4. Item 132 – Angine de poitrine et infarctus myocardique
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Diagnostiquer une angine de poitrine et un infarctus du myocarde.
◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
◗ Décrire les principes de la prise en charge au long cours.
CNEC
◗ Connaître la physiopathologie succincte de l’angor et des syndromes coronaires aigus.
◗ Connaître la classification CCS de sévérité de l’angor.
◗ Savoir définir et identifier l’ischémie myocardique dite silencieuse.
◗ Connaître les différents examens paracliniques, leurs avantages et inconvénients ainsi que leurs effets indésirables pour la mise en évidence d’une ischémie myocardique ou pour la mise en évidence de lésions coronaires.
◗ Identifier les facteurs de mauvais pronostic chez un patient souffrant d’angor stable.
◗ Connaître la place de l’aspirine et des autres anti-agrégants plaquettaires dans l’angor et savoir les prescrire.
◗ Connaître les principales classes d’agents anti-angineux utilisés en cas de crise et en traitement de fond de l’angor.
◗ Connaître les indications principales, les modalités et la stratégie de recours aux différentes méthodes de revascularisation myocardique (percutanées et chirurgicales) dans l’angor stable.
◗ Savoir classer et définir correctement un syndrome coronaire aigu en fonction de la triade symptômes – ECG – troponinémie.
◗ Savoir identifier un syndrome coronaire aigu sans sus-décalage de ST (SCA non ST) sur les bases cliniques et électrocardiographiques.
◗ Savoir reconnaître les anomalies ECG observées dans les SCA non ST.
◗ Savoir prescrire et interpréter les taux de troponinémie dans une suspicion de SCA non ST.
◗ Connaître les situations à très haut risque en cas de SCA non ST conduisant à la coronarographie en urgence.
◗ Savoir prescrire (posologies incluses) les anti-agrégants et les anticoagulants dans le SCA non ST, savoir prescrire les anti-ischémiques.
◗ Savoir poser le diagnostic de SCA avec ST devant des symptômes typiques ou atypiques associés à des anomalies ECG évocatrices, bloc de branche gauche compris.
◗ Savoir prescrire et interpréter les cinétiques de troponinémie dans le SCA avec ST et connaître l’apport des autres marqueurs biologiques.
◗ Connaître l’évolution clinique en faveur d’une reperfusion et l’évolution ECG dans le SCA avec ST.
◗ Connaître les complications rythmiques, mécaniques, péricardiques, thrombo-emboliques et hémodynamiques des SCA avec ST, savoir identifier et connaître la gravité du choc cardiogénique.
◗ Connaître les facteurs de mauvais pronostic immédiat et à distance dans le SCA avec ST.
◗ Connaître les modalités de prise en charge pré-hospitalière et hospitalière des SCA avec ST et les éléments décisifs pour le choix de la stratégie de reperfusion.
◗ Savoir prescrire (posologies incluses) les anti-agrégants et les anticoagulants dans le SCA avec ST, savoir prescrire les anti-ischémiques.
◗ Connaître les indications des interventions coronaires percutanées dites primaires et celles dites de sauvetage.
◗ Savoir quand et comment prescrire une fibrinolyse (thrombolyse) par voie intraveineuse dans le SCA avec ST, savoir identifier l’échec de cette thérapeutique.
◗ Connaître succinctement les principes thérapeutiques des différentes complications du SCA avec ST.
I. PHYSIOPATHOLOGIE (fig. 4.1 cahier couleur)
– La maladie coronaire est, dans la majorité des cas, la conséquence de la formation de plaques athéromateuses dans la paroi artérielle. Ces lésions sont constituées de lipides et de cellules inflammatoires.
– Elles peuvent faire l’objet de rupture, fissuration, érosion, qui favorisent la formation de thrombi endoluminaux. Un thrombus peut rester non occlusif, se fragmenter et migrer, à l’origine d’occlusions capillaires, ou être totalement occlusif d’emblée ou secondairement.
– L’accumulation progressive de dépôts lipidiques ou, plus fréquemment, la cicatrisation imparfaite de lésions rompues sont responsables de la constitution de lésions fibro-athéromateuses.
