15. Item 309 – Électrocardiogramme
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Argumenter les principales indications de l’ECG et discuter l’interprétation des résultats.
CNEC
◗ Connaître les dérivations, les paramètres de quantification de l’ECG normal, la définition du rythme sinusal, savoir calculer succinctement l’axe de QRS.
◗ Connaître les différents territoires explorés par les différentes dérivations.
◗ Savoir diagnostiquer une hypertrophie atriale ou ventriculaire, droite ou gauche.
◗ Savoir diagnostiquer un bloc atrioventriculaire du premier, deuxième ou troisième degré et leurs différents types, savoir identifier une dysfonction sinusale.
◗ Savoir diagnostiquer un bloc de branche complet droit ou gauche, un hémi-bloc, un bloc bifasciculaire ou trifasciculaire.
◗ Savoir reconnaître les principaux troubles du rythme supraventriculaire, fibrillation et flutter atriaux, tachycardies jonctionnelles.
◗ Connaître l’apport des manœuvres vagales et du test à la Striadyne® au diagnostic de ces arythmies.
◗ Savoir reconnaître une tachycardie ventriculaire et une fibrillation ventriculaire, en connaître l’urgence et la gravité.
◗ Connaître les anomalies induites par les dyskaliémies.
◗ Connaître les anomalies de la repolarisation observées au cours de l’ischémie myocardique, des syndromes coronaires, de l’infarctus du myocarde.
◗ Connaître le diagnostic différentiel entre anomalies ischémiques et celles des péricardites.
◗ Connaître les indications de l’ECG conventionnel, soit :
• systématique au moment d’un bilan de santé ou pour déterminer une aptitude ;
• en cas de symptôme ;
• dans le bilan initial ou la surveillance ultérieure des pathologies cardiaques.
◗ Connaître la méthode de Holter ou ECG de longue durée ambulatoire et ses applications principales.
◗ Connaître l’existence de méthodes ECG de très longue durée, externe ou implantable.
I. INTERPRÉTATION DE L’ECG
A. ECG normal
1. Notions succinctes d’électrophysiologie cardiaque
Les structures spécialisées – nœud sinusal, nœud atrioventriculaire, faisceau de His et ses branches, réseau de Purkinje – ne génèrent pas d’ondes qui leur soient propres sur l’ECG.
La branche gauche du faisceau de His se subdivise en deux hémi-branches qui se terminent aux muscles papillaires antérieur et postérieur reliés par les cordages à la valve mitrale, on note aussi un rameau septal.
2. Électrogenèse du signal
L’activité enregistrée par l’ECG provient de courants extracellulaires liés à la propagation d’un front de dépolarisation (onde P atriale, puis complexe QRS ventriculaire).
Ces courants présents à la surface du cœur sont enregistrés à distance (surface du thorax).
Si toutes les cellules cardiaques se dépolarisaient simultanément, cette propagation ne serait pas observée et l’ECG serait plat.
L’onde de repolarisation (onde T ventriculaire) est due de la même façon à une repolarisation graduelle des différentes cellules cardiaques à des instants différents.
Si toutes les cellules cardiaques se repolarisaient simultanément, cette onde, elle non plus, ne serait pas observée et l’ECG serait plat.
Contre toute attente, les ondes T ont la même polarité que les QRS sur une dérivation donnée de l’ECG normal (T positive si QRS positif, T négative si QRS négatif). Ce phénomène est dû au fait que la dépolarisation ventriculaire progresse de l’endocarde à l’épicarde et la repolarisation en sens inverse (c’est-à-dire de l’épicarde à l’endocarde).
Quand une onde fuit l’électrode de recueil, elle est négative ; lorsqu’elle se dirige vers l’électrode, elle est positive.
3. Dérivations, calcul de l’axe de QRS
Les dérivations frontales explorent le plan frontal (vertical), elles sont obtenues à partir des membres D1, D2 et D3 ou I, II et III, et associées aux dérivations dites unipolaires des membres aVR, aVL et aVF.
Les dérivations précordiales explorent le plan horizontal (transversal) ; elles son numérotées de V1 à V9, complétées parfois chez l’enfant par V3R et V4R (fig. 15.1a).
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➤ Fig. 15.1 Localisation des précordiales, tri-axe de Bailey. a. dérivations précordiales ; b. double tri-axe de Bailey. |
Les dérivations unipolaires des membres et les dérivations précordiales sont créées en connectant le pôle négatif de l’amplificateur à une borne dite de Wilson fictivement placée au centre du thorax (montage électronique), en effet un courant ou une tension électrique ne peut être obtenu qu’entre deux points (différence de potentiel).
