24. Item 149 – Tumeurs cutanées épithéliales et mélaniques : nævus
◗ Diagnostiquer une tumeur cutanée mélanique.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
• Le nævus est une tumeur mélanocytaire bénigne fréquente dont la multiplication dès l’enfance est fonction de l’exposition solaire et de caractéristiques personnelles.
• Le risque de transformation d’un nævus en mélanome est très rare excepté pour les nævus congénitaux de grande taille.
• Tout nævus ne doit donc pas être enlevé.
• Si un nævus est enlevé pour une quelconque raison, la pièce d’exérèse doit être confiée à l’anatomopathologiste.
• Une surveillance régulière des nævus est proposée en cas de nombreux nævus, ou chez des personnes à risque (phénotype clair, phototype à risque, antécédent familial de mélanome) de mélanome ou de cancers épithéliaux.
• Le seul moyen de guérir le mélanome est de dépister la tumeur au stade le plus précoce c’est-à-dire quand la tumeur est la moins épaisse. Il est donc indispensable d’enlever toute lésion douteuse ou suspecte d’être un mélanome.
• Le seul élément permettant le diagnostic formel de bénignité ou de malignité est l’examen anatomopathologique.
Les mélanocytes qui se disposent à l’état normal de manière isolée entre les kératinocytes de la jonction dermo-épidermique sont chargés de fabriquer un pigment destiné à protéger la peau vis-à-vis des rayonnements ultraviolets, la mélanine.
Tous les mélanocytes sont marqués en immunohistochimie par la protéine S100, ce qui atteste de leur origine neuro-ectodermique.
Au cours du développement embryonnaire, les précurseurs mélanocytaires, cellules pluripotentes schwanno-mélanocytaires puis mélanocytaires, n’atteignent l’épiderme qu’après leur migration et leur différenciation.
On distingue schématiquement trois grandes catégories d’hyperplasies mélanocytaires localisées.
Tumeurs bénignes acquises
Les tumeurs bénignes acquises sont les plus fréquentes des tumeurs du système mélanocytaire ; elles sont représentées par : les Nævusnævus encore appelés nævus pigmentaires ou nævus mélanocytaires, nævus communs ou nævus banaux, (les « grains de beauté »).
Il s’agit de tumeurs cutanées développées à partir des mélanocytes qui se groupent en amas ou thèques dans l’épiderme et/ou le derme. L’origine de ces nævus dits « communs ou acquis » qui sont apparus après la naissance et qui sont les plus nombreux, est discutée. Ils pourraient résulter de mutations somatiques très tardives ce qui expliquerait leur caractère très localisé, et se constituer secondairement à partir des mélanocytes matures normalement constitutifs de l’épiderme.
Phénomènes malformatifs
Les phénomènes malformatifs sont représentés par :
• les nævus congénitaux que l’on préfère appeler hamartomes congénitaux ;
• les mélanoses dermiques : tache mongolique, nævus d’Ota…
Au cours de l’embryogenèse, la différenciation terminale des mélanocytes serait trop précoce et/ou leur migration serait bloquée dans le derme et l’hypoderme. Ceci expliquerait la formation des nævus congénitaux géants, ainsi assimilés à des malformations ou à des dysembryomes. Des mutations autosomiques survenant tardivement dans l’embryogenèse pourraient expliquer ces phénomènes.
Les cellules mélanocytaires constituant les nævus sont regroupées en thèques (amas). On distingue plusieurs formes histologiques de nævus selon la répartition de ces thèques :
• nævus jonctionnel : les cellules se disposent de façon dispersée en nappe dans la couche basale et en thèques prédominant dans la couche basale de l’épiderme ;
• nævus dermique : prolifération mélanocytaire strictement intradermique ;
• nævus mixte ou composé : les thèques se disposent à la fois dans le derme et à la jonction dermo-épidermique.
Les mélanocytes constituant les nævus ont des aspects variables selon leur siège : volontiers globuleux ou « épithélioïdes » à la jonction dermo-épidermique, et plus fusiformes, ou « neuroïdes », dans le derme.
La composante jonctionnelle, très marquée chez l’enfant, diminue voire disparaît au cours du vieillissement : c’est souligner l’importance de l’âge du sujet dans l’interprétation histologique de toute lésion mélanocytaire.
Histoire naturelle des nævus communs
Les nævus communs sont présents chez tous les individus. Ils commencent à apparaître dès l’âge de 4 à 5 ans et croissent en nombre et en taille pour atteindre un plateau vers la quatrième décennie (nombre moyen par individu autour de 20 nævus) avant de régresser peu à peu et se raréfier après 60 ans :
• dans l’adolescence : de façon physiologique, les nævus croissent en taille parallèlement à la croissance de l’individu ;
• au cours de la grossesse : les nævus peuvent augmenter en taille surtout au niveau de l’abdomen par simple distension mécanique et se pigmenter.
I. Formes cliniques
A. Formes symptomatiques
1. Nævus communs
Deux types cliniques sont observés :
• les nævus pigmentés, d’une teinte brune variable et d’une taille < 10 mm, soit plans (nævus jonctionnel : thèques jonctionelles) (fig. 24.1), soit bombés à surface mollusciforme, voire verruqueuse (nævus mixte ou dermique) ;
Fig. 24.1 |
• les nævus tubéreux, généralement peu ou pas pigmentés, à type d’élevures siégeant plutôt sur le visage et dont les thèques sont essentiellement dermiques (nævus mixte ou dermique) (fig. 24.2).
Fig. 24.2 |
2. Nævus selon leur pigmentation
a. Nævus bleu
Certains nævus sont particuliers par leur couleur bleutée due à la localisation profonde du pigment mélanique dans le derme : le Nævusbleunævus bleu est le plus fréquent. Il apparaît surtout à l’âge adulte sous la forme d’une lésion plane ou saillante de teinte bleu nuit siégeant au visage, à la face d’extension du membre supérieur (fig. 24.3). Il s’agit d’une lésion bénigne.