– Les plaques athéromateuses sont le plus souvent asymptomatiques lorsqu’elles restent localisées dans la paroi artérielle.
– Les lésions athéro-thrombotiques aiguës se traduisent en clinique par un syndrome coronaire aigu (SCA).
– Les lésions fibro-athéromateuses, lorsqu’elles induisent un rétrécissement de la lumière coronaire, sont à l’origine d’un angor stable survenant à l’effort.
– L’occlusion coronaire aiguë est responsable d’une nécrose myocardique.
– Une occlusion prolongée d’un tronc épicardique peut être responsable d’une nécrose étendue et d’une altération de la fonction ventriculaire.
– Une occlusion capillaire (embolique) n’induit qu’une nécrose rudimentaire, dont la traduction n’est que biologique : élévation de la troponinémie.
II. ANGINE DE POITRINE (ANGOR) STABLE
A. Physiopathologie, généralités
Il traduit une ischémie myocardique qui survient lorsque les apports en oxygène au myocarde ne compensent pas les besoins du fait d’une insuffisance du débit coronaire, conséquence d’une réduction fixe du calibre d’une artère coronaire. Le diagnostic repose en première intention sur les données cliniques (interrogatoire en particulier) et les examens paracliniques fonctionnels (examens au cours d’un effort ou équivalent).
Le pronostic dépend de l’étendue de l’ischémie myocardique, du niveau d’effort à partir duquel elle apparaît, de la diffusion des lésions coronaires et de leur localisation, de l’efficacité du traitement anti-ischémique et surtout de la qualité de la prise en charge des facteurs de risque de la maladie.
B. Diagnostic
1. Signes fonctionnels
a. Douleur angineuse typique
Elle est caractérisée par ses : sièges, irradiations, qualité, intensité, évolution, facteurs aggravants ou atténuants.
Elle est de siège rétrosternal en barre d’un pectoral à l’autre (le patient montre sa poitrine du plat de la main), parfois verticale, plus rarement précordiale.
Elle irradie dans les deux épaules, les avant-bras, les poignets et les mâchoires, parfois dans le dos.
Elle est constrictive (sensation « de poitrine serrée dans un étau »), angoissante (angor).
Son intensité est variable : de la simple gêne thoracique à la douleur insoutenable, syncopale.
Elle survient exclusivement à l’effort (ou équivalent), surtout la marche (mais aussi la défécation, les rapports sexuels…), en côte, par temps froid et contre le vent.
Elle cède en quelques secondes (maximum 1 min) à la prise de trinitrine sublinguale.
La douleur d’angor d’effort typique ne pose guère de problème de diagnostic différentiel.
b. Douleur angineuse atypique
La douleur peut être atypique par son siège épigastrique ou limitée aux irradiations.
La blockpnée d’effort, impossibilité de vider l’air lors de l’expiration, est un équivalent à différencier de la dyspnée.
Les palpitations d’effort peuvent traduire l’existence d’un trouble du rythme d’origine ischémique.
Les manifestations d’insuffisance ventriculaire gauche peuvent être observées si l’ischémie est étendue.
c. Ischémie silencieuse d’effort
L’ischémie silencieuse d’effort est habituellement détectée par une épreuve d’effort (conventionnelle sur bicyclette ou tapis roulant, associée à une scintigraphie ou une échocardiographie) chez un patient dont les facteurs de risque (diabète, hérédité…), l’âge (> 45 ans) ou l’activité physique justifient sa recherche.
Elle pose avant tout un problème de diagnostic (une épreuve d’effort peut être positive électriquement chez un sujet indemne de toute coronaropathie : faux positif).
Lorsqu’elle est confirmée (en règle par deux examens concordant, épreuve d’effort et scintigraphie d’effort ou épreuve d’effort et coronarographie), les modalités de sa prise en charge sont comparables à celles de l’angor stable.
d. Classification de l’angor en fonction de sa sévérité (classification canadienne : Canadian Cardiovascular Society – CCS)
– Classe 1 : les activités quotidiennes ne sont pas limitées. L’angor survient lors d’efforts soutenus, abrupts ou prolongés.
