’une altération de la Qualité de viequalité de la vie, ainsi que d’un excès de morbidité et de mortalité (surmortalité de 20 % la première année après la fracture de l’extrémité supérieure du fémur). Compte tenu du vieillissement attendu de la population française, le nombre de fractures de l’extrémité supérieure du fémur devrait tripler d’ici 2050. Chez l’homme, l’incidence des fractures ostéoporotiques est environ trois fois moindre que celle observée chez la femme. En revanche, l’excès précoce de mortalité suivant la survenue d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur est environ trois fois plus important chez l’homme que chez la femme, traduisant la grande fragilité des hommes victimes de ces fractures.
À côté de ces fractures vedettes, il ne faut pas négliger les autres fractures ostéoporotiques car elles témoignent d’une complication de la maladie. En pratique, toute fracture survenant après un traumatisme à bas niveau d’énergie (comme une chute de sa hauteur) et après l’âge de 50 ans doit faire évoquer une ostéoporose sauf en cas de fracture du crâne, du rachis cervical, des doigts et des orteils. Cela élargit considérablement le champ des fractures ostéoporotiques : humérus, tibias, côtes… Les fractures du bassin ont une surmortalité comparable à celle des fractures de l’extrémité supérieure du fémur. Les fractures de cheville n’ont pas toujours un profil typique de fracture ostéoporotique (masse osseuse et poids supérieurs à ceux des témoins).
III. Physiopathologie
De manière un peu artificielle, il est habituel de distinguer l’ostéoporose primitive, plus fréquente chez la femme (capital osseux plus faible, ménopause, plus grande longévité), des ostéoporoses secondaires, plus fréquentes chez l’homme (cause retrouvée dans environ 50 % des cas). Bien entendu, les causes peuvent être intriquées.
A. Physiologie osseuse
Le squelette est composé d’os cortical (majoritaire dans la diaphyse des os longs) et d’os trabéculaire (majoritaire dans les vertèbres). En plus de sa fonction de soutien, de protection de l’organisme et de levier pour les muscles, le tissu osseux a une fonction métabolique, notamment pour maintenir l’homéostasie calcique. Il existe un remaniement constant de ce tissu (remodelage osseux), beaucoup plus important dans l’os trabéculaire. Le remodelage osseux comporte schématiquement : une phase d’activation, une phase de résorption assurée par les ostéoclastes, suivie d’une phase de formation assurée par les ostéoblastes. À l’état normal, il existe un équilibre permettant d’adapter la formation à la résorption ; cela aboutit au renouvellement et à la réparation du tissu osseux. Dans les situations de déséquilibre, augmentation de la résorption (ménopause) ou diminution de la formation (corticothérapie), il existe une perte osseuse. En pratique, les deux mécanismes sont souvent intriqués.
La résistance mécanique des pièces osseuses dépend en grande partie de la DMO. Cependant, d’autres facteurs, souvent regroupés sous le terme de « qualité osseuse », aboutissent de façon indépendante à une fragilité osseuse : altération de la microarchitecture osseuse (amincissement des travées osseuses, diminution de leur nombre et de leur connectivité, de leur répartition spatiale…), anomalies du collagène de type I, géométrie osseuse… Actuellement seule la DMO est accessible en pratique courante.
B. Physiopathologie de l’ostéoporose
À partir de 40 ans environ, il existe une perte osseuse minime dans les deux sexes, prédominant en secteur trabéculaire d’environ 3 % tous les 10 ans. À la ménopause, la perte osseuse s’accélère en raison de la carence œstrogénique, avec une perte osseuse initiale rapide de l’ordre de 2 % par an pendant une dizaine d’années. Chez 25 % des femmes, cette perte osseuse peut être encore plus importante, dépassant 2,5 % par an, jusqu’à 5 à 8 %. La perte osseuse est ensuite plus lente, égale dans les deux sexes, pour s’accélérer à nouveau après 75 ans. En moyenne, la perte osseuse trabéculaire chez la femme entre 20 et 80 ans est de 40 % et de 25 % chez l’homme.
La carence œstrogénique joue, dans les deux sexes, un rôle déterminant dans les mécanismes de la perte osseuse liée au vieillissement . L’arrêt brutal à la Ménopauseménopause de la sécrétion œstrogénique ovarienne est responsable, chez la femme, d’une accélération du Remodelage osseuxremodelage osseux, notamment de la résorption, ayant pour conséquences l’amincissement des corticales et des travées osseuses ainsi que la perforation des travées et la diminution de leurs connexions. Ces mécanismes expliquent la baisse de la DMO et l’altération de la microarchitecture corticale et trabéculaire.
Chez l’homme, la diminution progressive et non brutale de la sécrétion androgénique testiculaire liée au vieillissement, ainsi qu’un moindre amincissement des corticales expliquent la perte osseuse trabéculaire linéaire et une moindre altération de la microarchitecture osseuse. Cependant, la survenue d’un hypogonadisme entraîne une perte osseuse.