35. Item 282 – Spondylarthrite ankylosante
ECN
◗ Diagnostiquer une spondylarthrite ankylosante.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Cofer
◗ Connaître les différentes spondylarthropathies et leurs manifestations communes, en connaître les données épidémiologiques (prévalence, éléments génétiques, facteurs étiologiques).
◗ Connaître la notion d’enthèse et d’enthésite.
◗ Savoir définir les manifestations axiales articulaires périphériques, enthésiopathiques et extra-articulaires des spondylarthropathies.
◗ Savoir distinguer, au début, une spondylarthrite ankylosante des autres causes de rachialgies ou d’arthrite sur des arguments cliniques, radiologiques ou biologiques.
◗ Connaître les signes cliniques et radiologiques de la spondylarthrite ankylosante à la phase d’état.
◗ Connaître les principes généraux pharmacologiques et non pharmacologiques du traitement et connaître les éléments de suivi d’une spondylarthrite.
I. Concept de spondylarthropathie
SPONDYLARTHROPATHIELe concept de spondylarthropathieregroupe des rhumatismes inflammatoires chroniques qui partagent certaines de leurs manifestations cliniques ainsi qu’un terrain génétique commun. En font partie la spondylarthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique, les arthrites réactionnelles, les arthrites associées aux entérocolopathies inflammatoires et les spondylarthropathies indifférenciées (figure 35.1).
Fig. 35.1 |
La prévalence globale de l’ensemble des spondylarthropathies est de 0,35 % en France, le sex-ratio étant de 1,5 (hommes/femmes). La majorité des cas débute chez l’adulte jeune (avant 35 ans).
Les manifestations cliniques des spondylarthropathies combinent de façon variable :
• un syndrome pelvirachidien ou axial (atteinte rachidienne et sacro-iliite) ;
• un syndrome enthésopathique ;
• un syndrome articulaire périphérique ;
• un syndrome extra-articulaire (iritis, psoriasis, balanite, uréthrite, diarrhée, entérocolopathie inflammatoire).
II. Manifestations cliniques communes des spondylarthropathies
A. Syndrome pelvirachidien
Syndrome pelvirachidienIl s’agit du syndrome axial traduisant l’inflammation des enthèses du rachis et des sacro-iliaques. Les Enthèseenthèses sont les insertions osseuses des tendons, des ligaments, des capsules et des fascias.
1. Dorsolombalgies inflammatoires
Il s’agit de dorsolombalgies présentes depuis au moins 3 mois, d’horaire inflammatoire (réveil nocturne, dérouillage matinal de plus de 30 minutes), aggravées par le repos mais cédant à l’activité physique. Elles débutent habituellement au niveau de la charnière thoracolombaire puis s’étendent de façon descendante puis ascendante.
L’examen clinique montre une raideur axiale (évaluée par la mesure de l’ Indice de Schöberindice de Schöber) puis l’ankylose rachidienne, dont l’un des premiers signes est la disparition de la lordose lombaire physiologique (évaluée par la distance L3-mur).
2. Pygalgies
La Sacro-iliitesacro-iliite se traduit par l’apparition de douleurs de la fesse d’horaire le plus souvent inflammatoire. La douleur fessière est soit unilatérale, soit bilatérale, soit à bascule. Cette pygalgie, ou fessalgie, encore dénommée sciatalgie tronquée, est une douleur en pleine fesse irradiant parfois en dessous du pli fessier. Elle n’a aucun caractère neurogène (absence de dysesthésies, absence de paroxysme douloureux), ni trajet radiculaire (pas d’irradiation complète au membre inférieur), ni de signe neurologique objectif associé. Cette pygalgie peut être déclenchée par les manœuvres de cisaillement des sacro-iliaques.
3. Atteinte de la paroi thoracique antérieure
L’atteinte des articulations sternoclaviculaires et manubriosternale peut accompagner les manifestations axiales de la maladie.
B. Syndrome articulaire périphérique
Il s’agit d’une Oligoarthriteoligoarthrite des membres inférieurs touchant volontiers les grosses articulations (par ordre de fréquence, le genou puis la cheville).
L’atteinte coxofémorale est fréquente et redoutable (certains classent la coxite dans les atteintes rachidiennes axiales). On peut noter également des arthrites des interphalangiennes distales (dans le rhumatisme psoriasique en particulier) ou des dactylites (atteinte inflammatoire de l’ensemble d’un doigt ou d’un orteil).
C. Atteinte enthésopathique périphérique
Il s’agit de l’atteinte caractéristique des spondylarthropathies: c’est la traduction clinique de l’enthésopathie inflammatoire, ou enthésite.
1. Enthésite
EnthésiteToutes les enthèses peuvent être atteintes, mais les enthésites siègent de façon préférentielle aux membres inférieurs. L’atteinte la plus fréquente et la plus caractéristique est la talalgie.
La Talalgietalalgie est d’horaire inflammatoire, survenant le matin au lever lors du premier pas, elle s’améliore au cours de la journée. Elle est très évocatrice lorsque, survenant chez un sujet jeune, elle est bilatérale ou à bascule.
À la palpation, on note soit une talalgie plantaire inférieure traduisant l’aponévrosite plantaire inférieure siégeant sous le calcanéus, soit une talalgie postérieure correspondant à l’enthésopathie du tendon achilléen ou traduisant l’existence d’une bursite pré ou rétroachilléenne.
Il faudra savoir systématiquement rechercher l’existence d’autres enthésites par la palpation et la mise en tension systématique des enthèses (tubérosité tibiale antérieure, grand trochanter, ischion).