– Classe 2 : limitation discrète lors des activités quotidiennes. L’angor survient à la marche rapide ou en côte (lors de la montée rapide d’escaliers), en montagne, après le repas, par temps froid, lors d’émotions, au réveil.
– Classe 3 : limitation importante de l’activité physique. L’angor survient au moindre effort (marche à plat sur une courte distance, 100 à 200 m, ou lors de l’ascension à pas lent de quelques escaliers).
– Classe 4 : impossibilité de mener la moindre activité physique sans douleur.
2. Examen clinique
Bien que souvent négatif, l’examen cardiovasculaire est systématique recherchant en particulier :
– un souffle aortique faisant évoquer une sténose aortique qui peut être responsable d’un angor en l’absence de lésion coronaire ;
– un souffle vasculaire (carotides, fémorales…) qui témoigne d’une autre localisation de la maladie athéroscléreuse ;
– une hypertension artérielle (HTA) qui constitue un facteur de risque majeur.
Plus généralement, l’interrogatoire et l’examen permettent d’évaluer la prévalence de la maladie qui survient plus volontiers en présence de facteurs de risque de l’athérosclérose :
– hérédité ;
– tabagisme ;
– dyslipidémie (LDL) ;
– diabète ;
– HTA;
– excès pondéral, stress, ménopause.
3. Examens paracliniques
Électrocardiogramme
Électrocardiogramme d’effort (fig. 4.2)
C’est l’examen de première intention du fait de son rapport coût/bénéfice. L’épreuve d’effort pose le diagnostic lorsqu’elle est positive et permet d’évaluer la tolérance de l’ischémie (profil tensionnel, extrasystolie ventriculaire), son seuil d’apparition et la charge atteinte (en watts).
Scintigraphie myocardique de perfusion d’effort ou équivalent (fig. 4.3 cahier couleur)
Elle est réalisée lorsque l’épreuve d’effort est ininterprétable. Elle permet en outre la localisation de la zone ischémique et l’évaluation de son étendue.
Échocardiographie d’effort ou après dobutamine
Elle pourrait remplacer l’épreuve d’effort conventionnelle mais son interprétation est très dépendante de l’expérience de l’opérateur. Elle donne des informations superposables à la scintigraphie sans les risques liés à l’irradiation.
Coronarographie (fig. 4.4)
Elle est utilisée à visée diagnostique dans des indications limitées :
– angor d’effort classe 3 résistant au traitement (sans évaluation non invasive préalable) ;
– examens fonctionnels non contributifs ou discordants et probabilité de maladie coronaire suffisante ;
– récidive ischémique (ex. : épreuve d’effort positive) après ICP d’un tronc principal (ex. : IVA proximale).
Scannographie
Le scanner coronaire n’a pas d’indication dans l’angor d’effort.
C. Pronostic
Les facteurs de mauvais pronostic (risque vital ou de complications) sont de nature :
– clinique : angor de classes 3 ou 4;
– ergométrique : seuil ischémique bas, obtenu pour une charge faible (fonction de l’âge du patient) ou une fréquence cardiaque basse (< 130/min) ;
– isotopique ou échographique d’effort :
• plusieurs segments ischémiques,
• altération de la fonction ventriculaire gauche (FE < 40 %) ;
• lésions pluritronculaires, du tronc coronaire gauche ou de l’IVA proximale,
• altération de la fonction ventriculaire gauche (FE < 40 %).
D. Traitement
1. Généralités sur le traitement médical
a. Traitement de la crise
Il repose sur l’arrêt de l’effort et sur la prise de dérivés nitrés par voie sublinguale (une dragée à croquer et à laisser sous la langue ou un spray). Ils agissent en quelques secondes et peuvent être pris avant un effort important à titre préventif. Leurs seuls effets secondaires sont une céphalée et un risque d’hypotension si le sujet est debout au moment de la prise.
b. Correction des facteurs de risque
– Arrêt définitif de l’intoxication tabagique.
