19. Item 250 – Insuffisance cardiaque de l’adulte
I. DÉFINITION
III. ÉPIDÉMIOLOGIE
IV. PHYSIOPATHOLOGIE
V. ÉTIOLOGIES
VIII. EXAMENS PARACLINIQUES
IX. TRAITEMENT
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Diagnostiquer une insuffisance cardiaque chez l’adulte.
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
CNEC
◗ Connaître les définitions de l’insuffisance cardiaque et de ses variantes, notamment la forme à fonction systolique préservée.
◗ Connaître les bases de la mécanique cardiaque et de ses dysfonctions, ainsi que la physiopathologie succincte de l’activation neuro-hormonale au cours de l’insuffisance cardiaque.
◗ Savoir classer les symptômes d’un patient selon la NYHA.
◗ Connaître la notion de décompensation cardiaque et savoir identifier les principaux facteurs déclenchants.
◗ Connaître les principales étiologies et savoir mener le diagnostic étiologique en utilisant les examens paracliniques appropriés devant une insuffisance cardiaque.
◗ Connaître les principaux apports de l’échocardiographie au diagnostic, à l’enquête étiologique et au pronostic de l’insuffisance cardiaque, savoir interpréter une mesure de la fraction d’éjection du ventricule gauche.
◗ Savoir interpréter un dosage de BNP ou NT-proBNP.
◗ Savoir faire le diagnostic d’un OAP, connaître les signes de bas débit cardiaque.
◗ Connaître le traitement en urgence de l’OAP (sans les posologies).
◗ Connaître le détail (sans les posologies) des règles hygiéno-diététiques et du traitement pharmacologique de l’insuffisance cardiaque stabilisée, les différentes classes thérapeutiques et leurs effets sur les symptômes et sur la mortalité.
◗ Connaître les possibilités non médicamenteuses : dispositifs implantables, assistance circulatoire et transplantation.
I. DÉFINITION
La définition retenue par la Société Européenne de Cardiologie est la présence de symptômes d’insuffisance cardiaque (au repos ou à l’effort) associés à une preuve (de préférence échocardiographique) de dysfonction cardiaque systolique et/ou diastolique (au repos) et en cas de doute diagnostique, associés à une réponse favorable au traitement habituel de l’insuffisance cardiaque.
Les deux premiers critères doivent être obligatoirement présents pour en faire le diagnostic.
II. DÉFINITIONS DES FORMES CLINIQUES
A. Insuffisance cardiaque gauche, droite et globale
Ces termes sont employés en fonction de la prédominance des symptômes congestifs plutôt systémiques ou veineux pulmonaires.
Mais ils ne sont pas toujours en lien avec la gravité de l’atteinte de l’un ou l’autre des ventricules.
B. Insuffisance cardiaque chronique et insuffisance cardiaque aiguë
L’insuffisance cardiaque aiguë désigne :
– habituellement, la survenue brutale d’un tableau d’insuffisance cardiaque (par exemple, dans l’infarctus du myocarde, insuffisance mitrale aiguë par rupture de cordage, insuffisance aortique aiguë dans l’endocardite infectieuse…) ;
– une situation de décompensation ou d’exacerbation caractérisée par des signes congestifs pulmonaires et/ou périphériques incluant œdème aigu pulmonaire et/ou œdèmes périphériques plus ou moins associés à des signes d’hypoperfusion périphérique.
L’insuffisance cardiaque chronique désigne une situation stable dans laquelle le patient peut être asymptomatique ou peut présenter une dyspnée d’effort stable.
C. Insuffisance cardiaque associée à une dysfonction systolique du ventricule gauche et insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée
L’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée, également parfois appelée insuffisance cardiaque diastolique :
– correspond à la présence de symptômes et signes d’insuffisance cardiaque malgré la présence d’une fraction d’éjection du ventricule gauche normale ou subnormale (généralement FEVG ≥ 45 %) ;
– est de forme clinique plus fréquente chez les sujets âgés et les femmes ;
– semble être favorisée par l’hypertension artérielle et/ou une hypertrophie du ventricule gauche, plus rarement un diabète ;
L’échocardiographie permet très souvent d’en faire le diagnostic en mettant en évidence une fraction d’éjection du ventricule gauche normale ou subnormale et en retrouvant des critères en faveur d’une élévation des pressions de remplissage du ventricule gauche.
