28. Item 204 – Grosse jambe rouge aiguë
◗ Diagnostiquer une grosse jambe rouge aiguë.
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
• L’érysipèle est la cause la plus fréquente des grosses jambes rouges aiguës et fébriles.
• Les formes graves ou atypiques d’hypodermites infectieuses nécessitent une prise en charge différente.
• La mise en route du traitement des dermo-hypodermites bactériennes ne doit pas être retardée par l’attente d’examens complémentaires qui ont en général peu d’intérêt diagnostique.
• Les dermo-hypodermites inflammatoires sur insuffisance veineuse chronique aboutissent à la lipodermatosclérose du tiers inférieur de jambe ; elles évoluent sur un mode chronique avec parfois des poussées inflammatoires aiguës.
Le texte de référence est la conférence de consensus sur l’érysipèle d’avril 2001.
I. Diagnostic positif
La « Grossejambe rouge aiguëgrosse Jambegrosse rouge aiguëjambe rouge aiguë » associe :
• un placard érythémateux assez bien limité, parfois extensif, associé à un œdème, en général unilatéral ;
• souvent des signes infectieux ;
• d’installation rapide en quelques heures ou quelques jours.
II. Diagnostic étiologique
A. Éléments du diagnostic
1. Interrogatoire
Il fait préciser :
• la date de début et les modalités évolutives (début brutal dont l’heure peut être précisée, ou insidieux, extension rapide ou lente…) ;
• les signes associés : frissons, fièvre, douleur locale… Les signes subjectifs locaux sont variables (sensation de brûlure ou de tension douloureuse, prurit), aggravés par la position déclive ou par la palpation ;
• les antécédents chirurgicaux sur le membre concerné ;
• une pathologie récente locorégionale : intertrigo interorteils, traumatisme, grattage, pathologie articulaire, morsure animale, piqûre ;
• les maladies associées : diabète, artériopathie des membres inférieurs, obésité ;
• la notion d’épisodes identiques dans le passé ;
• l’existence d’un œdème chronique de jambe par stase veineuse (maladie post-phlébitique…) ou lymphatique, et son association éventuelle à un ulcère de jambe ;
• les traitements débutés : antibiothérapie générale, traitements topiques.
2. Examen clinique
a. Examen clinique locorégional
L’examen locorégional précise :
• le siège uni- ou bilatéral des lésions ;
• la nature des lésions élémentaires cutanées :
– l’érythème, rouge vif, est associé à un œdème,
– l’œdème de la plaque est souvent tendu et douloureux à la palpation,
– des vésicules et/ou des bulles peuvent être présentes,
– un œdème de constitution rapide peut entraîner des décollements superficiels étendus, en particulier chez le sujet âgé ;
• la bonne ou mauvaise limitation des lésions cutanées ;
• la présence d’une nécrose cutanée superficielle ou profonde (pâleur de certaines zones, plaques noirâtres) ;
• les éventuels signes de collection : zone fluctuante ;
• la porte d’entrée potentielle : intertrigo interorteils, ulcère de jambe, plaie traumatique, excoriations, lésions de grattage, piqûre d’insecte…
• les signes d’insuffisance veineuse chronique : œdème, varices, lipodermatosclérose ;
• les signes neurologiques associés (hypo- ou anesthésie superficielle) ;
• les pouls périphériques pédieux et tibial postérieur, parfois difficiles à palper sous l’œdème ;
b. Examen clinique général
L’examen général recherche :
• une fièvre ;
• une altération de l’état général ;
• des signes de sepsis sévère, voire de choc septique (tableau 28.I).
Signes locaux | Douleur locale intense Œdème majeur Bulles hémorragiques Nécrose focale Hypoesthésie Livedo Crépitation |
Signes généraux et symptômes | Fièvre élevée avec confusion Désorientation Tachypnée Tachycardie Oligurie Hypotension Pâleur |
Autres facteurs | Comorbidité : diabète, obésité Contexte social : état de précarité |
L’arbre décisionnel suivant est proposé (tableau 28.II).
Aiguë fébrile + dermo-hypodermite – Érysipèle – Autres DH infectieuses – Fasciite nécrosante Subaiguë – Fébrile : – DH infectieuses – immunodéprimé – Non fébrile : – insuffisance veineuse – pied diabétique Non fébrile + autres lésions élémentaires – Eczéma … |
B. Tableaux typiques
1. Érysipèle (item 87)
L’érysipèle est une dermo-hypodermite aiguë bactérienne à streptocoque β-hémolytique A (plus rarement B, C ou G) qui se localise à la jambe dans plus de 80 % des cas.
C’est une maladie fréquente et c’est donc le premier diagnostic à évoquer devant une grosse jambe rouge aiguë et fébrile.
La maladie s’observe chez l’adulte après 40 ans, avec un âge moyen de survenue vers 60 ans. L’atteinte des membres inférieurs est favorisée par l’insuffisance veineuse et (ou) lymphatique. Les facteurs favorisants sont locaux (lymphœdème, porte d’entrée intertrigo interorteils, ulcère de jambe) et généraux (obésité).
a. Forme habituelle
La forme habituelle donne un tableau de « grosse jambe rouge aiguë fébrile » unilatérale.
Le début est brutal, par une fièvre élevée (39 à 40 °C) accompagnée de frissons, qui précède souvent de quelques heures l’apparition du placard cutané inflammatoire. C’est une plaque érythémateuse, œdémateuse, circonscrite et douloureuse à la palpation (cf. fig. 6.7, p. 67). Un bourrelet périphérique marqué est rarement observé.
Dans certains cas, des décollements bulleux superficiels, conséquence mécanique de l’œdème dermique, ou un purpura, sont observés sur le placard (cf. fig. 6.8, p. 67).