– Régime hypolipémiant et hypocalorique, activité physique.
– Traitement de l’hypertension artérielle (valeur seuil < 140/90 mmHg).
– Équilibration du diabète.
– Statine et inhibiteur de l’enzyme de conversion :
• statine : objectif LDL < 0,8 g/L (attention, nouvelle recommandation européenne de 2007, au lieu de LDL < 1 g/L antérieurement) ;
• IEC : ramipril ou périndopril 10 mg/j.
2. Médicaments anti-ischémiques en traitement de fond
Sauf cas particulier (facteurs de mauvais pronostic), les médicaments anti-ischémiques sont proposés en première intention. Les médicaments β-bloqueurs sont habituellement proposés sauf contre-indication en première intention. Les anticalciques et l’ivabradine sont indiqués en cas d’intolérance des β-bloqueurs ou en association. Les autres classes thérapeutiques sont prescrites comme adjuvants en cas d’efficacité insuffisante des β-bloqueurs.
a. β-bloqueurs
– Ils agissent en diminuant la consommation d’oxygène du myocarde par diminution de la fréquence cardiaque, de l’inotropisme et de la postcharge (pression artérielle).
– Ils sont contre-indiqués en particulier dans l’asthme, la BPCO sévère (bronchoconstricteurs) et le phénomène de Raynaud (vasoconstricteurs).
– La posologie optimale ramène à 60 bpm la fréquence cardiaque de repos et 130 bpm la fréquence à l’effort.
– Ex. : aténolol 100 mg, 1 cp/jour.
b. Anticalciques
– Leur action vasodilatatrice justifie leur prescription en première intention si une composante vasospastique est suspectée.
– Les anticalciques non bradycardisants (dihydropyridines) peuvent être associés aux β-bloqueurs.
– Ex. : diltiazem 120 mg, 1 cp matin et soir.
c. Ivabradine
– Inhibiteur des canaux If, c’est un produit purement bradycardisant par effet direct sur le nœud sinusal.
– Il peut être associé aux β-bloqueurs.
– Posologie 5 à 7,5 mg : 1 cp matin et soir.
d. Dérivés nitrés à libération prolongée
– Ils restaurent la fonction endothéliale et favorisent la sécrétion de monoxyde d’azote, substance vasodilatatrice.
– Ils sont prescrits essentiellement sous forme de timbre transdermique posé 18 heures/jour dans les formes cliniques invalidantes.
e. Molsidomine
– Son mode d’action est celui des dérivés nitrés. L’intérêt principal est l’absence d’échappement permettant le maintien d’une efficacité au long cours.
– Posologie 4mg: 1 cp matin, midi et soir.
f. Nicorandil
– Activateur des canaux potassiques ATP-dépendants.
– Vasodilatateur qui aurait de plus un effet protecteur du myocarde vis-à-vis de l’ischémie (pré-conditionnement).
– Posologie 20mg: 1 cp matin, midi et soir.
g. Trimétazidine
– Médicament à visée métabolique, il a un effet protecteur myocardique.
– Posologie forme LP 35mg: 1 cp matin et soir.
3. Médicaments anti-agrégants plaquettaires
a. Aspirine
– Inhibiteur de l’activation plaquettaire passant par la voie du thromboxane A2.
– L’indication est systématique chez tout coronarien en l’absence de contreindication (allergie, gastralgie).
– Posologie : de 75 mg (à 160 mg) par jour.
b. Clopidogrel
– Inhibiteur de l’activation plaquettaire passant par la voie de l’ADP.
– En monothérapie en cas d’intolérance à l’aspirine.
– Posologie : 75 mg soit 1 cp/jour.
4. Revascularisation myocardique
La revascularisation myocardique peut être proposée à visée fonctionnelle, lorsque les symptômes persistent malgré un traitement anti-ischémique optimal, ou à visée pronostique, lorsque les lésions menacent un territoire myocardique étendu.
a. Technique
On oppose les techniques de revascularisation non chirurgicales regroupées sous la dénomination intervention coronaire percutanée (ICP) à la chirurgie coronaire.