III. ÉPIDÉMIOLOGIE
– Affection fréquente (prévalence en Europe entre 0,5 et 2 %).
– Prévalence de la dysfonction systolique asymptomatique du même ordre.
– Prévalence augmentant avec l’âge.
– Augmentation de la prévalence dans les pays industrialisés du fait du vieillissement de la population et d’une meilleure prise en charge des cardiopathies ischémiques.
– Malgré l’amélioration de la prise en charge thérapeutique, l’insuffisance cardiaque reste de mauvais pronostic (la moitié des patients décède dans les 4 ans suivant le diagnostic).
IV. PHYSIOPATHOLOGIE
A. Définition
Insuffisance cardiaque = incapacité du cœur à assurer un débit sanguin suffisant pour satisfaire les besoins de l’organisme et/ou pressions de remplissage ventriculaire gauche anormalement élevées.
B. Déterminants du débit cardiaque
– la précharge correspondant au volume télédiastolique du ventricule gauche. Selon la loi de Franck-Starling : plus la précharge augmente, plus la force de contraction est grande du fait d’une mise en tension plus importante des fibres myocardiques. La précharge dépend de la volémie ainsi que du tonus veineux ;
– la contractilité du myocarde (inotropisme) : force de contraction «intrinsèque » du myocarde indépendante des conditions de charge ;
– la post-charge : forces s’opposant à l’éjection du ventricule en systole, c’est-à-dire essentiellement la pression systémique pour le ventricule gauche et la pression artérielle pulmonaire pour le ventricule droit.
C. Principaux mécanismes en jeu
La surcharge volumique du ventricule (augmentation du volume télédiastolique du VG comme dans les régurgitations valvulaires, telles que l’IA ou l’IM ou plus rarement l’IT) entraîne une dilatation du ventricule qui augmente l’étirement des fibres engendrant une augmentation de la force de contraction (loi de Franck-Starling). Les surcharges barométriques correspondant à une augmentation de la postcharge (HTA, RA, plus rarement RP) entraînent une hypertrophie du ventricule afin de maintenir un stress pariétal normal. Loi de Laplace :

La dilatation du ventricule en réponse à une surcharge volumétrique ainsi que l’hypertrophie du ventricule en réponse à une surcharge barométrique sont initialement des mécanismes compensateurs, mais progressivement, ils sont dépassés et deviennent délétères.
L’altération de la contraction myocardique peut être le mécanisme physiopathologique prédominant soit par :
– nécrose des myocytes (cardiopathie ischémique), atteinte primitive (cardiomyopathie dilatée idiopathique) ;
– origine toxique (alcool, anthracyclines).
Cette altération de la contraction myocardique se traduit le plus souvent par une dilatation du VG.
La dilatation est classiquement associée à une dysfonction systolique prédominante, tandis que l’hypertrophie du ventricule gauche est plutôt classiquement associée à une dysfonction diastolique. Il faut, en fait, comprendre qu’il s’agit plutôt d’un continuum et que dysfonctions diastolique et systolique coexistent très souvent.
D. Mécanismes adaptatifs neuro-hormonaux
Ils mettent essentiellement en jeu le système sympathique et le système rénine – angiotensine – aldostérone (RAA). Tout comme les mécanismes cités précédemment, l’adaptation neuro-hormonale visant à maintenir un débit systémique normal devient également délétère et aggrave l’insuffisance cardiaque.
La stimulation sympathique a des effets inotrope et chronotrope positifs. Elle entraîne également une vasoconstriction périphérique permettant une redistribution vasculaire aux organes nobles (cerveau, cœur). Cependant, elle entraîne également une augmentation de la post-charge et du travail cardiaque.
E. Mécanismes d’apparition des symptômes
1. Dans l’insuffisance cardiaque gauche
En amont du ventricule gauche, il y a élévation de la pression de l’oreillette gauche et des capillaires pulmonaires. Si la pression capillaire devient supérieure à la pression oncotique, il se produit une exsudation liquidienne vers les alvéoles pulmonaires expliquant la dyspnée ou, dans les cas les plus graves, un tableau d’œdème aigu du poumon.