L’axe de QRS est mesuré dans le plan frontal, en utilisant le double tri-axe de Bailey (fig. 15.1b). Ce double tri-axe donne des dérivations graduées de 30 en 30° dans le sens des aiguilles d’une montre en partant de D1 figurée à l’horizontale (0°).
La méthode rapide de calcul de l’axe de QRS consiste à repérer la dérivation où le QRS est le plus positif et à vérifier l’exactitude sur la dérivation perpendiculaire. Sur cette dernière, le QRS est plat ou isodiphasique.
On parle d’onde isodiphasique lorsque les composantes successives de l’onde (P, QRS ou T) sont d’égale importance pour le positif et le négatif (par ex. : une sinusoïde).
Certaines dérivations explorent certains territoires. La logique en est simple, liée aux positions des électrodes par rapport à l’anatomie du coeur. Ce principe concerne essentiellement les ventricules et est très utile à la localisation des infarctus.
On distingue les :
– dérivations dites antéroseptales V1, V2 et V3 explorant la paroi antérieure du ventricule gauche et le septum interventriculaire ;
– dérivation apicale : V4 ;
– dérivations dites latérales D1, aVL (hautes) et V5, V6 (basses) ;
– dérivations dites inférieures ou diaphragmatiques D2, D3 et aVF pour la face inférieure du ventricule gauche ;
– dérivations postérieures V7, V8 et V9 pour la face basale et inférieure du ventricule gauche.
Le ventricule droit est exploré par V1, V2, V3R et V4R.
4. ECG normal, principales valeurs numériques (tableau 15.1)
Vitesse normale 25 mm/s soit 40 ms/mm, un grand carreau de 5 mm vaut 200 ms.
Onde, intervalle | Valeurs normales |
---|---|
Fréquence cardiaque (FC) | 60–100 bpm |
Durée de P | < 120 ms |
Axe de P | 60° (D2) |
Amplitude de P | < 2,5 mm (en D2) |
PR | 120–200 ms |
Durée de QRS | 80–100 ms, en pratique 80-–120 ms |
Axe de QRS | – 45 à + 110°, en pratique – 30 à +90° |
Onde Q physiologique | < 1/3 amplitude QRS et < 40 ms de durée |
QT (variable avec FC) | < 440 ms à 60 bpm |
L’onde P normale a un axe en D2, sa durée normale est inférieure à 110 ms (en pratique 120 ms).
Le QRS normal a un axe compris entre – 45 et + 1 10°, en pratique les cardiologues du monde entier utilisent des valeurs arrondies de –30 à + 90° (c’est-à-dire de aVL à aVF).
Sa durée est de l’ordre de 80 ms, en pratique on ne réagit que pour des valeurs pathologiques de plus de 120 ms.
Le QRS comporte grossièrement trois phases :
– une première phase de dépolarisation septale orientée vers l’avant, la gauche et le haut qui génère une onde négative (onde q fine et peu profonde) sur les dérivations latérales et une petite onde positive en V1;
– la seconde phase est orientée vers la jambe gauche et l’avant et donne une grande onde R en V3 et V4 ainsi que D2 ;
– la troisième phase est orientée vers le haut et l’arrière, souvent vers la droite, elle donne une petite onde S dans les dérivations inférieures et latérales.
La fréquence cardiaque normale de repos de l’adulte (attention au nouveau-né, par exemple) est entre 60 et 100 bpm.
Bradycardie si FC < 60 bpm, tachycardie si FC > 100 bpm.
Mesure de la période par l’intervalle RR (entre 2 QRS) en secondes, et calcul de la fréquence par FC = 60/(période).
En pratique : si l’intervalle RR est égal à un grand carreau, la fréquence est de 300 bpm, pour une valeur de deux grands carreaux, elle est de 150 bpm, etc. La formule est FC = 300/nombre de grands carreaux séparant deux QRS.
L’intervalle PR de début de P à début de QRS est entre 120 et 200 ms. Il explore la totalité de la conduction depuis la sortie de l’onde du nœud sinusal jusqu’aux extrémités du réseau de Purkinje et pas seulement la traversée du nœud atrioventriculaire.
L’intervalle QT de début de Q à fin de T explore la durée de la repolarisation.
B. Hypertrophies
Ce terme est historique et remonte aux débuts du XXe siècle, il est utilisé ici dans un sens assez simplifié de dilatation ou d’épaississement de la paroi de la cavité cardiaque considérée ou les deux ensemble. Il peut parfois correspondre (atrium gauche) à une fibrose.