L’ICP est habituellement une angioplastie coronaire par ballonnet complétée de l’implantation d’une prothèse endocoronaire (stent).
Elle consiste à introduire dans l’artère coronaire lésée un cathéter à ballonnet et après l’avoir positionné au contact de la sténose, à le gonfler pour dilater cette dernière. La prothèse sertie autour d’un ballonnet spécifique est ensuite implantée lors de son inflation.
La cicatrisation de l’artère provoque chez certains patients une prolifération de tissu artériel qui conduit à la réapparition de l’obstacle endoluminal (resténose). Pour lutter contre ce phénomène des prothèses recouvertes de produits antimitotiques ont été proposées. Elles justifient un traitement antiplaquettaire prolongé sur plusieurs années du fait d’un risque thrombotique initialement sous-estimé. Les indications sont restrictives et évolutives.
Certaines lésions doivent être traitées par des méthodes plus complexes et anecdotiques, athérectomie rotative (Rotablator®), ballon coupant. Le laser et la radiothérapie ne sont plus utilisés.
Les pontages coronaires réalisent un court-circuit entre l’aorte et l’artère coronaire en aval de la sténose.
Ils sont pratiqués avec ou sans (pontage à cœur battant) utilisation d’une circulation extracorporelle (arrêt cardiaque, dérivation transitoire du flux sanguin vers un cœur artificiel). Les greffons utilisés sont de préférence artériels (artères mammaires, artères gastro-épiploïque ou radiale) mais parfois veineux (veine saphène).
b. Stratégie thérapeutique
En l’absence de facteurs de risque particulier, le traitement médical est prescrit en première intention.
La revascularisation est proposée en cas d’échec de l’effet anti-angineux du traitement médicamenteux (persistance des symptômes), si :
– l’ischémie myocardique est étendue (tests fonctionnels) ;
– la procédure proposée est à risque acceptable et la chance de succès suffisante ;
– le patient « informé » souhaite l’intervention.
La revascularisation chirurgicale peut être proposée pour améliorer le pronostic vital (+++). Cela concerne les patients qui présentent :
– une sténose du tronc coronaire gauche ;
– une sténose tritronculaire proximale et une fonction VG altérée ou une ischémie étendue ou un diabète ;
– une sténose et une altération de la fonction VG « potentiellement réversible » (viabilité).
Dans les autres cas, la revascularisation chirurgicale ou ICP est proposée pour améliorer le pronostic fonctionnel.
C’est le cas devant des sténoses mono- ou pluritronculaires symptomatiques (après échec du traitement médical ou d’emblée si le patient en accepte le risque) et si le risque opératoire du patient est acceptable. Le choix de la méthode est fonction des possibilités techniques (pontage ou ICP).
III. DÉFINITION DES SYNDROMES CORONAIRES (fig. 4.5)
Les SCA sont les conséquences de lésions instables. Ils traduisent une ischémie myocardique aiguë. Le pronostic immédiat est lié au risque de mort subite par trouble du rythme. La prise en charge médicalisée est urgente.
Les SCA, sans sus-décalage du segment ST (SCA non ST), s’expriment par une symptomatologie douloureuse habituellement spontanée et transitoire. Le diagnostic est essentiellement clinique. L’élévation de la troponinémie n’est pas systématique. Le traitement vise à prévenir le risque de survenue d’une occlusion coronaire aiguë (OCA).
Les SCA avec sus-décalage du segment ST (SCA ST) traduisent l’OCA. Le diagnostic repose sur l’association d’un angor persistant et d’une anomalie électrocardiographique caractéristique : le sus-décalage du segment ST. Le traitement a pour objectif de désobstruer très rapidement l’artère occluse.
IV. SYNDROMES CORONAIRES SANS SUS-DÉCALAGE DE ST
A. Généralités
1. Nosologie
La présentation clinique initiale de l’AI et celle de l’IDM non ST (AI troponine +) sont similaires et leur prise en charge est commune. L’instabilité clinique témoigne d’un processus thrombotique engendré par la rupture d’une plaque athéromateuse coronaire. Le traitement a pour but de prévenir l’occlusion coronaire aiguë.
