25. Item 182 – Accident des anticoagulants
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Diagnostiquer un accident des anticoagulants.
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
CNEC
◗ Connaître le traitement préventif et curatif des surdosages et des accidents hémorragiques liés à l’administration des différents types d’héparine.
◗ Connaître la gravité des accidents thrombotiques artériels et veineux observés dans les thrombopénies induites par l’héparine (TIH) de type II.
◗ Savoir faire un diagnostic précoce de TIH de type II et connaître le traitement de substitution.
◗ Connaître le traitement préventif et curatif des surdosages et des accidents hémorragiques liés à l’administration des antivitamines K.
◗ Connaître les règles de prescription des antivitamines K permettant de diminuer le risque hémorragique.
◗ Savoir évaluer le rapport bénéfice – risque d’un traitement anticoagulant.
Les accidents des anticoagulants sont le plus souvent liés à l’administration d’héparine non fractionnée (HNF) ou d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou à la prise d’antivitamines K (AVK) et sont dominés par les hémorragies. Les autres accidents sont plus rares mais peuvent être graves, c’est notamment le cas des thrombopénies induites par l’héparine (TIH). Il faut connaître également les accidents liés au fondaparinux (inhibiteur sélectif du facteur X activé) et liés aux inhibiteurs directs de la thrombine (hirudines et dabigatran).
I. ACCIDENTS LIÉS À L’ADMINISTRATION D’HÉPARINES
A. Accident hémorragique lié à l’administration d’héparines
1. Fréquence
Les accidents hémorragiques peuvent survenir lors d’un traitement par HNF ou par HBPM.
La fréquence des accidents hémorragiques dépend de nombreux facteurs et augmente avec l’âge, le sexe féminin, un faible poids corporel, l’intensité et la durée de l’anticoagulation.
Les comorbidités suivantes sont susceptibles de favoriser la survenue d’un accident hémorragique :
– pathologie digestive ou cérébrale à risque hémorragique ;
– insuffisance hépatocellulaire ;
– traumatisme ou chirurgie récente ;
– thrombopénie ;
– troubles congénitaux de la coagulation à risque hémorragique ;
– insuffisance rénale surtout pour les HBPM.
L’administration associée d’un autre antithrombotique (AVK, anti-agrégants plaquettaires) augmente aussi ce risque.
2. Tableau clinique
– Surdosage biologique asymptomatique : TCA > 3 fois le témoin ou héparinémie élevée pour les HNF, activité anti-Xa élevée pour les HBPM (le taux d’accidents hémorragiques augmente nettement lorsque l’activité anti-Xa est > 1,0 UI/mL).
– Anémie sans hémorragie apparente.
– Hématome ou hémorragie extériorisée grave ou non grave.
3. Traitement préventif des accidents hémorragiques liés aux héparines
Le respect des règles de prescriptions des héparines est l’élément fondamental de la prévention des accidents hémorragiques liés aux héparines :
– adaptation des doses en fonction du poids ;
– surveillance quotidienne du TCA en cas de traitement par HNF ;
– contre-indication des HBPM en cas d’insuffisance rénale sévère ;
– prescription prudente des HBPM chez les sujets âgés du fait de leur fonction rénale souvent altérée (pas au-delà de 75 ans) ;
– respect des contre-indications pouvant entraîner un risque hémorragique.
4. Conduite à tenir en cas d’accidents hémorragiques liés aux héparines
– En cas d’accident mineur : adaptation des posologies et surveillance clinique et biologique.
– En cas d’accident majeur :
• mettre en balance le niveau de risque hémorragique et le niveau de risque entraîné par l’arrêt du traitement anticoagulant (chez les porteurs de valve mécanique, par exemple) ;
• remplissage par des macromolécules puis compensation des pertes sanguines par transfusion de concentrés de culots globulaires si nécessaire ;
• évaluer l’intérêt de l’administration de l’antidote de l’héparine : le sulfate de protamine ;
• la protamine se combine avec l’héparine pour former un complexe inactif stable. Le sulfate de protamine neutralise l’activité anticoagulante de l’héparine. Administré en l’absence d’héparine, le sulfate de protamine possède lui-même un effet anticoagulant ;
• administration en IV lente ;
• neutralisation de l’action anticoagulante de l’HNF : 1000 UAH (1 mL) neutralisent environ 1000 unités d’héparine. La dose de sulfate de protamine à injecter doit être adaptée à l’héparinémie constatée et non pas à la dose d’héparine injectée ;
• neutralisation de l’action anticoagulante des HBPM : le sulfate de protamine inhibe unité par unité l’activité anti-IIa des héparines de bas poids moléculaire, mais ne neutralise que partiellement (50 à 60 %) l’activité anti-Xa des héparines de bas poids moléculaire ;
• effets secondaires du sulfate de protamine : hypotension, bradycardie, hypertension pulmonaire aiguë (rare), choc anaphylactique.