1. Hypertrophies atriales (fig. 15.2)
– Hypertrophie atriale droite, le plus souvent par dilatation. Onde P de plus de 2,5 mm en amplitude (souvent pointue) en D2 ou supérieure à 2 mm en V1 ou V2.
– Hypertrophie atriale gauche, c’est un trouble de conduction interatrial sous la forme d’une onde P de plus de 110 ms de durée (en pratique 120 ms). Une composante négative de plus de 40 ms apparaît en V1.
2. Hypertrophie ventriculaire gauche
Opposer une forme sévère dite aussi « surcharge systolique » (terme historique) à une forme modérée dite « diastolique » sans que ces formes aient une signification sur le mécanisme.
Signe le plus fiable : le signe de Sokolow SV1 + RV5 (amplitude de l’onde S en V1 + amplitude de l’onde R en V5), valeur normale < 35 mm, modifié par Murphy SV1 ou V2 + RV5 ou V6.
Dans la forme sévère, il y a une onde T négative dans les dérivations latérales par anomalie secondaire de la repolarisation (D1, aVL, V5, V6) et disparition de l’onde Q de dépolarisation septale dans les mêmes dérivations.
La déviation axiale est modeste vers la gauche, la durée de QRS < 120 ms. Ces anomalies sont sans grand intérêt séméiologique pour l’étudiant de DCEM.
Attention aux aspects trompeurs en V1 et V2 avec un possible aspect QS qui mime une séquelle d’infarctus, et/ou sus-décalage du segment ST (fig. 15.3).
Étiologie la plus fréquente : HTA.
3. Hypertrophie ventriculaire droite
La même séméiologie est observée en cas d’hémi-bloc postérieur gauche ou comme variante de la normale chez les sujets longilignes.
Intérêt modeste à l’ère de l’échocardiographie.
Intérêt clinique chez les patients avec BPCO et au cours de l’embolie pulmonaire. Le signe le plus fiable est une déviation axiale de QRS >110° (en pratique 90°).
Autres signes :
– rapport R/S <1 en V6;
– onde R exclusive ou Rs en V1;
– onde S >7 mm en V5 ou V6 ;
– aspect S1S2S3, c’est-à-dire onde S en D1, D2 et D3;
– souvent associée à une hypertrophie atriale droite et à un microvoltage chez les patients BPCO.
Il y a souvent un bloc de branche droite associé.
Dans l’embolie pulmonaire, une hypertrophie aiguë peut engendrer un aspect S1Q3T3 (Mc Ginn et White) correspondant à l’apparition d’une onde S en D1, Q en D3 et T négative en D3 (fig. 15.4).
C. Troubles de conduction
Cf. chapitre 14– item 284.
1. Blocs de branche
– Bloc de branche droite complet (fig. 15.5) :
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➤ Fig. 15.5 |
• durée de QRS > 120 ms;
• aspect RsR’ en V1, qR en aVR et qRs en V6 avec onde S le plus souvent arrondie ;
• ondes T en général négatives en V1 – V2 parfois V3.
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➤ Fig. 15.6 |
• durée de QRS > 120 ms;
• aspect rS ou QS en V1, QS en aVR et R exclusif en V6 ;
• ondes T en général négatives en DI, aVL, V5 – V6 il peut y avoir un léger sus-décalage de ST en V1 – V2 – V3 mais qui ne dépasse pas 1 mm le plus souvent.
– Blocs incomplets : faible intérêt séméiologique, mêmes anomalies avec durée de QRS entre 100 et 120 ms.
2. Hémi-blocs ou blocs fasciculaires
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➤ Fig. 15.7 Aspect d’hémi-bloc antérieur gauche et d’infarctus antéro-septo-apical semirécent. Noter que la durée de QRS frôle les 120 ms à cause de l’infarctus. |
• déviation axiale du QRS gauche au-delà de – 45° en pratique (– 30° ou aVL) ;
• aspect qR en DI-aVL, rS en DII, DIII, aVF (on retient le « S3 > S2 ») et onde S en V6.
– Hémi-bloc ou bloc fasciculaire postérieur gauche (HBPG) :
• déviation axiale du QRS droite > 100° (en pratique +90° ou aVF) en l’absence de pathologie du ventricule droit ou de morphologie longiligne ;
• aspect RS ou Rs en DI-aVL, qR en DII, DIII, aVF (on retient le «S1Q3 »).

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