2. Physiopathologie
La rupture d’une plaque athéromateuse (vulnérable car inflammatoire) induit une réaction thrombotique locale (initialement une activation des plaquettes). Le thrombus peut éventuellement se fragmenter.
Les fragments migrent alors vers l’aval de l’artère coronaire concernée (embolies capillaires) à l’origine de la constitution de foyers de micro-nécrose, actuellement détectés par l’apparition dans la circulation sanguine d’un marqueur spécifique : la troponine (elle s’élève lorsque la masse nécrosée excède 1 g de tissu myocardique). La nécrose reste limitée et dans la majorité des cas n’est pas détectée par les techniques d’imagerie cardiaque conventionnelle (ex. : échocardiographie). Elle n’altère pas de manière significative la fonction ventriculaire gauche. Le terme de «nécrosette» ou d’infarctus rudimentaire a pu être utilisé pour définir les conséquences myocardiques de ces micro-embolies.
3. Traitement
Le diagnostic d’un SCA non ST est avant tout clinique. La suspicion clinique justifie un transfert médicalisé en unité de soins intensifs coronaires (USIC).
Le traitement de l’AI et de l’IDM non ST (thrombus non occlusif) a pour objectif de prévenir l’IDM ST+ (thrombus occlusif).
B. Diagnostic d’un SCA non ST
1. Signes fonctionnels
Les caractéristiques de la douleur angineuse (ou de ses équivalents) sont les mêmes que dans l’angor stable. En revanche, les circonstances de survenue sont différentes.
a. Diagnostic
– angor spontané prolongé (> 20 min), régressif spontanément ou après absorption de trinitrine sublinguale (en particulier nocturne) ;
– angor d’effort sévère (classe 3 de la CCS) de novo (inaugural et décrit depuis moins d’un mois) en particulier crescendo (efforts de plus en plus faibles) ;
– aggravation récente d’un angor jusque-là stable (angor d’effort ancien) mais qui survient depuis peu pour des efforts moins importants (diminution du seuil ischémique), ou qui cède plus lentement à l’arrêt de l’effort (ou après prise de trinitrine sublinguale) ;
– angor apparaissant moins d’un mois après la constitution d’un IDM.
E. Braunwald a proposé une classification de l’angor instable tenant compte de l’expression clinique (spontané ou d’effort, de novo ou aggravé), des circonstances de survenue (peu après infarctus du myocarde ou indépendamment) et de l’existence éventuelle de modifications environnementales favorisantes (hyperthermie, anémie, tachycardie… ou, à l’opposé, absence de toute modification). Cette classification tend à être abandonnée mais souligne la gravité d’une forme clinique particulière, l’angor spontané prolongé récent (< 24 heures) survenant indépendamment de toute modification environnementale et qui était défini antérieurement par le terme approprié de « syndrome de menace d’infarctus du myocarde », qui insiste sur le risque évolutif en l’absence de traitement.
b. Formes atypiques
Elles sont cependant fréquentes.
Dans le doute, il est toujours préférable d’envisager une hospitalisation de 24 heures qui permet de confirmer ou d’infirmer le diagnostic :
– la douleur est épigastrique de repos, thoracique en coup de couteau, pseudo-pleurétique ;
– la douleur n’est pas influencée par la mobilisation des muscles de la région douloureuse, ni par la respiration profonde ;
– la douleur n’est pas provoquée par une mauvaise position.
c. Terrain prédisposant
L’angor survient :
– en règle chez un patient présentant des facteurs de risque de l’athérosclérose (âge, sexe, diabète, insuffisance rénale, dyslipidémie, HTA, intoxication tabagique, surcharge pondérale, sédentarité) ;
– éventuellement en cas de lésions athéromateuses connues (en particulier antécédents coronaires).
2. Examen clinique
Il est habituellement normal.
Il permet d’éliminer d’autres causes cardiaques (péricardite…) ou non cardiaques (pneumothorax…) de douleurs précordiales.
