14. Item 284 – Troubles de la conduction intracardiaque
Objectifs pédagogiques
◗ Diagnostiquer un trouble de la conduction intracardiaque.
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
CNEC
◗ Connaître les associations entre les différentes affections cardiovasculaires et les troubles de la conduction intracardiaque, c’est-à-dire connaître les étiologies les plus courantes et connaître la signification pronostique des troubles de conduction au cours des cardiopathies.
◗ Savoir les reconnaître par l’électrocardiogramme et savoir lesquels peuvent donner des symptômes.
◗ Connaître la nomenclature des troubles de conduction et la gravité ainsi que les caractéristiques ECG des atteintes infra-hisiennes.
◗ Connaître les troubles de conduction associés à l’infarctus du myocarde.
◗ Connaître les examens appropriés au diagnostic d’un trouble de conduction paroxystique.
◗ Connaître les modalités de prise en charge en urgence d’une bradycardie et ses signes de mauvaise tolérance.
◗ Connaître les principales indications de stimulateur cardiaque et les modalités de surveillance ultérieure.
I. DÉFINITIONS
Les voies de conduction sont séparées en trois étages (fig. 14.1) :
– l’étage atrial qui contient le nœud sinusal (NS) ;
– la jonction atrioventriculaire qui comporte le nœud atrioventriculaire (NAV) et le faisceau de His ;
– l’étage ventriculaire qui comporte les branches du faisceau de His et le réseau de Purkinje.
La pathologie qui touche au fonctionnement du nœud sinusal s’appelle dysfonction sinusale, l’atteinte de la jonction atrioventriculaire ou des branches réalise soit un bloc de conduction atrioventriculaire (BAV), soit un bloc de branche.
Opposer le tissu nodal qui constitue le NS et le NAV au tissu de type « Purkinje » qui compose le faisceau de His, les branches et le réseau de Purkinje. Ces tissus sont des tissus myocardiques différenciés ayant perdu leur fonction contractile et non des neurones !
Noter la hiérarchie décroissante des fréquences d’échappement des différentes structures :
– 40–50 bpm pour le NAV ;
– 35–45 pour le faisceau de His ;
– <30 bpm pour les branches et les ventricules.
Il n’y a pas de voies de conduction intra-auriculaires spécialisées mais une conduction musculaire de proche en proche.
La conduction intraventriculaire n’est pas l’exclusivité du réseau de Purkinje, elle se fait aussi en intraventriculaire et en interventriculaire (au travers du septum) de proche en proche, mais plus lentement au sein du myocarde.
Dysfonction sinusale et BAV peuvent être symptomatiques à la différence des blocs de branche qui ne le sont jamais s’ils sont isolés.
II. PHYSIOPATHOLOGIE ET MÉCANISMES
A. Dysfonction sinusale (DS)
Le NS est dans l’atrium droit proche de la veine cave supérieure.
Dans la DS, il y a soit un arrêt du nœud sinusal, soit une non-transmission de son activité à l’atrium droit par bloc sino-atrial, les deux mécanismes sont en pratique indiscernables.
Le NS est sous étroite dépendance du système nerveux autonome notamment des nerfs vagues (parasympathiques) et donc la DS peut être parfois uniquement de mécanisme vagal chez le sujet jeune, on parle de DS extrinsèque.
Le NS est vascularisé par une branche de l’artère coronaire droite ou de l’artère circonflexe.
La DS peut faire suite à un médicament bradycardisant.
En cas de DS, un rythme d’échappement peut éclore dans l’atrium ou le NAV (rythme de secours).
B. Blocs atrioventriculaires (BAV)
Le NAV est dans l’atrium droit en avant et en haut de l’ostium du sinus coronaire. Le faisceau de His est la seule communication entre atrium et ventricules et chemine dans le septum membraneux sous la racine de l’aorte.
Les cellules nodales ont une conduction décrémentielle dépendante du courant entrant de calcium.
Les BAV sont fréquents chez le sujet âgé.
Le NAV est aussi sous étroite dépendance du système nerveux autonome.
Le NAV est vascularisé le plus souvent par une branche de l’artère coronaire droite qui naît de la croix des sillons (artère du NAV).
Le His et ses branches sont vascularisés par la première branche septale de l’interventriculaire antérieure et par l’artère du NAV.
En cas de BAV nodal complet, un rythme d’échappement peut éclore dans le faisceau de His à une fréquence comprise entre 35 et 50 bpm. En cas de BAV dans le faisceau de His ou infra-hisien, le rythme d‘échappement est instable et plus lent (15 à 30 bpm), ce qui fait la gravité de cette localisation.
C. Blocs de branche
Le faisceau de His se divise en branches droite et gauche qui se subdivisent en fascicules ou hémi-branches antérieure fine et postérieure épaisse.
Les branches sont peu sensibles aux effets du système nerveux autonome.
Elles se ramifient en réseau de Purkinje et ont la même nature histologique que lui. Les cellules sont peu sensibles à l’ischémie et sont quasiment dépourvues d’activité mécanique.
Dans le bloc de branche, il y a ralentissement ou interruption de la conduction dans une branche.
III. ASPECTS CLINIQUES
A. Dysfonction sinusale
1. Présentation clinique
Elle peut :
– être totalement asymptomatique ;
– être parfois révélée par des palpitations ou par une embolie artérielle si associée à une fibrillation atriale ;
– aggraver parfois une insuffisance cardiaque ;
– être parfois révélée chez l’octogénaire par une détérioration des fonctions cognitives.
