12. Item 209 – Malaises, perte de connaissance, crise comitiale chez l’adulte
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Diagnostiquer un malaise, une perte de connaissance, une crise comitiale chez l’adulte.
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
CNEC (objectifs limités au domaine de la cardiologie)
◗ Connaître la définition des syncopes et lipothymies ainsi que celles des autres états d’altération de la conscience.
◗ Savoir interroger et examiner un patient admis pour malaise, connaître les éléments d’orientation en faveur ou en défaveur d’une syncope ou lipothymie et savoir corriger une erreur d’orientation le cas échéant.
◗ Connaître les arguments cliniques qui opposent une syncope à une crise comitiale. Connaître les principales étiologies cardiovasculaires des syncopes et lipothymies.
◗ Savoir identifier une hypotension artérielle orthostatique.
◗ Connaître les éléments valant diagnostic et ceux à valeur d’orientation tirés de l’électrocardiogramme en cas de malaise ou perte de connaissance.
◗ Connaître les examens complémentaires et leurs apports dans la prise en charge des syncopes et lipothymies.
◗ Savoir la différence de pronostic et de prise en charge entre une syncope sur cœur sain à ECG normal et une syncope chez un patient souffrant de cardiopathie.
◗ Connaître la gravité d’une syncope chez un cardiaque, le lien avec le risque de mort subite et le rôle de l’étude électrophysiologique endocavitaire.
◗ Connaître les caractéristiques cliniques et le bon pronostic des syncopes neurocardiogéniques.
I. DÉFINITIONS ET SÉMANTIQUE
A. Définitions
Perte de connaissance : elle peut être définitive en cas de mort subite et très prolongée en cas de coma. Dans ce terme, la réversibilité avec ou sans séquelle n’est pas implicite, c’est donc un terme général qui décrit une altération de la conscience avec perte de contact. Le terme de perte de connaissance est ouvert sur des champs diagnostiques divers des domaines neurologique, cardiologique, métabolique ou toxicologique… C’est toute la difficulté d’associer une sémantique à un champ diagnostique.
Syncope : trouble de conscience avec hypotonie – et perte du tonus postural – de début brutal ou rapide et spontanément régressif, en général bref. Après le retour à la conscience, l’état neurologique, notamment le comportement, et l’orientation sont normaux. Une amnésie brève est assez fréquente (le patient n’a pas souvenir d’avoir perdu connaissance).
On constate une dérive du vocabulaire en cardiologie vers les termes de syncope « typique » ou « vraie », etc. Cette dérive est sans fondement. Lipothymie (ou presyncope en anglais) : syncope « incomplète » qui ne va pas jusqu’à la perte de tonus postural ou pas jusqu’à la perte de contact. Elle peut se résumer à une sensation imminente de perte de connaissance.
Phénomène d’Adams-Stokes : terme proposé au XIXe siècle pour désigner une syncope à début brutal précédé de pâleur, de durée < 30 secondes avec retour abrupt à une conscience normale dont l’étiologie est cardiaque et rythmique. On parle aussi de syncope à « l’emporte-pièce ».
B. Lexique annexe
Prodromes : sensations présentes avant une syncope ou une lipothymie ; par exemple : nausées, palpitations, etc.
Coma : perte de connaissance prolongée insensible aux stimuli extérieurs dont le patient sort progressivement ou après des manœuvres thérapeutiques. Confusion mentale : état avec déficit d’attention et de concentration, désorientation, hallucinations, propos incohérents et agitation.
Crise comitiale : perte de connaissance prolongée avec signes focaux initiaux ou post-critiques. Dans sa forme généralisée, il y a une crise tonicoclonique puis une phase résolutive. Elle s’accompagne de morsure de langue (latérale et profonde) et d’une confusion post-critique.
Accident vasculaire cérébral ou infarctus cérébral : déficit ou signes neurologiques de début brutal liés à l’interruption du flux sanguin dans une région spécifique du cerveau.
Cataplexie : perte brusque du tonus musculaire sans altération de la conscience typiquement déclenchée par une émotion.
Narcolepsie ou maladie de Gélineau : associe une cataplexie à des accès irrépressibles de sommeil survenant plusieurs fois par jour et durant de quelques secondes à 30 minutes, parfois dans des situations délicates ou dangereuses, parfois accompagnée de difficultés d’attention et de troubles de mémoire.
II. PHYSIOPATHOLOGIE DES SYNCOPES ET LIPOTHYMIES
A. Hypoperfusion cérébrale
Toute baisse des apports soit par arrêt bref de la circulation sanguine (ou inefficacité circulatoire), soit par hypotension artérielle (quelle qu’en soit la cause) peut donc entraîner syncope ou lipothymie.
B. Trois mécanismes différents pour cette hypoperfusion
– Arrêt temporaire de la circulation sanguine de cause électrique (par ex. : asystole ou tachycardie ventriculaire).
– Arrêt temporaire de la circulation sanguine de cause mécanique (par ex. : embolie pulmonaire massive ou thrombose de valve mécanique).