Il peut identifier d’autres localisations de l’athérome (souffle vasculaire) et comprend la mesure de la pression artérielle.
Il recherche des signes d’instabilité hémodynamique (râles crépitants, galop) et peut exceptionnellement mettre en évidence un souffle systolique précordial transitoire (insuffisance mitrale transitoire par ischémie d’un pilier de la valve mitrale).
3. Électrocardiogramme
Il doit être obtenu moins de 10 minutes après le premier contact médical lorsque le patient se présente à un service d’urgence (+++).
Il est enregistré habituellement après une crise douloureuse et, de ce fait, doit être renouvelé et comparé si possible à un tracé antérieur. Chez les patients qui bénéficient d’une surveillance cardiologique, cette comparaison sera répétée pour les tracés ultérieurs.
Il est recommandé de le renouveler de manière systématique 6 heures plus tard ou à l’occasion d’une éventuelle récidive douloureuse.
La mise en évidence de modifications transitoires de la repolarisation, en particulier durant une crise, permet de poser le diagnostic.
Modification ECG per-critique
– La modification la plus caractéristique est le sous-décalage de ST, horizontal ou descendant (en particulier > 1 mm dans deux dérivations contiguës ou plus).
– Le sus-décalage de ST horizontal ou convexe vers le haut définit l’angor de Prinzmetal. Cette anomalie transitoire est rarement rencontrée en pratique. Elle traduit une occlusion brutale complète mais transitoire d’une artère épicardique. Différents mécanismes peuvent être évoqués : thrombose non occlusive associée à une vasoconstriction (spasme) réactionnelle, occlusion thrombotique transitoire du fait d’une thrombolyse spontanée ou d’une fragmentation du thrombus…
– L’inversion transitoire de l’onde T n’a une valeur diagnostique que lorsque la variation dépasse 1 mm.
– Le tracé peut rester inchangé durant la crise, n’excluant pas le diagnostic.
Anomalie ECG post-critique
– Les mêmes anomalies de ST et de T observées à distance d’une crise douloureuse ont moins de valeur mais peuvent être en faveur du diagnostic après avoir éliminé les facteurs confondant (surcharge ventriculaire gauche, trouble de la conduction intraventriculaire…).
– La constatation d’une onde T négative profonde et symétrique dans les dérivations antérieures traduit habituellement une sténose sévère de l’artère interventriculaire antérieure.
4. Troponinémie
Les troponines T et I sont des marqueurs spécifiques (non enzymatiques) de la nécrose myocardique.
L’élévation de la troponinémie dans les suites d’un accident coronaire non occlusif (en pratique une crise angineuse transitoire) traduit une occlusion capillaire d’origine embolique, l’origine de l’embole étant le thrombus formé au contact de la plaque athéromateuse rompue.
La troponine est détectée dans la circulation 3–6 heures après le début de l’épisode ischémique et durant 24-48 heures. Le dosage (technique ultrasensible) doit être effectué dès le premier contact médical, le résultat doit être rapidement obtenu (< 60 min après admission) et renouvelé 6 heures plus tard et 3–6 heures après une éventuelle récidive douloureuse.
Outre son aide au diagnostic (lorsqu’il est cliniquement probable), la troponinémie a une valeur pronostique (risque intermédiaire) et thérapeutique (indication d’un traitement anti-GPIIb/IIIa).
C. Diagnostic différentiel
1. Précordialgie
Une précordialgie spontanée transitoire peut avoir une origine pleuro-pulmonaire, thoracique, gastroduodénale…
2. Anomalie ECG
Les anomalies ECG ne sont pas pathognomoniques de l’ischémie myocardique et ce sont les variations per-critiques de la repolarisation qui ont la valeur diagnostique plus importante.
3. Anomalie biologique
Les lésions myocardiques à l’origine de l’élévation de la troponinémie ne sont pas toutes d’origine ischémique ou secondaires à une embolie capillaire, ce qui limite la valeur diagnostique de ce marqueur.