2. Étiologies
– Causes extrinsèques liées à :
• une prise médicamenteuse (β-bloqueur, calcium bloqueur bradycardisant, amiodarone ou autre anti-arythmique, ivabradine, digitalique, clonidine) ;
• une hypertonie vagale (athlète) ou un réflexe vagal (malaise vasovagal);
• parfois, une prise médicamenteuse de médicament non cardiotrope.
– Causes cardiaques : atteinte dégénérative idiopathique liée à l’âge, maladie coronaire et myocardiopathies, hypertension artérielle, myocardites et péricardites, tumeurs cardiaques ou malformations complexes.
– Maladies systémiques ou cardiopathies de surcharge.
– Maladies neuromusculaires.
– Causes post-chirurgicales : chirurgie valvulaire, transplantation.
– Hypertension intracrânienne, syndromes méningés.
– Hypothermie.
– Certaines septicémies.
– Ictères rétentionnels sévères.
– Hypoxie, hypercapnie ou acidose sévères.
– Hypothyroïdie.
3. Diagnostic
Les éléments diagnostiques sont :
– constatation d’une bradycardie en situation d’éveil (< 60 bpm chez l’adulte) ou d’une absence d’accélération de la fréquence cardiaque à l’effort (on parle d’incompétence chronotrope) ;
– mise en évidence de pauses sans onde P visible, considérées comme pathologiques au-delà de 3 secondes ;
– mise en évidence d’un bloc sino-atrial (BSA) du deuxième degré ;
– bradycardie avec rythme d’échappement atrial ou jonctionnel ;
– syndrome bradycardie – tachycardie.
Le diagnostic est toujours ECG soit sur un enregistrement classique, soit au cours d’un monitorage ou d’un enregistrement selon la méthode de Holter.
La méthode de référence est l’enregistrement selon la méthode de Holter.
4. Formes cliniques usuelles
Tableau de DS dégénérative liée à l’âge
Souvent, il s’agit d’un sujet de sexe féminin qui reçoit de multiples médicaments. Il faut identifier la prise d’éventuels bradycardisants (β-bloqueurs surtout, attention aux collyres) et se méfier chez le sujet âgé de signes trompeurs (chutes à répétition, déclin cognitif…). La DS s’accompagne souvent dans ce cas de FA (maladie de l’oreillette) et/ou de troubles conductifs touchant le NAV, car la fibrose du NS s’étend au NAV avec l’âge. Il faut souvent traiter.
B. Blocs atrioventriculaires
1. Présentation clinique
Un BAV peut :
– être totalement asymptomatique, c’est le cas bien sûr du BAV du premier degré et de la plupart des blocs du deuxième degré ;
– s’accompagner de lipothymies ou de syncopes de type Adams-Stokes ou de symptômes plus trompeurs comme des faux vertiges, une dyspnée d’effort, une asthénie chronique ou une angine de poitrine ;
– aggraver parfois une insuffisance cardiaque ;
– être parfois révélé chez l’octogénaire par une détérioration des fonctions cognitives ;
– être révélé ou s’accompagner de fibrillation ventriculaire consécutive à une torsade de pointes (allongement de l‘intervalle QT).
2. Étiologies
– Causes dégénératives : il s’agit de fibrose avec ou sans calcifications du squelette fibreux du cœur ou maladies de Lev et de Lenègre.
– Rétrécissement aortique dégénératif (RAO).
– Causes ischémiques du SCA :
• de siège nodal dans l’infarctus du myocarde inférieur de bon pronostic, car le plus souvent régressif ;
• de siège hisien ou infra-hisien dans l’infarctus antérieur de très mauvais pronostic, car témoin d’infarctus très étendu avec insuffisance cardiaque ou choc cardiogénique.
– Causes infectieuses :
• endocardite bactérienne de la valve aortique ;
• myocardite de la maladie de Lyme ;
• rhumatisme articulaire aigu, pathologie disparue en France ;
• myocardites virales.
– Causes extrinsèques liées à :
• une prise médicamenteuse (β-bloqueur, calcium bloqueur bradycar- disant, amiodarone ou autre anti-arythmique, digitalique) ;
• une hypertonie vagale (athlète) ou un réflexe vagal (malaise vasovagal).
– Maladies systémiques ou cardiopathies de surcharge.
– Maladies neuromusculaires.
– Post-cathétérisme par traumatisme mécanique des voies de conduction ou comme complication d’une ablation par radiofréquence.
– Post-radiothérapie.
– Cause néoplasique.
– Hyperkaliémie (+++).
– Cause congénitale.
3. Diagnostic
Il faut préciser le type de bloc 1er, 2e ou 3e degré (cf. infra), son caractère paroxystique ou permanent, son caractère congénital ou acquis et surtout rapidement le siège du bloc.
Les blocs nodaux sont souvent responsables de BAV du premier degré ou de BAV du deuxième degré type Mobitz I, ou de BAV complet à échappement à QRS fins à 35–50 bpm.
Les blocs dans le faisceau de His ou infra-hisiens surviennent au préalable sur des blocs de branche ou des BAV du deuxième degré de type Mobitz II. Lorsqu’ils sont complets, il y a un risque de décès par asystolie et torsades de pointes, le rythme d’échappement est inconstant, instable et lent (< 30 bpm).

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