En aval du ventricule gauche, la diminution du débit cardiaque peut entraîner asthénie, insuffisance rénale, troubles des fonctions cognitives, hypotension, défaillance multiviscérale…
2. Dans l’insuffisance cardiaque droite
– Baisse du débit pulmonaire.
– Augmentation des pressions du ventricule droit et de l’oreillette droite.
– Hyperpression veineuse et baisse du débit cardiaque sont responsables de :
• hépatomégalie, foie cardiaque avec cytolyse, cholestase ± insuffisance hépatocellulaire ;
• dans le territoire cave ;
• stase jugulaire avec turgescence jugulaire ;
• stase rénale qui provoque l’activation du système RAA participant à la rétention hydrosodée ;
• augmentation de la pression hydrostatique avec œdèmes des membres inférieurs (± épanchements pleuraux ± ascite) au niveau veineux périphérique.
V. ÉTIOLOGIES
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque ne doit jamais être le seul diagnostic posé, car son étiologie doit être systématiquement recherchée +++.
A. Étiologies de l’insuffisance cardiaque gauche
– Cardiomyopathie dilatée idiopathique (rare cardiomyopathie dilatée de forme familiale).
– Pathologies valvulaires : rétrécissement aortique, insuffisance aortique, insuffisance mitrale, rétrécissement mitral (en comprenant que le RM provoque une hypertension pulmonaire post-capillaire sans insuffisance ventriculaire gauche).
– Cardiomyopathie hypertensive.
– Cardiomyopathie toxique (alcool, anthracyclines) ou carentielle (avitaminose B1 ou béribéri).
– Cardiomyopathie hypertrophique obstructive et non obstructive.
– Cardiomyopathie restrictive.
– Myocardite (le plus souvent virale ; maladie de Chagas en Amérique du sud).
– Cardiopathie de surcharge (hémochromatose et amylose).
– Cardiopathie congénitale non corrigée.
– Cardiomyopathie du post-partum.
– Sarcoïdose, collagénose, myopathie.
– Insuffisance cardiaque par hyperdébit : ses étiologies les plus fréquentes sont l’anémie, l’hyperthyroïdie, la présence d’une fistule artérioveineuse, la maladie de Paget, le béribéri.
– Cardiomyopathie rythmique ou tachycardomyopathie due à un trouble du rythme rapide et prolongé, il s’agit en principe d’une altération réversible.
B. Étiologies de l’insuffisance cardiaque droite
– Hypertension pulmonaire secondaire à un(e) :
• insuffisance ventriculaire gauche ;
• rétrécissement mitral ;
• pathologie pulmonaire chronique (cœur pulmonaire chronique) ;
• embolie pulmonaire entraînant un cœur pulmonaire aigu et/ou chronique.
– Hypertension artérielle pulmonaire : le plus souvent primitive ou associée à une connectivite (sclérodermie).
– Cardiopathie congénitale avec shunt gauche – droit : communication interauriculaire, communication interventriculaire.
– Valvulopathie droite (rare).
– Péricardite constrictive, tamponnade.
– Insuffisance cardiaque par hyperdébit.
– Dysplasie arythmogène du ventricule droit.
– Infarctus du ventricule droit.
VI. ASPECTS CLINIQUES
A. Signes fonctionnels d’insuffisance cardiaque gauche
1. Dyspnée = maître symptôme
Le plus souvent dyspnée d’effort s’aggravant au cours de l’évolution. La dyspnée doit être cotée selon la classification de la NYHA (New York Heart Association) :
– stade I : dyspnée pour des efforts importants inhabituels ; aucune gêne n’est ressentie dans la vie courante ;
– stade II : dyspnée pour des efforts importants habituels, tels que la marche rapide ou en côte ou la montée des escaliers (> 2 étages) ;
– stade III : dyspnée pour des efforts peu intenses de la vie courante, tels que la marche en terrain plat ou la montée des escaliers (≤ 2 étages) ;
– stade IV : dyspnée permanente de repos.
L’orthopnée est une dyspnée survenant en position couchée partiellement améliorée par la position semi-assise du fait de la diminution du retour veineux et, par conséquent, de la précharge. Elle se cote par le nombre d’oreillers utilisés par le patient pour dormir.

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