– Hypotension artérielle profonde et brutale à débit cardiaque préservé, survenant donc à cause d’une vasodilatation (selon la loi pression = débit x résistances artérielles) soit intrinsèque (hypovolémie), soit extrinsèque (médicaments), soit réflexe. Dans ce cadre, il s’agit d’une activation particulière du système nerveux autonome qui associe une vasodilatation de cause centrale (levée du tonus vasomoteur) à une bradycardie (activation vagale des nerfs pneumogastriques) nommée réaction vasovagale.
C. Trois conséquences pour cette hypoperfusion
– Perte de conscience complète (syncope), parfois incomplète (lipothymie).
– Perte du tonus postural complète (syncope) parfois incomplète (lipothymie).
– Myoclonies au-delà de 30 secondes : elles sont fréquentes, brèves, durent moins de 15 secondes, elles débutent toujours après la perte de connaissance.
III. ÉTIOLOGIES DES SYNCOPES ET LIPOTHYMIES
A. Causes cardiaques « mécaniques »
– rétrécissement aortique, en général calcifié et serré, du sujet âgé ou sur bicuspidie ; la syncope est typiquement décrite à l’effort ;
– myocardiopathies hypertrophiques à forme obstructive : il s’agit de maladies de cause génétique, en général liées à des mutations de gènes codant pour des protéines du sarcomère. Il y a à l’effort un obstacle à l’éjection ventriculaire gauche entre le septum hypertrophié et la valve mitrale, l’auscultation retrouve un souffle systolique au bord gauche du sternum, l’ECG montre souvent une hypertrophie ventriculaire gauche ;
– embolie pulmonaire, par obstacle sur thrombus occlusif ou subocclusif ;
– tamponnade lors de la constitution brutale d’un épanchement péricardique qui comprime les cavités cardiaques droites.
Les causes rares sont :
– thrombose de valve mécanique en général mitrale, associée à une endocardite ou à un défaut d’anticoagulation ;
– tumeurs ou thrombi cardiaques ;
– ischémie myocardique exceptionnellement ;
– hypertension artérielle pulmonaire sévère…
B. Causes cardiaques « électriques »
– Tachycardies plus souvent retrouvées que les bradycardies :
• tachycardies ventriculaires, en général sur séquelle d’infarctus, au cours des SCA avec ou sans sus-décalage de ST, sur myocardiopathie dilatée ou hypertrophique ou au cours de la dysplasie arythmogène du ventricule droit (myocardiopathie de cause génétique affectant préférentiellement le ventricule droit) ;
• torsades de pointes en cas d’allongement de l’intervalle QT ;
• rarement au cours des tachycardies supraventriculaires : flutter à conduction 1:1 ou tachycardie jonctionnelle, ou au cours du syndrome de Wolff-Parkinson-White (cf.chapitre 15– item 309 et chapitre 16– item 325).
– Blocs atrioventriculaires :
• du troisième degré surtout infra-hisiens ;
• de haut degré (cf.chapitre 14– item 284) ;
• beaucoup plus rarement du deuxième degré, type Mobitz I ou II.
– Dans la dysfonction sinusale :
• dès que les pauses dépassent 4 à 6 secondes chez les sujets jeunes et 3 secondes chez les sujets âgés ;
– En cas d’une défaillance d’un stimulateur cardiaque, par déplacement ou rupture de sonde ou usure de la batterie.
C. Hypotensions artérielles
Opposer les hypotensions avec tachycardie sinusale (adaptation normale du baroréflexe) ou hypotensions avec bradycardie sinusale paradoxale (réaction vasovagale).
1. Hypotensions avec tachycardie sinusale réflexe en général
– Hypotensions artérielles iatrogènes : ce sont parmi les causes principales chez le sujet âgé par surdosage en médicaments anti-hypertenseurs, psychotropes ou déshydratation.
– Hypotension artérielle orthostatique, définie par une baisse > 20 mmHg de la pression artérielle systolique ou >10 mmHg de la pression diastolique en 1 à 3 minutes après le passage à la position verticale (suite à 5-10 minutes de décubitus) :
• iatrogène (cf. supra) ;
• par dysautonomie surtout chez le diabétique, dans l’amylose ;
• dans la maladie de Parkinson et autres syndromes extrapyramidaux ;
• par hypovolémie, diarrhée… ;
• fièvre ;
• idiopathique ;
• maladies endocriniennes rares (maladie d’Addison, phéochromocytome…).
2. Hypotensions avec bradycardie sinusale (paradoxale)
– Hypotension réflexe ou « situationnelle » qui peut s’accompagner d’un certain degré de dysfonction sinusale ou de bradycardie sinusale participant d’un même réflexe à la fois vasodilatateur et cardio-inhibiteur :
• par compression du glomus carotidien et mise en jeu du baroréflexe (striction cervicale, rasage) : on parle d’hyperréflectivité sinocarotidiennne ;

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