2. Orteil ou doigt « en saucisse » (dactylite)
Orteil ou doigt « en saucisse »L’orteil ou le doigt « en saucisse »correspond à une tuméfaction globale de l’orteil ou du doigt (figure 35.2, cf. cahier couleur). Il s’agit dans la grande majorité des cas de l’association d’une enthésopathie inflammatoire distale, avec une arthrite le plus souvent tripolaire. Au niveau du premier rayon, elle ne doit pas être confondue avec l’atteinte exclusive de la métatarsophalangienne.
La recherche d’un orteil « en saucisse » indolent ou paucisymptomatique est également très importante, justifiant l’examen minutieux des pieds des patients.
D. Syndrome extra-articulaire
L’une des caractéristiques des spondylarthropathies est l’existence de manifestations cliniques communes, dont la fréquence varie en fonction de la forme clinique. Elles peuvent précéder les manifestations rhumatologiques, et doivent être recherchées par l’interrogatoire dans les antécédents du patient.
1. Uvéite aiguë antérieure
UvéiteIl s’agit d’une uvéite aiguë antérieure non granulomateuse dans la plupart des cas, souvent paucisymptomatique mais parfois sévère. Cette uvéite est uni ou bilatérale, voire à bascule. Elle s’associe rarement à une atteinte postérieure mais sa répétition peut conduire à des synéchies.
Le dépistage et la surveillance de cette atteinte sont absolument nécessaires. Elle peut survenir dans 20 % des cas environ et être inaugurale.
2. Entérocolopathie inflammatoire
Elle se traduit le plus souvent par des diarrhées, d’allure banale mais aussi parfois glairosanglantes. Toute diarrhée ou amaigrissement inexpliqué chez un patient suspect de spondylarthropathie doit faire rechercher une Maladie de Crohnmaladie de Crohn ou une Rectocolite hémorragiquerectocolite hémorragique.
Les autres signes des entérocolopathies sont à rechercher : fissurations anales, pancolite inflammatoire, sténoses inflammatoires, etc. La prise en charge multidisciplinaire de ces atteintes et la collaboration avec un gastroentérologue sont absolument nécessaires.
4. Atteintes cardiaques
À côté des valvulopathies, tardives (cf. infra), il faut signaler la possibilité de troubles du rythme ou de la conduction au moment des poussées inflammatoires de la maladie.
E. Critères diagnostiques
Ces différentes manifestations ont été utilisées pour établir des critères de classification des spondylarthropathies : les critères de B. Amor (tableau 35.1) et ceux de l’ESSG ( European Spondylarthropathy Study Group) (tableau 35.2), qui ont une sensibilité respective de 85 % et de 87 %, et une spécificité de 90 % et de 87 %.
* Diagnostic : score supérieur à 6 points. | ||
Catégorie | Critère | Points |
---|---|---|
Signes cliniques ou histoire clinique | Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur matinale lombaire ou dorsale | 1 point |
Douleurs fessières uni ou bilatérales | 1 point | |
Douleurs fessières à bascule | 2 points | |
Oligoarthrite asymétrique | 2 points | |
Doigt ou orteil « en saucisse » | 2 points | |
Talalgie ou autre enthésopathie | 2 points | |
Iritis | 2 points | |
Uréthrite non gonococcique ou cervicite moins d’un mois avant le début d’une arthrite | 1 point | |
Diarrhée moins d’un mois avant le début d’une arthrite | 1 point | |
Présence ou antécédent de psoriasis et/ou de balanite et/ou d’entérocolopathie chronique | 2 points | |
Signes radiologiques | Sacro-iliite radiologique ≥ stade 2 si bilatérale ou stade 3 si unilatérale | 3 points |
Terrain génétique | Présence de l’antigène HLA-B27 ou antécédents familiaux de pelvispondylite, de syndrome de Reiter, de psoriasis, d’entérocolopathies chroniques | 2 points |
Sensibilité au traitement | Amélioration en 48 heures des douleurs par AINS et/ou rechute rapide (48 heures) des douleurs à leur arrêt | 2 points |
* Diagnostic : un critère majeur + un critère mineur. | |
Critères majeurs | Douleurs rachidiennes inflammatoires (début avant 45 ans, amélioration par l’exercice, avec raideur matinale et durée > 3 mois) |
Synovites asymétriques ou prédominantes aux membres inférieurs | |
Critères mineurs | Antécédents familiaux de spondylarthropathie ou d’uvéite ou d’entérocolopathie |
Psoriasis | |
Maladie inflammatoire intestinale (entérocolopathie) | |
Urétrite, cervicite ou diarrhée aiguë dans le mois précédant l’arthrite | |
Diarrhée aiguë | |
Douleurs fessières à bascule | |
Enthésopathie | |
Sacro-iliite radiologique (bilatérale si grade ≥ 2, unilatérale si grade > 3) |
Récemment, de nouveaux critères de classification des formes axiales de spondylarthropathies ont été élaborés par le groupe international d’experts ASAS (tableau 35.3). Ces critères ont une sensibilité de 82,9 % et une spécificité de 84,4 %.
Critères de classification des spondylarthropathies axiales. | ||
*Inflammation hautement compatible avec une sacro-iliite à l’IRM ou sacro-iliite radiographique définie suivant les critères de New York modifiés. | ||
En cas de lombalgie ≥ 3 mois et âge < 45 ans | ||
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≥ 1 signe de SpA + sacro-iliite* | ou | HLA-B27 + ≥ 2 autres signes de SpA |
Signes de SpA : – rachialgie inflammatoire
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