B. Thrombopénie induite par les héparines (TIH)
1. Définition et généralités
On distingue deux types de thrombopénies survenant chez des patients traités par HNF ou HBPM :
– la thrombopénie de type I (thrombopénie précoce), bénigne, d’origine non immune et d’apparition précoce sans complication thrombotique et régressant malgré la poursuite du traitement par l’héparine ;
– la thrombopénie de type II, potentiellement grave, d’origine immune et en règle générale d’apparition plus tardive, que nous appelons thrombopénie induite par l’héparine (ou TIH) dans ce chapitre.
La TIH est un syndrome clinico-biologique induit par des anticorps (souvent d’isotype IgG) qui reconnaissent dans la plupart des cas le facteur 4 plaquettaire (F4P) modifié par l’héparine, avec une activation plaquettaire intense ainsi qu’une activation de la coagulation pouvant aboutir à des thromboses veineuses et/ou artérielles.
Le risque de la TIH est donc thrombotique.
Les thromboses résultent d’une activation pluricellulaire (plaquettes, cellules endothéliales, monocytes).
2. Épidémiologie
– La fréquence des TIH chez les patients traités par HNF est plus élevée en milieu chirurgical (environ 3 %) qu’en milieu médical (environ 1 %).
– La fréquence est plus élevée en chirurgie cardiaque et orthopédique : pouvant atteindre 5 %.
– Les TIH chez les patients traités par HBPM sont plus rares mais possibles (fréquence inférieure à 1 %).
– Le délai de survenue de la TIH est typiquement de 5 à 8 jours, après le début de l’héparinothérapie. Ce délai peut être plus court (avant le 5e jour, voire dès le 1er jour du traitement) chez des patients ayant été exposés à l’héparine dans les 3 mois précédents. Il peut aussi être plus long, notamment avec les HBPM (pouvant atteindre plus de 3 semaines).
3. Tableau clinique
Selon la Haute Autorité de santé (HAS), le diagnostic de TIH doit être évoqué devant :
– numération plaquettaire < 100 000/mm3 (ou 100 giga/L) et/ou une chute relative des plaquettes sur deux numérations successives (de 30 à 50 % selon les recommandations) sous traitement par héparine ;
– apparition de thromboses veineuses ou artérielles sous traitement par héparine ;
– résistance à l’héparinothérapie avec extension du processus thrombotique initial ;
– même si le patient n’est plus sous héparine, devant la survenue d’une thrombose ou d’une thrombocytopénie (peu après l’arrêt de l’héparine).
La thrombopénie est comprise entre 30 et 70 giga/L chez 80 % des patients. Une coagulopathie de consommation (CIVD) est rapportée dans 10 à 20 % des cas.
Les thromboses veineuses profondes peuvent concerner 50 % des patients avec une TIH, ce qui justifie leur recherche systématique ; une embolie pulmonaire survient dans 10 à 25 % des cas.
Les thromboses artérielles sont les plus typiques, quoique moins fréquentes que les thromboses veineuses. Tous les territoires peuvent être touchés, avec une plus grande fréquence pour l’aorte abdominale et ses branches.
Les complications neurologiques surviennent chez 9,5 % des patients (accidents vasculaires cérébraux ischémiques, thromboses veineuses cérébrales…). La gravité des TIH justifie la surveillance de la numération plaquettaire 2 fois par semaine avant traitement, puis 2 fois par semaine à partir du 5e jour en cas de traitement par HNF ou HBPM.
4. Conduite à tenir devant une suspicion de TIH
Confirmer la thrombopénie par prélèvement sur tube citraté et/ou prélèvement capillaire et contrôle sur lame (éliminer une thrombo-agglutination).
Éliminer une autre cause de thrombopénie (infectieuse, médicamenteuse, CEC).
Tests d’activation plaquettaire. Ces tests fonctionnels montrent la présence, dans le plasma ou le sérum du malade, d’anticorps IgG héparine-dépendants activant les plaquettes et donc provoquant l’agrégation. Dans la plupart des laboratoires spécialisés, ces tests reposent sur une méthode dite d’agrégation plaquettaire, avec des plaquettes de volontaires sains en suspension dans le plasma.
La décision d’arrêter l’héparine et de la remplacer par un autre antithrombotique d’action immédiate doit être prise dès qu’il y a suspicion de la TIH.
Traitements de substitution :

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