• 5-FU
• Ablation
• Adriamycine
• Amylose
• Biopsie endomyocardique
• Brûlure > 30 % de la surface corporelle
• Cardioversion
• Contusion cardiaque
• Dissection aortique
• Embolie pulmonaire
• Hémochromatose
• HTAP sévère
• Hypertrophie myocardique
• Hypothyroïdie
• Insuffisance cardiaque sévère aiguë ou chronique
• Insuffisance rénale chronique ou aiguë
• Insuffisance respiratoire sévère
• Myocardite
• Péricardomyocardite
• Poussée hypertensive
• Rhabdomyolyse
• Sarcoïdose
• Sclérodermie
• Sepsis
• Stimulation
• Tachyarythmie ou bradyarythmie
• Tako-Tsubo
• Valvulopathie aortique
• Venin de serpent
• …
Un état de choc quelle qu’en soit l’origine ou un collapsus prolongé peuvent entraîner des modifications enzymatiques massives portant entre autres sur les SGOT et les LDH. Les CPK sont exceptionnellement intéressées. Ces modifications enzymatiques sont dues à l’hypoxie hépatique aiguë observée en présence d’un état de choc.
Des modifications enzymatiques portant sur les CPK peuvent s’observer dans l’évolution des accidents neurologiques aigus ischémiques ou hémorragiques, de même qu’en présence d’une altération du muscle squelettique. Le dosage des iso-enzymes cardiaques de la CPK permet de redresser le diagnostic.
La libération de troponine est hautement spécifique de dommage myocardique. La présence de troponine dans le sang circulant est donc équivalente de mort cellulaire cardiaque. Toutefois, un dosage élevé traduit un infarctus du myocarde seulement si ce dosage survient dans le contexte d’une cardiopathie ischémique avec scène clinique récente.
Dans les cas d’élévation de la troponinémie dans des pathologies cardiaques non coronaires, la libération de troponine signant le dommage myocardique ne procède pas d’un mécanisme ischémique mais d’un mécanisme différent comme l’apoptose (mort cellulaire programmée, particulièrement dans l’insuffisance cardiaque).
D. Pronostic du SCA sans sus-décalage persistant de ST
1. Généralités
Le diagnostic positif étant difficile, il est établi parallèlement au diagnostic de gravité. Le risque de décès ou d’évolution occlusive du thrombus doit être évalué à l’admission et réévalué en fonction d’éléments recueillis lors de la période d’observation.
Trois facteurs de risque majeurs sont facilement retenus (+++) :
– angor spontané prolongé (> 20 min) récent (< 24 heures) ;
– sous-décalage fluctuant du segment ST ;
– troponinémie positive.
La Société européenne de cardiologie identifie trois niveaux de risque qui conditionnent le degré d’urgence de la prise en charge en USIC.
2. Les trois niveaux de risque
– Très haut risque (indication de coronarographie immédiate) :
• angor réfractaire (persistant) ;
• angor récidivant malgré un traitement anti-angineux et antithrombotique optimal avec sous-décalage de ST ou ondes T < 0;
• manifestations d’insuffisance cardiaque ou instabilité hémodynamique (choc) ;
• arythmie ventriculaire grave (tachycardie ou fibrillation ventriculaires).
– Haut risque (indication de coronarographie rapide <72 h):
• troponinémie élevée ;
• variations fluctuantes du segment ST ou de l’onde T ;
• diabète ;
• insuffisance rénale ;
• fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40 % ;
• angor post-infarctus précoce ;
• antécédent d’IDM ;
• antécédent d’angioplastie coronaire (ICP < 6 mois) ;
• antécédent de pontage ;
• risque intermédiaire ou élevé suivant le score de gravité (cf. ci-après encadré score Grace).
• pas de récidive douloureuse ;
• pas de manifestations d’insuffisance cardiaque ;
• pas d’anomalie du premier ou du second ECG (6–12 heures) ;
• troponinémie nulle (admission et 6–12 heures).
Il attribue à chacune des données retenues (âge, fréquence cardiaque, pression artérielle systolique, créatininémie, stade Killip, présence d’un sous-décalage de ST, troponinémie > 0, arrêt cardiaque) une valeur et définit trois niveaux de risque.

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